Aujourd’hui, j’ai envie de vous faire découvrir l’univers des jeux 4X : « eXplore, eXpand, eXploite, eXterminate ». En français : « eXplorer, s’étendre, eXploiter, eXterminer ».
« C’est ainsi que la France emporta la conquête spatiale, au nez et à la barbe de l’Egypte et la Chine. La fusée « Napoléon For Ever » s’envole depuis les côtes parisiennes, devant les yeux de ses voisins Zoulous, États-Uniens et Grecs. ». Vous vous demandez comment on peut en arriver là ? Après plus de deux milles ans d’Histoire. Mais pas n’importe quelle histoire ; une que vous avez écrite vous-même au travers d’un jeu. Ce jeu, c’est Sid Meier’s Civilization, le porte étendard du jeu de stratégie au tour par tour, aussi appelé « 4X ». De Civilization à Europa Universalis en passant par Endless Legend, je vais vous faire découvrir ce genre de niche, vous expliquer pourquoi c’est bien et pourquoi ça rebute, vous expliquer pourquoi aujourd’hui c’est un genre confidentiel, le tout bien sûr en vous donnant envie d’y jouer.
Avant de commencer
Qu’on s’entende bien : « 4X » est un genre, du même que le jeu de combats, que le MOBA ou que le MMO Survival Craft (tu sais pas ce que c’est ? Clique ici). Par conséquent, il y a plusieurs jeux. La précision paraît bête mais bien souvent, on a la mauvaise habitude de résumer ce genre à une saga de jeux : Sid Meier’s Civilization. Vous avez sûrement entendu ou lu ce nom quelque part si vous vous intéressez aux jeux vidéo et pour cause, le sixième opus est sorti alors que cet article est en train d’être rédigé. Civilization, ou « Civ » pour les intimes, c’est un monument. Un monument du 4X mais pas seulement ; je ne vais pas m’étendre là-dessus mais Civilization, et son créateur originel Sid Meir, a eu un impact important sur l’évolution du jeu vidéo. Cependant, avant de passer en revue, les cadors du genre, c’est quoi un « 4X » ?
La réponse est en grande partie dans le nom du genre (« eXplore, eXpand, eXploite, eXterminate ») mais allons plus dans le concret. Les « 4X » sont des jeux de stratégie mais à la différence de Age of Empires, Supreme Commander et autre Starcraft, c’est au tour par tour. Vous voyez un jeu de plateau ? C’est exactement pareil : quand un joueur a fait tout ce qu’il voulait et pouvait, il déclare avoir fini son tour (ou dans notre cas, appuie sur le bouton fin de tour ) et donne la main au joueur suivant sur la liste. Si vous préférez c'est comme les RPG à l'ancienne (Dragon Quest, Final Fantasy...) et quelques autres aujourd'hui (Persona, Bravely Default...) où les combats étaient au tour-par-tour. Pendant ces tours, que peut faire le joueur ? Et bien… je ne vais pas faire la liste car on y serait encore jusqu’à demain. Plutôt que de répondre à ça, je vais vous dire dans quel contexte est le joueur : il est un Empereur d’une civilisation/faction/etc. et doit « gagner ». Là aussi, beaucoup de moyen de gagner ; il peut anéantir tous ses ennemis, conquérir leur capital, imposer sa culture, être à la pointe de la technologie, coloniser toute l’étendue de jeu, devenir maître du monde légalement, etc. Cela dépend du jeu.
Qu’est-ce que peut faire le joueur ? ; à peu près tout et n’importe quoi pour arriver à ses fins et j’exagère à peine. Pêle-mêle là aussi, car je veux juste vous donner un avant-goût, le joueur peut (doit) exploiter ses territoires, fonder de nouvelles villes, gérer sa diplomatie, ses villes, bref, pour un peu, on se croirait presque dans Sim City. L’un des gros points forts que je ne vais qu’évoquer vaguement avant de creuser plus tard est que quel que soit le jeu, son gameplay s’adapte à votre style. Vous voulez que ça soit un jeu de stratégie militaire ? Soit, créez des armées en quantité ! Plus la fibre scientifique ou culturel ? A vous de bien gérer votre empire pour être en tête ! Plus intéressé par prendre le contrôle en toute transparence ? Passez votre temps dans vos ambassades !
Tour 0 : qui joue quoi ?
Maintenant que vous savez de quoi il retourne, je vais vous présenter quelques jeux intournables du genre. Comme dit, il y a le monument Civilization. Depuis le premier opus, chaque épisode s’attache à vous mettre dans la peau d’une des grandes civilisations que la Terre ait jamais porté : des Incas aux Chinois en passant par les Shoshones. La particularité de Civilization est qu’il permet de créer des dystopies. La petite phrase d’accroche de l’introduction de l’article est inspirée du let’s play du Joueur du Grenier sur Civlization V. L’une des principales mécaniques de la série est de vous permettre de créer des merveilles : Tour Eiffel, Broadway, Maharaja, etc. indépendamment de la civilisation que vous incarnez. Ainsi, ne vous étonnez pas de voir les Espagnols créent l’armée de Terre Cuite ou les Zoulous la Statue de la Liberté. Très déstabilisant au début (c’est l’une des raisons pourquoi je n’ai pas accroché avec la série au premier contact), c’est finalement très drôle et ça fait partie du charme du jeu. Autre particularité bien propre à Civilization, vous vous incarnez en meneur de la civilisation choisie (Napoléon pour les Français, Reine Elisabeth pour les Anglais, Bismarck pour les Allemands, etc.) et ce depuis l’an -2000JC jusqu’à l’infini- ou votre meneur est immortel. En plus de tout cet aspect dystopique, Civilization étant la série fondatrice du genre, elle peut jouir de ses mécaniques bien huilées, de sa relative accessibilité et de son immense profondeur : j’ai des amis avec 1000 heures de jeu dessus qui découvrent encore des choses. Bref, si vous voulez découvrir le genre sans risque, c’est bien Civilization qu’il vous faut. Le 5 ou le 6 ? Encore trop tôt pour le dire.
Si vous voulez vous la jouer français, il existe Endless Space et Endless Legend d’Amplitude Studios. Le premier se passe dans l’espace et a un aspect gestion très dominant. Le second porte sur de l’héroïc-fantasy, très original, loin des orcs et des elfes, et présente un équilibre intéressant entre combats, politiques, etc. Un peu moins accessibles malgré de bons tutoriaux, ils sont beaucoup plus exigeants ; ils offrent beaucoup plus de possibilités de victoire que Civilization V par exemple. Ils permettent en outre de créer sa propre faction sur le modèle de celles existantes, donnant une durée vie virtuellement infinie. Je me permets de rajouter qu’Amplitude Studio est une étoile montante dans le milieu du jeu vidéo et qu’il faut absolument garder un œil dessus.
Je vais finir cette sainte-trinité de présentation avec Europa Universalis. Ici, on est clairement sur un autre niveau. Si vous regardez des images du jeu, vous allez peut-être avoir le vertige. Disons-le, chaque Europa Universalis est une machine à gaz. Mais comme chaque machine à gaz, tout ce qu’elle demande, c’est qu’on la comprenne et qu’on l’aide à fonctionner. Beaucoup de fenêtres et de sous-menus sont un laborieux chemin vers l’un des jeux les plus complexes et gratifiant qu’il puisse exister. En parallèle de ça, les Europa Universalis proposent une dimension historique extrêmement fidèle. La saga se destine vraiment aux férus d’Histoire, peut-être plus encore qu’aux joueurs de stratégie, là où Civilization ne reprend que les éléments historiques et vous les donne, comme des Lego à réassembler.
Avec ces trois jeux, vous avez de quoi découvrir le genre. Civilization (que ça soit le V ou le VI, attention à ceux d’avant qui commencent à vieillir) vous permettra de découvrir agréablement le genre et de vous amuser relativement rapidement avec une dimension historique ludique. Endless Legend est une autre excellente porte d’entrée, surtout qu’au contraire de Civilization (en tout cas le V), le titre propose un véritable tutoriel. De plus, si vous aimez plus l’héroïc-fantasy que les cours d’Histoire, le titre vous offrira un univers riche à découvrir. Enfin, si vous avez besoin d’un réel et énorme défi, ou que vous soyez passionné d’Histoire, Europa Universalis est fait pour vous.
Tour 11 : « on peut recommencer ? »
Un rapide aparté sur un sous-genre du 4X que je vais résumer à deux jeux. Age of Wonders et Heroes of Might&Magic ou Might&Magic Heroes depuis le rachat par Ubisoft. Dans le cas Age of Wonders, j’exagère de le mettre dans cette catégorie : c’est juste qu’il comporte un aspect RPG (système de bien et de mal, de héros, etc.) qui n’existe pas chez les autres et tout juste survolé dans Endless Legend. Heroes of Might&Magic, c’est beaucoup plus tranché : le côté politique est inexistant, la gestion des territoires simplifiée à l’extrême au profit de combats beaucoup plus tactiques et d’un aspect RPG fortement marqué.
Je vais réserver ce dernier paragraphe non plus à des jeux mais à un univers : l’espace. C’est le décor qui sert le plus au genre du 4X. J’ai déjà cité Endless Space 1 qui propose une expérience similaire aux trois autre. Ceci dit, avec le 2 sortant bientôt, il est peut-être plus judicieux de l’attendre. Gros hit de ce printemps-été, Stellaris qui, malgré ses grandes qualités, pêche quelque peu au niveau des combats et du commerce si j’ai tout suivi. Similaire aussi, Master of Orion dont il est difficile de bien différencier des autres en quelques lignes.
Tour 56 : le temps de boire son café
Je ne vais pas vous faire la description d’un début de partie : je ne suis pas assez expérimenté pour ça et des vidéos s’en chargeront bien mieux que moi. A la place, je vais plutôt vous exposer les qualités, selon moi, du genre.
Prenez votre temps. Je présenterai ça aussi comme un défaut, avec explications, un peu plus tard mais le 4X vous rappelle l’importance de prendre votre temps. Je m’éloigne quelques peu du jeu vidéo mais dans un monde où tout va toujours plus vite, où les MOBA sont devenus un genre de jeux populaire grâce, entre autre, à leur frénésie d’action, où vous ne pouvez plus vous cachez de vos appels, SMS et e-mails (enfin, paraît-il, je sais encore où est le bouton off de mon portable personnellement), jouer à un jeu qui vous oblige à dépenser au minimum une heure de votre temps pour que votre partie ressemble enfin à quelque chose, ça a quelque chose de rassurant et de relaxant. Beaucoup de mes camarades joueurs de ces jeux me disent « oh moi j’adore le début, c’est là où tout se joue ». Alors certes mais personnellement, j’adore jouer à Civilization et arriver au tour 233, dé-zoomer ma carte et voir mes trois villes babyloniennes fonctionnant à la perfection, mes frontières embrassant celles de mon allié égyptien, de mon ancien ennemi Napoléon et du futur ennemi grecque. J’adore avoir un pouvoir économique sur mon voisin danois, au sud, et commercer avec les empires lointains perses et hollandais. J’aime re-regarder la carte, me rappeler tout ce qui s’est passé depuis 233 tours/1500ans d’Histoire, voir ce petit tas fumant qui était jadis Lyon, ville que j’ai détruite. Je vois ça, et je peux prendre le temps de me sentir bien. Chose que je ne peux pas faire en partie de SMITE… Mmh… « Oh mon personnage, comme tu es bien équipé, j’ai tellement fait de beaux kills, j’ai-». Non pas possible, dans un jeu qui va à 100 à l’heure. Et ne parlons même pas des jeux de combats et autres FPS.
Tour 87 : Là où dans cette plaine grandit le noyau de ma victoire
Cette envie de prendre son temps, vous l’aurez peut être grâce à une autre qualité par tous les titres que j’ai cités, à des niveaux différents : l’atmosphère. Je parle bien ici d’ « atmosphère », de quelque chose qui se dégage, et pas uniquement de graphismes, de bande-son ou de direction artistique. Quel que soit votre niveau de zoom, la scène que vous cadrez, il se dégage quelque chose qui je trouve est agréable. Cela rejoint ce qui a été dit juste au-dessus mais chaque image de votre plateau de jeu est une histoire, les troupes placés là, les villes construites ici, cette montagne qui a influencé à un moment ou un autre votre stratégie, cette planète pour laquelle vous avez enduré avant de pouvoir la coloniser, etc. Même si la génération de carte est aléatoire ou que l’espace n’est jamais rien de plus qu’une immensité noire, tout porte à raconter une histoire et vous fait sentir bien. Après bien sûr, certains jeux se démarquent un peu plus que les autres. Je décerne la palme du plus beau 4X à Endless Legend, des français d’Amplitude Studios. Déjà que la direction artistique est sublime mais chaque carte est un chef d’œuvre de paysage dont notre vision est enchantée par les agréables musiques du jeu (bien qu’au bout de 8 heures de parties, toute musique devienne un peu pénible). A l’inverse, les graphismes du tout frais Civilization VI ont quelque chose d’un peu trop cartoon à mon goût (qui a dit « portage tablette » ? Moi !) surtout après le sérieux du V.
Tour 142 : Si vous voulez la paix, préparez la guerre
Comme je l’ai dit, l’une des plus grandes forces des 4X est que le gameplay s’adapte à votre style de jeu. J’en veux pour preuve la diversité des factions dans chacun d’eux, tous répondant à des propriétés différentes et sont plus orientées vers tel ou tel type de victoire. Libre à vous de faire un peuple pacifique et de prendre le pouvoir par l’argent ou de prendre plutôt les armes. Aucune restriction, si ce n’est celle que vous vous imposez avec tel ou tel choix de faction.
Cependant, vous vous rendrez bien compte vite que ce n’est possible, pas à proprement parler en tout cas. Oui, vous pouvez vous orienter vers tel ou tel type de victoire mais prenez surtout en compte vos voisins, celui qui prend déjà les armes au tour 2. Un Empire n’évolue pas seul en toundra, il se développe dans un cirque où gesticulent tout un tas d’autres Empires. Impossible dès lors de ne pas avoir d’armée mais hey, est-ce vraiment un point négatif ? … Oui et non. Oui car ça vous oblige à sortir de votre zone de confort et d’être performant sur tous les fronts. Non car on verra ça plus tard. Il est vrai que pour aimer la stratégie et le genre 4X, il ne faut pas être allergiques si ce n’est aux mathématiques, au moins aux calculs.Le calcul des forces, des productions, la prévision de chiffres, etc. ces jeux vont vous faire réfléchir et c’est tant mieux. L’art de calculer ses dégâts dans les MOBA et MMO c’est bien joli mais vient à un moment où il faut passer à des calculs bien plus riches.
Enfin, existe avec les 4X le syndrome du one more turn ou encore un tour en bon français. C’est cette théorie, pas clairement établie, qui veut qu’un joueur est excité par l’inconnu du prochain tour. Commençons par un exemple. Vous venez de passer disons 30 tours à établir une stratégie ; cette ville-là à ce moment précis produisant ceci avec ça, ça et ça autour alors que votre cible passe près de vos frontières. Sauf qu’au trentième tour, vous avez cette pensée un peu étrange de « il faudrait que j’arrête là, je dois finir mon article pour Pop Fixion» ou « Demain je commence à 8 heures, faudrait que j’aille dormir un peu ». Mais voilà, votre apriori brillante stratégie de 30 tours a besoin du trente et unième tour pour prendre son envol et être dévoilé au grand jour. Vous voulez cet effet de grisant du « Mwah ah ah, je vous ai bien eu ! ». Alors, vous craquez « Bon allez, encore un tour » et vous appuyez sur ce maudit bouton « Fin du tour ».
Et là, c’est le drame, peu importe ce qu’il se passe. Votre stratégie réussit et redistribue les cartes actuelles de la partie, vous donnant sensation que la victoire est proche alors pourquoi pas continuer sur une si bonne lancé ? C’est en somme ce qu’il se passe quand on enchaîne plusieurs victoires dans n’importe quel jeu JCJ (joueurs contre joueurs) ou au poker. Ou alors, rien ne se passe comme prévu et si vous êtes un minimum combatif, ce qu’il faut être avec ce genre de jeu car les déconvenues sont fréquentes, vous voulez rétablir les choses selon votre bon vouloir. Quoiqu’il en soit, « encore un tour » n’est jamais singulier, il est toujours pluriel « encore des tours ».
Tour 199 : le temps d’un combat sans fin
J’espère vous avoir mis la hype pour au moins vous renseigner sur ces jeux (non vraiment pitié, regardez le let’s play du Joueur du Grenier). Mais maintenant, en tout bon connard que je suis, il est temps de mettre la lumière sur quelques trucs qui vont pas. Je vais commencer par répondre aux échos que j’ai créé dans la partie « points positifs ».
Vous avez le temps et il faut au moins ça pour les 4X. Oui c’est relaxant de pouvoir s’asseoir et se dire qu’on va investir du temps pour voir quelque chose grandir. Cependant, il y a un mot que je me dois de lâcher par honnêteté : chronophage. Tous ces jeux sont tous, beaucoup ou énormément, chronophages. Il est impossible de dire « allez, petit Civ V vite fait ? » sérieusement. Ou alors on parle de parties particulières. Si vous voulez mener une partie du début à la « Fin » (je vais revenir dessus), il vous faut au moins un weekend plein. Attention, je parle d’un weekend à temps plein : du vendredi soir au dimanche soir minuit. Oui, ça peut être relaxant mais ça bloque surtout ces jeux à un public très restreint, qui a le temps, et l’empêche d’être joué spontanément alors qu’on lance volontiers une partie de Battleborn ou de DotA 2 en se disant que ça va prendre une heure grand max.
Ce qui se passe alors très souvent c’est qu’on décide d’une fin entre joueurs ou avec soi-même dans le cas d’une partie avec l’ordinateur. « Bon là c’est bon, c’est sûr que j’ai gagné. » ou « Allez va, m’a saoulé, pas envie de repartir en guerre juste pour garantir ma survie » sont des phrases habituées des 4X. Ces petites fins, même si admises par tous les joueurs, produisent une grande frustration. La frustration de ne pas voir l’écran de la Fin, celui avec les scores, le récapitulatif de la partie, les points forts et faibles de chacun.
Tour 242 : Le véritable empire victorieux
Je vais répondre au second écho que j’ai créé plus haut : celui qui concerne la nécessité d’avoir une armée pour au moins se défendre. Je ne vais pas faire une trajectoire historique du genre sinon mon article va devenir une thèse mais on admet volontiers que Sid Meier est celui qui a inventé le genre de la stratégie au tour par tour. Sid Meier est américain (enfin canadien mais ça m’arrange de dire qu’il est américain ici) et comme tout américain ou presque, il aime produire du divertissement. Et comme tout américain ou presque, il insuffle certaines idées dans ses productions, consciemment ou pas. Je ne vais pas faire un cours sur le sujet car je suis largement dépassé une fois les bases dites mais il existe dans le monde ce qu’on appelle le soft power. Je vais vraiment la faire courte : le soft power est une théorie de Joseph Nye comme quoi tout acte porte des idéologies de manière plus ou moins subtiles. Okay je vais donner un exemple et ça va aller mieux. Dans un film d’origine américaine mais traitant de la mythologie gréco-romaine, certains protagonistes emploient le mot « sin » (« pêché » donc quelque chose de profondément chrétien) plutôt que « fault » (« faute », nettement plus neutre) quand ils offensent les dieux gréco-romains (oui, je remercie le Fossoyeur de films pour l’exemple). Cette préférence du mot « sin » au mot « fault » répand, à petit dose mais quand même, la chrétienté et donc indirectement, les Etats-Uni car faut-il le rappeler, encore aujourd’hui, dans ce pays on jure sur la Bible au tribunal et sur les billets de banque on trouve « In god we trust » (spoiler : on ne parle pas ni d’Allah, ni d’Elohim ni de Brahma ici). Voilà un exemple concret de soft power. C’est sujet à débat, vous pouvez ne pas être d’accord, j’ai peut-être dit une connerie : je vous encourage vivement à commenter.
Bref, pour en revenir à Sid Meier et Civilization, le fait d’incarner une seule civilisation qui doit : découvrir l’inconnu, établir de nouvelles villes, coloniser et « gagner » la partie, c’est profondément américain. Comme dit, il est impossible de ne pas avoir d’armée dans ces jeux. D’ailleurs, que ça soit Civilization ou Endless Legend, vous avez toujours un colon et un guerrier en début de partie. Ca vous rappelle quelque chose ? La colonisation de l’Amérique. Ces jeux semblent dire qu’il est impossible de vivre dans un monde sans violence, autant méritée et sécuritaire soit-elle. L’adage Si vous voulez la paix, préparez la guerre représente d’ailleurs bien cette pensée, cette impossibilité qu’on veut nous faire croire, ce monde pleinement pacifique inaccessible. Alors oui, jouer à un 4X implique une acceptation, qui peut être critique comme je le démontre ici, que dans ce monde, la paix est impossible et que même si vous voulez répandre votre culture à travers le monde, il vous faudra toujours quelques soldats.
De plus, je suis aussi extrêmement critique quant au fait qu’il ne peut y avoir qu’un gagnant. Même si vous avez des alliés, il n’y aura qu’un gagnant. Drôle d’ailleurs de remarquer que dans les jeux de stratégie en temps réel (Age of Empires, Starcraft, etc.) il peut y avoir des équipes et donc des victoires en équipe mais que cela disparaît totalement dans les 4X. Cela rejoint sans débat l’idée de l’impérialisme américain. Cela est vaguement justifié dans Endless Legend mais je ne vais pas trop en dire par spoil. Petite précision : oui les Endless sont des productions françaises donc le soft power est peut-être moins présent mais étant donné qu’il s’inspire largement de Civilization, cela reste quand même valable.
Tour 269 : Ainsi se tenait le rocher immobile dans le fleuve déchaîné du temps
Le 4X est aujourd’hui un genre de niche. Certes, une bonne partie des joueurs a déjà entendu parler de Civilization et de par leur réputation grandissante, les créations d’Amplitude Studios ont une certaine notoriété. Cependant, très peu de joueurs ont déjà lancé ou au moins participé à une partie. Pourquoi ? Plutôt que « niche », je préfère employer le mot « nid » car pour apprécier ce nid, il faut grimper un arbre.
Les 4X ne sont pas accessibles. Je casse peut-être votre curiosité mais trop peu de ces jeux possèdent un mode tutoriel. Ils demandent du temps et de l’investissement. Les jeux ne sont pas frénétiques, ils sont lents. Je vais me répéter mais aujourd’hui, une partie de MOBA dure en moyenne 40 minutes et c’est étudié pour que ça dure 40 minutes. Car on a plus le temps. C’est pour cela que World of Warcraft s’est simplifié, c’est pour cela que le genre du MMO a beaucoup de mal à survivre et semble condamner à évoluer. Même le pendant rapide des 4X, la stratégie en temps réel, est boudé ou en tout cas, n’a plus sa splendeur d'antan. Dans les jeux JCJ aujourd’hui, on meurt, on recommence au bout de quelques secondes. Dans un 4X, on perd une armée, c’est tout une partie du temps investi qui disparaît et au contraire des MOBA, l’armée ne reviendra au bout de quelques secondes et malheureusement, on doit continuer, bon gré mal gré. Le comble étant que les MOBA sont à la base un dérivé du jeu de stratégie en temps réel. Pour toutes ces raisons, les 4X souffrent d’une image élitiste alors que ce n’est qu’à moitié vrai.
Si j’écris aussi cet article aujourd’hui, c’est pour casser cette image. Une communauté vous attend sur chaque jeu, des guides existent et surtout, les jeux vous donnent envie d’apprendre. L’édition complète de Civilization V est trouvable à moins de 10€ en magasin. Reprenez votre temps en main en donnant une chance à ces jeux, n’ayez pas peur d’aller à contre-courant.
Alors, empereur guerrier ou dirigeant diplomatique ? J’espère sincèrement vous avoir donné envie de vous renseigner sur ces jeux voir d’en essayer un. Non ça ne sera pas facile et vous allez peut-être regretter votre achat après 50 tours. Puisque rien qui vaut la peine d’être fait ne mérite pas un peu d’effort, faites encore un tour.
Louyouk
Le 26 octobre 2016 à 19:51Belle présentation exhaustive de ce genre trop méconnu. Ca me rappelle mes premières heures sur Populus sur mon CPC 464 ...
pyromago
Le 26 octobre 2016 à 20:15Belle présentation
Bart
Le 30 octobre 2016 à 17:33Bon article, ça m'a donné envie de redonner sa chance à Civilization :)