Il paraît que les chats sont toujours au centre d’Internet, que des millions voire même des milliards de clics leur sont consacrés. Mais pourquoi tout cet engouement ? Il faut croire qu’aujourd’hui un chat déguisé, un chat chanteur, un chat grincheux, voir même un chat arc-en-ciel, c’est le nec plus ultra du phénomène viral. Et oui les chats tout le monde s’y intéresse et ça fait vendre, c’est pour cela qu’une nouvelle série d’article est créée : "Des comics et des Chats". Pour vous montrer que les Chats étaient populaires dans le monde entier bien avant Internet et ses sites de partage vidéo.
Parmi tous les chats célèbres, il est impossible de passer à côté de Felix, ce chat noir au visage blanc et aux oreilles pointues. Il est le premier personnage populaire de dessin animé à voir le jour, ce fut un véritable phénomène international entrainant séries animées, bandes dessinées, et nombreux produits dérivés. Malgré cet immense succès, ce chat historique aura un destin funeste, tout comme ses créateurs d’une certaine manière.
Félix, le chat animé
Les origines de Felix remontent au 9 novembre 1919, date de diffusion du Cartoon « Feline Folies » ayant pour héros un chat noir appelé Master Tom. Il est en quelque sorte un ancêtre de Felix : il mène sa vie de chat en essayant de séduire la gente féminine, joue de la guitare et utilise même sa queue comme moyen d’expression à part entière. Tout cela en n'oubliant jamais de chercher de la nourriture, en fin gourmand qu'il est. Il faut bien se rappeler qu’à l’époque, les dessins animés étaient muets. Ainsi, tout ce qui permet d’améliorer la narration était bon à prendre. Outre les fameuses pancartes de texte, cette queue permettait d’exprimer directement les sentiments de ce chat en formant par exemple un point d’interrogation. Fait amusant, le final du cartoon est assez dramatique puisque notre chat se place une conduite de gaz dans la bouche pour probablement oublier définitivement la malheureuse histoire d’amour qu’il vient de vivre.
Très rapidement, au bout de 3 ou 4 cartoons, Master Tom devint Félix le chat officiellement. C'est une modification notable du personnage qui le confirmera le confirma : désormais Félix est un chat marchand sur ses deux pattes arrières, vous avez dit anthropomorphisme ?
C’es donc au tout début des années 20 que Félix devient une star du grand écran, ses premiers cartoons sont distribués par la Paramount et Pat Sullivan, créateur et propriétaire du chat, s’engage à produire des cartoon à un rythme mensuel, puis bimensuel. Otto Messmer le pilier de son studio d’animation étant lui aussi pour beaucoup dans le succès du chat.
En 1923/1924, Félix atteint son pic de popularité, il fait apparaître des grandes stars hollywoodiennes dans le cartoon « Felix in Hollywwod » comme la plus grande personnalité du cinéma muet Charlie Chaplin et change de design pour des formes plus rondes et aussi plus simples, donc plus rapides à dessiner. Felix est ainsi diffusé dans plus de 60% des salles d’Amérique du Nord. C’est à ce moment que Félix va se diversifier dans ses activités: produits dérivés à la pelle, et début de ses aventures en strips dans les journaux.
Les journaux et Félix
C’est en 1923 que Félix va débarquer dans un autre média extrêmement populaire : Les journaux.En effet il était inévitable que ce personnage dessiné ne possède pas ses propres aventures sous formes de strips. C’est donc aux Etats-Unis en août 1923 que cette aventure hebdomadaire commença sous l’égide des journaux du King Features Syndicate. Félix fut ainsi publié dans les pages du dimanche comme il était de tradition à l’époque, Pat Sullivan étant le dessinateur de ces cases, c’est en tout cas ce qui est indiqué par la présence de sa signature.
L’Europe vit arriver le chat trois mois plus tard, dans un journal britannique, le Pearson’s Weekly, une arrivée annoncée en grande pompe le 17 Novembre 1923 par Sullivan lui-même, il fallait marquer l’évènement de cette première publication européenne qui sera effective la semaine suivante, le 24 novembre. Le numéro 1741 du journal devient ainsi un objet historique, paré de plusieurs Félix sur le bandeau titre, on comprend nettement l’évènement de cette nouvelle bande dessinée. Tout cela pour seulement 12 petites cases au sein du numéro. Ces quelques cases étaient pourtant très demandées par les différents journaux qui ont beaucoup négocié avec Pat Sullivan pour en obtenir les droits de publication. Des histoires d’argent en somme comme lors du passage de Félix dans le Sunday Heyrald, un autre journal britannique.
Félix est partout
C’est ainsi que Félix arrive à son apogée de star d’une culture populaire mondiale, il devient une référence, un personnage qui fait vendre. Félix fait l’objet d’une grande production de produits dérivés, chose rare à l’époque, des cartes postales, des jouets, de la vaisselle… Tout était bon pour Pat Sullivan qui engrangeait de l’argent grâce à sa licence, il dut même lutter contre des contrefaçons et autre objets clandestins, gage de l’importance économique de Félix et de la main mise du créateur/producteur sur son personnage. Félix pénétra ainsi toutes les couches de la société, il était partout, et son image était utilisée telle une icône.
Il est ainsi la mascotte de l’équipe de baseball des New York Yankees, un ballon géant dans la parade de Thanksgiving à New York en 1927, le premier objet utilisé et diffusé dans les premiers tests de télévision, le dessin apposé sur des avions de l’armée américaine…Comme toute production de l’époque, et encore plus pour une œuvre ayant un tel succès, les différents aspects de la société et sa pensée y ont été représentés. Il n’est donc pas étonnant de voir des gags pouvant être mal perçus aujourd’hui avec certaines représentations des personnes noires très caricaturales. Ce qui ne fut en aucun cas un frein au développement de la popularité du personnage à cette époque là. Mais cette success story est pourtant basée sur une bataille de créateurs, car comme souvent il y a derrière cela une sombre histoire.
Félix a deux papas
Pat Sullivan, australien d’origine ayant émigré aux Etats-Unis à l’âge de 25 ans, est donc sur le papier le créateur de l’ami Félix. Et oui c’est lui qui signe les dessins des strips hebdomadaires, c’est lui qui possède le studio d’animation des cartoons Félix, et c’est lui qui va gérer et entreprendre l'ensemble des sujets financiers autour de son personnage. Pourtant une autre personne était présente lors de sa naissance dans « Feline Folies », un animateur, Otto Messmer. En effet, un studio d’animation ne se gère pas seul et Sullivan a eu besoin d’employés à ses côtés, Messmer en était le plus important. Ainsi Messmer a voulu être reconnu comme créateur de Félix bien après la mort de Sullivan, l’idée est qu’en tant qu’animateur du personnage Otto était le cerveau de la création, tandis que Pat n’aurait fait que financer le studio et la production du chat. Messmer est donc pour lui à l’origine de la partie graphique pour toutes les productions, les dessins animés et les strips.
Il est encore difficile aujourd’hui de départager l’un ou l’autre, il semble évident que Pat Sullivan n’était pas le génie créatif et productif auquel on pouvait penser. Pour les strips dominicaux par exemple il semblerait qu’il ait uniquement refait l’encrage de certaines vignettes pour la parution dans de nouveaux journaux, alors qu’il les présentait comme ses propres créations. Sullivan était de plus un homme pas toujours des plus fréquentables, il fut ainsi en 1917 accusé de viol sur mineure, et dût purger une incarcération. De plus, il était alcoolique, un état qui a possiblement altéré ses capacités de décisions concernant des choix de production majeurs envers Félix.
La fin de la première vie du chat qui ne miaulait pas
Félix a été le premier personnage populaire de dessin animée au tout début des années 20, son destin était tout tracé et pourtant le monde a réussi à évoluer sans lui. En effet, les dessins de Félix avaient beau être techniquement parlant de bonne facture, ils n’étaient pas associés à du son, ce qui était normal à ses débuts le cinéma étant muet à l’époque. Mais Walt Disney est arrivé en 1928 avec Steamboat Willie, son tout premier cartoon parlant avec en tête d’affiche Mickey Mouse. Les dessins animés devinrent ainsi sonores au cinéma, et le public suivi très facilement cette évolution technique. Pat Sullivan réfuta ce changement et voulu garder les fondements silencieux de Félix malgré la demande de plusieurs distributeurs tel Educational Pictures.
C’est en octobre 1929 que le premier cartoon parlant de Félix vu le jour en association avec le distributeur Copley Pictures, malheureusement, au lieu d’être un carton, cet essai fut un désastre. Le son fabriqué pour le court métrage était calamiteux, Sullivan n’avait pas fait ce qu’il fallait pour que cette nouvelle technique soit réalisée dans les règles de l’art. Cette tentative de passer au parlant fut le chant du cygne pour Félix, qui subit en plus la dégradation de l’état de santé de Sullivan jusqu’en 1933 année de sa mort. Félix est ainsi remplacé par Mickey au cinéma, mais continu tout de même d’être publié dans les journaux grâce à Otto Messmer, mais l’aura du chat ne sera plus jamais aussi importante qu’au début des années 20.
Félix le chat est donc un magnifique exemple des icônes de la pop culture, son histoire est unique dans ce domaine et permet de ne pas oublier celle des Hommes présents dans l’ombre. Bien entendu Félix a vécu après sa période de gloire des années 20, il revint à la transition des années 50/60 de manière télévisée grâce à Joe Oriolo redéfinissant le personnage, eu le droit à un film de qualité douteuse à la fin des années 80, et une nouvelle série télé pendant les années 90. Il est donc fort probable de revoir Félix les jours prochains en quête d’une nouvelle nourriture.