À l’occasion de la sortie de Vaiana, retour sur les personnages féminins de Disney qui ont su s’émanciper.
On le sait, Walt Disney était un homme qui avait les défauts de ses qualités. Génie de l’animation et de l’entreprenariat, il était une personne ayant un sens aigu de l’histoire et des moyens pour la raconter. À la base de nombreuses initiatives technologiques dans le monde de l’animation, il a toujours essayé de trouver la narration qui fera mouche auprès du public. Si cette technologie au service des personnages a pris différentes formes au cours de l’histoire du studio, il n’en reste pas moins que ce procédé est resté dans l’ADN de la société.
Cette quête de l’approbation du public a suivi bien des variations, des années 30 à nos jours, sous le contrôle de « l’humeur » de la société. Les premiers films estampillés Disney ont ainsi véhiculé une image très rétrograde de la femme, un propos qui a collé à la peau du studio pendant des dizaines d’années, parfois à tort. Blanche neige, en 1937, est effectivement une femme au foyer modèle adorant les gazouillis des oiseaux et la douce envolée de la poussière balayée par un chiffon. Une femme dont la seule échappatoire est d’être sauvée par un homme élu, un chevalier enveloppé de respect. Quelques années plus tard, Cendrillon rentrera aussi parfaitement dans ce moule. Mais ces histoires d’amour pour petites filles étaient en phase avec les sociétés de l’époque, rien d’étonnant à tout cela.
Avec l’évolution des mœurs, les studios Disney ont aussi changé pour rester fidèles à leur principe de toucher le public dans sa majorité. Ainsi, depuis près de 25 ans, la place des femmes a été revue dans de nombreux films. Si l’inconscient collectif tend à vouloir se rappeler de ce passé manichéen assez régulièrement, force est de constater qu’il devient difficile aujourd’hui d’accuser Mickey de vouloir cantonner toutes les femmes à jongler avec des casseroles. Revenons ainsi sur dix femmes de caractère, dans un ordre chronologique, qui ont su mener à cette évolution salutaire pour la vision des femmes.
Eilonwy, la fière
Sorti en 1985, Taram et le chaudron magique est un peu le dessin animé maudit des studios Disney. Souffrant d’un rythme mal dosé et d’un univers trop sombre pour les enfants, il fut un véritable échec. Il possédait pourtant un personnage féminin avec son petit caractère.
Eilonwy est ainsi une princesse en détresse. Elle est en effet aux mains du Seigneur des Ténèbres. Taram, un jeune homme en quête d’un chaudron magique, va ainsi trouver cette charmante demoiselle. Il est pourtant loin d’être le héros tant attendu, ses compétences au combat étant assez limitées. Eilonwy va pourtant prendre les choses en main avec une assurance et une inconscience assez flagrantes, lui montrant tous les recoins de son cachot. Les deux compères arriveront à se libérer et là encore Eilonwy tiendra à ce que son aide soit notée par ses différents compagnons d’aventure, car même si c’est un femme, elle les a bien aidés.
Ce personnage est une des prémisses qui mènera à l’apparition de véritables femmes fortes à l’écran. Si elle n’est pas l’héroïne de l’histoire, elle reste une personne fière qui ne veut pas qu’on atténue son rôle dans l’histoire. Un modèle en quelque sorte pour montrer que les actions bénéfiques réalisées par des femmes doivent leur être attribuées. Ce côté moins lisse et moins soumis est un premier pas pour les figures féminines Disney.
Jasmine, la vivante
Sorti en 1992, Aladdin s’inscrit dans cette période des années 90 qui voit les studios Disney s’essayer à de nombreux styles graphiques, mais aussi à des histoires où l’émotion est omniprésente. Dans ce film, le personnage principal est bien entendu Aladin, ce voleur pourtant plein d’humanité. On est toutefois rapidement marqué par le personnage féminin du film : Jasmine. Fille du sultan d’Agrabah, elle a le rôle d’une princesse et se doit de faire honneur à cette fonction. Si son cadre de vie s’ancre dans une tradition très paternaliste, elle va très vite démontrer son envie de briser les murs du palais dans lequel elle vit. Jasmine est en effet le symbole de la femme vouée à vivre sagement pour un homme dans une prison dorée, ici un magnifique palais, mais c’est aussi le cas pour la majorité des femmes dans de simples maisons.
Elle va pourtant se révéler être une figure féminine pleine de vie, suite à cette éducation très restrictive de la part de son père. Son naturel va ainsi lui donner l’envie de découvrir le vrai monde, celui des personnes qui ne vivent pas avec les privilèges. Sa démarche n’est d’ailleurs pas liée à une vilaine curiosité, mais bien à un désir profond de se mettre au même niveau que tout un chacun. Jasmine est ainsi un personnage très humain qui refuse d’accepter son sort mais aussi celui des autres. Si cette jeune femme est utilisée dans le film comme un intérêt amoureux pour Aladin, il n’en reste pas moins qu’elle restera un bel exemple de prise en main de son destin amoureux. Elle tient tête ouvertement à Jafar, son prédestiné mari, et accepte les sentiments qu’elle possède envers le pauvre voleur.
Jasmine est ainsi une belle démonstration de vie en dehors de sa catégorie sociale. Elle montre que les castes présentes dans la société sont caduques et que beaucoup d’énergie est nécessaire pour y échapper.
Pocahontas, l’icône
Sorti en 1995, le film Pocahontas est un des rares à se baser sur un personnage réel. Cette très jeune fille vécut au début du 17ème siècle pendant la colonisation des Amériques par les Anglais. Elle fût érigée comme un symbole historique d’entente entre Amérindiens et colons anglais. Si la véritable histoire est probablement bien moins glorieuse que cela, il n’en reste pas moins que le film d’animation Disney a marqué les esprits.
Pocahontas est tout d’abord une œuvre qui porte le nom de son personnage principal, une femme. Alors cela est déjà arrivé dans l’histoire Disney, mais cette fois ci ce nom signifie quelque chose : la liberté, la lutte, la volonté. Tout le long du film, Pocahontas est ainsi montrée comme une femme en symbiose avec son environnement, un lien fort qui lui donne une force de caractère sans pareille pour lutter contre toutes les malveillances. Fille de la nature mais indépendante des sociétés elle va suivre un chemin qu’elle tracera elle-même, en n’écoutant pas sa famille, en désobéissant à sa communauté et en privilégiant ses valeurs pour son propre amour.
Si l’ensemble de ses actes montrent une volonté sans faille, ils sont aussi soulignés par une direction artistique impressionnante. Pocahontas impose ainsi le respect avant même de s’exprimer, grâce à des plans de caméra qui montrent d’elle une beauté pleine de charisme ainsi que des postures qui en imposent.
C’est en ce sens que Pocahontas est transformée en icône de la femme libre. Son autodétermination est l’essence même de son existence et personne dans son entourage même le plus intime ne saura lui faire modifier sa voie. Chacune de ses apparitions provoque ainsi une certaine fascination pour l’aura de Femme qu’elle dégage.
Esmeralda, l’humaniste
Sorti en 1996, Le Bossu de Notre Dame est probablement le film Disney qui va faire apparaître le personnage à la féminité la plus exacerbée. On ne parle ici ni du Bossu, ni du chevalier Phoebus et encore moins du juge Frollo. Non ce personnage est Esmeralda la femme qui fait tourner la tête de ces trois hommes. Alors bien sûr, il ne s’agit pas ici de résumer une femme à sa beauté, mais elle permet ici de délivrer des messages importants sur la condition féminine.
Esmeralda est ainsi très attirante, son attitude peut même paraître sulfureuse et cela, les hommes le remarquent. Quelle est leur réaction ? Ils la désirent tout simplement. Alors bien sûr, tous ne vont pas s’arrêter à sa simple enveloppe corporelle, mais le méchant de l’histoire va en faire l’origine de tous ses maux. Frollo, dévoré par ses propres troubles, va ainsi rejeter la faute sur la belle Esmeralda, aguicheuse sans morale selon lui. Un comportement qui fait penser à des justifications toujours d’actualité aujourd’hui pour expliquer les comportements irrespectueux de certains hommes envers les femmes.
Esmeralda est donc une femme qui assume son image et qui ne dénigre pas pour autant celle renvoyée par les autres. Sa grande force réside dans son acceptation des différences alors qu’elle est au sommet de certains critères. Sa relation très positive avec le bossu et son action pour sa famille de la cour des miracles démontrent son attachement à faire fi des apparences alors qu’elle en est l’exemple vivant.
Un bel exemple pour expliquer que les femmes ne doivent pas être constamment ramenées à des objets de désir. Et que quelque soit notre allure, nos valeurs morales sont bien plus importantes.
Lilo, la mature
Sorti en 2002, Lilo & Stitch est un film qui n’a pas laissé un grande marque dans la mythologie créé par les studios Disney. Pour autant, il a réussi à être un franc succès sur le long terme grâce à son alien Stitch qui a su développer un marketing à outrance autour de lui. Pourtant, le film possède un évitable personnage atypique : la petite Lilo.
Alors qu’elle est à peine âgée de 6/7 ans, cette fille déborde d’un charisme désarmant et d’une maturité hors normes. Ce caractère bien trempé s’explique facilement en comprenant toutes les difficultés qui lui tombent dessus. Lilo est orpheline, elle n’a que très peu d’amis à cause d’un côté assez marginal. Elle cultive le fait d’être à contre courant et en fait sa force. Son adoration pour la musique d’Elvis en est le parfait exemple. Outre le fait qu’elle ait choisi cet artiste d’une autre époque, elle l’écoute en ayant une relation fusionnelle avec la musique, un comportement très adulte.
Se mettre en marge de la société est son échappatoire et il est important de montrer que le cas de Lilo est très courant dans la réalité. Il est très facile de paraître différent et d’être isolé par les autres. Le fait de rendre cette petite fille très adulte permet de montrer que la gestion de sa différence peut être une bonne source de construction pour les enfants.
Tiana, la travailleuse
Sorti en 2009, La princesse et la grenouille créa l’évènement pour plusieurs raisons. D’un point de vue technique, ce fut la dernière tentative pour les studios Disney de réaliser un film en animation traditionnelle, les résultats financiers leurs donnant raison dans cet arrêt. De plus, d’un point de vue scénaristique, le film mit en avant une héroïne noire, du jamais vu.
On suit ainsi le destin laborieux de Tiana, une femme noire bien intégrée dans la société. Si la couleur de peau ne devrait pas être une caractéristique fondamentale d’un personnage, elle est ici un symbole fort pour bon nombres de femmes de « couleur ». Le simple fait d’impliquer un personnage noir dans une histoire d’amour digne des contes est en soi une révolution.
Tiana n’est pas pour autant qu’un simple faire-valoir de la diversité, elle est aussi une femme qui va tout faire pour réussir son objectif de vie. Une vraie bosseuse qui, malgré les difficultés, cherche à s’en sortir pour ouvrir son propre restaurant. Un bel exemple de femme moderne qui peut prendre son destin en mains et subvenir à tous ses besoins. Des valeurs sur le travail et l'entrepreneuriat parfois trop inaccessibles à certaines filles, alors que certains hommes souhaiteraient les cantonner à des tâches éducatives ou ménagères. L’ambition n’étant pas une valeur féminine pour certains.
Rebelle, comme son nom l’indique
Sorti en 2012, Rebelle est un film des studios Pixar qui appartiennent depuis quelques années à l’entreprise Disney. Le film s’est voulu très clairement comme une œuvre féministe, avec un personnage central très fort.
Ainsi, Rebelle est à la base la fille d’un chef de clan Ecossais, société plutôt machiste dont le pouvoir se mesure à la force de ses muscles. Elle va pourtant défier tous ces mâles sur leurs propres terrains : la stratégie, les armes, le sport… Malgré ses indéniables talents, elle va s’opposer de manière franche à son père et aux autres chefs de clan pour sauver sa famille.
Au fond, Rebelle essaye de montrer que la société ne lui donne pas la place qu’elle mérite. De plus, elle démontre que les femmes peuvent détenir des capacités supposées masculines. Faire exceller cette jeune femme dans ces domaines virils est un beau symbole sur ce qui est possible aujourd’hui. Rebelle est la fois une championne sportive, une travailleuse physique ou encore une stratège hors pair. Elle montre donc que la fracture homme/femme qui peut exister dans certaines activités n’a plus lieu d’être.
Ce personnage est la métaphore des limites du modèle patriarcal connu aujourd’hui, qui bride certaines femmes et leur impose des rôles genrés. Son apparence ajoute un peu plus à cela, Rebelle étant clairement féminine mais ne correspondant pas forcément aux canons de beauté actuels. Elle possède quelques formes, et montre ainsi que ses capacités sont plus importantes que son apparance pour se faire reconnaître.
Anna et Elsa, les modernes
Sorti en 2013, La Reine des neiges devint rapidement un des plus gros phénomènes cinématographiques de ses dernières années. Avec plus d’un milliard de dollars de recette, le film a instauré de nouvelles bases modernes aux contes classiques de Disney. Le film met ainsi en avant de sœurs, Anna et Elsa, aux caractères différents. Pourtant toutes deux ont de belles qualités.
La reine Elsa est ainsi un personnage maudit par des pouvoirs qu’elle ne peut contrôler. Elle marque les esprits par sa fameuse chanson Libérée, Délivrée. Ce passage ainsi que la construction de son personnage montrent un lâcher prise salutaire d’Elsa une fois qu’elle s’est enfuie du royaume. Une nouvelle vie solitaire, certes, mais marquée par un changement d’apparence en femme qui s’assume, presque fatale. Il y a ainsi plusieurs façons de voir la construction de ce personnage, mais elle est en tout cas un bon symbole de la lutte contre les pressions de la société. Elsa se libère de ses devoirs de reine, des codes vestimentaires stricts et peut ainsi crier au monde sa différence. Chacun pourra y voir midi à sa porte, mais Elsa a su être une métaphore du coming out, cette volonté de s’assumer et de dire sa différence au monde extérieur.
Anna, quant à elle, est importante car elle montre grâce à la scène finale du film que la relation amoureuse n’est pas un aboutissement en soi. En effet, tout le long du film elle sera accompagnée de Kristoff, qui va progressivement développer des sentiments à son égard. Pourtant, c’est l’amour de sa sœur, et non pas celui du jeune homme, qui va la sauver d’un destin glacial dans l’acte final du film. Un bon symbole pour toutes celles qui se doivent de faire un bon mariage avec un bon mari pour être considérées par la société.
Les deux sœurs sont résolument des exemples de femmes modernes, bien que l’action se situe dans un royaume médiéval. Elles montrent que les femmes ne sont pas toujours obligées de suivre la voie qui leur est prédestinée et qu’elles peuvent s’en émanciper.
Vaiana, l’aventurière
Sorti en 2016, Vaiana la légende du bout du monde est le dernier projet des studios Disney mettant en avant une femme. Cette fois-ci Vaiana est la fille d’un chef de tribu, vivant en Polynésie. Elle est destinée à reprendre le flambeau de son père vieillissant et devient donc elle aussi la garante du bien être de son île. La première chose notable est que cette jeune femme accède au rang de chef sans que cela ne pose de problème et on ne parle pas d’une société d’amazones ou seules les femmes ont le pouvoir. En ce sens, le film est déjà un bon modèle pour montrer que les femmes peuvent avoir des responsabilités importantes.
L’autre facette de Vaiana est liée à son envie de découverte. Elle veut quitter son île et explorer l’océan dans son entièreté. Elle va ainsi très courageusement partir à l’aventure pour sauver son peuple d’une crise certaine. Faisant face à de nombreuses difficultés inédites pour elle, Vaiana va, tout le long du film, persister dans sa quête et garder un sang froid important. Ainsi elle est bien plus débrouillarde qu’il n’y paraît, en arrivant à naviguer sans leçon préalable ou en tenant tête à un demi-dieu.
Le film développe ainsi une figure féminine pleine de vie qui ose se confronter à l’inconnu. Une véritable héroïne de nature qui peut inspirer d’autres personnes à suivre leurs envies profondes.
Ce classement est bien entendu une sélection. Ainsi, certains trouveront que d’autres personnages féminins des films Disney ont pu faire évoluer la vision des femmes. Néanmoins on constate que l’évolution est en marche et que depuis les années 90 de nombreuses figures féminines fortes sont développées. Une évolution dans ces œuvres populaires qui suit les tendances de la société et permet aussi de les installer auprès d’une frange du public.
Seg
Le 06 décembre 2016 à 22:36Et Mulan?!
Jeff
Le 07 décembre 2016 à 10:36Je suis d'accord. Il y aurait eu beaucoup de choses à dire sur Mulan. Pour le reste, c'est un article intéressant :)
DaftVenom
Le 07 décembre 2016 à 14:19Je suis revenu de ma vision très positive de Mulan il y a quelques temps. Je sais qu'elle est considérée comme le symbole Disney par excellence, mais à mon sens elle a beaucoup moins de panache qu'une Pocahontas, Esmeralda ou même Belle qui n'est pas dans le classement non plus. Je trouve qu'au final elle subit de nombreuses situations sans franchement démontrer une envie de reprendre le contrôle. Mais bon il faudrait un autre article pour expliquer cela ;)
Mayla
Le 07 décembre 2016 à 20:51Moi je trouve que Mulan est plutôt rebelle et fait tout ce qu'elle peut pour évoluer dans ce monde d'hommes. Après OK, elle ne cherche pas à changer la vision que les hommes ont des femmes. Mais pour la Chine c'était un bel effort XD Eh oui je suis triste il n'y a pas belle, c'est celle que je préfère des toutes les filles Disney.