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La réalité virtuelle, rêve ou révolution ?

La grande tendance de fond dans l'industrie du jeu vidéo ces dernières années, c'est la réalité virtuelle. Comme pour la 3D au cinéma, cette technologie est vu comme une révolution pour le public et les créateurs de jeux. Analyse du phénomène.

La 3D n'a pas révolutionné l'industrie cinématographique. Tout au plus a-t-elle gonflée les recettes des studios américains, tout en gonflant le prix des billets. La principale raison de cette non-greffe (elle est forcée pour l'instant) réside dans la non-utilisation de caméra 3D. Hormis James Cameron et quelques réalisateurs, 98% des films proposés en 3D sont tournés en 2D puis traités en post-production. C'est donc un maquillage grossier qui nuit à une technologie bluffante quand elle est correctement utilisée. Dans le cas de la réalité virtuelle, le problème ne se pose pas de la même façon car ce maquillage dû à des raisons financières n'est pas possible. Cependant, cette technologie force les créateurs de jeux à penser leur œuvre de manière à pleinement utilisé des capacités nouvellement accessibles, sous peine de n'avoir qu'une simple immersion visuelle. C'est déjà énorme, mais les rêves portés par la réalité virtuelle semblent démesurés. Attention donc à la déception.  

LE PRINCIPE DE CETTE FOLIE

Le cinéma américain des années 80-90 résume parfaitement la fascination d'une partie de l'humanité pour un monde virtuel. L'apparition de l'informatique et des arts numériques ont donné naissance à un monde nouveau qui s'est bien longtemps défini comme une sous-représentation de la réalité. Cette représentation était minorée pour trois raisons : l'aspect visuel, la complexité du monde et les sens caractéristiques du corps humain (qui donnent une vision du monde radicalement différente). Progressivement, ces barrières ont été franchises.

Nous avons dépassé le principe de Haute-Définition. C'est devenu la norme, et nous voguons maintenant vers des définitions visuelles d'une profondeur inégalée, notamment la norme 4K. Pour faire simple, nous allons désormais devenir incapable de différencier à l'oeil nu les prochaines innovations en matière de qualité de l'image. C'est le principe de photo-réalisme. Dans les jeux vidéo, toute oeuvre à gros budget souhaitant proposer un univers immersif se doit d'être d'une qualité technique irréprochable. Certes, il y a encore de gros écarts entre les images promotionnelles utilisées lors des annonces du jeu et le résultat final in-game, mais le gap entre les deux va se résorber un jour. En attendant, le retour en grâce des gros pixels permet aussi d'apprécier des jeux comme Minecraft et donc de patienter avant d'être incapable de différencier une cinématique et une prise de vue réelle.

Concernant la complexité d'un monde virtuel, les avancées en terme de calcul, d'intelligence artificielle et de physique de jeu crédibilisent de plus en plus les environnements virtuels, surtout en terme d'interaction. Encore une fois, cela reste encore le domaine des plus grosses productions, mais de nombreux concepts ont été popularisés et peaufinés. Reste la gestion des cinq sens du corps humain. La vue est (ou va être) comblée par le photo-réalisme. Le son généré par l'être humain est aujourd'hui de bonne qualité, et certains ingénieurs travaillent sur le son en 3D, notion paradoxale qui cache simplement une meilleur répartition des sources sonores. Si le goût reste négligeable (on ne l'utilise pas constamment), il faut prendre en charge l'odorat (des tests olfactifs ont été réalisé dans des cinémas) et surtout le touché. Plus que le contact, c'est l'interaction avec l'environnement virtuelle qui compte. Si la sensation de gravité ne peut être reproduite en cas de gravité différente, il est possible de tromper le cerveau pour que le corps ressente par exemple une chute (on lui fait croire que le sol se dérobe). L'utilisation de gants et de fauteuil vibrant peuvent parfaitement reproduire certaines conditions extrêmes, tout comme les tapis roulants.

Ce vieux rêve n'a donc jamais été aussi proche de se réaliser, mais il faut garder en tête les échecs des précédentes tentatives. LesVirtual Boy (Nintendo), Virtuality ou Sega-VR dans les années 90 n'ont jamais réussi à installer cette technologie, mais la science et l'art ont évolués depuis. Quand la 3D au cinéma a été massivement relancée ces dernières années, plusieurs acteurs de l'industrie du jeu vidéo ont soutenu cette démarche sans que le phénomène prenne. Pourquoi ? Car le jeu vidéo se différencie du cinéma de par son interactivité. La 3D permet à l'écran de se rapprocher en offrant plusieurs couche de profondeurs. Le spectateur reste cependent exclu du déroulement et subit la lecture de la vidéo. A l'inverse, le jeu vidéo propose une certaine liberté (parfois totale). Si je veux me retourner et voir ce qu'il se passe derrière-moi, la 3D ne change rien. En revanche, la réalité virtuelle amplifie ce sentiment car isole totalement le joueur (encore plus avec un casque audio). La sensation est grisante.  

QUELLES SONT LES IMPRESSIONS ?

Rien ne vaut un bon test pour saisir le potentiel de la réalité virtuelle. En attendant les hologrammes, nous avons la possibilité de nous immerger dans un monde créé par l'homme grâce aux casques de réalité virtuelle. C'est à l'occasion du festival Paris Game Week cet automne que j'ai pu mettre la main sur un casque Occulus Rift. L'expérience est simple : on s'assoit (cela a son importance), on pose sur sa tête un casque (qui n'est autre qu'un un masque qui a des attaches sur le crâne) et des écouteurs et on allume le logiciel.

J'ai pu jouer à un jeu assez simple, une sorte de Zelda où je manipulait un combattant qui traversait les salles d'un château. Le jeu n'est clairement pas photo-réaliste, et fait penser aux anciens jeux Nintendo époque NES. Cependant, la réalité virtuelle m'a complètement immergé dans cet espace. C'est simple, mon corps s'est cru happé dans ce monde. Ainsi, mes jambes ont flanchés et je pense que je me serais écroulé au sol si je n'avais pas été assis. Pourquoi ? Car mon point de vue était en hauteur par rapport à mon personnage. J'étais en quelque sorte en vu de coté, voyant face à moi les salles du château. Or, en tournant la tête dans tous les sens, je pouvais apercevoir au choix la Lune ou une sorte de gouffre sous mes pieds.

Mon cerveau s'est donc cru flottant au dessus du sol. J'ai eu vraiment la sensation de traverser l'écran, pour être comme un fantôme dans ce jeu où je dirige avec la manette mon personnage. Je pouvais utiliser celle-ci pour viser avec mon arc, et nul doute qu'en cas de jeu à la première personne, l'immersion aurait été renforcée. C'est donc avec plaisir que j'ai testé un jeu à la troisième personne car l'immersion était tout aussi forte. Une des salles était plongée dans le noir, illuminant uniquement les pas du héros. Le casque m'isolant complètement (image et son), je ne pensais plus du tout au festival et me focalisait uniquement sur ma mission. L'immersion est totale et le gameplay renforcé.

LES FORCES EN PRESENCE

Comme pour tout eldorado supposé, les challengers se bousculent pour s'affirmer comme les pionniers de ce qui pourrait être une industrie à part entière. Le destin d'Occulus Rift symbolise a lui seul les espoirs fondés dans la réalité virtuelle, mais aussi les possibles déceptions. Fondé en 2012, le projet profite et alimente la médiatisation de Kickstarter. Après un financement record, l'équipe de développement passe à la vitesse supérieur en ouvrant son capital à des investisseurs pour des dizaines de millions $. L'équipe se voit renforcer par des cadors de l'industrie du jeu vidéo, notamment John Carmack (papa de Doom) et déchaîne les passions à chaque présentation. Un premier kit de développement est mis en circulation dès 2013, puis un second en 2014 qui améliore sensiblement la résolution d'image. L'apogée est atteinte en mars 2014 quand Facebook achète l'entreprise pour 2 milliards $. Certains fans ont depuis peur de voir Oculus se concentrer sur des serious games ou des utilisations professionnels, mais les kits de développements sont déjà dans les mains des créateurs de jeu vidéo. À eux d'utiliser à bon escient ce produit.

Face à ce premier géant du secteur, un autre monstre financier : Sony. Souvenons-nous de l'Eye-Toy, un appareil vendu avec la PS2 qui permettait déjà d'utiliser la reconnaissance de mouvement. Avec le projet Morpheus, Sony compte bien rivaliser avec le célèbre produit d'Oculus. Cependant, aucune information pratique n'est disponible pour l'instant sur le projet de Sony, notamment concernant le prix ou une date de sortie. La version commerciale de l'Oculus Rift est attendue pour 2015 pour un prix inférieur à 500 euros, surtout depuis l'implication de Samsung qui propose d'utiliser ses smartphones comme écran. Google s'est lui aussi inséré dans la bataille pour la réalité virtuelle avec un concept simple : proposer un étui en carton pour y glisser le smartphone. Avec le logiciel adéquat, le tour est joué. CastAR, Glyph et GameFace sont d'autres candidats à la démocratisation de cette technologie, mais tout porte à croire que la puissance marketing fera la différence dans les mois et années à venir pour installer les périphériques, comme pour les consoles de jeu vidéo.

La réussite de la réalité virtuelle passera par une démocratisation des supports. Le prix d'un casque n'est pas prohibitif car il est inférieur aujourd'hui à une console next-gen. Personnellement, je mise plus d'espoirs sur un jeu en réalité virtuelle que sur la prochaine génération de consoles. Il faut des jeux pensés pour ce support et qui ne sont pas uniquement des déclinaisons de parc d'attractions (le grand huit) ou de jeux basiques. L'avenir est radieux pour cette technologie si son écosystème se développe, notamment les accessoires, et l'on envisage déjà des utilisations professionnels comme visiter un chantier ou faire une conférence. 

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