Depuis plus de 40 ans, chaque samedi soir sur NBC, les Américains peuvent apprécier l’émission Saturday Night Live. Quelle est la recette du succès ?
Programme de variété phare aux États-Unis, SNL ne semble pas – de loin – être une émission de télévision qui a une influence sur la culture populaire. Et pourtant, il est difficile de trouver une émission plus emblématique. Comment fonctionne-t-elle ? Quel est son rôle dans l’univers télévisuel américain ?
Saturday Night Live est un programme humoristique d’actualité. La structure de l’émission est basée sur 3 piliers : des sketches réalisés par un casting régulier et le présentateur de l’émission (généralement un artiste en tournée promotionnelle), des intermèdes musicaux en direct (par l’invité musical de l’émission), et le Week-End Update, une parodie de journal télévisé, se moquant de l’actualité de la semaine passée.
Généralement, la structure d’un épisode se compose d’un sketch d’ouverture prégénérique, qui se conclut par un des personnages qui annonce la devise de l’émission : « Live from New York, it’s Saturday Night ! » (En direct de New York, c’est Saturday Night). On a ensuite droit à un monologue, où l’invité de la semaine parle pendant 5 à 10 minutes de son actualité. Il arrive régulièrement que ce monologue soit agrémenté d’interventions d’autres personnes : comédien régulier assis dans le public, ou sur scène, voire d’autres invités surprise. On a ensuite une succession de passages humoristiques et musicaux. La majorité des sketches sont réalisés en direct, mais certains sont filmés en avance.
Des comédiens devenus iconiques
Durant ses 40 ans d’antenne, l’émission a révélé de nombreux talents au sein de son casting. Dès ses premières années, on a pu découvrir Dan Aykroyd et John Belushi (Blues Brothers), Jane Curtin (The Librarians, Unforgettable), Bill Murray (Ghostbusters, Lost in translation), Harry Shearer (les Simpsons)…
Alors que l’émission était sur le point d’être annulée, un humoriste fut révélé par l’émission, devenant une star tout en faisant partie du casting : Eddie Murphy. En effet, non seulement le comédien devint très populaire au sein de l’émission, mais il obtint des rôles de premier plan au cinéma et il se retrouva même à présenter SNL, tout en faisant encore partie du cast.
Après son départ, la production tenta de faire appel à des comédiens déjà connus, tels que Billy Crystal (Quand Harry rencontre Sally, Mafia Blues, Monstres et Compagnie) et Martin Short (Three Amigos). Mais, au vu de leurs salaires bien supérieurs aux comédiens débutants, le casting changea de nouveau, faisant place à des comédiens plus jeunes.
Au début des années 90, le public put découvrir Mike Myers (Austin Powers, Shrek) et Adam Sandler (Rien que pour vos cheveux, Self control), par exemple. Quelques années plus tard, ce fut au tour de Jimmy Fallon (The Tonight show), Tina Fey (30 Rock) et Will Ferrell (Anchorman, Megamind) d’être exposés au feu des projecteurs. Et, plus récemment, on put découvrir Bill Hader (Tempête de boulettes géantes), Andy Samberg (Brooklyn Nine-Nine) et Kristen Wiig (Ghostbusters) qui rafraîchirent la troupe de comédiens.
Des personnages cultes
Au cours de leurs passages dans l’émission, les comédiens créent des personnages qui, grâce à l’appréciation du public, obtiennent une forte popularité et sont réutilisés régulièrement. Certains ont même été réutilisés en dehors de l’émission, notamment dans des films produits par SNL.
Parmi les plus populaires, on notera par exemple la création des Blues Brothers. Ce groupe de musique réapparaît dans plusieurs épisodes, avant de produire des albums et d’avoir 2 films à leur nom (le second ne mettant pas en scène Belushi, décédé près de 20 ans plus tôt).
À la même époque, pendant les séquences Week-End Update, Gilda Radner créa le personnage de Roseanne Roseannadanna. Cette dernière était censée traiter de problèmes des consommateurs, avant de partir dans des tirades hors-sujets. Emma Stone (Amazing Spider-Man, La La Land) interpréta le même rôle de l’émission anniversaire des 40 ans.
Les années 80, comme dit plus haut, ont surtout été marquées par les sketches d’Eddie Murphy, qui a incarné des personnages tels que Buckwheat (une version adulte du personnage des Petites Canailles) et Gumby (version parodique du héros de la série d’animation du même nom, ressemblant à un chewing-gum).
La fin de cette décennie fut par contre menée par Dana Carvey (Spinal Tap) qui, avec Mike Myers, créa le duo de Wayne’s World. Le comédien créa de nombreux autres personnages tels que Lyle, l’hétérosexuel efféminé, ou Enid Strict, une dévote considérant les autres comme des moins que rien.
Depuis les années 2000, beaucoup de ces personnages ont été introduits pendant le segment Week-End Update. Stefon (joué par Bill Hader) propose des idées de sorties dans New York assez loufoques et généralement pleines de sous-entendus, Drunk Uncle (Bobby Moynihan) représente l’oncle raciste conservateur qui se plaint de la jeune génération, Cecily Strong (Staten Island Summer) incarne la « fille avec qui on n’aurait pas dû démarrer une conversation en soirée », etc.
On a également eu le droit à des parodies de jeux télévisés, tels que le Celebrity Jeopardy avec Will Ferrell imitant Alex Trebeck (le présentateur du véritable jeu) et Celebrity Family Feud avec Kenan Thompson (Kenan & Kel, Les Schtroumpfs) prenant la place de Steve Harvey (qui présente actuellement le jeu aux Etats-Unis).
Pas que du direct
Bien que la majorité des sketches soient réalisés en direct, certains sont préenregistrés. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Certains contiennent des plans « en plein air », et ne peuvent donc pas être joués en pleine nuit à New York. Il s’agit souvent de fausses bandes-annonces de films, tels que Black Widow (incarnée par Scarlett Johansson), ou Bambi (joué par The Rock). Certaines sont aussi des parodies de publicités.
On retrouve également, dans cette catégorie, les dessins animés. Ces séquences, regroupées sous la bannière TV Funhouse, sont souvent des parodies de personnages réels, ou de dessins animés déjà existants. Parmi les plus connus, on a le Ambiguously Gay Duo (doublés par Steve Carrell et Stephen Colbert), un duo de super-héros dont l’amitié est si forte qu’il est difficile de ne pas y voir de l’homosexualité, les X-Presidents, mettant en scène des anciens présidents américains qui ont acquis des super-pouvoirs, et le Michael Jackson Show, racontant les aventures du Roi de la Pop dans un style inspiré des cartoons Hannah-Barbera.
Enfin, les séquences préenregistrées les plus connues sont certainement les clips musicaux. Réalisés par Akiva Schaffer (un des auteurs de l’émission), ces clips mettent régulièrement en scène le trio composé de Schaffer, Jorma Taccone (Kung Fury) et Andy Samberg, accompagnés de l’invité de l’épisode. Parmi les chansons les plus populaires, on a le rap de Natalie Portman, les duos entre Samberg et Justin Timberlake à la façon des groupes de R&B des années 90, ainsi que le reste du répertoire des Lonely Island.
L’influence sur le petit et grand écran
Bien que Saturday Night Live soit avant tout une émission de variété et de comédie, il n’en reste pas moins que son existence a été rythmée par la culture populaire. Tout d’abord, bon nombre de comédiens ont réussi à percer grâce à l’émission et sont désormais des noms célèbres du petit et du grand écran. En plus de tous les noms cités auparavant dans l’article, on peut évoquer Joan Cusack (School of Rock, Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire), Seth Meyers (Happy New Year) ou encore Amy Poehler (Wet Hot American Summer, Vice Versa).
De plus, certains personnages créés dans des sketches ont eu le droit à des films les mettant en scène. Cependant, à part Wayne’s World et Blues Brothers, la majorité de ces films n’ont pas eu de bons résultats au box-office.
Malgré les relatifs échecs commerciaux des films estampillés « Saturday Night Live », beaucoup d’autres films ont vu le jour grâce aux rencontres effectuées sur le plateau de l’émission. Ainsi, le duo Murray/Aykroyd fut la pierre angulaire de Ghostbusters. Dans les années 2000, le film Anchorman mettant en scène Will Ferrell contient plusieurs autres anciens membres du SNL, tels que Chris Parnell ou encore Steve Carrell (qui a surtout eu un rôle « hors caméra » dans l’émission).
En 2016, le film Popstar : Never stop never stopping tourne autour de l’équipe des Lonely Island, tout en invitant d’autres anciens de l’émission dans le film, tels que Bill Hader et Joan Cusack.
L’influence de l’émission ne s’arrêta pas au grand écran. Au cours des années, l’émission a permis à des séries télévisées, telles que 30 Rock, de prendre vie. Cette série tourne autour du célèbre immeuble situé au 30 Rockfeller Plaza à New-York. Ce bâtiment est surtout connu pour contenir les studios de la NBC, chaîne diffusant Saturday Night Live. Bon nombre de comédiens jouant dans cette série (Tina Fey, Alec Baldwin) sont d’anciens membres du casting du SNL.
Une forte relation avec la culture populaire
L’émission n’influença pas uniquement les médias filmés. En effet, elle a reçu plusieurs hommages à travers des comics au cours des années. La toute première fut au cours d’un Marvel Team-Up. Dans cet ouvrage, Stan Lee et Rick Jones sont les invités, tandis que Peter Parker et Mary-Jane Watson sont dans le public. Au cours de l’histoire, Peter doit revêtir son costume de Spider-Man et fait donc équipe avec le casting de l’époque, certains s’habillant même en personnages de l’univers Marvel. Plus récemment, dans le comics Ghostbusters, Ray Stantz (le personnage de Dan Aykroyd) rencontre un personnage ressemblant énormément à Jake Blues, joué par John Belushi.
En plus d’avoir eu un impact sur la culture populaire, l’émission a aussi rendu de nombreux hommages à cette dernière. Au cours des années, les acteurs ont proposé des parodies de nombreuses franchises que ce soit au niveau des comics (la fête des super-héros, les funérailles de Superman), des films populaires (Avengers, Star Wars), des livres (Harry Potter, Game of Thrones), etc...
Ces dernières années, l’émission a également réalisé des faux castings de films, pour montrer ce que d’autres acteurs auraient donné dans de grands rôles. On a ainsi pu assister au casting de Star Wars : The Force Awakens avec Michael Bublé, Maggie Smith et Sofia Vergara, ainsi qu’à celui de Fifty Shades of Grey avec Emma Stone, Seth Rogen, Aziz Ansari, Tilda Swinton…
La version française
Vers le milieu de l’année 2016, M6 a annoncé qu’ils allaient produire une version française du Saturday Night Live. La première émission a été diffusée en janvier 2017 sans, pour le moment, proposer une suite. Il est certes difficile de juger une émission après un épisode, mais il est facile de repérer les similitudes et les divergences entre les deux versions. Tout d’abord, le maître de cérémonie choisi était Gad Elmaleh, ce qui est assez logique, car il est sans aucun doute un des humoristes préférés des Français. En comparaison, la version originale avait eu George Carlin, un des humoristes les plus populaires d’Amérique.
Dans le même temps, il est difficile d’imaginer que les autres comédiens de l’émission soient des « réguliers ». Marc-Antoine Le Bret et Malik Bentalha sont certes au début de leur carrière, mais Jamel Debouzze et Gérard Darmon ne risquent pas de revenir.
L’émission était, comme son homologue transatlantique, composée de sketches et d’intermèdes musicaux. Cependant, en 2 à 3 fois plus de temps d’antenne, il semblait évident qu’on allait avoir droit à des répétitions. En effet, parmi les sketches, beaucoup étaient des parodies d’émissions de télévision, les autres étant centrés sur la politique ou le personnage de Gad Elmaleh. Le dernier segment humoristique fut cependant une grosse déception pour les fans de l’émission originale : une reprise pure et simple d’un des sketches les plus populaires du SNL : More cowbell (Plus de cloche de vache).
Dans la version originale, Christopher Walken (Sleepy Hollow, Attrape-moi si tu peux) interprète un producteur de musique qui va diriger l’enregistrement du nouveau single de Blue Oyster Cult. En plus des habituels membres d’un groupe de rock, on a un joueur de « cowbell », interprété par Will Ferrell, qui frappe comme un forcené sur son instrument. Ceci exaspère le reste du groupe, mais le producteur demande à chaque fois « More cowbell ». Dans la version française, tout est repris, quasiment mot pour mot. Là, Gérard Darmon reprend le rôle de Walken tandis que Gad Elmaleh interprète le personnage de Ferrell. Cette version tombe légèrement à plat, notamment parce que Christopher Walken est difficilement imitable et également parce que le groupe et la chanson parodiée sont inconnus en France.
Saturday Night Live est une émission de divertissement ayant beaucoup apporté à la culture, que ce soit par la création de personnages cultes ou par la découverte de nouveaux talents.