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Buzz : le succès des films Hunger Games

​Les années 2000 au cinéma ont été celles de la suprématie de la saga HARRY POTTER. Sa fin en 2011 a donné lieu à une bataille entre studios afin de trouver une saga littéraire capable de reprendre le flambeau. Si TWILIGHT a su conquérir le cœur du public féminin entre 2008 et 2012, une autre saga semble faire l'unanimité auprès du public depuis l'année dernière  : HUNGER GAMES. À l'occasion de la sortie du deuxième opus au cinéma, retour sur un phénomène qui a réussi à surprendre toute l'industrie du cinéma. 

Article initialement publié en décembre 2013 dans le magazine Pop Fixion #2

L'histoire de Katniss Everdeen n'est pas bien compliquée. Jeune ado de 16 ans, elle vit dans une Amérique post-apocalyptique nommée Panem. Cette région du monde est contrôlée par Le Capitole qui domine les douze districts et, pour contenir toute velléité de rébellion et en punition au soulèvement survenu 74 ans plus tôt, ce gouvernement organise les sanglants Hunger Games, les jeux de la faim. Chaque année, deux enfants entre 12 et 18 ans sont tirés au sort dans chaque districts pour le représenter dans ce jeu télévisé. L'objectif est simple : on lâche les enfants dans une arène pour qu'ils s'entretuent sous les yeux du public. Il ne peut bien sûr y avoir qu'un seul gagnant qui rentrera chez lui riche et célèbre.  

À l'occasion du 74ème Hunger Games, la jeune Katniss, qui vit dans le 12ème district, se sacrifie en prenant la place de sa petite sœur, tirée au sort. Dans le monde de Panem, la technologie est réservée aux riches du Capitole alors que les districts, exploités et soumis, vivent dans un simili de 19ème siècle. Le père de Katniss est mort il y a quelques années dans les mines et elle subvient toute seule aux besoins des siens. Quant on sait que chaque participant à la loterie voit sa chance d'être choisi augmentée s'il accepte de la nourriture ou de l'argent, les Hunger Games sont un véritable dilemme. Les districts payent ainsi un tribut au Capitole pour le bon plaisir de ses habitants. Bien sûr, Katniss va remporter la 74ème édition de ces jeux. Toutefois, son comportement dans ce show TV, visionné en direct par tous les habitants de Panem, va profondément bouleverser la vie des 12 districts et mettre en danger la politique du Capitole. C'est le sujet du deuxième film qui présente les 75èmes Hunger Games, mais c'est surtout la grosse surprise de cette saga.

La bonne surprise de 2012

En effet, quand Hunger Games sort en salles début 2012, le grand public s'attend à une nouvelle saga pour ados comme bien d'autres. Pire, après la déferlante Twilight, cette franchise est vue comme le nouvel objet de culte pour jeunes ados en manque d'amour. Il faut dire que tous les ingrédients sont réunis : une jeune héroïne au centre de l'histoire, un monde bien différent et un triangle amoureux flou (l'ami de Katniss et le garçon choisi à ses côtés dans son district). Toutefois, les apparences sont trompeuses.

Tout d'abord, Katniss n'est pas Bella Swan, l'héroïne de Twilight. Katniss est une jeune fille forte, déterminée, capable d'affronter n'importe quel adversaire. Elle maîtrise une arme, l'arc, et n'est pas naïve ou fleur bleue : comprenez qu'elle ne cherche pas le grand amour en attendant sagement chez elle. Là où Bella est passive au début de la saga, les événements et les intervenants se présentant à elle, Katniss est proactive. Elle sauve sa sœur, elle anticipe la boucherie annoncée et elle n'a aucune illusion sur son sort et sur le système. À un certain moment, ce n'est pas elle la demoiselle en détresse mais bien le prince charmant. Ce renversement de situation en fait une héroïne badass, digne héritière de Ripley dans la saga Alien, ou Leia dans Star Wars.

L'autre différence fondamentale entre Hunger Games et bon nombre de sagas pour ados, c'est la violence de son monde. Certes, un vampire, un loup-garou ou un sorcier sont capables des pires cruautés. Néanmoins, les auteurs brident leurs créatures pour ne pas choquer leur public, en dosant savamment la violence pour tout de même incorporer quelques twistes ravageurs. Dans Hunger Games, la violence est naturelle, crédible et visible à tout instant. Le thème des ados qui s'entretuent ou du show TV meurtrier n'est pas novateur mais son traitement est réaliste. Quand Luke ou Harry hésitent au moment de tuer un adversaire, Katniss est déjà passée à sa victime suivante. Le fait que Katniss soit une héroïne active dans son aventure renforce la particularité de cette saga qui s'écarte des schémas mielleux du genre.

Une saga mature

La saga Hunger Games est le phénomène littéraire des années 2008-2010. En tête des ventes aux USA à chaque publication des 3 tomes, c'est la meilleure vente de roman dans l'histoire d'Amazon. C'est la saga qui a connu le virage numérique, dépassant Harry Potter sur ce type de support. Son auteur, Suzanne Collins, avait publié auparavant une saga pour enfants, la série Gregor. C'est son passage au royaume des ados qui lui a permis de connaître un succès aux USA et désormais dans le monde. C'est avant tout un phénomène américain, et l'adaptation en film a contribué à son exportation dans d'autres pays auprès du grand public. L'auteur aborde des thèmes forts comme la guerre, la politique, la pauvreté ou la famine, en utilisant en périphérie les ressorts habituels de ce type de saga pour ados, à l'inverse de Twilight qui utilise le mythe des vampires à la périphérie du fameux triangle amoureux. C'est la grande différence entre ces deux sagas, d'où la confusion initiale du public cinéphile qui s'attendait à nouvelle amourette dans un monde fantastique. Non, ici, on s'intéresse d'abord au sort de Katniss et à la politique de Panem avant de savoir si la belle trouvera l'amour.

Si l'on compare cette saga à celle de Harry Potter la trilogie littéraire Hunger Games a pris fin au moment où le grand public s'est emparé du phénomène. Il a fallu attendre deux ans pour voir le premier film. La sortie du premier film Harry Potter a coïncidé avec celle du 4ème tome sur les 7 publiés, ce qui a boosté les ventes et mis la pression sur l'auteur des romans. C'est le même phénomène pour Game Of Thrones qui a abordé un virage crucial, celui du 5ème tome sur 7, quand la série TV a fait son apparition. Pour Twilight, le dernier livre est sorti la même année que le premier film. Les fans étaient donc encore toutes hystériques. Les artistes gravitant autour de Hunger Games n'ont donc pas la même pression que les autres sagas. Il s'agit ici d'adapter un cycle fini en lui rendant hommage de la meilleure manière possible. Et le premier film a bouleversé toutes les attentes.

Box office historique

Le premier film Hunger Games est un incroyable succès. Son premier week-end d'exploitation aux USA a rapporté 152,5 millions de dollars. C'est le troisième meilleur démarrage de tous les temps sur ce marché. Attendu à 135 millions de dollars, il a dépassé toutes les attentes. Record pour la fameuse séance de minuit aux USA pour un film qui n'est pas une suite, c'est le 5ème meilleur démarrage de tous les temps derrière Avengers, Iron Man 3, le dernier film Harry Potter et le second film Batman de la trilogie de Nolan. Qui se retrouve derrière ? Twilight. C'est aussi le meilleur démarrage pour un film indépendant (certes c'est une grosse production mais qui a été réalisée en dehors des majors américaines). 

Avec un budget de 78 millions de dollars et une durée conséquente (deux heures, ce qui amoindri la rotation d'une salle dans la journée par rapport aux habituels 1h30-2h), le film engrange 691 millions de dollars dans le monde. C'est autant que le 3ème film de la saga Twilight (les entrées augmentent à chaque nouveau film d'une saga à succès) ! Mieux, le premier film a réalisé 59% de ses recettes aux USA. Cela montre la réserve de spectateurs dans le monde, la saga étant avant tout un succès américain (pour TWILIGHT c'était l'inverse par exemple). Le public mondial a découvert en grande majorité cette histoire en DVD, avec un bouche à oreille énorme en un an et demi, ce qui a renforcé l'attente autour du film. Il se classe 61ème dans le top 100 des entrées mondiales de tous les temps au cinéma, au même niveau que les sagas Transformers, Mission Impossible ou Pirates des Caraïbes.

L'adaptation est très fidèle avec aucun changement de poids. Il y a bien sûr quelques détails mineurs qui varient, et les romans détaillent naturellement plus l'univers de Panem. C'est le casting qui va toutefois insuffler un vent de folie à l’œuvre. Outre les jeunes acteurs entourant Katniss dont le frère de Chris Hemsworth (Thor) , on retrouve Woody Harrelson (Les Blancs ne savent pas sauter, Bienvenue à Zombieland), Lenny Kravitz, Donald Sutherland (récemment vu dans Les Pilliers de la Terre et Dirty Sexy Money, mais sa carrière est assez longue pour mériter un article), Elizabeth Banks et Stanley Tucci entre autres. C'est déjà une belle brochette d'acteurs, mais c'était sans compter sur l'éclosion d'une certaine Jennifer Lawrence.

Jennifer Katniss Lawrence

Née en 1990, Jennifer Lawrence est la nouvelle star du cinéma américain. Il faut attendre 2008 pour voir son premier rôle significatif au cinéma dans Loin de la Terre Brûlée. En 2010, elle obtient une première nomination aux Oscars pour Winter's Bone, un film qui propose une atmosphère proche de celle de Hunger Games. Elle est ensuite à l'affiche du Complexe du Castor où elle n'est pas la vedette, tout comme dans X-Men First Class, le succès de 2011 où elle incarne Mystique. Quand sort Hunger Games, Jennifer est une actrice montante, reconnue par la profession et appréciée par les geeks. Katniss lui permet d'obtenir la consécration du public alors que Happiness Therapy lui apporte son premier Oscar. Jennifer Lawrence est désormais une star qui cumule succès au box office et récompenses prestigieuses. Son image publique est bonne, loin des fracas des autres stars de son âge. Elle est naturelle, jure et refuse de perdre du poids pour un rôle. Elle est vue comme une fille cool capable de se débrouiller toute seule. L'identification à son personnage est aisée pour le public, sa carrière étant relativement courte pour l'instant. Katniss ne va pas être un fardeau comme a pu l'être le rôle d'Harry Potter, la saga Hunger Games étant courte. C'est cependant un problème pour le studio derrière ce succès, Lions Gate

Le défi de Lions Gate

Le studio de cinéma américain Lions Gate Entertainement ne fait pas partie des majors, mais fait tout pour intégrer ce cercle. À son actif, la saga Saw, Fahrenheit 9/11, Expendables, Red et Now You See Me. Pour augmenter son influence, le studio pense racheter le studio produisant la saga Twilight : Summit Entertainment. Des premières discussions ont eu lieu en septembre 2008, alors que le studio préparait la sortie en novembre du film sur les vampires, distribué par Lions Gate. Cela n'aboutit pas mais le phénomène Twilight est tel que Lions Gate revient à la charge en février 2009. Une annonce de rachat est faite mais les négociations sont rompues au bout de deux jours. L’Histoire étant faite de répétition, c'est en janvier 2012 que l'acquisition est effective, soit deux mois avant la sortie de Hunger Games. Lions Gate a enfin acquis le spécialiste de la saga pour ados au cinéma, mais n'a pas eu besoin de celui-ci pour faire sa propre saga à succès. Pire, Hunger Games semble destiné à être un plus gros succès alors la nouvelle saga du studio Summit, La Stratégie Ender, qui est un échec. Adapté d'un chef d'oeuvre de la SF, cette adaptation a pâti de l'aura Twilight, qui semble avoir dénaturé le propos en faisant un teen movie, ce qui a refroidi les nombreux fans. Les critiques ont été nombreuses et cela bien des mois avant la sortie. Le film, sorti le 1er novembre 2013, n'est même pas rentable si on prend en compte le box office mondial. Pour un budget de 110 millions de dollars, il a atteint les 88 millions de recettes dans le monde, dont 61 aux USA. 

De manière générale, la ruée vers les sagas pour ados semble être une impasse. Les adaptations au cinéma des Âmes Vagabondes (par l'auteur de Twilight), Eragon, Narnia (chaque film s'est fait dans la douleur et la saga est gelée pour l'instant) sont des échecs. Cette année, deux gros blockbusters attendus comme la relève se sont gravement crachés : The Mortal Instruments et 16 Lunes. Avec Hunger Games, Lions Gate n'a pas de concurrence sérieuse mais le studio doit occuper les écrans pour profiter de cette manne.  La production doit donc changer de calibre. Le budget augmente de 50 millions de dollars, la campagne marketing est digne de Star Wars et le contrat Jennifer Lawrence est sécurisé. La star du film passe d'un cachet de  500 000 dollars à 10 millions. Il y a de la concurrence pour s'offrir les services de Jennifer entre la saga X-Men chez la Fox et la foule de projets proposés par des réalisateurs de renom. Le casting s'étoffe aussi avec l'arrivée de Philip Seymour Hoffman mais c'est au niveau du scénario et de la réalisation que tout change suite à deux décisions stratégiques. 

 

Le changement d'équipe créative

Le succès de Hunger Games était attendu, mais il est tel que l'attente est monstre et les enjeux colossaux. Lions Gate prend donc deux décisions : sortir un film par an et scinder en deux opus le dernier épisode. Cette dernière décision ne choque plus après les précédents des sagas Harry Potter et Twilight Quand au rythme des sorties, le Hobbit fait de même. Toutefois, dans ce cas précis, la production est unique avec un tournage des trois films puis le montage de chaque film. C'est la même chose pour la saga Matrix. Après le succès du premier opus, les deux suivants ont été tournés à la suite. Les conditions de production ont donc changé et le réalisateur du premier Hunger Games, Gary Ross, annonce son désistement pour le deuxième opus moins de trois semaines après sa sortie : « En tant que scénariste et réalisateur, je n'ai simplement pas le temps qu'il me faut pour écrire et préparer le film que je voudrais faire à cause de la date fixée et du planning de production serré ».   

En effet, le premier film a été adapté par le réalisateur lui-même, en compagnie de Suzanne Collins, l'auteure des romans. Mais l'enjeu n'est plus le même. C'est Frank Lawrence (Je Suis Une Légende) qui se voit accorder le fauteuil de réalisateur pour les trois prochains films. Quant au scénario, Michael Arndt s'y attèle. Il a écritLittle Miss Sunshine, Toy Story 3 et s'est chargé de la première version du script du très attendu Star Wars Épisode 7. A ses cotés, Simon Beaufoy qui a scénarisé l'adaptation de Slumdog Millionnaire pour lequel il a obtenu l'Oscar du meilleur scénario adapté. Pour une saga issue de romans, c'est un gage de qualité. 

Le succès du deuxième film

Tous ces éléments font de Hunger Games le film fantastique le plus attendu de cette fin d'année en compagnie du second opus de la trilogie The Hobbit, Sorti le weekend du 22 novembre 2013 aux USA, Hunger Games : Catching Fire a dépassé en un week-end le premier opus avec 161 millions de dollars de recettes sur le marché domestique, pour un budget de 130 millions hors marketing. C'est le second film en terme de recette au box office US de 2013. C'est aussi mieux que la saga Twilight et le meilleur démarage pour un film uniquement en 2D. En effet, à la différence des autres blockbusters, le film ne profite pas des recettes supplémentaires de la 3D, ce qui situe le réel niveau du record. Le succès est là, les critiques sont bonnes et l'équipe créative est verrouillée pour les deux derniers opus. Le défi est connu : en offrant plus d'espace à la fin de la saga, il ne faut pas se perdre dans le scénario en proposant une fin décevante pour l'avant-dernier film. D'ici là, Hunger Games va tenter un autre défi : faire de Katniss une icône de la culture pop, ce qui permettra à la franchise d'entrer au panthéon des grandes sagas de fiction.

 

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