23 ans après sa naissance, la licence Mortal Kombat semble avoir trouvé un second souffle à l'occasion de la sortie de son dixième opus. Cependant, ce n'est rien comparé à l'aura de la saga à ses débuts.
Pour les plus jeunes d'entre vous qui n'ont pas connu les années 90, Mortal Kombat est probablement un nom mythique du jeu vidéo sans trop savoir pourquoi. Vous avez peut-être déjà joué à l'un de ces jeux ou connaissez certains de ses personnages. Vous avez sûrement compris la principale différence avec les autres univers : la violence, le gore, le coup final humiliant. Toutefois, avez-vous réellement conscience que ce nom a longtemps été sacré pour de nombreux joueurs ? En effet, Mortal Kombat, c'était la promesse d'un affrontement sanglant. Dans ces jeux vidéo, que l'on sache jouer ou pas, à la fin, son personnage va soit humilier son pote, soit nous décevoir et se faire exploser la tronche. À une époque où les parents ne comprenaient pas encore bien le phénomène jeu vidéo et ne se doutaient pas de sa violence, Mortal Kombat représentait le fruit défendu, comme GTA des années plus tard. Le plus beau dans tout cela, c'est que la légende de cet univers s'est écrite pendant l'âge d'or des jeux de baston, les années 90.
LA FOLIE DU VS FIGHTING
Il y a plus de 20 ans, les éditeurs proposaient les gros jeux vidéo sur des bornes d'arcade avant de les transposer sur consoles de salon. Les dates d'apparition de ces univers sont donc multiples car tout le monde n'avait pas accès à ces bornes. L'année 1992 dans le jeu vidéo est clairement celle du VS Fighting, c'est à dire les jeux de baston. Au Japon, Capcom lance Street Fighter 2, le jeu qui va populariser le genre, voire le perfectionner. Du côté des USA, c'est Midway qui attaque fort avec une nouvelle licence, Mortal Kombat. Retour au Japon avec SNK qui teste le délire avec Fatal Fury. L'année d'après, Sega explose les rétines avec son jeu de baston en 3D nommé Virtua Fighters. En 1994, Namco se lance à son tour dans l'arène avec Tekken alors que SNK trouve la bonne formule dans The King of Fighters. De nombreux jeux du genre ne sont pas recensés ici, mais pour faire simple, au milieu des années 90, on se tape joyeusement avec des joysticks ou des manettes à 6 boutons devant un écran pendant des heures.
Pour Mortal Kombat, après un premier opus acclamé en 1992 qui a été développé par quatre personnes (c'était normal à l'époque), c'est la folie dès 1993 et le second épisode. Les ventes sont historiques et sont comparables à celle d'un film. Plus de 30 millions de copies de la franchise ont été vendues en 2012. C'était, dans les années 90, une cash-machine et tout ce qui portait le logo ou l'image de cet univers s'écoulait rapidement. Elle a inspiré des dizaines de copies et a dominé le marché global du jeu vidéo aux côtés de Street Fighter jusqu'à la fin des années 90. Les années 2000 seront celles de la déchéance car l'entreprise Midway va mal et sera carrément liquidée. En 2009, Warner Bros rachète la licence pour développer son pôle jeu vidéo au côté de Batman entre autres. Il faut dire que l'opus Mortal Kombat vs DC Universe en 2008 est à l'origine d'un certain renouveau, profitant de la popularité de Batman et compagnie pour ramener sur le devant de la scène l'univers Mortal Kombat. Il faut cependant attendre 2011 pour enfin voir un nouveau jeu Mortal Kombat à la fois ambitieux et techniquement convenable. Mieux, c'est une base saine pour relancer la saga avec un retcon du scénario (ce qui veut dire ménage narratif, on modifie le passé). Les critiques sont bonnes et l'éditeur écoule plusieurs millions de copies, retrouvant un statut comparable à celui de sa grande rivale, Street Fighter, elle aussi de retour à l'occasion des années 2010. Autant dire que Mortal Kombat X se veut être le jeu d'une nouvelle génération de gamers.
UN UNIVERS VIOLENT ET ENVOUTANT
Dans la pop culture, tout est cyclique. Ce qui a marché un jour sera abandonné avant de refaire surface. Ce fut le cas pour toutes les licences phares des années 70-80, c'est désormais le tour de celles des années 90. Ainsi, un nouveau film Mortal Kombat a été annoncé il y a de cela quelques années mais il semble actuellement au point mort. Nous avons eu le droit à des web-séries appréciables mais rien qui ne fasse de l'ombre au magnifique nanar de 1995. Dans ce film, on retrouve derrière la caméra Paul W. S. Anderson, celui qui réalisera par la suite les films Resident Evil et Alien Vs Predator. Devant la caméra, c'est un défilé d'acteurs qui ne feront jamais carrière : Robin Shou (Liu Kang) est surtout un bon cascadeur ; Linden Ashby (Jonny Cage) a eu son heure de gloire avec la série TV Melrose Place ; Bridgette Wilson (Sonya Blade) est mariée au joueur de tennis Pete Sampras ; quand aux autres, ça oscille entre mannequins et champions d'arts martiaux reconvertis en acteurs de seconde voire troisième zone qui n'ont jamais eu d'autres succès cinématographique à leur actif.
Seuls deux acteurs se démarquent de ce film tout aussi culte que les jeux. Tout d'abord, Cary-Hiroyuki Tagawa, un japonais qui incarne Shang Tsung (et qui a aussi officié comme méchant du film Tekken). Il a à son actif de nombreuses séries TV cultes (Star Trek The Next Generation, Babylon 5, Heroes) ou le rôle de Sanga, le pote du grand vilain Tong Po dans la saga Kickboxer (le gars qui pétait un mur avec ses jambes). C'est pas mal, mais ce n'est pas une tête d'affiche. Non, le gars qui va rendre ce film un tout petit peu crédible (vous aurez déjà compris que c'est le logo Mortal Kombat qui a tout fait), c'est Christophe Lambert. Alors que les plus jeunes doivent rigoler et se dire « mais c'est quoi ce délire », sachez que dans une autre vie, Christophe Lambert, c'était un des gars les plus badass du cinéma MONDIAL. Tel Van Damme (mais dans un autre style), il multipliait les blockbusters sur des thèmes variés, de la SF à la fantasy en passant donc par la baston. Tarzan en 1984, Subway en 1985 avec Luc Besson et Highlander en 1986, ça vous installe une carrière d'entrée. Malheureusement, l'artiste a ensuite enchaîné les mauvais choix, minant sa réputation auprès du grand public malgré son talent. L'acteur français ne participera pas même pas à la suite, étant déjà lié au tournage de Beowulf... Le premier film est un succès total (122 millions de dollars de recettes pour un budget d'environ 18) et se laisse regarder, le second opus se casse la gueule (créativement et commercialement) en 1997 alors que la saga vidéoludique entame son déclin. Tout est lié et les producteurs ont au choix soit bien surfé sur le phénomène, soit épuisé le filon.
Jouer à Mortal Kombat en 1992, c'est avoir l'impression visuelle d'être dans un film et pas un jeu ou un dessin animé comme dans Street Fighter. La violence est aussi fondatrice du succès de la saga. Enfin, il y a tout l'aspect mythologie avec un univers clairement asiatique (et non occidentale avec l'import de combattants asiatiques), ce qui permet au jeu de se démarquer. Ce n'est pas un tournoi qui réunit les plus grands combattants de chaque discipline mais des personnages qui sont happés dans un monde pour défendre le leur. L'identification est plus facile, même si comme partout certains combattants se démarquent, notamment le duo Sub-Zero et Scorpion. Au fil des épisodes, le casting s'élargit et la mythologie de cet univers s'étoffe avec ses légendes et sa propre chronologie, mais on reste fasciné par ses têtes d'affiche. On veut les jouets (pardon, les figurines) de ces personnages et on essaye d'impressionner ses amis à la récré en jurant que son frère ou cousin aîné nous a laissé jouer au jeu. C'était ça Mortal Kombat : un univers fascinant où le sang récompensait les meilleurs combattant. Dernière chose, et pas des moindre : la grosse innovation du jeu était la Fatality, le coup final après sa défaite. C'est l'humiliation suprême. Votre adversaire a perdu et ne peut plus se défendre, à vous de rajouter à cette défaite un coup extrême et gore qui va le décapiter par exemple. C'est une exécution, bien plus humiliante que de voir son personnage tombé au sol. Une autre époque on vous dit...
Voir Mortal Kombat occuper de nouveau le devant de la scène rappel de nombreux souvenirs à tout une génération de gamers. Tout licence culte est immortelle, ce retour était donc inévitable. Espérons juste qu'il ne soit pas éphémère et qu'il génère un nouveau opus réellement incontournable, même pour les non-adaptes de VS Fighting.