En l'honneur du 49ème Superbowl diffusé cette nuit aux USA, penchons-nous sur une des rares œuvres qui rend hommage au plus beau sport existant : le football américain. Voici Eyeshield 21, un manga explosif, drôle et fantastique !
Eyeshield 21 est un shonen publié au Japon entre 2002 et 2009. Il est proposé en France par Glénat dans une édition comportant 37 tomes. Si dans le fond il reste très classique, comme bon nombre de manga sportif, sa forme est assez originale de par le sujet abordé : jouer au football américain dans un lycée japonais.
QUI SONT CES FOUS ?
Au scénario, Riichiro Inagaki. Aux dessins, Yusuke Murata. Ce n'est pas courant dans l'industrie manga de voir une dissociation de ces deux métiers, à la différence des comics ou même de la BD Franco-Belge. Les mangakas sont en majorité des auteurs complets qui prennent l'habitude d'organiser leur travail hebdomadaire entre recherches scénaristiques et sessions de dessins. Il existe bien sûr des exemplaires contraires, comme pour Ken Le Survivant (Buronspn et Tetsuo Hara) ou Death Note (Tsugumi Oba et Takeshi Obata). Eyeshield 21 est la première œuvre majeure de Murata (qui travaille depuis sur One Punch Man) et Inagaki.
Précision importante, ce manga a été publié dans le Weekly Shonen Jump. C'est la bible hebdomadaire des consommateurs de shonen, ces mangas d'action ciblant en priorité les jeunes garçons. Y sont nées des œuvres cultes comme Dragon Ball, Saint Seiya, Hunter X Hunter, One Piece ou Naruto pour les plus célèbres. Le Shonen Jump est aussi une référence japonaise pour les œuvres ayant pour thème le sport. On peut citer les célèbres Captain Tsubasa (football, c'est Olive et Tom!), Slam Dunk (Basket), Rookies (Baseball), Prince du Tennis et actuellement les sympathiques Kuroko's Basket ainsi que Haikyu !! (Volley-ball). Voir débarquer en 2002 un manga comme Eyshield 21 est donc logique, mais le choix du football américain est assez intriguant, non ?
Sujet rarement abordé par des non-américains, il s'agit d'un sport méconnu, peu répandu à travers le monde et qui souffre parfois d'une image erronée (un sport de bourrin, alors que c'est le sport qui protège le plus les joueurs à travers des sanctions immédiates en cas de choc non réglementaire). Très tactique, le football américain demande une condition physique irréprochable (ce sont des athlètes de haut-niveau) et jouit d'une ferveur populaire incroyable aux USA. Dans un pays comme le Japon, qui s'est ouvert à la culture américaine depuis la Seconde Guerre Mondiale (le baseball y est très implanté), ce sport reste cependant assez peu pratiqué. Nous allons voir que cela est au cœur du scénario.
IL FAUT 11 PERSONNES POUR CONSTITUER UNE EQUIPE
Dans Eyeshield 21, nous découvrons le lycéen Sena. De petite taille, il a pris l'habitude de fuir les ennuis grâce à sa vitesse. Quant le fourbe Hiruma découvre le potentiel de ce jeune homme, il décide de l'inviter dans son équipe de football américain. Bon, par équipe, on parle de 3 joueurs seulement, alors que ce sport nécessite au niveau professionnel 53 joueurs !!! En fait, Hiruma est desepéré car il n'y a même pas assez de membres dans son club pour former une équipe de footaball américain. Pire, ils ne sont même pas assez nombreux pour former une formation d'attaque. En effet, dans le football américain, les joueurs qui prennent position en attaque ne sont pas les mêmes que ceux en défense. Dès que le ballon change d'équipe, on fait rentrer d'autres joueurs, chacun spécialisé à un poste précis. Il faut donc deux groupes de joueurs par équipe.
Séna est donc un atout incroyable par sa capacité à courir comme personne, mais aussi à éviter les contacts pour franchir la plus grande distance possible. Ce sport repose sur ce principe : déterminer une tactique pour faire avancer le ballon, que ce soit par une passe aérienne ou une course. Ceux qui n'ont pas le ballon protège donc le porteur car les défenseurs ne cherchent qu'à déterminer qui va faire avancer le ballon.
Les premiers chapitres du manga sont donc l'occasion de voir nos héros recruter assez de lycéens pour former une équipe de 11 joueurs et quelques remplaçants. Les héros devront donc occuper chacun un poste en attaque et en défense, sans pouvoir souffler, ce qui rend la chose plus difficile (mais nous sommes à un niveau amateur et pas professionnel). C'est l'occasion de voir Hiruma, le chef de bande, utiliser les pires stratagèmes pour recruter de nouveaux amis. Hilarant, ce manga n'est au fond qu'un bon vieux shonen avec la morale suivante : ensemble, tout est possible.
TU VEUX JOUER AVEC MOI ?
Que ce soit Hiruma (Quaterback, le lanceur de ballon), Sena (Running Back, courreur), le large Kurita (Centre, c'est à dire qu'il protège l'attaque, c'est un des 3 membres historiques), Riamon (WR, un receveur au design proche du singe), Yukimitsu (WR, un intello qui souhaite vivre une aventure sportive avec des amis malgré sa faible condition physique) ou les frères Ha Ha (des voyous aux postes de Linemen), la galerie de héros est réussie. La palme revient à Musashi, le kicker de l'équipe (il frappe au pied pour gagner des points). Véritable phénomène physique, il a quitté l'école et le club pour travailler dans le batîment. Il faudra donc le convaincre que l'équipe, les Deimoin Devil Bats, est compétitive. Ce sera aussi l'occasion d'organiser des entraînements surréalistes avec des techniques hilarantes.
Ces jeunes rêvent d'affronter ensemble les meilleures équipes lycéennes du pays pour participer au célèbre tournoi final, un classique du manga shonen. Nombre d'entre eux sont en dernière année d'études et n'auront plus la chance de connaître une telle aventure. Le manga oscille donc entre humour et sentiments, chaque équipe proposant son lot d'histoires hors du commun. Les adversaires sont tous aussi intéressants que les héros, et à la manière de DBZ (et tous les shonen depuis), l'adversaire du jour deviendra ensuite un ami, le respect étant profond entre ces sportifs. C'est la puissance du nekketsu : devenir le meilleur, aussi bien physiquement que spirituellement. Une belle leçon de vie pour les plus jeunes, mais les adultes se délecteront aussi de cette lecture.
LA MARCHE DE LA MORT
Des personnages cultes, c'est un minimum pour un shonen, mais ce n'est qu'un code parmi d'autres. Eyeshield 21 les respectent tous. Si le football américain est un sport extrêmement codifié, les artistes ont intelligemment utilisé les noms des équipes et surnom des joueurs pour mettre en scène les techniques de ce sport. Ainsi, chaque feinte, accélération ou plaquage donne lieu à une technique spéciale. Si aucun des ces lycéens n'a de pouvoir, leur actes sont représentés comme si c'était le cas. Un exemple vaut mille mots :
Au fil des matchs, on a donc un gain en puissance de nos héros qui affrontent des adversaires toujours plus coriaces. Qui plus est, la sacro-sainte rivalité est respectée avec l'équipe des White Knights, qui est moins fantasque et plus professionnelle que nos Devil Bats. Toutefois, les faibles se révèlent chacun à la hauteur quand il le faut avec bien sûr un moment de gloire pour chaque membre de l'équipe. Entre surprises, moments de vie loufoques et affrontements à suspens, l'épopée de ces lycéens prend aux tripes.
IL FAUT SAVOIR PARTIR AVANT LA SAISON DE TROP
Tout n'est cependant pas parfait dans cette œuvre. S'il est très plaisant de découvrir les nombreux adversaires de nos héros, l'histoire atteint son climax un peu trop tôt (à mon goût). La dernière équipe affrontée au Japon a un fonctionnement radicalement opposé à celles que l'on a connu et dégage une atmosphère froide qui confine presque au final à l'indifférence (alors que le but était de présenter une équipe surpuissante).
Pire, le dernier arc semble de trop. Véritable fantasme des fans de la série (la Coupe du Monde), il rassemble toutes les vedettes du manga pour en faire une équipe All-Star de toute beauté. Cependant, là où nos héros ont dû batailler comme des fous sans aucune chance de gagner, cette nouvelle équipe japonaise marche sur l'eau et expédie son tournoi jusqu'à la rencontrer finale contre les fameux américains. On ne profite pas des matchs et tout au plus savourons-t-on les interactions entre anciens adversaires. Il aurait peut-être fallu conclure cette œuvre plus tôt, ou proposer une suite qui développe intelligemment le concept de Coupe du Monde grâce à une ellipse temporelle servant à donner un second souffle à l'histoire.
Dernier regret : la diffusion de l'adaptation animé a été stopée avant la fin de l'histoire, mais cela coïncide avec la baisse d'intensité du scénario. Un mal pour un bien ? Cela laisse quand même un goût d'inachevé pour les fans de ce format qui sont privés de quelques moments tout de même agréables. Pour finir, pourquoi ce nom, Eyeshield 21 ? Le héros Sena porte une visière, ce qui fait que tout le monde cherche à connaître son identité. Et le 21, c'est tout simplement le numéro de son maillot. Le début d'une légende !
Que vous soyez amateur de ce sport ou simple passionné de shonen, Eyeshield 21 est un manga extrêmement divertissant. Malgré une fin très (trop?) fan-service, cet œuvre est un exemple parfait des valeurs positives véhiculées par les shonen.