NFS. Trois lettres qui symbolisent tout un monde. La gomme sur l’asphalte, le crissement des pneus, les traces de frein(age). « Haine et fesses », ce n’est pas qu’une question de violence routière ni de débauche de bimbos affaissées sur des carrosseries, c’est un style à part entière qui revendique sa différence vis-à-vis de ses concurrents. Avec le lancement du reboot de la série sobrement intitulé Need For Speed, c’est l’occasion rêvée pour une petite rétrospective sur une licence culte.
Ici-bas, d’innombrables plaisirs sont réputés pour créer une accoutumance. C’est le cas de l’alcool ou de la cigarette, et peut-être, bientôt, de la viande rouge, d’après l’OMS. Certaines pauvres âmes souffrent aussi d’addiction à la vitesse. Mais la vitesse tue, et on ne blague pas avec la sécurité routière. Heureusement, il y a la série Need For Speed pour assouvir ses rêves inavoués de conduite nerveuse et irrévérencieuse. Need For Speed, c’est quasiment 20 ans de bons et loyaux services. Le premier opus, The Need For Speed, fut lancé le 31 août 1994 sur 3DO, console de salon de l’époque. Près de 20 jeux ont vu le jour depuis cette date, jusqu’au récent Need For Speed : Rivals sorti en 2013. La série a su évoluer depuis son apparition, bousculant les codes qu’elle avait elle-même établis. L’ADN de Need For Speed, c’est bien évidemment la course automobile, mais sous des formes très différentes.
LA ROUTE EVOLUE AVEC LES PILOTES
Les premiers softs proposaient des courses dans des environnements très variés, avec une prédominance pour les décors naturels. On pouvait ainsi rouler sur des routes côtières, parcourir des tracés campagnards, forestiers ou montagnards, mais aussi traverser des déserts ou plus classiquement, des villes. Arpenter les régions volcaniques devient aussi possible grâce à Need For Speed : Hot Pursuit 2 (2002). Toutes les régions du monde seront représentées dans les circuits disponibles. Les forces de police font leur apparition dans Need For Speed III : Hot Pursuit (1998). Cette idée sera reprise dans de nombreux jeux par la suite. Certains d’entre eux proposeront même au joueur de piloter les bolides des gardiens de la paix routière pour arrêter quelques dangereux chauffards, avec des moyens aussi sophistiqués qu’agressifs. Percuter un hors-la-loi à plus de 200 km/h ne vous suffit pas ? Pas d’inquiétude, composez le 1 pour les herses, le 2 pour les bombes IEM et le 3 pour l’appel à un ami pilote d’hélicoptère.
Le trafic routier n’a pas toujours été présent. Et c’est bien dommage, car se prendre de plein fouet une camionnette tétraplégique alors qu’on est en tête d’une course relève de l’ascenseur émotionnel qu’il faut avoir subi au moins une fois ! Les badauds motorisés étaient en effet aux abonnés absents lors des prémices de la série et lors des épisodes centrés sur une conduite plus réaliste où les courses se pratiquent sur circuit. Dans les autres opus, le joueur doit concilier vitesse et précision, se faufilant à travers les interstices laissés par les véhicules conduits par les honnêtes gens. Les courses se déroulaient uniquement de jour au commencement de la licence. Ce n’est que dans Need For Speed : Underground (2003) que le joueur peut partir à l’assaut du monde de la nuit, dans sa petite citadine intégralement trafiquée. Un tout autre univers est exploré, dans lequel les effets de lumière, contrastant avec l’obscurité ambiante, confèrent une ambiance bien particulière au jeu. Les phares brillent de mille feux, ainsi que les néons et les éclairages des bâtiments qui rendent la ville autrement vivante que celles qui pouvaient être traversées dans les volets précédents. Comble ultime du raffinement, on note la présence d’un cycle jour/nuit dans le millésime 2010.
La jouabilité connaît un tournant simulation (une conduite qui se rapproche de la réalité) initié en 2007 avec l’épisode Need For Speed : ProStreet. La franchise proposait pourtant depuis ses origines une conduite très arcade (une conduite assez irréaliste qui laisse la part belle à la vitesse et aux dérapages). Ce soft se focalisait sur des courses ayant lieu sur des circuits automobiles et tracés fermés, tranchant nettement avec les traditionnelles courses illégales auxquelles nous nous étions habitués. Ce virage se confirme avec Need For Speed : Shift, paru en 2009 et sa suite, en 2012, volets intégrant d’ailleurs une vue intérieure. Ne souhaitant pas abandonner le cœur du gameplay, Electronic Arts opère en parallèle un retour aux sources avec Need For Speed : Hot Pursuit (2010). Le seul titre de l’épisode en atteste. Finalement, l’éditeur ne persévèrera pas dans la conduite simulation, en reprenant le chemin de la jouabilité arcade. Précisons que le nouveau titre qui sortira dans quelques jours intégrera la possibilité de modifier le comportement de son véhicule entre les deux modes de gameplay, en faisant une halte dans le menu options. Ce faisant, EA semble faire un compromis.
EN VOITURE, SIMONE !
Un Need For Speed sans voitures, ce serait sûrement comme sillonner les routes avec Google maps, en mode Streetview. Potentiellement très dépaysant mais sûrement pas très amusant. Afin d’épargner aux joueurs ce traumatisme certain, les développeurs ont fidèlement reproduit des véhicules amoureusement sélectionnés dans chaque épisode de la série. Il y avait moins de dix bolides à piloter dans The Need For Speed (1994). Eh oui, ce n’était pas Byzance. Mais l’eau a coulé sous les ponts, le nombre d’automobiles dépasse allègrement 50 dans les jeux récents (en comptant les DLC). La sélection des voitures opérée par les développeurs était très orientée supercars aux balbutiements de la licence. Au fur et à mesure, de nombreux types supplémentaires de véhicules peuvent être essayés, comme les muscle cars. Les voitures sont dernièrement réparties en différentes classes de performance et une ribambelle de marques sont représentées. On pourra même s’étonner du développement du cinquième soft de la série, qui a été exclusivement consacré à la marque Porsche (Need For Speed : Porsche 2000). En tout cas, comme bien d’autres jeux de course automobile, c’est la possibilité de collectionner les véhicules qui fait mouche. On en veut toujours plus ! Certains jeux ont toutefois instauré une limite au nombre de véhicules que pouvait accueillir le garage, tout en permettant de vendre ses véhicules ou de les échanger contre d’autres.
Une voiture c’est bien, mais une voiture tunée, c’est mieux. Un élément intéressant de la série NFS a été à un moment donné la possibilité d’améliorer ses véhicules. Mis en place en 1999, le tuning est alors essentiellement mécanique, pour faire gagner son auto en puissance ou en maniabilité. Plus tard, les personnalisations esthétiques seront disponibles comme dans Need For Speed Underground (2003), comblant les fanatiques et fétichistes de la jupe latérale, du néon et du capot classieux. Le déblocage de chaque élément est savamment dosé, pour permettre une progression linéaire, sans pour autant entraîner une lassitude chez le joueur. Ce système n’est cependant pas repris dans des titres contemporains tels que ceux sortis en 2010 et 2012. Les dégâts matériels sont pour leur part introduits dès le quatrième volet de la série. Engendrés par des collisions avec les adversaires et le décor, ils se traduisent par des dégâts visuels et des baisses de performance. Par la suite, dans l’ensemble de la série, la gestion des dégâts reste au menu, du moins s’agissant de l’aspect extérieur des véhicules.
Pas le temps de s’ennuyer dans un Need For Speed ! Certes, les premiers titres parus proposaient des courses au sens classique du terme, opposant le joueur à d’autres adversaires contrôlés par ordinateur, dans la quête de la victoire absolue. L’objectif est resté le même, gagner, mais les épreuves et activités se sont démultipliées : Duels endiablés opposant le joueur à un adversaire dans une course mano a mano, Drags tumultueux obligeant le joueur à passer les rapports de manière optimale pour aller le plus vite en ligne droite, Drifts virevoltants dans lesquels il s’agit de faire déraper son véhicule pour engranger le plus de points…
Du développement de la technologie, notamment des fonctionnalités connectées, est née l’apparition de modes multijoueur local, de parties en ligne avec d’autres fous du volant, et de mondes ouverts ne demandant qu’à être parcourus de long en large. Le partage en temps réel de records et de classements, ainsi que le défi de joueurs du monde entier est désormais à portée de main. Le mode solo n’est pas non plus à la traîne, celui-ci étant très scénarisé dans certains volets et ponctué de cinématiques qui ajoutent au monde de la course l’univers de la fiction cinématographique. Dans Need For Speed : Most Wanted premier du nom (2005), le joueur incarne un personnage qui se fait subtiliser son véhicule suite à une course malhonnête. Il doit donc progresser dans le classement d’une liste noire composée de 15 pilotes, à la tête de laquelle se trouve le voyou qui a dépouillé le protagoniste de sa belle auto. Need For Speed : The Run (2011) met en scène un pauvre hère pourchassé par la mafia, devant participer à une course à travers les Etats-Unis pour sauver sa peau.
LA STRATEGIE DU SUCCES, CA ROULE POUR EA !
Le succès de la licence ne peut être remis en cause. A l’occasion des 20 ans de la franchise, Electronic Arts a réalisé en 2014 une vidéo anniversaire faite des extraits des jeux sortis jusqu’alors. L’éditeur avançait avoir vendu plus de 150 millions de jeux dans le monde. Certaines séries de course automobile se définissent par une relative linéarité, comme Gran Turismo ou Forza Motorsport (si l’on excepte Forza Horizon et sa suite). Dans ces licences, le gameplay est rodé, ce qui n’empêche pas leurs éditeurs de capitaliser sur la réussite commerciale attachée à ces titres. Ce sont bien évidemment des jeux de simulation alors que Need For Speed se revendique, dans sa globalité, arcade. La comparaison est donc très limitée. Néanmoins, la franchise a tenté le pari de se renouveler à plusieurs reprises pour créer des expériences disparates d’un volet à l’autre.
Les influences changeantes de la série sont d’abord dues à des choix stratégiques. Par exemple, la cible visée semble être radicalement opposée entre d’une part les Need For Speed : Underground et d’autre part, les Need For Speed : Shift. L’un invite à découvrir les courses de rue en pleine nuit dans des bolides bardés de couleurs flashy conduits par des protagonistes affublés d’un accent gangsta à couper au couteau. L’autre se fait le héraut d’une conduite plus exigeante et élitiste avec un slogan du style « Un jeu de pilotes pensé par des pilotes pour des pilotes ». La myriade de studios qui sont intervenus dans le développement des différents volets explique également pourquoi les jeux ne se ressemblent pas. Les softs sortis en 2010 et en 2012 ont par exemple été développés par Criterion, studio à l’œuvre sur la licence Burnout, où la conduite la plus anarchique était particulièrement récompensée. Ces directions contradictoires ont malheureusement divisé les fans. Or, dans le jeu vidéo, la règle de diviser pour mieux régner peine à s’appliquer. Les personnalisations poussées présentes dans les épisodes Underground ont été peu à peu abandonnées pour être réduites à peau de chagrin. Le tuning visuel, ainsi dépouillé de sa substance, et récemment limité à la seule possibilité de changer de couleur, a fait grincer les dents de nombreux aficionados des courses nocturnes. Pourtant, les voitures présentes dans l’opus sorti en 1994 étaient disponibles dans une couleur unique ! EA paraît avoir compris le message et a annoncé un retour fracassant de la personnalisation dans le titre à paraître cette année.
La stratégie retenue par l’éditeur, en terme de fréquences de sorties, a été de privilégier un rythme moyen annuel de parution depuis le premier volet. Malgré cette cadence effrénée, la qualité technique semble avoir été conservée. Les moteurs graphiques sont d’ailleurs en constante amélioration, l’épisode de 2013 tournant sous Frostbite 3. Pas de bugs énormes comme Assassin’s Creed Unity, mais des titres qui ont été moins bien accueillis que d’autres par la critique, à l’image de Need For Speed : Undercover (2008). Sur ce point, il est très étrange qu’EA n’ait pas souhaité sortir un soft en 2014, année de commémoration de la licence. C’est dire les espoirs que fonde l’éditeur sur son reboot, dont le développement a apparemment été aux petits oignons. EA a su profiter des différents supports pour asseoir sa stratégie multiplateforme. L’éditeur n’a pas souhaité faire de ses jeux des exclusivités propres à une plateforme particulière. La firme de Redwood City n’a en tout cas pas délaissé le PC, plateforme la plus représentée jusqu’à présent. Une chose est sûre : l’entreprise américaine aime le recyclage, et faire du neuf avec du vieux. On le voit bien avec la réutilisation de noms de hits à quelques années d’intervalle, sans doute pour surfer sur la vague du succès de l’ancien volet. C’est le cas de Hot Pursuit, repris 11 ans plus tard, et Most Wanted, ressorti 7 ans après sa première apparition.
Le modèle économique suivi est plutôt classique. Les jeux sont payants à l’acquisition, même si les plus récents sont aujourd’hui disponibles en support dématérialisé, notamment sur la plateforme de jeux d’EA, Origin. Les DLC sont devenus chose courante dans la franchise depuis 3 ans environ. La série Need For Speed s’est aussi essayé au MMO avec Need For Speed World (2010), devenu rapidement free-to-play mais toujours miné par des microtransactions. Les serveurs ont été fermés durant l’été 2015. Pour son reboot, EA paraît vouloir rassembler la communauté entière autour de son nouveau bébé en réalisant un véritable pot-pourri de tout ce qui a fait la force de la licence. Gageons quand-même que l’éditeur ne nous annonce pas que les logiciels faussant le test antipollution ont aussi été installés dans nos Golf virtuelles. Ça ferait tache.
Need For Speed est une série qui emprunte les codes d’autres médias, comme le cinéma. Le scénario du mode carrière de plusieurs opus atteste d’une véritable volonté de faire vivre une histoire au joueur au-delà du plaisir de conduire. La franchise a ailleurs accouché d’un film paru en 2014. D’ailleurs, puisqu’on en est là, difficile de ne pas penser aux Fast and Furious. Qui a inspiré qui ? C’est une autre histoire.
DaftVenom
Le 03 novembre 2015 à 18:55Bon même si ça ne parle que de grosses bagnoles et d'un jeu pour Macho amateur de carrosserie, j'ai trouvé le style d'écriture bien sympa. ;)
LePetitTroll
Le 05 novembre 2015 à 23:15Need For Speed, c'est l'essence de la fiction même ! S'évader de la sorte alors qu'on est dans les bouchons en Dacia Logan toute la semaine, ça n'a pas de prix !