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À la découverte des Beat'Em All, les rois de la baston

Devoir éliminer tous les ennemis à l’écran pour progresser en milieu urbain ou dans un environnement fantastique, telle est la base du Beat Them All (BTA) , ou Battez-les tous voir Beat Them Up. Le genre a bien évolué depuis ses débuts arcade.

Article initialement publié en juin 2014 dans le magazine Pop Fixion #3

Le principe du BTA est donc de vaincre les adversaires se présentant à l’écran afin de pouvoir passer « à l’écran suivant ». L’appellation « Scroll fighter » tire tout son sens de ce principe de base, d’autant plus qu’à ses débuts, le genre débarquait dans les années 80 sur bornes d’arcade, ce qui à l’époque signifie 2D. Les plus anciens se rappelleront ainsi de ces jeux où l’on pouvait véritablement voir l’écran avancer au fur et à mesure de la progression du héros, puis se figer pour laisser place à des combats contre des ennemis ou des boss, qu’il fallait nécessairement battre pour que l’écran « bouge » à nouveau.

LA NAISSANCE DU GENRE 

Bien avant God Of War, saga devenue une référence de nos jours, tout commença en 1984 lors de la sortie sur Arcade de Kung-Fu Master, ou Spartan X au Japon. Développé par Irem, a qui l’on doit le très célèbre R-Type dans un autre genre, il est l’œuvre de Takashi Nishiyama, designer japonnais reconnu (Street Fighter, King Of Fighter). Inspiré d’un film de Jackie Chan (Wheels on meals), Kung-Fu Master met en scène Thomas, dont la petite amie Silvia se fait kidnapper par un groupe d’inconnus. Il n’en faut pas plus pour que Thomas, grand pratiquant d’arts martiaux, parte à son secours et arpente les cinq étages du Temple du Démon dans lequel est enfermée la belle. Côté gameplay, Le jeu se déroule donc en scrolling horizontal de droite à gauche puis de gauche à droite à l’étage supérieur et ainsi de suite à chaque étage, ce qui est peu conventionnel à une époque où les jeux de shoot très à la mode offraient une progression de droite à gauche ou de haut en bas. Quant aux mouvements de Thomas, ils sont simples : sauter, se baisser, coup de pied, coup de poing et donc coup de pied/poing sauté, ou baissé,  ce qui à l’époque est une gamme très complète. Grâce à ce panel de coups, le joueur devra venir à bout des ennemis « lambda », dont certains lancent même des couteaux, puis à la fin de chaque étage, il devra battre un boss pour accéder à l’étage suivant. 

Thomas est donc le premier personnage de jeux vidéo d’une longue lignée à présenter les principales caractéristiques du héro de BTA : il est fort, bien plus fort que les nombreux ennemis qu’il va affronter et n’a pas peur de mettre sa vie en danger pour une bonne cause. Le scénario classique de la belle qui se fait enlever, et du justicier qui part seul contre tous à l’assaut des ravisseurs pour la secourir, est certes bien pauvre mais d’une réelle efficacité à l’époque pour justifier cette violence qui constitue l’essence même du BTA. Le thème de la vengeance sera également la toile fond de cette violence caractérisant le genre. Ainsi débuta le BTA, offrant pour la première fois au joueur la possibilité de se battre contre des gangs ou syndicats du crime. Kung-Fu Master fut très bien accueilli par les joueurs qui perçoivent le potentiel du genre, et son côté défouloir. Son développement sur les consoles de l’époque (Atari, NES, Commodore, ...) lui valut un franc succès commercial. 

PREMIER CLASSIQUE

Les bases sont posées : une noble cause, un héros surpuissant, beaucoup d’ennemis à vaincre pour avancer, un boss pour terminer le jeu, rien de plus pour donner naissance au BTA. Entre 1984 et 1985, de nombreux développeurs vont prendre le chemin du BTA avec plus ou moins de succès : Chinese Hero et Lady Master Kung-Fu de Taito ou  My Hero de SEGA. Chacun empruntera des directions différentes notamment Taito et son Chinese Hero qui propose un gameplay très différent de Kung-Fu Master. Ici pas de défilement d’écran mais un écran fixe avec une vue aérienne de ¾ « à la Zelda » et des déplacements en largeur, profondeur et hauteur. Mais c’est en 1986 que le genre franchi un grand pas avec Renegade, développé par Technos Japan et édité par Taitos. C’est le premier BTA à « l’horizontale » à offrir aux joueurs une gamme de coups élargie et surtout la possibilité de ramasser des armes et de s’en servir pour éliminer les adversaires et boss qui se succèdent. Outre les coups de pieds/poings et sauts traditionnels, il sera également possible de frapper un adversaire au sol avant qu’il ne se relève ou de réaliser des prises pour enchaîner les ennemis et/ou les projeter hors de la surface de combat pour s’en débarrasser. A noter également la possibilité de se déplacer sur trois dimensions : en largeur, hauteur et profondeur. Succès oblige, le titre sera également adapté sur les consoles de salon de l’époque.

L’ARRIVEE DU MULTIJOUEUR

Si Renegade fut un réel succès, il ne lui manquait qu’une seule chose pour être considéré comme la référence du genre : Le multijoueurs. C’est ce que va apporter Double Dragon, développé et édité en 1987 par le duo Technos-Japan et Taitos tout comme Renegade. Tout en reprenant les bases qui ont fait le succès de son ainé, Double Dragon offre la possibilité aux joueurs de se battre à deux simultanément. Deux frères Jimmy et Billy Lee, maitres en arts martiaux vont se battre contre les membres du gang des Black Shadows après que ces derniers aient assassiné Marion, la petite amie de Billy. On retrouve donc de nombreux coups, la possibilité de ramasser des armes, de se déplacer sur trois dimensions, des boss, la difficulté progressive mais cette fois en jouant à deux. La coopération en multijoueurs fait donc son apparition dans ce soft aujourd’hui encore considéré comme la référence du genre. Le succès de Double Dragon entraînera évidemment son adaptation sur console de salon et lance réellement la mode du BTA. 

Les années qui suivirent la sortie de Double Dragon verront l’apparition de bons BTA mais qui jamais ne réussiront à l’égaler. La plupart ne proposaient pas de multijoueurs ou des déplacements sur deux dimensions seulement. A cette époque l’industrie se sépare en deux : les jeux aux déplacements en 2D qui vont donner naissance aux premiers jeux dits « de plate-forme » (Castlevania de KONAMI sorti en 1986) et les jeux aux déplacements en 3D. Dans ce dernier secteur, le marché du BTA devient de plus en plus concurrentiel et de grandes maisons du jeu vidéo vont s’y essayer. C’est le cas de SNK, avec Prisoners Of War, sortie en 1988 ou encore KONAMI qui après quelques échecs dans le genre sortira Teenage Mutant Hero Turtles en reprenant la licence des Tortues Ninja, très complet, jouable à quatre et qui rencontrera un réel succès. 

Après le très modeste My Hero, SEGA reviendra et frappera un grand coup avec Golden Axe. En donnant au joueur le choix d’incarner un nain, un guerrier ou une amazone et de chevaucher diverses montures, le tout dans un cadre d’Heroic Fantasy, Golden Axe participe grandement au renouvellement du genre. Son adaptation sur la SEGA Mega Drive dynamisera les ventes de la console de salon de la firme. 1989 est l’année que CAPCOM choisi pour sortir deux jeux qui marqueront également l’histoire du BTA. Le premier, Dynasty Wars n’est autre que l’ancêtre de la série de Dynasty Warriors que nous connaissons aujourd’hui. Les combats mettent en scène des guerriers japonais… à cheval, le tout en dans un cadre médiéval. Le second est Final Fight qui techniquement sera une révolution. Au niveau du gameplay, du classique qui fonctionne à merveille : 3 personnages au choix, possibilité de jouer à deux, armes, coups variés, longue durée de vie et difficulté bien dosée. Au niveau de la technique les graphismes, les effets sonores et les musiques sont ce qui fait de mieux à l’époque. 

LES ANNEES 90 : L’AGE D’OR DU BTA

Dans les années 1990/1991, la guerre des consoles 16 Bits entre SEGA (avec la Mega Drive) et Nintendo (avec la Super Nes), va dynamiser la création de BTA tout comme la guerre entre SNK et CAPCOM sur Arcade. On entre dans l’âge d’or du genre où la plupart des titres seront jouables à trois voire à quatre. Les éditeurs et fabricants de consoles alimenteront leurs consoles et bornes d’arcade avec de nombreux jeux de très bonne qualité et répondant au principe qui fait le succès du genre. De la baston et toujours plus de baston.
Technos-Japan par contre ne parvient pas à suivre le rythme et Double Dragon 3 est très en retard en terme de réalisation et reste un échec (comme Double Dragon 2 sorti à l’époque en 1988). Les jeux se ressemblent mais chacun tentent d’apporter un peu de nouveauté comme Sengoku de SNK qui offrira aux joueurs la possibilité d’incarner des guerriers ayant chacun trois transformations différentes et d’utiliser de la magie. De son côté, SEGA connaîtra des hauts et des bas. Sortir Golden Axe 2 en ne renouvelant absolument rien engendrera un bide total. Mais si SEGA se prend les pieds dans le tapis en tant que développeur, la Mega Drive se vend très bien et est très bien fournie en BTA. 

L’excellent Streets of Rage n’y est pas étranger. CAPCOM de son côté choisira 1991 pour revenir et renouveler une nouvelle fois le genre en reprenant les bases de Final Fight mais en le transposant dans un cadre médiéval avec Knights Of The Round (chevaliers armés d’épées, haches, etc) et avec Captain Commando sur fond de comics sortis sur Arcade. Sur ce support, SEGA ne parvient pas à surpasser la concurrence mais gâte les possesseurs de Mega Drive avec Streets of Rage 2, digne successeur de son ainé et s’impose comme la référence sur console. Nous sommes alors en 1992 et c’est cette année-là que IREM fera son grand retour avec deux titres : Hook (inspiré de Peter Pan) et Undercover Cops. Les deux possèdent des univers très travaillés qui leur sont propres tous comme les graphismes, références de l’époque. Konami poursuivra sur la voie de la bande-dessinée et du comics en adaptant Astérix au genre. 

En 1993, IREM, KONAMI, CAPCOM et SNK se concurrencent sur Arcade tandis que SEGA règne sans partage sur les consoles de salon. Malgré Sengoku 2, dernier très bon titre de SNK qui délaissera le genre pour se concentrer sur le Versus Fighting, ou Violent Storm de KONAMI, c’est encore CAPCOM qui s’imposera en proposant quatre jeux d’une qualité exceptionnelle : Final Fight 2, Dungeons & Dragons, Cadillacs & Dinosaurs et The Punisher. Tous les fans sont contentés par ces jeux aux univers différents : Old School, Heroic Fantasy, Post-Apocalyptique et Comics.

LE DECLIN DU GENRE 

En 1994, des gros éditeurs il ne reste que CAPCOM sur Arcade, les autres se concentrant sur le VS Fighting ou des jeux de courses automobiles. La firme nippone sortira un nouveau hit : Alien VS Predator, ultra soigné et proposant quatre personnages jouables, aux caractéristiques très différentes. Sur console Streets Of Rage 3 fera un peu plus évoluer la série en proposant de nouveaux personnages, des esquives et coups spéciaux. Au-delà de ces titres, la qualité et le nombre de jeux de BTA décroît fortement.

Les années 1995/1996 et l’arrivée des consoles 32 bits et des jeux 3D sur Arcade vont totalement changer la donne. Le public découvre les polygones et les jeux de courses en 3D dans leur salon tandis que Tekken, Virtua Fighters, Street Fighters et King Of Fighters se concurrence sur Arcade. C’est la chute du BTA, qui n’est plus à la mode, et commence à revêtir une image trop Old School et dépassée. CAPCOM sortira malgré tout Dungeons & Dragons Shadow Over Mystara sur Arcade, et Sega Saturn, seule console de salon à proposer encore des BTA en 2D. De 1998 à 2001, seulement une quinzaine de BTA sortiront sur Arcade et ces derniers étaient très loin d’avoir la même qualité que les blockbusters du genre.

LES BTA MODERNES 

Si la fin des années 90 marque la fin du Beat Them Up 2D, le genre va radicalement évoluer avec l’apparition de la 3D. Le principe restera le même, anéantir des salves successives d’ennemis puis des boss grâce à des héros surpuissants. Mais au-delà des graphismes c’est le gameplay qui va évoluer. Fini le jeu à « l’horizontale », désormais les angles de vue varient manuellement, tout est dans la surenchère d’effets visuels, le spectacle et le style sont indispensables comme en témoignent les succès d’aujourd’hui. Les séries Devil May Cry et God Of War en sont de parfaits exemples. 
Dante et Kratos possèdent tous deux des pouvoirs surpuissants et des armes dévastatrices leur permettant de venir à bout de tout ce qui trouve sur leur chemin, pour affronter des boss aux tailles colossales. Nouveauté également, l’amélioration du personnage. La grande variété d’armes et les pouvoirs que les personnages acquièrent au cours du jeu, vont pouvoir être améliorés et customisés grâce aux diverses sortes de récompenses obtenues en tuant les ennemis. Côté scénario, la technologie et les nouveaux supports de jeux permettent de créer des jeux plus volumineux, ce qui laisse aux développeurs la possibilité de travailler et soigner l’intrigue et la mise en scène via de nombreuses cinématiques. 

Un long chemin a été parcouru entre la Playstation et la PS3 mais si une saga devait détenir les lettres de noblesse du genre ce serait incontestablement Dynasty Warriors. Développé par KOEI, le premier opus vit le jour en 1997 sur Playstation mais il s’agissait alors d’un jeu de Versus Fighting. Ce n’est qu’en 2000 que la série pris un virage vers le BTA, sur PS2. Il s’agissait alors d’incarner un des onze personnages jouables durant la guerre des Trois Royaumes se déroulant en Chine. Il est possible dans ces jeux de se battre à pied ou à cheval et de diriger votre propre régiment de fantassins pour venir à bout de centaines d’ennemis eux aussi dirigés par un commandant qu’il faudra la plupart du temps assassiner pour réussir une mission. Depuis 2000, plus d’une vingtaine de jeux sont sortis estampillés Dynasty Warriors que ce soit sur console de salon Sony, PC ou consoles portables.

A côté des blockbusters que sont Dynasty Warriors, Devil May Cry et God Of War, des OVNI du BTA voient le jour dans des registres différents. C’est le cas de Viewtiful Joe ou encore de Bayonetta. Le premier est un hommage au BTA Old School. Sorti sur Game Cube en 2003 et sur Playstation en 2004, le jeu est développé et édité par CAPCOM qui renoue avec son vieil amour. Ce BTA totalement déjanté en Cel Shading est une claque visuelle à l’époque. Côté gameplay, le joueur enchaîne des phases de déplacement en 3D, principalement lorsque le héros résout des énigmes pour progresser, et phases de déplacement en 2D lorsqu’il se bat et utilise ses superpouvoirs. De son côté, Bayonetta sorti fin 2009 au Japon sur PS3 et XBOX 360 est plus proche dans la réalisation d’un Devil May Cry mais en donnant peut-être plus d’importance au principe du scoring. Ainsi chaque niveau est sanctionné d’une note et d’un score obtenus en  fonction des combos que l’on a réalisés, du style de combat, des dégâts encaissés et du temps qu’il aura fallu pour terminer un niveau. La durée de vie relativement courte du jeu propre à ce genre de BTA lui confère un potentiel de rejouabilité qui permet ainsi au joueur de toujours chercher à améliorer son score et le comparer via des classements en ligne.

POUR CONCLURE

Si les codes n’ont pas changé, la façon de jouer à un Beat Them All a bien évolué depuis Kung-Fu Master. Au bonheur de certains, au grand regret des plus nostalgiques, nous sommes désormais loin du scroll fighter en 2D. Ces derniers pourront profiter des nombreuses compilations de ces classiques qui se font une deuxième santé sur nos consoles de salons actuelles (CAPCOM Classics compilation sortie en 2005 comprenant Final Fight notamment). Mais à l’aube de l’arrivée d’une nouvelle génération de consoles, nous  sommes en droit de nous demander quel sera l’avenir du genre. S’il est fort probable de voir les licences telles que God Of War et Devil May Cry venir abreuver les joueurs de BTA toujours plus beaux et défoulants, assisterons-nous à une réelle évolution du genre? La tendance des développeurs à tout porter sur des fonctions de jeu en ligne et en multijoueur, peut nous amener à imaginer un Double Dragon 6 (Double Dragon 5 est un jeu de VS Fighting sorti en 1994), où plusieurs gamer joueraient en ligne et progresseraient en coop face à des hordes d’ennemis et de boss toujours plus forts, qui permettront une fois vaincus de faire « avancer l’écran » pour passer au niveau suivant.

 

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