Il y a 10 ans, les mutants étaient redevenus les personnages les plus flashy de l'univers Marvel. Ce mois-ci, ils sont relancés, pour la énième fois, afin de ne pas tomber dans l'oubli. Que s'est-il passé pour tomber aussi bas ?
Les Avengers sont probablement les rois de l'univers Marvel au 21ème siècle. Les X-Men n'ont toutefois pas à rougir face à leurs camarades, qu'ils ont affrontés en 2012 lors d'un méga-crossover visant à clôturer 8 années passées à reconstruire le catalogue de l'éditeur. Cette confrontation entre les deux plus grosses franchises Marvel, si on omet Spider-Man, ponctue les fascinants parcours de ces deux familles de héros. On pense alors que l'avenir est doré pour ces licences, mais en très peu de temps, les mutants sont mis au placard par la volonté évidente de l'éditeur de réduire leur importance.
Avant d'analyser les choix éditoriaux et l'importance donnée aux mutants au fil des différents relaunchs durant la dernière décennie, je voudrais rappeler deux choses. Tout d'abord, j'estime que Wolverine et tous les titres directement liés à ce personnage ne font pas partie de la franchise X-Men. Le personnage est si populaire que son sort est comparable à celui de Spider-Man. Il représente une franchise à part entière, qui a parfois compté jusqu'à cinq titres publiés simultanément. Ensuite, un rappel sur la situation des X-Men avant 2008. Les excellents runs de Grant Morisson et Josh Whedon ont ramené la lumière sur les mutants au début des années 2000. Le travail d'Ed Brubaker est aussi à saluer.
Une énorme saga initiée avec le crossover House of M prend alors le relais. Les mutants sur Terre sont réduits à 200 membres, jusqu'à ce que naisse Hope Summers, le premier nouveau-né de l'espèce depuis des mois, engendrant une folle course-poursuite entre les factions. A la fin de Messiah Complex en 2008, Cable s'enfuit avec le bébé dans le futur, promettant à Cyclops de revenir avec ce messie mutant. Avec ce crossover, les fans ont répondu présents et les critiques saluent le travail effectué. Que se passe-t-il ensuite ?
Une nouvelle ère
En 2008, une nouvelle ère s'ouvre pour la franchise X-Men avec Divided We Stand. Ce n'est pas un crossover mais une bannière rassemblant les séries mutantes à l'occasion du nouveau statut-quo. Les X-Men ont repris l'initiative avec Messiah Complex et doivent préparer le monde au retour de Hope. Marvel propose 7 séries mutantes pour exploiter cette situation, ce qui est excellent quand on sait que l'éditeur publiait une cinquantaine de titres mensuels.
Il y a bien sûr la série mère Uncanny X-Men qui donne le ton pour la franchise. Matt Fraction prend le relais d'Ed Brubaker et déménage les héros sur la côte ouest des USA. L'autre série principale, X-Men Legacy, est scénarisée par Mike Carey, qui effectue un superbe travail depuis une bonne année. N'oublions X-Factor, le chef d'oeuvre de Peter David, qui poursuit son chemin de manière semi-indépendante. Si Astonishing X-Men est en chute libre, le lancement de X-Force est une réussite totale et impose un nouveau standard pour la franchise. Elle deviendra par la suite Uncanny X-Force, une formule améliorée du concept.
Il y a aussi la série Cable, qui se croisera avec X-Force au bout d'un an pour la saga Messiah War, et enfin Young X-Men, le nouveau nom pour le titre présentant les aventures des jeunes mutants. Au bout d'un an, cette dernière est remplacée par New Mutants, plus iconique. Cette époque se conclut en 2010 avec Second Coming, la suite directe de Messiah Complex où Hope fait son retour. Un grand moment pour les fans des X-Men. La situation des mutants évolue enfin depuis cinq ans avec un nouveau statut-quo pour ce peuple. Notons le lancement la même année d'une troisième série X-Men, qui présente des histoires sympathiques, ni plus ni moins, et de Generation Hope, qui se focalise sur Hope.
Schisme et AvX
Un an plus tard, Marvel renverser la table et propose une nouvelle direction pour la licence. Après avoir digéré le retour de Hope, on a l'impression que les mutants ne peuvent pas avancer car le bilan de la jeune fille est famélique avec seulement cinq nouveaux mutants. Marvel ne veut pas voir ses X-Men heureux et retarde le retour d'une espèce disposant d'une population de taille mondiale. L'éditeur lance alors Regenesis avec faste. La mini-série Schism prépare le terrain en divisant Cyclops et Wolverine sur l'éducation des jeunes mutants. La communauté se déchire et s'oppose autour des deux leaders.
9 séries sont publiés à cette époque et montrent la division des mutants. D'un côté, Uncanny X-Men, X-Men, New Mutants et Generation Hope. Rien de bien nouveau, on reste sur le schéma d'une série principale, une équipe secondaire et deux séries sur des jeunes héros. En face, Wolverine and the X-Men souffle un air frais sur la licence en proposant des histoires fun et un décor délirant, l'Institut Jean Grey. X-Men Legacy et Astonishing X-Men sont des séries secondaires, Uncanny X-Force et X-Factor poursuivent leur route. Ce schisme prépare le crossover Avengers Vs X-Men et l'arrivée du Phénix. Comme vu en introduction, cela redéfinit tout l'univers Marvel et prouve que les X-Men ont une place clé sur l'échiquier de l'éditeur.
La révolution insuffisante
La conséquence directe d'Avengers Vs X-Men, c'est le relaunch Marvel NOW!. Ce qui est selon moi un coup de génie éditorial offre aux mutants une place de choix. Entre 2012 et 2015, il y aura jusqu'à 10 séries X-Men, avec des concepts forts et des artistes réputés aux commandes.
C'est à Brian Michael Bendis, l'architecte du renouveau des Avengers, que l'on confie le destin des mutants. Il scénarise deux titres par mois, All-New X-Men et Uncanny X-Men. Jason Aaron reste aux commandes de Wolverine and the X-Men et le duo sera bientôt rejoint par Brian Wood (la série X-Men avec un casting féminin). X-Force voit double avec Cable and X-Force (Hopeless) et Uncanny X-Force (Humphries). La « franchise » est ensuite réunie dans un seul titre X-Force écrit par Spurrier qui s'est fait remarquer avec X-Men Legacy (qui est actuellement adaptée à la télévision dans la série Legion).
A mi-chemin, de nouvelles séries voient le jour: All-New X-Factor (Peter David), Cyclops (Greg Rucka), Magneto (Cullen Bunn) et Storm (Greg Pak). Sur la forme, Marvel soutient comme jamais les mutants. Dans le fond, le résultat n'est pas à la hauteur. Aaron quitte sa série qui dépérit. Bendis n'est pas à la hauteur et les titres X-Force ont perdu de leur superbe. Les nouvelles séries sont surtout des aventures solos et ne développent pas l'univers X-Men. C'est là que la rivalité entre Marvel Studios et la Fox prend de l'ampleur, sur fond de droits d'adaptation, ce qui paralyse les comics par la volonté de certains décideurs. L'univers Marvel connaît un immense bouleversement suite à Secret Wars. Toutes les cartes sont rebattues et les mutants se font avoir.
La déchéance programmée
Nous sommes en 2015 et l'éditeur propose sa relance nommée All-New All-Different Marvel. Sur près de 75 titres publiés, seulement trois sont réservés aux X-Men et deux pour Wolverine, signe d'un fort déséquilibre.
Jeff Lemire est présenté comme le nouveau boss de la franchise. Avec Extraordinary X-Men, il doit imprimer la nouvelle direction, sur fond de conflit latent avec les Inhumains. Comme dans le cas de la mort de Wolverine, c'est Charles Soule qui débarque au dernier moment pour conter l'histoire qu'un autre a préparé. En plus, c'est mauvais (Death of X et IvX). Tout est expliqué dans cet article.
La deuxième série est All-New X-Men. On retrouve Denis Hopeless mais le pauvre se voit confier les premiers X-Men, des personnages qui n'ont plus leur place dans le présent de l'univers Marvel. L'éditeur ne sait plus quoi en faire et la qualité s'en ressent. Enfin, Uncanny X-Men qui est scénarisé par Cullen Bunn, qui poursuit là son travail sur Magneto. C'est tout simplement X-Force nouvelle version.
La franchise X-Men est malade car elle ne propose rien de neuf et s'embourbe dans la médiocrité. Une ambitieuse relance est nécessaire, comme un traitement de choc, car les fans se détournent et les ventes sont ridicules. De plus, la Fox qui semblait reprendre la main sur la licence avec le travail réalisé depuis X-Men First Class en 2011, se loupe totalement avec X-Men Apocalypse. La nouvelle trilogie semble à bout de souffle, en atteste le faible nombre d'informations circulant sur le prochain film. Le studio semble aussi plus attiré par Deadpool, succès surprise, et des films solos plus matures. C'est à Marvel de reprendre l'initiative avec la publication de X-Men Prime, un one-shot qui lance une nouvelle ère, ResurrXion, après la guerre contre les Inhumains. Toutefois, je n'ai pas l'impression que l'éditeur ait les moyens de ses ambitions.
ResurrXion de face
Que nous propose Marvel avec ResurrXion ? Tout d'abord, un énorme bond en nombre de séries publiées. En effet, on passe de 3 titres à 8 annoncés à ce jour. Fort logiquement, la répartition des titres est classique, car l'éditeur souhaite revenir aux racines du succès de la franchise. Il y a donc les équipes principales, la série de jeunes, la team X-Force ou quelque soit son nom et des séries solos.
X-Men Gold et X-Men Blue, c'est la nouvelle thématique, hommage à d'autres ères appréciées du public. X-Men Gold (2 fois par mois) est scénarisée par Marc Guggenheim. Loin d'être un cador, c'est un artiste réputé dans l'industrie, surtout pour son travail à la télévision sur les séries DC à la CW. En comics, il ne m'a jamais convaincu, en atteste sa série Young X-Men. Il est accompagné aux dessins par Ardian Syaf et RB Silva, des artistes de seconde zone (je suis généreux). En revanche, le casting de la série est alléchant: Kitty Pryde, Diablo, Colossus, Tornade, Rachel Grey, Old Man Logan et Gambit. Il vont affronter la Confrérie des Mauvais Mutants et des Sentinelles depuis leur nouvelle base située dans Central Park. Avec des étudiants à protéger et la volonté de retrouver un rôle de super-héros, c'est la série qui va donner le ton pour la franchise dès avril. Problème, ça commence par une méga polémique qui oblige Syaf a quitté le titre.
En face, X-Men Blue (2 fois par mois). C'est la troisième série centrée sur les Premiers X-Men venus du passé. Cette version des personnages lasse le public. Jean Grey dirige l'équipe composée de Cyclops, Iceman, Angel et du Fauve. Emma Frost sera dans les parages et Magnéto servira de mentor. C'est Cullen Bunn qui dirige les aventures de l'ancien vilain depuis des années, qui va écrire ce titre dessiné par Jorge Molina, Matteo Buffagni et Julian Lopez. Bref, rien de folichon même si on nous promet du classique avec le Juggernaut, Black Tom Cassidy, les Maraudeurs, Mr Sinister, Mojo, Madripoor....
En parlant de classique, la série Astonishing X-Men espère dès juillet faire chaque mois l'événement. Marvel mise beaucoup sur ce titre, qui semble indépendant du reste du catalogue, pour mieux vendre la chose en boutique. Gros casting pour le coup, aussi bien au niveau des dessinateurs (Jim Cheung, Ron Garney, Greg Land, Phil Noto) que des mutants (Old Man Logan, Archangel, Mystique, Rogue, Gambit, Bishop, Psylocke et Fantomex). L'histoire ne semble pas avoir de fil rouge, le scénariste désirant (ou étant chargé) de faire un tour du monde des X-Men pour affronter des vilains classiques. Le problème, c'est que Charles Soule est le scénariste. Quel gâchis. J'espère me tromper, mais l'auteur n'a cessé de me décevoir après un intéressant début de carrière.
Séries solos
Voyons maintenant les séries solos. Je suis très peu client de cette formule car les auteurs se concentrent surtout sur les émotions du personnage principal, au détriment du scénario. Ces titres sont aussi plombés par de nombreux guest-star qui ne permettent pas de construire sur le long terme. La série Iceman semble rassembler toutes ces fautes de goût. Publiée dès juin, elle sera écrite par Sina Grace. Le gars est un inconnu à qui l'on doit une obscure mini-série chez Image Comics. Marvel a le don pour donner sa chance à un nombre impressionnant d'artistes, espérons donc que ce monsieur saura prouver sa valeur. Personnellement, je n'ai pas le budget pour acheter une série où l'on va suivre la quête identitaire de Bobby, un thème qui a déjà été abordé à de trop nombreuses reprises depuis quelques années.
Passons à la série Jean Grey. Le soldat Dennis Hopeless change d'univers et se voit charger de préparer un énième retour du Phénix. La jeune fille va chercher une solution en consultant tous ceux qui ont été possédé par cette force cosmique, y compris Namor. Il faut s'attendre à de nombreux voyages inutiles, jusqu'à la confrontation contre le Phénix qui pourrait surprendre, enfin, je l'espère. C'est un événement en soi, digne d'un crossover comme AvX, mais qui semble passer au second plan cette fois.
Pour finir avec les séries solos, il y a Cable. C'est mon chouchou, d'autant plus que j'apprécie le travail de celui qui illustrera le titre, Carlos Pacheco. En revanche, James Robinson n'est pas un de mes auteurs préférés. Il est toutefois remonté dans mon estime avec la série Squadron Supreme. Cette fois, il nous propose une aventure totalement indépendante du reste du catalogue mutant. Cable va traquer un super-vilain à travers le temps. L'occasion de voir le mutant à différentes époques de l'Histoire. Typiquement un titre dispensable qui saura ravir une partie du lectorat, moi y compris.
Les autres teams
Dernière catégorie de séries, les équipes secondaires. On place de grands espoirs dans ces titres qui se veulent originaux, même si la formule est éculée. Il y a tout d'abord Generation X, le nouveau foyer des jeunes X-Men. Sous la direction de Jubilee, on va suivre les aventures de Quentin Quire, Eye-Boy, Benjamin Deeds, Nature Girl, Bling! et une nouvelle nommée Hindsight. Comme d'habitude, c'est un véritable défi pour le scénariste car il faut créer un osmose entre ces personnages qui ne sont pas encore assez fort individuellement pour attirer le public, hormis Quire bien sûr. Là aussi Marvel réalise un pari en offrant le poste de scénariste à Christina Strain, une ancienne coloriste qui a travaillé récemment sur l'excellente série télévisée The Magicians. On va lire avant de juger, car tout est possible avec ce genre de titre.
En revanche, il est permis de s'exciter avec Weapon X. Si Greg Land reste le dessinateur des aventures de l'équipe d'assassins des X-Men, c'est à Greg Pak que revient la charge de redynamiser la formule. On fait confiance à ce très bon scénariste, surtout qu'il va pouvoir utiliser un casting intéressant: Old Man Logan, Sabretooth, Domino, Lady Deathstrike et Warpath. L'équipe va faire face à un nouveau programme qui désire tuer tous les mutants en utilisant des cyborgs, avec un vilain mystère à la clé. Ouais, rien de bien original, mais vous connaissez l'adage: c'est dans le vieux pots qu'on fait les meilleurs recettes. Ou pas.
En tant que fan des X-Men, je ne peux qu'espérer le succès de cette relance éditoriale. Néanmoins, je me dois de souligner le manque d'ambition et des choix qui m'effraie. Marvel donne plus d'exposition aux mutants, c'est donc maintenant aux artistes de relever le niveau.