Parfois, pour percer et entrer dans la légende, le talent ne suffit pas, il faut aussi avoir de la chance.
C'est le cas de l'homme qu'on va découvrir aujourd'hui, à savoir Markus Persson alias Notch, le créateur du jeu à succès, Minecraft. Markus Persson naît en Juin 1979 à Edsbyn en suède. À l'âge de 7 ans, il déménage à Stockholm et sa vie se retrouve chamboulée. Devenant solitaire à cause de son arrivée dans une école ou il ne connaît personne, sa passion pour le jeu vidéo via le commodore 128 que son père ramène un jour. Si jouer l'intéresse beaucoup, il va se découvrir un don pour la programmation. Un an après, le jeune Markus, agé de 8 ans, développe un petit jeu textuel grâce à ses connaissances. Cette expérience le poussera à prendre une décision quand il deviendra adolescent : son métier sera dans le domaine des jeux vidéo.
Des débuts décourageants
Mais seulement voilà, le jeune développeur a bien du mal à trouver une place dans le jeu vidéo. Son CV est convaincant mais à l'époque, dans ce début des années 2000, les studios de développement sont rares et n'ouvrent pas leur portes facilement. Après 4 ans à programmer pour des activités autres que celle dans laquelle Persson veut entrer, il finit par rentrer chez MidasPlayer, une toute jeune société qui vient d'ouvrir ses portes. Markus est heureux d'enfin pouvoir entrer dans le milieu mais va très vite déchanter.
En effet, Midasplayer a un business bien précis, leur truc, c'est de développer des jeux sur navigateur gratuit sur lesquels les joueurs peuvent parier (c'est grâce à ça que l'entreprise paie ses factures) et ses jeux sont en réalité des clones d'autres jeux qui laissent peu de place à l'originalité ou à la créativité. Markus reste toutefois dans l'entreprise pour une seule raison : le travail est loin d'être fastidieux et il a pas mal de temps libre pour créer ses propres jeux en parallèle de ce qu'il doit faire pour l'entreprise. Son quotidien est donc supportable grâce à cette liberté de création qu'il obtient et des concours qu'il fera dans le milieu (très fermé à l'époque) des développeurs indépendants.
Malheureusement, un grand changement va s'opérer chez MidasPlayer, la petite entreprise va évoluer en grosse boîte et va devenir King (qui deviendra célèbre plus tard en créant le jeu mobile ultra connu et rentable : Candy Crush). Le souci viendra du fait que désormais, une règle bien précise va poser problème à notre programmeur : l'obligation de loyauté qui va interdire à Markus de développer des jeux sur son temps libre s’ils ne deviennent pas la propriété de King. C'est la goutte de trop pour le futur développeur qui décide de quitter King au plus vite. Malheureusement, encore une fois, il a du mal à trouver une place qui arrive à le satisfaire.
Les premiers blocs d'un nouveau monde
Finalement, en 2009, Persson finit par trouver une place chez Jalbum, une entreprise qui développe un logiciel de photo sur Internet. Rien à voir avec le jeu vidéo, mais le boulot lui convient vu qu'il peut gagner sa croûte tout en étant désormais libre de développer son activité sans soucis. Il a alors l'idée de créer un nouveau jeu qui est à la base un mélange entre le jeu de Dwarf Fortress (un jeu d’aventure) et de rollercoaster tycoon (un jeu de gestion). Il entreprend le développement de Rubydung et de Zombie town, respectivement jeu d'aventure et jeu de tir. Mais finalement, Markus va découvrir le jeu qui va lui créer un déclic : Infiniminer. Jeu en équipe dans lequel il faut récupérer des minerais avant l'équipe adverse et avec un style cubique très prononcé, le jeu charme le développeur et il se dit que c'est celui qu'il veut reprendre.
En effet, pour lui, le jeu a de bonnes idées mais de gros défauts aussi, comme son esthétique d'un goût douteux (à base de rouge et bleu très lego) ou des limites dans les idées de création. Le 13 mai 2009, le développeur suédois publie un test sur Youtube de son jeu, il reprend le concept d'Infiniminer (Markus préviendra et assumera le fait que son jeu est à la base un clone en le marquant bien dans la description) mais a repris l'esthétique nature/forêt de son jeu Rubydung ainsi que le personnage principal nommé Steve"qu'on trouvait dans son autre jeu Zombie town. Après quelques temps de tests et d'expérimentations diverses, Markus publie son jeu en version alpha sur le site TIGdiscussion. Le jeu, qui s’appelait Cave game sous son nom de test, trouve un nouveau nom : Minecraft. Et son créateur porte désormais le pseudo "Notch".
Un phare dans la nuit construit de pièces en pièces
Les premiers retours sur le jeu sont très positifs, notamment sur le fait que l'on peut créer tout et n'importe comme dans un jeu de Lego et fait sentir à son créateur qu'il tient quelque chose. Notch ouvre alors son blog personnel The Word of notch dans lequel il va parler de son jeu mais aussi de critiques de films ou d'états d'âme divers. Il livre également l'idée de son business model pour Minecraft : le jeu sera disponible à 20 € une fois fini mais ceux qui achètent le jeu en bêta l'auront à moitié prix.
Les ventes sont lancées le 13 juin et en 24h, 15 personnes en feront acquisition. En une semaine, ce nombre atteindra 990 alors que le titre est encore moindre en contenu. Notch est poussé par une motivation sans bornes, son jeu perce et les mise à jours s’accumulent. Il rajoute notamment deux fonctions qui vont avoir un succès immédiat : un multijoueur et un mode survie. Couplé avec la mécanique principale, le craft et les objets à concevoir qui en découlent, le jeu intéresse de plus en plus et une communauté très axée sur la créativité se développe. Des rajouts supplémentaires, comme la poudre de Redstone qui permet de créer des mécanismes et des réactions vont booster la popularité de Minecraft. Les ventes continuent d'augmanter et les créations de plus en plus folles qui vont émerger sur la toile vont faire de la pub sur le jeu sans que Notch ait besoin d'en faire.
Début 2011, Minecraft obtient une popularité monstrueuse en se vendant à un million d'exemplaires et en étant pratiquement considéré comme une plateforme à part entière ou les créateurs de tout genre peuvent donner cours à leur imagination sans être programmeurs. Markus décide alors qu'il est temps de quitter son boulot à Jalbum pour créer sa propre entreprise. Embarquant avec lui Carl Manneh, vice-président de Jalbum et Jakob Porser, un ancien développeur de chez King, Persson crée en 2011 le studio dont le nom sera lié à l'univers de Minecraft : Mojang Studio.
Une création hors de contrôle
Le 19 novembre 2011, Minecraft sort officiellement en version complète. Le jeu va connaître un boum de ventes et va passer à 13 millions puis au chiffre faramineux de 54 millions. Il va alors devenir un succès dépassant tout ce qu'on pouvait espérer et même devenir l'un des jeux les plus vendus de tous les temps.
Mais problème : Notch n'est pas content de cela, loin de là. Pour lui, Minecraft est un accident, un coup de chance, il estime avoir sorti le bon jeu au bon moment mais il n'avait absolument pas calculé ni même anticipé une seule seconde le succès du titre. Et pour lui, la célébrité du jeu est un poids dont il se serait bien passé. Il ne sent pas entrepreneur et ne veut pas "changer le monde".
Sans compter que le succès de Minecraft est tel qu'indirectement, il lui est défavorable. En effet, en 2013, il sort un nouveau jeu appelé Scrolls, un jeu de cartes à collectionner qui va faire un bide, obligeant Notch à l’arrêter 2 ans après.
Finalement, le torchon brûlera définitivement entre Markus et son public en 2014 lorsque Mojang clarifie les conditions d’utilisation sur le jeu. Cette clarification (qui constitue un débat sans fin peu intéressant à développer ici) cause la colère de la communauté qui va jusqu’à accuser son créateur d'avoir "tué son jeu". Celui-ci prend conscience qu'il n'a plus la relation intime qu'il avait au début de son aventure et publie alors sous le ton de la blague mais qui est en réalité totalement sérieux un message Twitter qui résume le tout : "Est-ce quelqu'un veut racheter mon entreprise?".
L'argent ne fait pas le bonheur
Au début, Notch n'est pas vraiment sérieux à propos de tout cela mais de très nombreuses entreprises commencent à appeler, très intéressées par l'idée. Minecraft est en effet plus connu que jamais et le possédé mettrait n'importe quelle entreprise à l'abri du besoin pour un long moment. D'abord hésitant, Markus Persson finit par craquer. Il veut passer à autre chose et estime qu'il n'a plus à supporter le poids de Minecraft et de ce que disent les gens sur Internet à propos de lui et finit par prendre définitivement sa décision : les droits de son bébé vont être revendus.
C'est donc Microsoft qui l'avait aidé pour la publication du jeu qui obtiendra les droits pour pas moins de 2,5 milliards de dollars. L'argent en poche et maintenant dans le club très fermé des célébrités avec un compte à 10 chiffres, Notch décide de mener la belle vie et de faire la fête en dépensant son argent. Malheureusement, au fil du temps, Markus tombe progressivement dans une sorte de déprime. Si la revente de Minecraft l'a soulagé d'un poids, la création de jeu lui manque et son train de vie de fête lui paraît dérisoire et futile, ce qu'il partage sur Twitter (ce comportement lui est d’ailleurs grandement reproché).
En 2016, Notch finit toutefois par déclarer que sa déprime est passée et qu'il a l'intention de faire la seule chose qui le motive dans la vie : le jeu vidéo. Il déclare donc commencer la création d'un nouveau jeu mais est clair sur une chose : celui-ci restera confidentiel jusqu'à sa sortie et s’il à un succès qui commence à trop s'intensifier, il arrêtera tout. Car selon lui, Markus a aujourd'hui une peur qui le terrifie plus que tout : connaître "un deuxième Minecraft".
Qu'il le veuille ou pas, Notch a marqué l'histoire du jeu vidéo d'un bloc. D'une simple envie de créer est née un univers qui, aujourd'hui, se développe même sans son créateur. Si l'histoire de Markus est un accident chanceux, reste que son histoire teintée de joie et de tristesse reste passionnante à découvrir. Tout l’intérêt est désormais de savoir quelles aventures Notch nous réserve dans le futur.