Ce mois de mars est celui de la série TV Agents Of SHIELD avec la diffusion de la seconde partie de la saison 2 aux USA et un passage tardif sur une vraie chaîne française (W9). C'est l'occasion d'analyser la place de cette série dans le business juteux de Marvel.
Pour les néophytes, il est parfois intimidant de se lancer dans l'exploration de l'univers Marvel. Fort heureusement, les adaptations au cinéma des comics vulgarisent parfaitement les aventures de ces super-héros, comme les dessins animés dans les années 90. Le succès du nouvel empire Marvel Studios ne pouvait que s'étendre à la télévision, le média le plus créatif des années 2000 aux USA. Disney ayant racheté Marvel en 2008, la chaîne ABC, propriété du groupe de Mickey, était la destination idéale pour une série TV Marvel.
OCCUPER LES FANS ENTRE LES FILMS
Outre une nouvelle occasion de développer le business des adaptations Marvel, cette série TV avait pour objectif de renforcer le lien narratif entre chaque film. Marvel Studios a réalisé ce qui semblait impossible en proposant au public des films indépendants qui tissaient chacun une toile commune, l'univers Marvel. Si un seul film, Avengers, a réellement réuni tous ces personnages, chacun a donné l'illusion d'être imbriqué dans un plan global.
Autant dire que la série TV est une commande visant a combler l'attente des fans entre deux films. Avec une série hebdomadaire, le fan consomme sa dose de Marvel et reste addict, chose indispensable vu les budgets engagés pour chaque opus cinématographique. Chaque année, le studio propose un premier film vers mars-avril, puis un film estival ou automnal, sans oublier les oeuvres de la Fox (X-Men) ou de Sony (Spider-Man). Cela fait entre trois et cinq films Marvel par an. Chacun met en scène un pan de l'univers Marvel et tous ont un socle commun : le SHIELD. Cette organisation d'espions/militaires protège le monde sous la houlette de Nick Fury. Il faut noter que ce groupe est moins omniprésent dans les comics (on sent bien l'influence de la saga Ultimates par Mark Millar).
Faire une série sur le SHIELD est un bon choix pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les films Marvel ont été initialement reliés entre eux grâce à l'apparition d'agents de cette organisation. De plus, les premières (et fameuses) scènes post-génériques impliquaient soit Nick Fury (Iron Man), soit Coulson (Iron Man 2). Fury, c'était la star caché de cet univers, le personnage badass par excellence, interprété par le génial et geekissime Samuel L Jackson. Cependant, le vrai personnage culte, c'est l'agent Coulson. De plus, c'est le premier membre du SHIELD qui nous est présenté, avant Fury. Il est drôle, proche de nous et joue même les fans dans Avengers. Justement, sa mort dans ce film va cimenter l'équipe et déchaîner les théories fumeuses des spectateurs, qui voient en lui un potentiel Vision, l'androïde qui apparaît dans la suite de Avengers.
Proposer les aventures des agents du SHIELD, c'est montrer les coulisses de l'univers Marvel à travers le regard du personnage le plus proche des spectateurs. Pour adapter l'histoire au format télévisé où le zapping est roi, la production décide initialement d'axer le scénario sur les enquêtes d'une équipe du SHIELD, une sorte de Les Experts de Marvel. Aux commandes du projet, Joss Whedon, le créateur d'une série TV culte des années 90 (Buffy) et le réalisateur d'Avengers, le plus gros carton au cinéma pour un film de super-héros. Tout devait donc bien se dérouler pour Agents of SHIELD. Attention, nous allons utiliser des spoilers dans la suite de cet article.
POUSSIF PUIS JOUISSIF
Le choix du cop-show n'est pas idiot, mais il va impacter la série négativement. La succession d'épisodes one-shot ne rend pas hommage à l'éclectisme de l'univers Marvel car les histoires se ressemblent sans réellement convaincre. On a des liens pourris avec les films (l'épisode diffusé lors de la sortie en salle de Thor est particulièrement inutile), une frilosité quand il s'agit d'utiliser des personnages Marvel et surtout très peu de personnages utilisant des pouvoirs.
À quoi bon faire une série Marvel si nous n'avons aucun super-héros, super-vilains, menace magique, transdimensionelle, temporelle, alien, etc... ? On nous balance à la figure ici et là quelques mots et noms qui font frémir les lecteurs de comics, mais le compte n'y est pas, nous n'avons pas une série de super-héros, juste les aventures de l'agent Coulson et de ses collègues.
L'impact est immédiat avec des audiences décevantes voire mauvaises pour une série avec un tel budget, une telle filiation et une diffusion sur ABC, une des cinq chaînes principales aux USA. Franchement, sans le logo Marvel, cette série aurait sûrement été annulée. La première partie de la saison 1 est décevante et engendre de nombreux débats, les fans de Whedon défendant sa propension à toujours cacher son jeu pour mieux surprendre le public. La coupure hivernale est salutaire car elle permet aux équipes créatives d'enregistrer les critiques et d'effectuer les modifications nécessaires lors du tournage des épisodes suivants.
Agents of SHIELD se transforme progressivement lors de cette seconde partie de saison 1, avec en point d'orgue de cette mue la sortie du second film Captain America en mars 2014. Dans ce film, le statut du SHIELD est bouleversé et la série profite intelligiblement de cette situation pour proposer enfin un adversaire intéressant : l'Hydra. Nous avons alors le droit à un vrai arc narratif d'une dizaine d'épisodes, avec de vrais conséquences à la fois sur la série et surtout sur l'univers Marvel dans son ensemble. Le final de la saison 1 redéfinit ainsi totalement l'objectif de cette série qui se voit confier une lourde mission. Mieux, le début de saison 2 offre de nouveaux vilains, une Hydra revigorée et de nombreuses réponses à la grosse inconnue du début : qui est réellement Skye ? La jeune femme était la seule vraie surprise de la série, et son histoire personnelle va catalyser la révolution en cours dans le show.
LA MISSION EST ENFIN CONNUE
La première partie de la saison 2 lève le plus grand tabou de la série : l'utilisation massive de super-pouvoirs. La présence d'Absorbing Man dès le premier épisode le montre bien. Le scénario propose aussi un vrai complément à la guerre contre l'Hydra, organisation que l'on retrouvera dans le prochain film Avengers. Nous observons ainsi à la télévision la puissance de ces vilains, ce qui est un gain de temps énorme pour les scénaristes. Nous savons que cette organisation est tentaculaire, nous en avons maintenant la preuve et il est donc facile de tisser de nouveaux liens entre les films grâce à elle, comme pour le SHIELD en son temps.
Nous découvrons aussi que Skye a un rôle crucial à jouer dans l'avenir car elle fait partie d'un peuple unique : les Inhumains. Ce sont des terriens qui ont été modifié il y a très longtemps par une race alien, les Krees, peuple dont fait partie le méchant du film Les Gardiens de la Galaxie. Cela n'est pas anodin. Un film Inhumain a déjà été annoncé pour 2019. C'est dans quatre années, soit quatre saisons supplémentaires pour la série.
Allons-nous voir Agents of SHIELD jouer avec ce concept pendant quatre ans (au risque de lasser les fans avant le film), ou ce show est-il un laboratoire complet qui va aussi offrir une place à la magie (le film Docteur Strange) et le cosmique (Captain Marvel, Infinity War) ? Par cosmique, j’entends combattre des aliens ou visiter leur planète, pas juste parler d'eux sans les voir. Sinon, vu que Thor se dirige tout droit vers le Ragnarok pour son troisième film, il serait intéressant de développer un prélude et ensuite les conséquence à cette terrible bataille dans la série télévisée, sous réserve de ne pas en voir une autre apparaître, chose peu probable.
En effet, Marvel a déjà conclut un deal avec Netlfix pour mettre en scène tout un pan de sa mythologie, celle liée aux justiciers urbains, Daredevil en tête. Nous ne connaissons pas encore les liens entre les productions Netlfix et celle d'ABC/Marvel Studios, mais il serait dommage que cet univers reste indépendant. Toutefois, Netflix a prouvé sa capacité à produire des séries de qualité. ABC va devoir hausser le niveau de son show pour ne pas rougir de la comparaison.
De plus, en face, le grand concurrent DC Comics (qui appartient à Warner, propriétaire de la chaîne CW) multiplie les séries TV, entre Gotham, Arrow, Flash, Constantine et bientôt Supergirl, Krypton, Teen Titans... Si Marvel est le maître du cinéma dans le genre, DC a toujours outrageusement occupé le terrain à la télévision et ne compte pas abandonner son territoire. Les Agents du SHIELD ne peuvent plus reculer : ils doivent libérer la folie Marvel en eux, comme Flash qui enchaîne les apparitions de personnages célèbres à une vitesse inouïe.
Après un démarrage raté, Agent of SHIELD est parvenu à trouver la bonne formule. De nombreuses promesses ont été faites et le potentiel est là. L'avenir nous dira si la série peut devenir culte ou ne rester qu'un outil de promotion pour Marvel.