Pop Fixion

Débat : de l'utilité des remakes de film

Depuis le début des années 2000, le cinéma n’a jamais autant jeté de coups d’œil dans le passé afin de refaire ce qui a été précédemment fait, en témoignent des films comme La Planète des Singes (Tim Burton, 2001), Halloween (Rob Zombie, 2007), Total Recall : Mémoires programmées (Len Wiseman, 2012), Carrie la Vengeance (Kimberly Peirce, 2013), et Robocop (José Padhila, 2014). Remettant essentiellement au goût du jour des films fantastiques ou de science fiction, cette démarche cinématographique n’en demeure pas moins une habile recette garantissant à coût sûr un succès au box office, tout en minimisant en même temps les risques de production. Devant la pléthore de films adaptés de célèbres réussites d’antan à laquelle les spectateurs se retrouvent confrontés de nos jours, nous sommes en droit de nous demander si les remakes constituent véritablement un objet cinéphilique, ou s’ils ne répondent simplement qu’à une facile stratégie commerciale…

Article initialement publié en juin 2014 dans le magazine Pop Fixion #3

Adapter un film à partir d’un autre existant précédemment peut sembler à première vue inintéressant voire inutile, mais l’idée ne date pourtant pas d’hier. En effet les remakes se comptent par centaines, si ce n’est pas par milliers depuis les balbutiements du cinéma. Dès 1892, les frères Lumière tournent plusieurs versions de L'Arroseur arrosé afin de multiplier les angles de vue mais aussi pour pouvoir fournir plusieurs copies. Georges Méliès, de son côté, se consacre plusieurs fois durant sa carrière à la réalisation de remakes de ses propres films dans le but de présenter au public des spectacles toujours plus magiques. Ayant pour point de départ d’importants pionniers du cinéma et profitant de l’avènement du parlant en 1927, le remake va acquérir de plus en plus d’importance dans le monde du Septième Art jusqu’à en devenir une composante essentielle pour ne pas dire incontournable. Ce qui semble même être de nos jours une mode indémodable auprès des cinéastes et des producteurs. C’est le cinéma américain, plus que tous les autres, qui y a eu plus recours et qui continue aujourd’hui à y revenir invariablement, en puisant dans ses propres films, mais également dans les productions cinématographiques étrangères à succès (King Kong de Cooper et Schoedsack, 1933/ La Totale de Claude Zidi, 1991/La Cage aux Folles d’Edouard Molinaro, 1978/Ring d’Hideo Nakata, 1997). Les recettes engrangées par Hollywood font des Etats-Unis le numéro 01 de l’industrie du remake dans le monde du cinéma. Titre mérité étant donné que le cinéma américain, bien qu’il soit hermétique aux films étrangers ainsi qu’aux sous-titres, sait parfaitement canaliser le potentiel d’un film, et déployer les moyens nécessaires afin de livrer d’attractives reprises cinématographiques qui ont une nette tendance à faire oublier leurs points filmiques de départ, pourtant dignes d’intérêt. Les remakes ne sont toutefois pas tous des réussites (Quand Gus Van Sant et Marcus Nispel revisitent Alfred Hitchcock et John Milius, leur adaptation personnelle de Psychose (1999) et Conan (2011) est loin de valoir celle de leurs illustres prédécesseurs), et les Etats-Unis ne demeurent pas les seuls en course, étant talonnés par leurs voisins asiatiques (Le Bon, la Brute, et le Cinglé de Kim Jee Woon). Mais la machine hollywoodienne est toujours en marche et ne semble pas prête de s’arrêter, le remake étant systématiquement apprécié et encouragé par le grand public.

Si les spectateurs se plaisent à visionner des adaptations de films d’antan, quant est-il de ceux qui les réalisent et les produisent ? Ne nous y trompons pas, même si les investigateurs de tel ou tel remake sont des passionnés convaincus ou des artisans cinématographiques talentueux, cette démarche leur assure comme il a déjà été dit une réelle minimisation des risques en même temps que de faibles coups de production, tout en s’appuyant sur la renommée d’un film culte. La guêpe n’étant pas folle, l’expression faire du neuf avec du vieux n’a jamais eu autant de sens qu’au cinéma. Mais le succès est également au rendez-vous quand le remake dépoussière un film moins connu (grâce à un battage médiatique effroyable qui profite de l’occasion pour faire la publicité de la sortie Blu Ray/DVD du film rétro initial) ou un « mythe » culturel (c’est pourquoi on trouve plusieurs biotypes centrés sur un même personnage dans le monde du cinéma, mais toujours avec un regard différent, et c’est cela qui est intéressant !). Ayant toujours à l’esprit une stratégie commerciale et économique, le remake peut aussi avoir l’intention de conserver les fans de la première heure tout en s’assurant l’adhésion de nouveaux adeptes grâce à l’actualisation d’anciens films (c’est le cas de Scarface de Brian de Palma qui modernise le chef d’œuvre du même nom d’Howard Hawks, mais avec quel brio !) ou l’exploitation d’une franchise (les films d’horreur en tête). D’un point de vue plus professionnel à présent, car il n’y a pas que l’argent dans l’industrie du cinéma (et oui…), le remake peut également répondre à la nécessité d’un réalisateur de retravailler son propre film (Alfred Hitchcock et l’Homme qui en savait trop, 1934 et 1956/ Takashi Shimizu et ses diverses adaptations de Ju-On/Hideo Nakata et ses deux Ring 02, 1998 et 2005). 

Restons donc dans le domaine de la cinéphilie et portons notre attention sur les attentes d’un remake auprès du public et surtout des cinéphiles. Reprenant toujours le scénario original de ce qui a déjà été filmé, les remakes peuvent présenter un intérêt certain car, présentant une vision différente d’une même œuvre initiale, le contenu est donc plus ou moins fidèle à l’original et les différences présentes sont révélatrices des caractéristiques de leur époque de réalisation (choix idéologiques ou politiques entraînant des censures de scènes et/ou des suppressions de répliques), ainsi que des avancées technologiques (son, couleur, maquillage, animatroniques, effets numériques…). Ce qui importe toutefois vraiment et qui permet de faire accéder le remake au rang d’œuvre cinématographique n’est pas la fidélité comme tout le monde s’accorde à le croire (un film présentant le même aspect et la même portée qu’un autre précédemment fait n’a à mon sens aucun intérêt) mais plutôt la cohérence par rapport à l’œuvre d’origine. Une cohérence au niveau des points de reprises et aussi au niveau des points de divergence. Un remake a les moyens de transcender son œuvre d’origine s’il propose une lecture nouvelle et captivante d’une intrigue ou d’une idée déjà connues. A l’inverse, un remake raté, c'est-à-dire qui se repose sur des acquis et n’exploite nullement les nombreuses possibilités du cinéma d’aujourd’hui peut malheureusement faire sombrer dans l’oubli un film ancien présentant malgré tout des qualités techniques et scénaristiques remarquables. On a tendance à qualifier le remake de reprise, je lui préfère plutôt le terme d’adaptation, car en adaptant un film à partir d’un autre, on est libre d’y porter un autre regard et de proposer une lecture différente et par conséquent originale : nous n’avons donc pas là un bon remake, nous avons tout simplement un bon film.

 

Partager cet article

Tags

Sur le même thême

Aucun commentaire

Laisser un commentaire

Pop Fixion

A propos de Pop Fixion

Pop Fixion est un magazine proposant des articles sur la Pop Culture et ses médias : comics, mangas, BD, jeux vidéo, films, animation, séries tv et romans.

Informations complémentaires

Vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent conformément à l'article 34 de la loi "Informatique et Libertés" du 6 janvier 1978. Vous pouvez à tout moment demander que vos contributions à ce site soient supprimées.