Le cinéma c’est l’entreprise du réel. Un constat qui peut être triste quand on y pense, mais il faut admettre qu’il est régit par des règles financières et animé par des travailleurs dans le but de créer un semblant de réalité et de crédibilité aux projets. Pourtant il arrive parfois que des destins se croisent et cherchent à construire leurs vies cinématographiques ensemble. C’est le cas de trois Anglais, qui ont réussi à créer une trilogie non pas basée sur une histoire et des personnages, mais simplement sur eux même et leurs envies créatives.
Et oui là où Hollywood cherche à développer des franchises sur des personnages et des univers en les usant jusqu'à la moelle, il existe quelques larrons qui se sont dit que la véritable franchise absolue pourrait être celle comprenant uniquement leurs bobines. Une direction à contre courant aujourd'hui où les acteurs doivent servir des univers ultra markettés en posant leur nom sur l'affiche sans pour autant apporter leur créativité. La trilogie cornetto elle veut simplement montrer qu'une même équipe de cinéma peut travailler ensemble, construire des projets intéressants et toujours différents sans perdre de créativité. Un véritable plongeon dans une histoire de personnes au sein de cet univers impitoyable qu'est le cinéma.
Ils s’appelaient Edgard Wright, Simon Pegg & Nick Frost
Aujourd’hui quarantenaires, ces trois personnes entretiennent pourtant une amitié créative depuis de longues années bercées par leur amour de la comédie et de l’Angleterre.Simon et Nick, sont à la base un duo que la vie a réuni au cours de leurs études, la colocation étant parfois un le siège de belles rencontres. Deux compères qui ont ensuite partagé le même métier : Acteur. Simon Pegg en 1999 va en effet créer une série humoristique pour la télévision anglaise Spaced/Les Allumés. Diffusée pendant deux saisons sur Channel 4, la série a été un succès apprécié pour son ton et son humour. L’acteur Pegg a donc gouté à la popularité avec ce premier grand rôle, mais il fut accompagné par l’acteur Frost dans cette aventure, Pegg ayant invité son ami a participé à la série, lui qui voulait se tourner vers le milieu du sport.
Seulement pour faire un trio il faut trouver un troisième homme, et c’est au même moment que le réalisateur Edgard Wright s’est intégré à la sitcom Spaced. L’entente entre les trois hommes s’est donc créée à cette période chacun amenant sa touche personnelle au Trio : Pegg est doué pour les scénarios et l’humour, Frost est le parfait acteur de comédie pouvant être à la fois sensible et gras, Wright est le créatif avec son travail visuel et ses nombreuses références utilisées. Il fallut ensuite prendre le tournant du cinéma après un début télévisé prometteur à l’aube des années 2000. C’est ainsi que le trio débute la conception de leur premier film Shaun of the Dead, se voulant comme une comédie horrifique et romantique sur fond d’invasion zombie. Premiers pas au cinéma en 2004, le film possède des qualités du cinéma indépendant, mais se veut grand public permettant l’adhésion de la presse et la création d’une base de fan solide de cette fine équipe. Avec 30 millions de dollars au box office mondial, le succès est d’estime et suffisant pour ce type de film. En 2007 c’est au tour de Hot Fuzz d’être proposé au public, une parodie déjanté des films de flics sauvant le monde. Et pour le coup c’est un réel succès puisque près de 80 millions de dollars sont engrangés montrant le soutien continu des fans et de la critique.
Ces deux films bien que très différents sont pensés par notre trio comme une trilogie, et alors que Wright a été appelé par les grands studios hollywoodiens pour Scott Pilgrim et Ant man, Pegg et Frost eux aussi ont cédés aux sirènes du cinéma avec de grands projets comme Star Trek et Mission impossible pour Simon ou des plus modestes comme Attack the block pour Frost, retardant ainsi la réalisation finale de cette saga. Après avoir intégré des projets de films d’animation en tant que duo pour Tintin et l’âge de glace, acteurs et réalisateur ont pu se retrouver pour mettre en place Le dernier pub avant la fin du monde en 2013. Les amateurs sont toujours là pour accueillir chaleureusement le film, mais cette fois ci le succès est plus mitigé avec seulement 40 millions de dollar de recettes pour une vingtaine de budget. La trilogie se termine donc sur un léger essoufflement et on peut se demander si ce trio va continuer de collaborer pleinement ensemble, chaque protagoniste étant à un tournant de sa carrière aujourd’hui.
Une trilogie qui ne se ressemble pas
Si cette équipe créative a su faire parler d’elle et avoir le soutien des spectateurs et des critiques c’est avant tout parce qu’elle a réussi à proposer quelque chose de différent dans le cinéma actuel, et en plus se renouvelant à chaque film. Il faut ainsi comprendre que chaque épisode de la trilogie cornetto est voulu comme un hommage à un genre et un réel divertissement intelligent aussi bien sur sa forme que sur le fond.
Shaun of the Dead est ainsi très facilement reconnu comme une parodie de films de zombie, George A Romero ayant marqué des générations avec sa Nuit des morts vivants, dont Edgart Wright. Le film va ainsi prendre le tournant de l’humour pour renouveler un genre assez moribond avant la frénésie Walking dead tout en hésitant pas à montrer l’horreur, montrer le sang. Outre ce parti pris scénaristique le premier film de la trilogie a réussi à imposer un style visuel. Wright se veut comme un réalisateur artiste, il aime le cinéma et même pour un bête film de zombie il essaya de rendre une réalisation travaillée. Les plans de caméra sont ainsi finement choisis, la musique d’une séquence doit apporter une puissance à la scène et ainsi de suite. Des exemples sont ainsi marquant, comme la fameuse scène du pub où les différents personnages se battent en rythme sur un Queen endiablé à l’aide de queue de billards. Le film en lui-même est un vrai vent de fraicheur, l’humour est bien senti se basant à la fois sur des dialogues et sur des situations loufoques, les personnages de looser interprétés par Frost & Pegg fonctionnent parfaitement, et l’histoire d’amour parmi ce monde de zombie donne un enjeu agréable à suivre sans aller dans le mélo écœurant. D’autant plus qu’au centre de l’histoire on trouve l’amitié de nos deux loosers et la relation à la famille dans une situation dramatique telle qu’une invasion de mangeurs sanguinaires.
Hot Fuzz lui est allé dans un genre différent, plus de grande menace, pas de maquillages extravagants… Non le film ce veut juste comme une histoire policière avec une enquête, un mystère à résoudre. Un sujet qui peut paraître bien banal et sans grande envergure d’autant plus que l’action se situe dans la campagne anglaise, on est donc loin du côté bankable des films de flics à course poursuite et explosions. Pourtant l’idée de génie du film est bien ce contraste entre mise à l’écran de personnages étant de primes abords lourds et ennuyeux, des habitants d’un village tranquille et un flic zélé, et d’une tension qui va monter tout le long du film concernant cette enquête pour terminer en apothéose par de vraies scènes d’actions. Le film est au final peut être le plus original de toute la trilogie et avec l’atmosphère la plus intéressante. Cette fois ci l’hommage est aussi rendu à l’Angleterre profonde et donc aux racines du trio qui ont connu autre chose que les grandes villes, et l’amitié et présenté lors de son apparition et non pas comme quelque chose de déjà établie.
Le Dernier pub avant la fin du monde est le film qui conclut cette trilogie, il a été pensé ainsi et donc on le ressent à l’écran. Ici la quête de Pegg sur une amitié perdue pour donner un sens à sa vie est clairement un sujet qui amène bien plus à la réflexion et au retour en arrière. Un joli sujet qu’il faut mettre en perspective avec toute l’histoire vécue par ces trois compères. Si l’amitié est toujours au centre du film, en y développant ce qu’elle a de plus fort et d’indestructible, il ne faut pas oublier que là encore on fait face à un film de genre, avec la réinterprétation des vieux films de science fictions et d’invasion extraterrestre. On peut d’ailleurs repérer de réelles références à 2001 l’odyssée de l’espace ou encore le Jour où la terre s’arrêta. Le film va de plus se tourner un peu plus vers l’action que ses prédécesseurs entrecoupé par des scènes de beuveries pleines de souvenirs. On peut toutefois reconnaître un rythme moins efficace dans ce film et un enjeu qui a du mal à devenir moteur. Le film garde toute la créativité visuelle de Wright et les personnages biens définis de Pegg, mais peut être que cette dernière étape s’est elle-même rendue moins efficace à cause de cet adieu.
Une trilogie qui a ses codes
En visionnant les films on peut constater que l’identité ne se fait pas dans l’histoire où même dans les personnages, mais bien dans l’aspect créatif des films. Il y a des codes visuels, des acteurs récurrents et des thématiques prépondérantes. Wright est à la réalisation, il s’amuse, il expérimente et impose son style. Il va ainsi créer des plans communs à tous les opus de la trilogie, comme le fait de filmer des verres en train de se remplir vus sous différents angles. Il va aussi imposer des montages très serrés sur des petites actions, des poignets de portes, des pintes et autres tout cela en mettant en avant les bruits de ces objets. Sa réalisation se fait aussi par la répétition de gags comme celui de la palissade qui est devenu un classique. Pegg ou Frost vont ainsi dans chaque film foncer dans une haie, une barrière ou autre et ça n’est jamais très glorieux comme dans tout bon film d’action.
Les acteurs sont biens entendus identiques, Pegg & Frost ont toujours les rôles principaux mais d’autres aussi sont apparus dans chaque film. Martin Freeman, autre acteur anglais de la même génération, est ainsi présent à chaque fois, pour obtenir un rôle central dans le Dernier Pub avant la fin du monde. Bill Nighty, acteur vétéran anglais, est lui aussi mis à contribution dans des petits rôles qui ont toujours leur importance. La trilogie essaye ainsi de conserver ce côté « équipe », parfois l’équipe s’est même agrandie en cours de route comme avec l’intégration de Paddy Considine dès Hot fuzz. Se voulant toujours comme des films pleins de références, le choix des acteurs en a aussi été une, le trio ayant réussi à faire jouer deux anciens James Bond avec eux, Timothy Dalton dans Hot Fuzz et Pierce Brosnan dans Le dernier pub avant la fin du monde. Des rôles à contre emplois avec cette figure mythique d’espion qu’ils ont pu représenter.
Les thématiques développées sont elles à l’image du trio, avec cette place forte de l’amitié, et ces personnages qui partent sans réelles armes combattre des évènements biens plus importants qu’eux. C’est un peu l’histoire de leur amitié et de leur parcours professionnel qui au final est développé en deuxième ou troisième lecture dans ces films. Il ne faut néanmoins pas oublié que l’humour et le gag restent un réel moteur dans cette relation artistique, et le nom de cette trilogie en est bien un parfait exemple. Un cornetto qui apparaît dans chaque film, cela peut paraître absurde et futile mais au final ça reste toujours un plaisir d’en voir un.
Wright, Pegg et Frost ont réussi le pari de montrer que le cinéma pouvait être exigeant et divertissant grâce à l’amitié qui les anime. Cette trilogie qu’ils ont créé est incontestablement une œuvre à voir tant elle arrive à se démarquer de la production habituelle sans pour autant laisser les spectateurs sur le carreau. Peut être est ce parce que ces trois bonhommes ont toujours cherché à faire des œuvres sans compromis et avec un partie d’eux même à l’interieur.
Farid
Le 21 octobre 2015 à 17:28C'est normal si je n'ai pas aimé Hot Fuzz ? :( J'ai trouvé que c'était trop dans la parodie avec un humour qui m'étais étranger...
DaftVenom
Le 21 octobre 2015 à 18:13Faut boire plus de bière Farid pour apprécier ;) Ou alors tu as du mal avec l'humour anglais, le côté très décalé. C'est le plus WTF de la trilogie, et c'est à mon sens le meilleur. Mais il ne faut pas oublier la réal aux petits oignons!
Farid
Le 21 octobre 2015 à 18:24Je ne bois pas de bière, j'ai donc la réponse !!! :D Non, en général j'aime bien l'humour anglais, mais là, j'avais l'impression d'un film qui veut faire de la parodie mais qui ne l'est pas assez. Genre tout le début, sur l'arrivée dans la ville et sa découverte si je me souviens bien, je me suis fais chieeeeeeeeeeeeeeeeeeeeer