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Disney essaye de nouveaux héros comme les autres

Débuter une année ciné par un film d'animation Disney, c'est rarement une mauvaise affaire. Le studio nous propose une nouvelle licence, certes issue du catalogue Marvel, mais sans aucun lien avec ces super-héros. Attention, on a dit aucun lien !

Si cette précision est nécessaire, c'est que les équipes marketing du film semblent mettre un point d'honneur à relativiser les origines Marvel de ces personnages. Cependant, le logo du film fait immanquablement pensé à celui de Marvel, mais ce n'est qu'un détail. Disney a souvent adapté une œuvre, notamment les célèbres conte des frères Grimm, la mythologie grecque ou même Victor Hugo. Ce n'est donc pas une trahison de l'esprit Disney. Bien au contraire, le studio sublime comme toujours le matériel d'origine grâce à son savoir-faire quasi-centenaire.

MODERNISER LA DISNEY-TOUCH

En 2006, Disney a racheté son principal concurrent, Pixar. Le studio ne s'est pas arrêté là et s'est offert en 2008 un catalogue de personnages gargantuesque, celui de Marvel. Nous sommes aujourd'hui en 2015 et il semble que ces rachats portent enfin leurs fruits après des années de spéculation.

Dès l’absorption de la Maison des Idées, les fans ont eu peur de voir Disney édulcorer ces comics de super-héros. En 6 ans de publication, rien ne l'atteste. Il faut dire que les films Marvel, qui ont révolutionné à eux seuls Hollywood, ont eu bien plus d'impact ces derniers années sur la continuité des comics. En face, Disney a perdu son identité depuis la fin des années 90 avant de réussir un come-back impressionnant depuis l'implication de Pixar dans ses créations. Ainsi, avec le succès de La Reine des Neiges, Disney n'a aujourd'hui plus rien à envier à Marvel Studios et profite tranquillement des recettes financières de ce dernier sans s'impliquer dans la gestion de la branche comics.

Autre constat : le studio n'a pas cherché à profiter du savoir-faire de l'équipe de Kevin Feige, ne développant plus de films live. À quoi lui sert donc Marvel ? De cash-machine ? Pas seulement. Comme pour Pixar, le studio va intégrer les recettes créatives de sa nouvelle acquisition pour moderniser son univers féerique. Là où Raiponce et La Reine des Neiges donnent un coup de fouet aux contes de fées, un film comme Le Monde de Ralph s'inscrit plus dans la pop-culture contemporaine en se réappropriant la culture vidéoludique.

C'est le constat des dirigeants de Disney : en Occident, les jeunes sont désormais omnibulés par les jeux vidéo et surtout les mangas, même aux USA où les ventes de comics sont en chute libre depuis 20 ans (en vente unitaire, pas le chiffre d'affaire du marché). Il faut donc que le studio se réinvente, et il a les droits des personnages les plus tendances actuellement au cinéma. Disney a besoin de son film de super-héros, comme Pixar qui avait tutoyé la perfection en 2004 grâce aux Indestructibles, une œuvre culte faisant penser aux Quatre Fantastiques.

À LA RECHERCHE DU BON CANDIDAT

Ainsi, lors du rachat de Marvel, on a espéré voir en salles des films d'animation Disney mettant en scène les Avengers, X-Men et Spider-Man. Là encore, Disney ne s'implique pas et offre tout au plus un foyer stable aux dessins animés Marvel grâce à la chaîne TV Disney XD (même principe pour ABC et Agents of SHIELD). Il faut relancer Disney, pas lancer Marvel Animation. Disney veut ses ses propres super-héros, des personnages made-in-disney. Les deux univers (Disney et Marvel) seront plus lucratifs s'ils cohabitent et des films d'animation qui ne seraient pas intégrés au Marvel Cinematic Universe pourraient perturber le public. Surtout, un film d'animation proposant une nouvelle licence serait le parfait point d'entrée, pour les fans de Disney ou les plus jeunes, vers l'univers Marvel, une sorte de coup double. 

Ne souhaitant pas mettre le pied dans l'engrenage infernal de la continuité Marvel (chaque film doit respecter le scénario des autres), il faut trouver dans l'immense catalogue Marvel (plus de 5000 personnages) des héros portant en eux le gêne marvelien, celui qui fait de ces héros les stars du 21ème siècle, sans que ces personnages ne soient associés inconsciemment à Marvel. Il faut ainsi que ces super-héros soient assez obscurs pour ne pas déchaîner l'ire des fans si leur costume est modifié ou leur origine chamboulée. Le studio cherche à « disneisé » des personnages Marvel, il doit bien y avoir dans le lot l'équipe parfaite pour remplir cette mission, une équipe que personne ne connaît, donc malléable. C'est Big Hero 6

Publié en 1998, ces personnages n'ont pas d'origines communes aux X-Men ou aux Avengers, mais cohabitent avec eux en protégeant le Japon. Le mutant Sunfire leur sert ainsi de mentor. Il y a donc un lien avec Marvel, mais il est tenu, cette équipe étant peu familière des fans. Seuls 8 comics Big Hero 6 ont été édité. Rappelant l'équipe des Runaways (qui aurait pu être candidate à un film d'animation Disney), les Nouveaux Héros...attendez, c'est quoi ce nom français débile ??? Bon, on va faire sans et ne les appeler que Big Hero 6... 

Donc ces personnages sont nés à une époque où Marvel était au bord de la faillite. C'est aussi l'époque manga de l'éditeur, quand il cherchait à conquérir le Japon et reconquérir ainsi les jeunes américains qui abandonnaient les comics. Plusieurs héros ont eu le droit à une adaptation manga et Big Hero 6 n'est qu'un effort vain de s'ouvrir à la culture japonaise. Vain car Marvel n'a pas compris la fascination des lecteurs pour les mangas. Certes une culture étrangère est toujours attirante, mais les mangas apportent aussi des techniques narratives originales que n'a pas su (ou voulu) reproduire Marvel. Disney ne va pas faire la même erreur, faisant d'un obscur comics le digne héritier de deux cultures. 

En réécrivant les origines des personnages (ce n'est plus une équipe gouvernementale), Disney enracine son histoire dans l'habituel drame familiale qui transcende ses œuvres depuis presque 100 ans. Le métissage est au centre de ce film (comme le mariage entre Marvel et Disney). Nous découvrons ainsi le jeune Hiro et son grand frère, tous deux orphelins. Vivant dans San Fransokyo (une fusion de San Francisco et Tokyo, soit la culture américaine et japonaise) avec leur tante aimante, ils sont des génies de la robotique. Quand un drame frappe le jeune Hiro, il se lie d'amitié avec Baymax, le robot créé par son frère. Le concept est très simple mais diablement efficace. Pour stopper un super-vilain, Hiro et ses amis vont alors se transformer en super-héros. L'action made-in-Marvel couplée aux ressorts émotionnels made-in-disney font mouche pour nous proposer un spectacle de toute beauté !

L'EQUIPE CREATIVE

Pour donner vie à cette nouvelle licence, Disney a réuni une équipe créative inédite. Depuis les années 70, le studio a pris l'habitude d'associer deux réalisateurs. Aux commandes de Big Hero 6, Don Hall et Chris Williams. Le premier officie depuis 1999 en tant que scénariste chez Disney, mais il n'a dirigé son premier film qu'en 2011 avec Winnie l'Ourson. À ses côtés, Chris Williams a déjà eu la chance de réalisé un film Disney : Volt. Ce film est un échec aux USA, mais il possède ses fans. Big Hero 6 passe après La Reine Des Neiges, le plus grand succès de tous les temps pour un film d'animation (1,2 milliards $). La barre est haute, très haute, trop pour espérer faire de même. Cependant, les deux artistes sont épaulés par le producteur Roy Conli qui a travaillé sur Le Bossu de Notre-Dame et surtout Raiponce, le film qui a relancé le studio Disney. Les objectifs sont donc quand même élevé pour cette première incursion dans le monde des super-héros.

Du côté des voix, le jeune Hiro est joué dans la version américaine par un ado de 19 ans, Ryan Potter, illustre inconnu. Baymax, l'autre héros du film, est interprété par Scott Adsit (30 Rock). Sont aussi présents Maya Rodolph (Mes Meilleures Amies), T.J. Miller (Sillicon Valley), Jamie Chung (The Hangover), Damon Wayans Jr (New Girl), James Cromwell (Six Feet Under) mais aussi Alan Tudyk, qui a officié dans La Reine des Neiges et Les Mondes de Ralph. Pas de réelles stars, car le film bénéficie déjà d'une promotion monstre grâce au succès des films Marvel. Pour les voix françaises, la seule « star » médiatique est Kyan Khojandi (créateur de Bref) qui s'en sort très bien dans son interprétation de Baymax, tout comme les autres acteurs, notamment Donald Reignoux.

UNE FRANCHISE OU UN ONE-SHOT ?

Après avoir vu ce film, une seule question se pose : quel enfant ne voudrait pas obtenir tous les jouets du film ??? 1h40 d'action Marvel, d'émotions Disney et de beauté Pixarienne. Clairement, ce film est calibré pour les plus jeunes, en pleurs lors de la projection quand un personnage meurt (oui, c'est un Disney, c'est forcément triste), mais aussi en extase lors des scènes de combats ou d'humour. Le film réussit à impliquer petits et grands grâce à plusieurs niveaux de lectures. Le comportement du jeune Hiro est facile à deviner quand on a cerné le personnage, mais le film réserve quelques moments de féerie qui parviennent à capter la pureté des enfants. 

Il ne faut pas oublier la puissance visuelle que dégage la ville San Fransokyo. On a parfois l'impression que la caméra est plus attirée par les décors que par les personnages, et il faut saluer le travail des artistes qui ont donné vie à cette fusion entre Occident et Orient. Avec un tel matériel (ville et personnages) on ne peut qu'imaginer le potentiel d'une telle licence. Que ce soit une saga cinématographie ou une série télévisée, cette franchise a les moyens de bercer l'enfance de toute une génération. Elle véhicule des valeurs universelles, intelligentes et surtout modernes. 

On en veut clairement plus, mais Disney propose rarement des suites à ces œuvres au cinéma. Marvel n'a pas lancé de nouvelle série à l'occasion de la sortie du film (ce qu'elle fait généreusement avec ces autres personnages), ce qui prouve la main-mise de Disney sur la licence. Le film a déjà terminé sa carrière en salles aux USA et dans de nombreux pays (il est sorti là-bas le 7 novembre 2014). Avec 218 millions $ sur le sol américain (pour un budget pharaonique de 165 millions$), Big Hero 6 est un joli succès. C'est tout juste mieux que Dragon, le grand succès de Dreamworks en 2010, mais aussi plus que Raiponce ou Les Mondes de Ralph. Attendons de voir sa carrière à l'international pour offrir un jugement définitif alors qu'il se rapproche déjà des 480 millions $ de recettes dans le monde. Enfin, restez bien après le générique, il y a une scène supplémentaire assez drôle. 

Big Hero 6 est un excellent film d'animation, un très bon Disney (sans chansons) et une superbe histoire de super-héros. Le studio est parvenu à digérer l'influence Marvel tout en injectant la magie Disney dans cette œuvre. On espère voir une suite, mais on est surtout heureux de voir Disney capable de se réinventer presque 100 après sa création. Rendez-vous le 11 février ! 

Bonus : NE LOUPEZ SOUS AUCUN PRETEXTE le court-métrage d'animation qui précède le film. Voici le trailer de Festin, un petit chef-d'oeuvre dans la droite lignée de Paperman.

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