Voilà maintenant 3 mois que Destiny est disponible. Près de 13 millions de joueurs ont témoigné leur intérêt pour cet hybride mêlant FPS et MMORPG. Depuis, le bébé de Bungie/Activision a fait parlé de lui. Compte-rendu d'un explorateur de cet univers.
Article Inédit.
« Il faut toujours choisir son camp petite lumière, même si c’est le mauvais. »
Revenons en septembre. Ouverture fébrile de la boîte, installation, excitation… tout est au rendez-vous : le classique menu de création de personnage, un cube volant animé d’une magie lumineuse vous ramène à la vie - classique - et vous vous frayez un chemin à travers les premiers obstacles. Jusqu’au moment où vous rencontrez le grand Guide qui vous explique tout… ou plutôt qui était censé le faire, soit, retournez au front Gardien ! Ainsi se déroule vos premiers instants dans le jeu : vous tirez, votre compagnon active des machines au moyen de savantes combinaisons le tout entrecoupé de répliques scabreuses. J’étais assez confiant connaissant les antécédents de Bungie en leur capacité à livrer une expérience vidéo-ludique hors du commun, l’originalité fut au rendez-vous : des aliens intrigants, des armes pleines de personnalité et des alliés mystérieux.
L’histoire se déroule et vous ne connaissez pas les motivations de vos ennemis, ni même les vôtres, si ce n’est de sauver Le Voyageur, une entité extraterrestre qui nous aurait bénie de sa lumière bienveillante jusqu’au jour où tout a basculé. Mais attention, si Destiny radine en intrigue, il nous sert copieusement en action. Mes débuts en tant qu’Arcaniste (une classe de personnage) m’ont convaincu du potentiel de ce jeu. Vous disposez de l’arsenal classique du soldat intergalactique : armure, armes, vaisseau, grenades. Mais vous êtes bien plus, vous êtes un messager de la Lumière et vous êtes capable en cas de difficulté de planer, flanquer vos ennemis et déployer une super attaque dévastatrice, le tout en quelques touches. Et ça marche contre l’I.A aussi bien que contre d’autres joueurs. De tels actes de bravoures devraient être récompensés, ne croyez-vous pas ? Ce jeu réussit le tour de force d’être frustrant et très fun à la fois aussi bien pour un hardcore gamer qu’un casual.
Buff, Nerf, loot, RNG, grinder, famer
Ces termes vous sont familiers si vous êtes accoutumés aux MMO, sinon c’est du chinois (en vrai c’est de l’anglais). Vous vous y ferez (ou pas) tant ces mécanismes ont été intégrés et perfectionnés depuis les ancêtres Everquest, WoW ou Guild Wars. Les loots (comprenez : récompenses) sont aléatoires et ce sentiment de loterie vous tiendra en haleine comme un joueur de machine à sous. La technique de la carotte a ses adeptes, mais elle a aussi ses détracteurs et ils se sont fait entendre parmi la communauté. Les voies de RNGésus sont impénétrables.
Au cours de vos missions, vous errez sur les différentes planètes peuplées par vos ennemis, mais aussi par d’autres gardiens. C’est dans cet aspect que réside l’essence de Destiny : la coopération. N’importe qui peut vous aider à tout moment. Une option qui s’avère obligatoire pour les challenges les plus relevés. Mes meilleurs moments du jeu impliquent la coopération. Les assauts et les raids sont l’occasion de s’organiser et se soutenir malgré les frustrations pour venir à bout de la mission. Ils amènent ces fameux « Destiny moments » (des instants Nutella !). Et c’est l’atout majeur de cette licence.
En revanche, les pires aspects du jeu sont liés à la répétitivité du gameplay : le grinding et le farming. Pour progresser, il vous fallait, à l’époque, tourner en rond sur la carte pour récupérer des matériaux, un aspect classique du MMORPG certes, mais piètrement exécuté ici et ne favorisant que les joueurs disposants de beaucoup de temps. Je dis «à l’époque » parce que cet aspect a été modifié, à la demande des joueurs. Les casuals comme les hardcore gamers étaient donc contents. Un peu plus tard, le premier Raid a révèlé ses merveilles, dont une arme unique : L’exégèse du Vex, récompensant les plus téméraires et/ou chanceux des joueurs. Deux semaines plus tard, l’arme est nerfée (castrée) à la demande des joueurs, car jugée trop puissante en multi ! Puis buffée récemment, toujours selon la demande… Ceci est juste un exemple démontrant l’aliénation de Bungie à vouloir satisfaire des types de joueurs très différents. En effet depuis le lancement, l’éditeur, via ses patchs et son CM emblématique DeeJ, a répondu coups sur coup aux joueurs, à sa façon… Mais la communication est bien présente ! Fort de cette communauté, une énorme fanbase s’est créée autour du jeu, pour en profiter à plusieurs, partager astuces et trouvailles mais aussi - et c’est assez insolite pour être noté - combler les lacunes du jeu. Des sites tels que Destinylfg ont vu le jour et sont devenus une alternative indispensable pour réunir les joueurs efficacement quand le jeu ne propose pas de matchmaking. À tort ou à raison, BUNGIEVISON n’a pas jugé utile d’implémenter ces fonctionnalités en jeu.
C’est donc un peu tendu entre Bungie et les joueurs depuis que le jeu est sorti, pour la simple et bonne raison que le jeu est très différent de ce qui a été présenté à l’E3. Quand vous regardez cette vidéo de comparaison et que vous y avez joué, vous avez cette désagréable impression d’avoir une œuvre tronquée, lessivée…Comprenez-moi bien, le jeu est fun. Addictif diront certains. Et la communauté très active, mais, parce qu’il y a un « mais » :
- Les personnages et l’univers sont fades sans les cartes de grimoires,
- L’impression de vagabondage interplanétaire qu’on nous avait vendue est inexistante
- Et les mécanismes, que l’on accepte ou pas, ne s’intègrent pas dans le jeu.
Ce qui provoque un désinvestissement émotionnel du joueur lambda qui veut s’attacher à un univers accessible directement, ou ne peut se satisfaire de collectionner les trophées et les challenges. Et sur la toile, tous les doigts pointent en direction d’Activision, le distributeur de la très (trop ?) connue franchise Call of Duty depuis l’opus Modern Warfare 2, désigné comme le monstre qui abat inlassablement ses calamités du marketing : bonus de précommande, exclusivité et DLC.
Soyons honnêtes, ils sont loin d’être les seuls dans ce cas. « Mais un mal n’en devient pas moins mauvais parce que les autres le pratiquent ! ». On pourra aussi noter les points suivants qui ont défrayé la chronique : la précipitation de l’éditeur à patcher les exploits avant les bugs, les quémandes de nerf/buffs d’équipement, les soucis de réseau (qui ont été mineurs pour ma part), et le système de récompenses amélioré à la demande des joueurs.
Les Ténèbres Souterraines
Nous sommes en décembre, et la première extension a débarqué et a rameuté tous ceux qui s’étaient lassés de l’expérience. Un nouveau Raid, un nouvel assaut exclusif Playstation, 3 cartes pour le multijoueur et de nouvelles quêtes impliquant la Ruche et ses sombres desseins. On rencontre Eris Morn, un nouveau personnage qui se trouve bien plus intéressante que ceux déjà présents à la Tour. On voit à ses stigmates qu’elle revient de loin et elle vous envoie finir le travail. C’est rafraichissant, le niveau de difficulté est relevé et pour ce qui est de l’histoire, la voix éthérée d’Eris nous accompagne dans le Gouffre des Enfers (charmant hein ?) pour mettre fin à cette nouvelle menace. Un contenu plus que correct pour son prix, à découvrir et à redécouvrir … Encore une fois Bungie a répondu aux attentes et a rendu à nouveau disponible la tant demandée Lame de Cropta pour tous les joueurs possédant ou pas le DLC.
Mais comme toujours quand il y a la carotte, le bâton n’est pas loin... La plainte principale concernait l’impossibilité (temporaire) pour les non-possesseurs du sésame de participer aux assauts de la semaine. Une surprise qui n’a pas plu, mais qui se révèle compréhensible quand on sait qu’Activision veut booster les ventes du DLC. Le problème majeur est que les progrès antérieurs et le temps investit se retrouvent anéantis par l’arrivée de l’expansion. On s’attendait à ce que l’équipement du nouveau raid surclasse celui de l’ancien, mais pas l’équipement vendu à la Tour. Bungie a mis en place un système qui semble punir le joueur proportionnellement à son niveau d’investissement personnel, sans parler de l’ajout de nouvelles monnaies et items qui semblent être mis en place uniquement pour freiner la progression des joueurs les plus avancés. Et ça pourrait coûter cher à l’éditeur si le noyau dur de sa fanbase décide de passer à autre chose. Concernant le rapport qualité/prix, les nouvelles cartes sont léchées tout comme le nouvel équipement et le Raid propose de nouveaux mécanismes très intéressants. On regrettera néanmoins le style du boss de l’assaut exclusif Playsation qui s’avère être un reskin pur et simple du Nexus, une remarque qui avait déjà été faite pour d’autres boss.
Destiny n’est pas le messie qui devait changer la face du monde vidéoludique, loin de là. Mais le jeu reste bon malgré les problèmes précédemment cités, sans doute pour cet aspect coopération très bien maîtrisé et la communauté qui fournit du contenu et renouvèle constamment l’intérêt du jeu. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Je totalise bientôt près de 218 heures sur Destiny, une statistique témoignant mon amour pour ce jeu. Mais vous êtes seuls à savoir quel profil de joueur vous êtes et si Destiny vous correspond. Il manquait un grand MMO sur la planète console. Avec cette nouvelle franchise, c’est chose faite. Je pense sincèrement que Bungie peut encore redresser la barre (après tout, il faut croire en la magie de Noël !). L’œuvre souffre sûrement du fardeau d’être pionnière, de changer ses règles trop souvent ou alors d’avoir dévoilé trop tôt beaucoup de ses atours, s'exposant au risque de décevoir son public. Public considérable, mais très hétérogène. Nous connaissons trop bien les changements qui peuvent apparaître dans un jeu entre sa présentation et son lancement final, mais quand on observe le monde du jeu vidéo, la tendance actuelle est de montrer un maximum de contenu avant l’heure. On trouve néanmoins des contre-exemples comme le studio CD Projekt RED, pour ne citer que lui, qui reste très secret, mais cela amène un autre débat.