C’est un fait : la France est le deuxième plus gros consommateur de manga au monde. Pourtant, elle ne fait pas honneur à l’une des œuvres majeures de la culture japonaise, une série qui a bien du mal à s’imposer chez nous depuis plus de 25 ans. Oubliez One Piece, Fairy Tail ou L'attaque des Titans et découvrons ensemble JoJo’s Bizarre Adventure, une série aussi bizarre qu’originale.
JoJo’s Bizarre Adventure est un shōnen/seinen manga débuté en 1986 dans le Weekly Shōnen Jump, puis prépublié en 2004 dans le mensuel Ultra Jump. La saga comporte actuellement une centaine de tomes, tous dessinés et écrits par Hirohiko Araki. Une série de cent volumes, toujours en cours ? Ça peut faire peur, on vous l’accorde. Cependant il faut savoir que JoJo’s est (à l’heure actuelle) découpée en huit parties, très différentes les unes des autres et très accessibles, soit un dépoussiérage régulier de l'univers. Et ça marche, la preuve en 2007 où la série a été classée deuxième meilleur manga de tous les temps par l'Agence des affaires culturelles japonaises, devant le mythique Dragon Ball, et comptabilise plus de 80 millions de copies vendues dans le monde. Yep, ça calme !
L'aventure bien étrange des JoJos
JoJo’s Bizarre Adventure nous raconte les aventures de non pas un personnage, mais d’une lignée, celle des Joestar. Chaque partie est consacrée à un membre de cette famille à travers les époques et le monde, et nous dévoile comment ils ont secrètement sauvé le monde. Ainsi, la première partie Phantom Blood nous narre les péripéties de Jonathan Joestar, surnommé « JoJo » par ses proches, fils d’un lord anglais à la fin du XIXe siècle, dont le destin va marquer à jamais sa lignée. En effet, son père adopte un jour un garçon défavorisé de son âge, DIO Brando. Alors que le gentil et naïf Jojo tente de sympathiser avec lui, ce dernier lui fait vite comprendre qu’il est un vrai enfoiré et qu’il n’a qu’un objectif : briser Jojo physiquement et psychologiquement afin d'être l’unique héritier de l’immense fortune de George Joestar. On vous l’accorde, le spitch fait penser à un Downtown Abbey version manga, mais ce serait faire fausse route. Car si on est charmé par l’insolence et le charisme de DIO et les malheurs du petit JoJo, on comprend dès les premières pages (ou minutes selon le support) que quelque chose de terrible lié à des sacrifices mayas et un mystérieux masque de pierre se prépare. Et en effet, très rapidement la série met de côté le drama pour partir vers une œuvre plus shônen, où JoJo devenu adulte devra affronter des zombies, Jack l’Eventreur ou un DIO vampire prêt à conquérir l’Angleterre, avec pour seul allié un maitre d’art martiaux italien un peu magicien. Comme dirait l’autre, «That Escaladed Quickly», et c'est bien ça qui en fait tout son charme. Si la première partie est la moins bonne (mais la plus courte), elle installe les bases de la série et se termine de manière si surprenante que vous serez forcé de lire la deuxième partie.
Araki suit pour chaque partie le même schéma : rencontre d'un nouveau membre de la lignée Joestar, toujours surnommé «JoJo», apparition d'une menace ou d'une énigme qui va le pousser à voyager, rencontrer d'étranges alliés et vivre de folles aventures. En se basant sur ce fil narratif assez simple, Araki va broder tout son univers en puisant dans ses passions. Ainsi, étant un grand fan de cinéma il va donner à chacune de ses parties un genre cinématographique qu'il affectionne et ainsi offrir à chaque fois une nouvelle expérience aux lecteurs. La narration et l'atmosphère évoluent constamment, comme les héros : chaque nouveau JoJo sera différent du précédent, que ce soit au niveau du caractère comme du design ; les seules constantes étant leur bon coeur et une mystérieuse tache de naissance en forme d'étoile.
On compte à ce jour 8 JoJos officiels pour 8 genres de films:
- JOnathan JOestar de Phantom Blood, inspirée des vieux films d’horreurs.
- JOseph JOestar de Battle Tendency, inspirée des films d’arts martiaux et d’aventures à la Indiana Jones.
- JOtaro KuJO de Stardust Crusaders, inspirée des films road-movies.
- JOsuke Higashikata de Diamond is Unbreakable, inspirée des polars.
- GIOrno GIOvanna de Vento Aureo (Golden Wind en France), inspirée des films de mafias.
- JOlyne KuJO de Stone Ocean, inspirée des films carcéraux.
- JOhnny JOestar de Steel Ball Run, inspirée des westerns.
- JOsuke Higashikata/JoJolion de JoJolion, inspirée des thrillers.
Un univers inspirant et inspiré
A l'instar de Doctor Who et ses régénérations, Araki a trouvé un concept inépuisable... ce n'explique pas pour autant le succès de la série. Il faut donc chercher en quoi JoJo's se différencie des mangas classiques et il y a beaucoup à dire ! Pour commencer, Araki est un amoureux du monde : il aime que ses personnages explorent l'inconnu et il ponctue son récit d'informations sur les spécificités du pays visité. Si l'on devait tirer un message de l'oeuvre, c'est bien cette invitation à voyager et s'ouvrir à d'autres cultures. C'est aussi un amateur d'Histoire, qui puise son inspiration dans des faits réels comme religieux et qui apprécie les morts tragiques des récits antiques. Il s'amuse d'ailleurs à plusieurs reprises à jouer avec les codes et peut éliminer un allié puissant dès son premier combat. Chaque affrontement, même le moins risqué en apparence, peut s'avérer alors décisif pour un personnage et nous tirer quelques larmes.
Mais là où Araki se différencie de ses collègues, c'est bien à travers son style graphique. Comme son oeuvre, ce dernier va évoluer en conservant toujours cette touche de bizarrerie propre à l'auteur, auquel il faut s'habituer un premier temps. Durant ses premières années, ses héros et vilains seront ainsi calqués selon le modèle de Hokuto no Ken, 1m90 et des muscles qui feraient rougir Schwarzy, pour évoluer vers un physique plus humain, où la touche "gay friendly" de la série est plus appuyée. "Comment ça gay-friendly ?" me dites-vous ? C'est effectivement une particularité présente dès le début de la série et qui est dûe à la fascination qu'a Araki pour la mode. Il crée ainsi un style JoJo, chacun de ses personnages portant des tenues très décalées et colorées, cassant avec l'esprit et le corps virils de ses personnages, ainsi que les JoJo's Poses: des poses absurdes prises lors d'un combat, inspirées des mannequins de magazines de mode. Ce sont des constantes de la série à l'instar des Stands ou du découpage en parties, qui ont inspiré de nombreux auteurs de mangas et de jeux vidéo dans leur création. On retrouve même des créateurs de mode reprendre certaines tenues, ainsi que le classique concours de JoJo's Poses lors de convention mangas (un spectacle hilarant digne du Japon). Enfin, Araki étant un grand fan de musique, il nomme ses personnages ou ses Stands en hommage à un musicien. Attendez-vous à rencontrer Sex Pistols, AC/DC ou le français Jean-Pierre Polnareff. Bref, tant de bizarreries qui font le charme de l'oeuvre.
Onde et Stand : une nouvelle façon de combattre.
Avoir une œuvre qui se renouvelle, c’est bien, mais ce qui importe dans un shônen ce sont les combats. Et là, JoJo’s ne risque pas de vous décevoir. Contrairement à Dragon Ball, un grand manga qui a accompagné en partie JoJo’s durant sa publication, le gagnant n’est pas le plus bourrin ni celui qui maitrise le plus de techniques, mais le plus fourbe ! Les combats sont souvent inégaux, ce qui forcent le héros à analyser son adversaire, son environnement, élaborer des stratégies ou prendre la fuite s’il sent que la situation n’est pas en sa faveur ! Exit le pouvoir de l’amitié ou le « power-up » du héros alors qu’il est à moitié-mort : tu perds, tu meurs.
Pour aider dans nos héros dans leurs tâches, Araki a inventé deux concepts : l’Onde (Hamon) et les Stands. La première est une technique utilisée principalement dans Phantom Blood et Battle Tendency. Il s’agit d’une technique tibétaine basée sur la respiration et capable de reproduire l’énergie solaire. Si elle s’avère puissante et permet de faire de n’importe quel objet banal une arme mortelle (vous ne verrez plus des bulles de savon ou des clackers de la même manière), son usage au combat nécessite un bon esprit tactique pour piéger des adversaires comme DIO ou les Hommes du Pilier, bien plus redoutable que les héros au corps à corps. Araki va exploiter de toutes les manières possibles son concept dans Battle Tendency, mélangeant baston et techniques farfelues, mais va vite réaliser que son imagination débordante ne peut s’exprimer à 100% via l’Onde.
Alors qu’il débute Stardust Crusaders, qu’il envisage être la conclusion de sa saga, Araki a une idée qui va bouleverser sa série et de futurs mangas. Inspiré par les comics américains, il invente un concept plus simple, plus fou et moins contraignant : les Stands. Une façon pour lui de ne pas avoir à chercher l'origine de tel pouvoir ou de sauter l'étape de l'entrainement. Les Stands seront ainsi une représentation de la volonté de son manieur, des pouvoirs psychiques qui naissent plus ou moins naturellement. Ils ont généralement une forme humanoide et apparaissent au dos de leur manieur. Araki crée plusieurs règles pour rester dans un esprit de combat stratégique : chaque stand est propre à son utilisateur, s’il est blessé, lui aussi, cependant seul un Stand peut blesser un autre Stand. Chaque Stand possède un pouvoir particulier, ce dernier pouvant être réguler selon ses propres règles. Plus fort encore, les Stands ne peuvent être vus que par des manieurs de Stands, instaurant ainsi une dimension horrifique à ce pouvoir. Avec les Stands, Araki réinvente ses affrontements à chaque chapitre et peut ainsi utiliser tous les pouvoirs imaginables. Contrairement à l’Onde, la question n’est plus de savoir comment vaincre son ennemi, mais qui il est, quel est son stand et comment le parer. Et face à des adversaires capables d’arrêter le temps, de réécrire vos lignes de vies ou de créer un soleil, JoJo et ses alliés vont devoir ruser et agir avec prudence. Plus qu'un combat, une énigme à élucider si le héros veut vivre.
Et pour nous Français...
Nous l'avons vu, JoJo's Bizarre Adventure est un phénomène particulier, auquel il faut adhérer pour l'apprécier. Est-ce pour autant la raison de sa faible popularité chez nous ? Les Français sont-ils des lecteurs trop formatés ? Et bien rassurez-vous, nous ne sommes pas en cause: la faute revient à une publication vraiment chaotique. La France découvre la série en 2002, l'éditeur étant alors J'ai Lu, qui publie entre autre des séries du Club Dorothée comme Olive et Tom ou Ken le Survivant. Si ces séries ont une publicité assurée par leurs adaptations animées, ce n'est pas le cas de JoJo's, qui ne se vend que par le bouche à oreille. Il ne faudra pas non plus compter sur J'ai Lu concernant le format, l'impression et les traductions baclées, ce qui amènera l'éditeur, faute de vente, à stopper la série à la fin de Diamond Is Unbreakable (IV). JoJo's semble donc condamnée à n'être qu'un OVNI...
Mais miracle ! En 2007, l'éditeur Tonkam (Delcourt) annonce reprendre la publication et sort à la suite Golden Wind et Stone Ocean. Un cadeau pour les fans, car aucune communication n'est faite et que rares sont les libraires à le vendre, pour cause : les premières parties sont quasi-introuvables, difficile d'amener de nouveaux lecteurs quand on vend les 5e et 6e parties d'une série. Tonkam ne fait presque pas de bénéfices mais n'abandonne pas, et profite des 25 ans de la série pour annoncer une réédition de toute la saga. Ils commencent alors par Stardust Crusaders, la plus célèbre puis s'attaque à Steel Ball Run et les deux premières parties, Phantom Blood et Battle Tendency tandis que Diamond is Unbreakable est attendu pour juillet 2015. Stratégie risquée mais gagnante: la série envahie peu à peu les rayons, la fan-base née de l'animé de 2012 découvre les autres parties et naturellement les ventes grimpent.
Vous pouvez donc désormais vous procurer quasiment toute la série en manga chez l'éditeur Tonkam, mais vous pouvez aussi y accéder via ses séries animées, JoJo's Bizarre Adventure (26 épisodes réunissant Phantom Blood et Battle Tendency) et JoJo's Bizarre Adventure : Stardust Crusaders (2 parties de 24 épisodes chacune). Le studio David Production fait un excellent travail d'adaptation, très fidèle à l'univers d'Araki, comprenant une animation très colorée, un excellent doublage et une bande-son irréprochable. Il est même recommandé de débuter avec l'animé, le style d'Araki étant très brouillon dans ses premiers tomes. Les épisodes sont disponibles sur le site Crunchyrolls en attendant une sortie française, qui ne saurait tarder vu son succès et l'explosion que connait la fan-base de la série. La malédiction française de JoJo's ne sera peut-être bientôt qu'un mauvais souvenir...
JoJo's Bizarre Adventure est de ces oeuvres qu'il faut lire pour comprendre son succès. Difficile de le décrire sans se perdre, c'est une aventure à vivre et qui ne laisse pas indifférent. Et pour avoir influencé des oeuvres comme Hunter x Hunter, Street Fighter ou Naruto elle mérite au moins le coup d'oeil. Pour conclure, comme dirait l'autre: "ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA !"
tophe
Le 20 février 2015 à 14:52Ah c'est malin, maintenant ça ne fait une série de plus à acheter :-/ j'ai déjà lu le premier tome de la saison 1 et j'ai bien accroché.
Farid
Le 20 février 2015 à 18:14Nous sommes là pour vous ruiner !
remora
Le 06 août 2015 à 19:35Qui est l'autre de "comme dirait l'autre"??? Qui dit: "That Escaladed Quickly"? Et qui dit : "ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA ORA !"
Farid
Le 13 août 2015 à 22:09Remora, c'est une référence à JOJO je suppose :D ?
hanzo
Le 28 octobre 2015 à 22:51un des meilleurs mangas que j'ai jamais lu, chaque saison de la série est unique et captivante, FANTASTIQUE.
Farid
Le 28 octobre 2015 à 22:58Hanzo, la qualité reste au rendez-vous malgré les années ? je veux dire, l'auteur réussi à se réinventer ?