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Toriko : le choc des papilles

Dans la basse-cour, la douce lumière de l’aube point à l’horizon. Le coq grassouillet se dresse soudain, le buste altier, et pousse un cri plein de verve : « To-to-riko » ! A notre grand dam, ceci n’arrivera jamais, à moins que ledit coq ait quelques soucis d’élocution. Séchons donc nos larmes et penchons-nous sur cette grande œuvre qui mérite le détour.

Mitsutoshi Shimabukuro est le créateur de Toriko, manga paru pour la première fois dans le Weekly Shônen Jump en mai 2008. Ce titre possède aujourd’hui 34 volumes à son actif, la série étant toujours en cours. En France, Toriko est édité par Kazé Manga qui a déjà traduit 22 volumes. A noter que la série a été adaptée à l’écran, Toei animation se chargeant du boulot. Il y a même eu un cross-over entre Dragon ball Z, Toriko et One Piece. Les trois compères représentant alors chacun un des univers. Unis par une puissante fringale, ils s’opposent dans un tournoi récompensé par la viande ultime.

NOURRITURE, EXPLORATION ET COMBAT

Toriko appartient à la catégorie des shônen. Combat, me direz-vous, et vous n’aurez pas tort. Toutefois, le vrai intérêt du manga est la nourriture et l’importance qui lui est conférée. Celle-ci est véritablement glorifiée. L’auteur apporte un détail particulier à la description du moindre aliment. Des pages entières sont dédiées à l’observation de l’odeur, de la texture et de la saveur d’une denrée. Le manga fait la part belle au ressenti des personnages suite à la dégustation. Suite à la lecture d’un tome, on ne voit plus sa pitance de la même manière. A cette façon singulière de présenter les victuailles, s’ajoute justement une inventivité assez incroyable dans le design des denrées. Le manga fonctionne de manière participative sur ce point, car les lecteurs sont invités à soumettre des dessins de denrées. Certains sont sélectionnés par l’auteur et incorporés dans l’histoire. Les mets sont extrêmement variés. On trouve absolument de tout. Des fruits et les légumes tels que la "pousse d’ozone", sorte de haricot géant se trouvant à plusieurs milliers de mètres d’altitude. Des boissons, comme un cola à l’aspect cristallin qui jaillit des yeux d’un monstre. Mais encore, des viandes et des poissons, cuisinés à partir de bêtes sauvages. Les créatures occupent une grande place dans la série et sont affublées d’un niveau de capture, qui indique la dangerosité du bestiau. Il est tout à fait possible de rencontrer aussi bien une chenille fessière qu’un dragon bicéphale poilu et bardé de crocs, à l’allure menaçante. Préparez vous simplement à être surpris !

On ne peut pas réduire Toriko à un simple manga de bouffe. C’est loin d’être le premier à proposer une emphase en la matière. Que les amateurs de bastonnade se réjouissent, les coups pleuvent régulièrement. Chaque personnage développe ses propres techniques. Certaines portent d’ailleurs des noms improbables, telle que la "jambe couteau". Le volet aventure et exploration est aussi agréablement exploité. Les personnages auront très régulièrement à évoluer dans de nombreux environnements farfelus voire hostiles, dont la description poussée renforce l’immersion.

UNE EPOQUE OU LA GASTRONOMIE EST REINE

L’histoire se déroule lors de l’Ère Gourmet, une époque où les saveurs les plus exquises sont avidement recherchées par les amateurs de bonne chère. Exit le club sandwich à trois sous, on cherche à s’envoyer du lourd, et il y a de quoi faire. Les restaurants étoilés sont légion, et les meilleurs cuisiniers sont listés dans des revues, ce qui n’est pas sans rappeler notre bon vieux guide Michelin. Les mets les plus rares s’échangent à prix d’or, et toute l’économie tourne autour du commerce de denrées. Véritable bannière politique, l’OIG (Organisation internationale des gourmets) regroupe en son sein de nombreux pays qui doivent respecter des règles gastronomiques strictes. Certaines contrées qui n’en font pas partie proposent des aliments sur le marché noir. Ceux-ci sont totalement interdits par l’OIG, par exemple en raison de l’addiction qu’ils procurent aux consommateurs. Si votre rêve le plus cher est de devenir drogué en mangeant des bananes, Toriko vous l’exauce à la lecture de ses pages. L’OIG dispose aussi d’espaces immenses destinés à la culture de certaines variétés d’aliments et d’espèces animales, appelés jardins ou biotopes. Cette institution incontournable gère aussi des prisons où sont détenues les personnes qui ont enfreint certaines des lois gastronomiques. Les châtiments, vous l’aurez deviné, se rapportent à la bouffe. En fonction de la gravité de vos agissements, vous pouvez être condamné à manger ce que vous détestez ou être privé de repas, si vous avez de la chance. Ou alors être découpé, puis rôti et donné aux bêtes sauvages, ce qui est tout de suite bien moins sympa.

Les ingrédients culinaires étant très convoités, on fait appel à des chasseurs de saveurs, les fameux Gourmet Hunters. Ceux-ci sont des mercenaires qui n’hésiteront pas à chasser un dangereux (mais goûtu) gibier ou à récupérer quelconque boustifaille contre une paie alléchante. Il s’agit d’un métier qui rapporte mais est très risqué en raison de l’agressivité des monstres auxquels ils s’exposent. La concurrence y est de plus très rude et seuls les meilleurs parviennent à se distinguer. Il faut donc à la fois des capacités physiques hors du commun, une grande expérience et des techniques bien rodées pour se faire une place dans le sérail. Lors d’une ancienne guerre, Acacia, un Gourmet Hunter légendaire, est parvenu à mettre un terme au conflit en faisant goûter aux dirigeants des pays en guerre, des aliments d’une saveur exceptionnelle. C’est de cet évènement qu’est née l’époque de la gastronomie.

En termes de géographie, le territoire sur lequel les humains évoluent ne représente censément qu’une infime partie de la Terre. La majorité de la surface du globe est composée de ce qu’on appelle le "monde Gourmet", inconnu. Si on osait une comparaison avec One Piece, le "monde Gourmet" correspondrait au "Shin Sekai", "le nouveau monde". La cartographie de ce territoire n’a pas encore été réalisée, car il renferme des environnements inhospitaliers pour l’homme et des monstres tout aussi mortels. Rares sont ceux qui peuvent y survivre, mais cela n’empêche pas de nombreux écervelés de tenter l’aventure. Les monstres du monde gourmet, eux, ne peuvent toutefois pas s’aventurer dans le monde humain. Ces derniers sont effectivement séparés par des obstacles naturels rendant la progression des bêtes difficile. Ajoutons-y des gardiens dont le boulot est d’empêcher qu’une telle chose arrive.

DES PROTAGONISTES HAUTS EN COULEUR

Que serait un manga sans ses personnages ? Notre héros, Toriko, est un Gourmet Hunter. C’est de plus un type sympathique dont les proportions n’ont rien à envier à celles d’un authentique Space Marine. De la carrure naît l’appétit, car il faut nourrir la bête ! Capable d’ingérer plus d’un million de calories, Toriko met incontestablement la misère à Son Gokû en termes de quantité ingérée. Le bonhomme ne se contente toutefois pas de manger comme un ogre, monsieur est de surcroît un fin gourmet. Avec lui, boire cul sec une bouteille de brandy de marque après avoir dégusté plusieurs volatiles entiers est possible. Une de ses techniques de combat emblématique est les "clous de poing", qui consistent en une volée de coups assénés simultanément et en un point précis. Toriko fait partie des « quatre rois », des Gourmet Hunters reconnus, recensés parmi les plus puissants. Le deuxième de la bande est Coco, un devin qui manie les poisons. Il y a aussi Sunny, un personnage obnubilé par la beauté et l’esthétisme dont les techniques sont basées sur la maîtrise de ses cheveux. Enfin Zebra, quatrième du groupe mais bourrin de première, affectionne la castagne et les techniques sonores. Nombreuses seront les fois où plusieurs de ces compères feront équipe pour triompher de l’adversité. Ces quatre-là se trouveront aussi pour la plupart des animaux de compagnie immenses pour les suivre à la trace.

Il ne suffit pas d’être balèze pour terrasser une créature, encore faut-il avoir le savoir-faire pour la cuisiner. Komatsu est justement un cuisinier qui sera rapidement amené à faire équipe avec Toriko. Tout Gourmet Hunter de ce nom se doit de trouver un partenaire qui l’accompagnera dans tous ses déplacements, et qui pourra transposer dans l’assiette ce qui aura été préalablement capturé ou tué. Comme si l’on s’affublait dans Monster Hunter d’un Felyne capable de préparer sur place ce qu’on vient de vaincre. La baston contre les monstres, c’est une chose. Mais il manquerait quelque chose si les gentils ne bottaient pas les fesses des méchants. Et des vilains, il y en a une ribambelle. Ils sont regroupés sous la bannière non pas du "Ruban rouge" comme dans DBZ mais de la "Gourmet Corp". Leurs motivations ne sont pas encore tout à fait claires, mais non contents de compter de puissants membres, ils construisent des robots dans la perspective de voler certaines denrées. Leur objectif semble cependant être de mettre la main sur des aliments légendaires, découverts par Acacia. Toriko rencontrera plusieurs sous-chefs de l’organisation, tels que Grinpatch, Starjune ou Tommyrod, qui lui opposeront une farouche résistance. Une pléthore d’autres personnages fait bien sûr son apparition, comme le directeur de l’OIG, Ichiryû, le directeur du bureau de développement de l’OIG, Mansome, qui se croit « handsome », ou Yosaku, un Gourmet Reviver spécialisé dans la protection, la défense des denrées et les techniques de regénération.

Concrètement, le manga suit Toriko lors de ses quêtes de récupération de denrées, à l’occasion desquelles de nombreuses péripéties surviennent. La succession des chapitres est donc tout sauf lassante et répétitive. Autre élément qu’il convient de mentionner, l’accomplissement d’un Gourmet Hunter est de se constituer un menu idéal, de l’entrée jusqu’au dessert en passant par le plat de résistance ou la boisson. Pendant ses voyages, le chasseur de saveurs ajoute à son menu parmi les denrées qu’il a l’opportunité de découvrir, celles qui lui plaisent particulièrement. La compétition est féroce pour afficher le meilleur menu ! Mais cela nécessite de disposer de quelqu’un qui soit capable de le préparer, d’où le choix cornélien du cuisinier en tant que partenaire. Pas question d’emmener avec soi un type qui rate même des pâtes.

Une œuvre qui présente un réel intérêt pour peu qu’on aime ce qui fait la force du titre : La nourriture, la découverte de nouveaux espaces et les combats. Le dessin est aussi très plaisant, mais cela reste une affaire de goût. En tout cas, une chose est sûre : vivement Toriko en odorama pour pouvoir profiter au mieux des différentes saveurs qui ponctuent ses pages ! C’est le mot de la faim. Sur ce, je vais me faire un steak.

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2 commentaires

  1. Pierr7ck
    Le 15 avril 2015 à 07:40

    Triple it !

  2. Bart
    Le 26 avril 2015 à 15:29

    J'ai lu le premier tome, mais je n'ai pas spécialement apprécié la série

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