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La réalité historique a-t-elle sa place dans le jeu vidéo?

Avec ses innombrables batailles, des intrigues de palais, ces dynasties et ses empires qui se font et se défont, l’histoire est une source d’inspiration inépuisable pour le jeu vidéo. Mais au delà du cadre et des paysages, peut-elle réellement exister de manière précise dans le média?

Le jeu vidéo a longtemps basé ses univers sur l’imaginaire. Rien de bien réel dans les aventures de Mario au Royaume Champignon ou les péripéties dragonesques de Skyrim. Alors quand un jeu prétend s’insérer dans une réalité historique, forcément cela attise la curiosité. Ce jeu c'est Kingdom Come Deliverance, un rpg open world dont l’action se déroule en bohême (République Tchèque actuelle ) au XVème siècle. Dans ce contexte méconnu, vous incarnez un fils de forgeron, et vous allez vous retrouver impliqué dans les intrigues politiques du royaume. Pas de magie, pas de monstres ni de dragons mais simplement des hommes.

Dès sa sortie, le jeu a été critiqué sur les questions de diversité. Les femmes y occupent une place très secondaire et la quasi totalité des personnages sont de type caucasien, et cela, d'après le créateur du jeu Daniel Vavra, par souci de fidélité historique. Ce même souci d’exactitude conduit le joueur à devoir fabriquer ses propres armes, faire attention à ses réserves de nourriture, ses vêtements et s’insérer dans la vie sociale de son village avant de s'inscrire dans une quête de plus grande ampleur. Un point d’honneur est mis à ne pas trop mettre en scène votre personnage, et à ne pas rendre son aventure démesurément épique quitte à imposer un rythme lent et un ennui latent. Ne vous attendez pas à nous plus à tomber sur PNJ fantaisistes ou des artefacts fascinants. Réalité historique oblige.

Le parti pris est total mais peut être au détriment d’une autre forme de mission : celle de retranscrire tout ce qui fait la magie et le sel d’une époque, à la manière des romans historiques. Un idée que l’on retrouve généralement dans la série Assassin’s Creed. Aussi fidèles avec l’histoire que Tiger Woods avec sa femme, ces jeux s’efforcent de retranscrire l'atmosphère des époques dans lesquelles ils situent leur action. Quitte à frôler le n’importe quoi quand le héros fait copain copain avec Léonard de Vinci, ou devient un assassin pirate qui fait des batailles navale. La révolution française se transforme en barnum, et l'authenticité du Londres victorien est sacrifié sur l'autel du fun.

La semaine même de la sortie de Kingdom Come Deliverance,  Assassin’s Creed Origins a même mis en place un mode spécial :  le Discovery Tour, où le joueur peut explorer l’histoire réelle de l’egypte ancienne. Ce mode est complètement séparé de l’histoire du jeu et ne comporte strictement aucun combat. Si l’idée et l'exécution sont louables et ont plutôt enthousiasmé les critiques, on peut aussi voir cette implémentation comme un constat d’échec : celui de l'impossibilité de la franchise de concilier réellement la réalité historique et le récit du jeu.

Kingdom Come Deliverance et Assassin’s Creed Origins sont tous deux des jeux open world immenses, riches avec des contenus qui ne le sont pas moins. Maintenir une cohérence narrative au sein du jeu dans de tels environnement est déjà un exercice d’équilibriste. Si l’on y ajoute la condition de réalité historique, le défi relève de l’ impossible. Dans un monde inspiré de la bohème du moyen-age, quel intérêt aurait un simple fils de forgeron à voyager de part le monde? à parler à tous les habitants? De la même manière, pourquoi des paysans s'intéresseraient-ils  à la quête du héros, ou aux manoeuvres politiques du récit principal?

L’intérêt ludique rentre en jeu et le scénario doit avancer parce que le joueur doit explorer, doit parcourir le monde, doit faire des quêtes. Le joueur reste un joueur de RPG avant d’être un petit fils de forgeron de la bohème du XVème siècle.
Dans un contexte réaliste, Kingdom Come aurait plutôt dû ressembler au jeu de gestion The Guild, avec un héros devenant un magnat de la forge, et accédant au pouvoir par le biais du lobbying. Prend forme alors un constat complexe pour le jeu vidéo : si l’on tient réellement à retranscrire le plus fidèlement possible  la réalité historique d’une période donnée, peut-être faut-il accepter que l’on raconte l’histoire des gens plutôt que celle des héros.

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