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A Silent Voice : quand le handicap nous rend con

Faire d'un handicap le centre de l'histoire d'un manga, c'est assez rare. L'associer à la cruauté des enfants l'est encore plus. Saupoudrer le tout d'une histoire d'amour est unique. Tout comme l'est A Silent Voice, sensation de ce début d'année 2015.

Article Inédit.

Dans la jungle des sorties mensuelles de mangas, il existe parfois des titres qui sont devancés par un buzz capable d'engendrer une terrible déception une fois l’œuvre dévorée. A Silent Voice n'est pas de cette catégorie, même si rien ne prédestinait ce manga au triomphe critique qu'il connaît. Connu sous le titre Koe no Katachi au Japon, ce manga récent (2013 – 2014) a déjà connu son clap de fin avec une publication en 7 tomes. L'auteur est une inconnue : Yoshitoki OIMA. En fouillant Google (ou tout simplement en relayant la myriade de critiques positives dans la blogosphère française), on découvre que cette mangaka a proposé dès 2011 cette œuvre et remporté un concours de one-shot. La Kodansha a choisit un de ses magazines phares pour publier cette œuvre atypique : le Weekly Shônen Magazine.

LES RACINES D'UN JOLI SUCCÈS

La Kodansha, c'est un des trois poids lourds de l'édition manga au Japon. Le Weekly Shônen Magazine existe depuis 1959 et a vu défilé des séries mythiques comme Ashita No Joe, Devilman ou GTO. Actuellement, il héberge des œuvres majeures : Fairy Tail et Ippo. Il a aussi lancé le magnifique manga Vinland Saga (rapidement déplacé vers un magazine plus adulte) et propose actuellement trois de mes séries préférées : Dream Team (une mise en scène réaliste du basket), la bombe Seven Deadly Sins (très old-school) et le sympathique Gamaran (un tournoi du type Soul Calibur). Autant dire que ce magazine est capable de dévoiler de bons gros shonen. 

Pour avoir la chance de lire (légalement et au format papier, chose bien plus agréable) A Silent Voice en France, il nous fallait un éditeur capable de soutenir une série atypique qui a déjà une fanbase importante dans notre pays (donc exigeante). L'éditeur Ki-oon sévit depuis 2004 et compte à son tableau de chasse plusieurs licences juteuses : Doubt, Ubel Blatt, Bamboo Blade, Pandora Hearts ou Cesare. Ces séries ont connu le succès en France, pays omnibulé par les cadors sans fins (One Piece, Naruto, Fairy Tail...). C'est donc le parfait mariage entre un éditeur à la recherche d'une nouvelle perle et un manga qui ne peut pas se permettre d'être asphyxié par un catalogue trop large. Pourquoi ? Le sujet abordé est très éloigné des classiques du genre. 

SI SIMPLE ET SI BEAU

Parler de handicap est toujours un défi pour un auteur. Il ne faut pas tomber dans les clichés ou le misérabilisme pour ne pas alourdir la puissance émotionnelle de la situation. Le manga Real (un seinen sur le basket) vient immédiatement à l'esprit quand on aborde le sujet, mais A Silent Voice ne joue pas sur le même registre. C'est un shonen, ce qui est clairement étonnant quand on apprend que le thème du manga est celui d'une relation entre un garçon et une fille (enfance puis fin de l'adolescence). Quand on dit shonen, on pense tout de suite baston. Ce n'est pas le cas ici, mais cela ne veut pas dire que l'étiquette est trompeuse. Un bon shonen, c'est avant tout un héros tête de mule qui cherche les ennuis. Le héros de A Silent Voice est parfait dans ce registre. Shoya est un enfant agité qui cherche uniquement à s'amuser avec ses camarades. Il multiplie les défis, les cascades et a sa propre vision du monde. Naruto ou Luffy ne sont donc pas très loin....

Cependant, la très grande force de la mangaka est d'insérer dans la vie du jeune garçon une jeune fille handicapée. Shoko est malentendante, ce qui entraîne une exclusion naturelle malgré ses nombreux efforts. Shoya ne comprend pas cette fille, mais est fascinée par cette nouvelle source de multiples expériences. Sans trop le vouloir, il va pourrir la vie de cette nouvelle arrivée dans l'école. Shoya y voit le moyen de briller auprès du reste de ses camarades, mais son comportement tourne au harcèlement. Il est méchant avec cette jeune fille qui respire la gentillesse (je ne vais pas vous spoiler sur son comportement à elle qui fait que la magie opère). Ce comportement va avoir de très graves conséquences dans la vie du héros alors que la jeune handicapée ne connaît que trop bien ce genre de brimades. Ce qui est normal pour elle est révoltant pour nous. On se met à détester ce jeune garçon qui n'a pas un mauvais fond. 

Très intelligemment, la mangaka nous compte d'abord la rencontre entre ces deux personnages et les événements qui vont mener à leur séparation. Tout le premier tome n'est qu'un flash-back géant, avant de revenir à ce qui nous était présenté dans les premières pages de ce manga : leur retrouvailles. Cela permet ainsi de connaître le passif entre ces deux héros avant de passer aux choses sérieuses. Il sera alors question de l'exclusion des individus dans une société socialement violente. Si vous n'êtes pas tombés sous le charmes de Shoya et Shoko, un gosse maladroit et une fillette qu'on voudrait aider à tout prix, alors vous pouvez passez votre chemin. Vous manquerez sûrement une magnifique épopée qui mêle rédemption, ouverture à l'autre et amour. En somme, vous passerez à côté d'une œuvre pas comme les autres. Si vous ne connaissez pas, voici la preview.

Yoshitoki OIMA travaille déjà sur sa nouvelle série (au ton bien plus fantastique), mais A Silent Voice n'a pas fini de conquérir le public à travers le monde. Bijou, phénomène, perle ou déjà culte, les mots manquent. Un film d'animation est prévu au Japon pour capitaliser sur ce succès, avant de voir peut-être un jour cette histoire universelle adaptée dans un format purement occidental.

Bonus : le trailer pour les flemmards

 

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