L’annonce d’un épisode situé aux USA a réveillé les différents camps politiques.
Que l’on apprécie ou pas les productions Ubisoft, on ne peut nier la volonté de l’éditeur de proposer, avec sa série Far Cry, de voyager à travers le monde. En rachetant la licence à Crytek, Ubisoft déménage l’action en Afrique à l’occasion du deuxième opus. Le troisième épisode nous propose de découvrir une île du pacifique, alors que le quatrième propose de s’amuser au coeur de l’Himalaya. A chaque fois, des pays fictifs servent de décor. Mieux, la série s’amuse aussi à nous proposer un délire façon nanar de SF et une épopée préhistorique. Autant dire que l’annonce du 5ème épisode, qui se déroule au fin fond des USA contemporains, a de quoi allécher le grand public.
Far Cry, c’est bien souvent l’histoire d’un gars normal qui doit affronter un psychopathe a la tête d’une petite armée. Choisir le Montana et une secte comme tant d’autres dans l’histoire de ce pays, c’est respecter les codes de la série. Sans le savoir (d’après les propos du créateur du jeu…), Ubisoft surfe sur l’actualité. On se doute toutefois que la production du jeu a débuté bien avant l’élection de Donald Trump. De plus, les problèmes récurrents aux USA en matière de fusillades, de racisme, de fanatisme religieux et plus globalement d’évènements violents ne sont pas récents. Ils ont fondés ce pays schizophrène, avec des régions qui diffèrent grandement en habitude de vie, en culture, en populations… Vous ne vivez pas de la même manière à Boston, à Miami, à la Nouvelle-Orléans ou dans le Montana.
Le problème, c’est que la communication autour du jeu, qui promet initialement de faire, comme dans tous les Far Cry, la chasse aux méchants, déplait à une partie du public et des médias américains. En effet, pour une fois, ceux-ci ont trouvé de fortes ressemblances entre ces personnages et… eux-mêmes. N’allant pas critiquer leur propre mode de vie, ces membres de l’extrême-droite américaine (qu’on appelle l’Alt-right) ont rapidement mis la pression sur l’éditeur, s’insurgeant de cette vision des USA. Pire, ils ont sorti l’habituel argument ironique “faire des blancs des terroristes, c’est très réalistes en ce moment”... Quant on voit ce qu’il s’est passé l’année dernière à Charlottesville, on ne s’étonne pas de la capacité des racistes à se poser en victime.
Ce qui est dommage, c’est que l’éditeur change de communication et met beaucoup moins l’accent sur tout ce qui est polémique. Une manière de faire redescendre la pression pour ne pas politiser la sortie du jeu. C’est dommage tant il rare de voir un AAA (les jeux aux plus gros budgets) oser s’aventurer sur ce terrain. Dommage aussi quand on sait que la série Far Cry est légitime pour aborder ces thèmes. Dommage de voir un éditeur aussi puissant reculer devant des racistes, de peur de vendre moins de copies de son jeu, alors que son histoire ne fait que refléter la réalité. Résultat, ce sont les opposants à l’Alt-right qui attaquent désormais Ubisoft sur les réseaux sociaux et au fil des previews. Ceux qui ont interviewé les créateurs du jeu (comme ici) pensent que le culte au centre du jeu n'est pas là pour critiquer ces groupes, mais juste surfer sur cette iconographie pour attirer le public. Bref, une belle façade sans fond, comme quand on nous balance du nazis à gogo sans creuser les impacts de leurs actes.
Au final, à ne pas vouloir se mouiller, l’éditeur risque de perdre tout le monde. Bien sûr, les ventes “mécaniques” vont générer beaucoup d’argent, mais pas autant qu’aurait pu offrir un jeu pleinement assumé. L’éditeur a voulu surfer sur ces thématiques pour mieux vendre Far Cry 5. Il avait raison, c’était ce qui intéressait le public, même si certains joueurs étaient uniquement ravis de pouvoir tuer des racistes ou des fondamentalistes. Sans avoir jouer au jeu, on peut penser que ses scénaristes avaient trouvé le moyen de parler intelligemment du sujet, ou au moins de manière drôle pour décrédibiliser les méchants de l’histoire. Ce recul donne juste une raison supplémentaire aux producteurs de ne plus s’aventurer sur ce terrain...