Quand l’auteur du manga Soul Eater nous propose sa nouvelle série, c’est forcément un événement. Découverte d'un monde où les pompiers affrontent plus que le feu.
Les années 2000 sont sans aucun doute celles du renouveau du genre roi du manga, le shônen. Après la grande époque du Weekly Shônen Jump porté, entre autres, par Dragon Ball, l’industrie a vu débarquer au tournant du siècle plusieurs séries qui ont su massivement capter l’attention du public. One Piece, Naruto, Bleach, la recette est très efficace et somme toute assez classique. Avec des ventes pharaoniques, ces oeuvres ont dominé le marché. Toutefois, d’autres séries ont su attirer le regard des amateurs du genre avec une autre approche.
Ainsi, durant cette décennie, le magazine Monthly Shônen Gangan propose-t-il Fullmetal Alchemist dès 2005, puis Soul Eater à partir de 2009, deux énormes succès. Ces deux mangas démontrent qu’une autre vision du shônen existe, moins stéréotypée. Pendant presque 10 ans, Atsushi Okubo régale son public avec les personnages de Soul Eater. Maka, Black Star, Death the Kid et leurs armes loufoques parcourant un monde fascinant, ce sont des souvenirs inoubliables qui vous sont contés par LeBleu dans son article. 25 tomes pour la série au total et une adaptation animée survoltée en 51 épisodes par le studio Bones. Le succès est mondial et fait de son auteur un des artistes à suivre dans les années à venir.
C’est ainsi qu’en 2015, quand Okubo propose sa 3ème série (la première étant l’éphémère B.Ichi), l’excitation est palpable au sein de la communauté des fans. Il faut attendre ce mois de mai 2017 pour avoir l’opportunité de lire Fire Force en France. L’auteur a depuis changé de crémerie, passant de Square Enix à la Kodansha, soit le deuxième plus gros éditeur du marché japonais. Il s’est vu offrir une place de choix au sein du Weekly Shônen Magazine, concurrent du WSJ où sont notamment publiés Fairy Tail et Seven Deadly Sins. En France, ce n’est plus Kurokawa mais Kana qui propose son travail. Alors, ça donne quoi En'en no shōbōtai aka Fire Force ?
LE DEMON DU FEU
Voici le synopsis du premier tome : “L'humanité est terrifiée par le phénomène de combustion humaine. Des brigades spéciales Fire Force ont donc été mises en place avec pour mission de trouver la cause de ce mystérieux phénomène ! Le jeune Shinra, nouvelle recrue surnommée le Démon, rêve de devenir un héros. Mais le chemin sera long et il devra, avec ses camarades, apprendre à affronter quotidiennement des Torches humaines !!”
Kana mise beaucoup sur ce titre qui compte déjà 8 tomes au Japon. Le premier volume est très accessible et pose rapidement les bases de cet univers où les pompiers combattent une menace d’apparence dangereuse mais peu évoluée. Il y a le héros, Shinra Kusakabe, qui est animé par un fort désir de prouver à tous, son rival et son équipe, qu’il est un héros. On découvre aussi dès la fin de ce premier tome un méchant directement lié au passé du héros.
Enfin, on nous propose aussi très, voire trop rapidement, un simili-tournoi entre les nouvelles recrues. Les événements s’enchaînent peut-être un peu trop vite à mon goût, mais cela s’inscrit dans la logique des ces titres désirant bousculer les codes du genre. Humour, informations rapidement distillées à travers les pages pour nous former aux codes de cet univers, mise en scène efficace, autant d’éléments maîtrisés par l’auteur pour faire de ce premier tome une parfaite introduction.
UN MONDE PLUS MATURE
Fire Force est publié chaque semaine, ce qui est une nouveauté pour l’auteur qui nous avait habitués à une publication mensuelle avec Soul Eater. Toutefois, pour l’instant il ne tombe pas dans le travers de ce rythme élevé, c’est à dire remplir les pages pour étirer l’histoire sur la durée. On a l’impression que chaque chapitre apporte des éléments cruciaux à l’histoire, même si avec un seul tome à ma disposition pour l’instant, je me doute qu’on a seulement effleuré la surface de cet univers. D’ailleurs, celui-ci pourrait être plus réduit que dans Soul Eater, l’auteur voulant visiblement se concentrer sur le Japon et non le monde entier.
Je note aussi une présence importante de scènes plus matures, qu’elles soient liées au sort des familles touchées par ces drames ou à la sexualité des personnages. Là où dans sa précédente oeuvre il mettait en scène êtres féminins aux formes généreuses sans trop en dévoiler, ici, le mangaka se fait clairement plaisir en dessinant à l’envie les corps dénudés. On a même eu le droit à une jeune perverse au corps généreux qui recherche les attouchements de ses camarades... Cela m’a un peu déstabilisé, moi qui suis habitué à la pudeur sur ce sujet prôné par les shônen plus classiques (pas les seinen bien sûr). Un autre signe que l’auteur vise un autre public ou a grandi avec son public. Résultat, Fire Force se démarque totalement de son aîné et promet une aventure sympathique, en attendant de savoir si l’univers créé est plus profond qu’il ne paraît.
Retrouver le trait d’Okubo est un ravissement pour les yeux. Fire Force débute avec une histoire dynamique et une idée originale. Espérons que la qualité soit au rendez-vous sur la durée.