« Tu ne le sais pas encore mais tu es déjà mort ». Cette phrase hautement singulière et pourtant si improbable résonne toujours dans nos têtes. Manga et anime de notre enfance, Hokuto no Ken nous a bercé au doux son des « AA-TATATATATATATA-WATA ! » et de son inoubliable VF. Cette œuvre classique affirme encore aujourd’hui son caractère indémodable.
Hokuto no Ken, aussi connue sous le nom de Fist of The North Star, est initialement paru de manière hebdomadaire dans le Weekly Shônen Jump dès 1983. Aux manettes, Buronson le scénariste et Tetsuo Hara le dessinateur. Le manga se décline en 27 tomes, édités par Shûeisha au Japon jusqu'en 1988, et par Kazé dans nos terroirs après une première version par J'ai lu. À l’occasion des 30 ans de la série est paru une édition anniversaire en grand format avec des passages en couleur de toute beauté. Même si les premiers tomes comportaient parfois quelques erreurs d’impression avec des textes décalés, cette mouture de Hokuto no Ken s’arracha comme des petits pains, ce qui révèle l’insatiable appétit des fans de la première heure comme des nouveaux arrivants.
Hokuto no Ken est un shônen et en consommer un tome vous fera donc dépasser de loin la dose d’apports journaliers recommandés en langage cru, mines patibulaires, baffes et hémoglobine. Mais au diable la modération, car lire n’est pas encore cancérogène, du moins pour le moment. La série contient effectivement son lot de violence, à un point tel que des défenseurs du bon goût et du politiquement correct ont cru devoir s’élever contre cette débauche. La version française de l’anime, intitulée Ken le survivant, était diffusée sur le club Dorothée, haut lieu de la culture en son temps. La version papier allait toutefois beaucoup plus loin dans la représentation des démembrements et autres scènes macabres. En tout cas, les doubleurs français ont joué le rôle de hérauts de la censure, à leur manière, en affublant les personnages de répliques absurdes mais cultes. Morceaux choisis : « Les temps comme les œufs sont durs », « La technique planche à pain », « Le Hokuto de cuisine ».
UN MONDE IMPITOYABLE
Hokuto no Ken dépeint un monde dévasté par les armes nucléaires. Les terres sont arides, le climat est hostile, les ressources indispensables à la vie se sont considérablement amenuisées. L’eau en particulier, du fait de sa rareté, est devenue hautement désirable. Pour couronner le tout, les groupes de bandits et de pillards pullulent. L’ordre et la morale n’existant plus en ce bas monde, la loi du plus fort règne.
Le héros du manga, Kenshirô (ou Ken pour les intimes), est un maître en arts martiaux fortement inspiré de Bruce Lee, ce que l’on déduit de ses traits, de ses poses ou de ses cris caractéristiques. Il suit la voie du Hokuto Shinken, style de combat millénaire, depuis sa plus tendre enfance aux côtés de ses frères. C’est là que ça se corse : un seul digne héritier est en droit de porter le flambeau de cet art ancestral. Et il se trouve que le très vénérable mentor qui les a initiés aux arcanes du Hokuto Shinken a préféré Kenshirô à ses autres disciples. Ses frères, plus âgés, se sentent alors floués et cultivent un sentiment de haine irrépressible envers Ken l’imposteur.
La pratique du Hokuto Shinken vise à faire imploser son adversaire par la pression des points vitaux du corps humain. Associé au point cardinal du nord, il est diamétralement opposé à l’école du Nanto Seiken, art martial lié au sud, dont les techniques entraînent la destruction externe de l’adversaire. On pensera immédiatement au Yin et au Yang, antagonistes mais complémentaires. Cependant, si l’on avait à se décider entre imploser et se retrouver finement tranché tel du carpaccio, le choix serait ô combien difficile.
LA PSYCHÉ DE LA CASTAGNE
Hokuto no Ken n’est pas qu’un simple manga ultra brutal de plus à destination d’adolescents prépubères en quête de virilité. Cette œuvre apporte son florilège de psychologie et de sentimentalisme, qu’il faut savoir dénicher entre deux mandales. Le personnage principal évolue dans un environnement pour le moins inhospitalier avec, au départ, un seul objectif en tête. Animé par la vengeance, il cherche à éliminer Shin, disciple du Nanto Seiken. Ce dernier est le sinistre personnage qui a kidnappé Yuria, la dulcinée de Kenshirô et qui, au passage, lui a infligé sept cicatrices sur le torse alors qu’il cherchait à la défendre. Ken cherche donc initialement l’absolution dans la mort de celui qui lui a causé du tort, et se montre impitoyable pour arriver à ses fins, massacrant sauvagement les vauriens qui oseraient l’attaquer ou lui barrer la route.
Très rapidement, il rencontrera des enfants à qui il viendra en aide, et qui s’attacheront à lui, le suivant sur une partie de son périple. Car Ken n’est pas dénué de sentiments. Il va accomplir une rédemption spirituelle et venir en aide à de pauvres hères, jeunes et vieux, qui n’aspirent qu’à mener une vie paisible. Ceux-ci, brimés par des brigands, sont promis à une mort certaine. Durant ses voyages, surviendront de nombreuses occasions durant lesquelles il défendra les opprimés. Trouvant le salut dans la protection du plus faible, le personnage acquiert le statut de justicier, le véritable « gentil » qui a le cœur sur la main. Et à plusieurs reprises, il fera preuve de compassion, en épargnant des malfrats. Bien entendu, cela ne l’empêchera pas d’être sans pitié lors de multiples rixes sanglantes et de combats décisifs.
Kenshirô a été élevé dans la plus pure tradition du respect d’un code de conduite indissociable du Hokuto Shinken. Cet art se doit d’être pratiqué dans les règles. Or, le disciple qui n’a pas été sélectionné comme successeur est contraint d’abandonner à tout jamais ce style de combat. À cette réflexion sur la spiritualité martiale s’ajoute un questionnement sur l’essence de la fraternité. Le héros devra ainsi combattre son frère Raoh, qui aspire à assouvir une soif de puissance immodérée. Le vil malandrin a enfreint la règle millénaire du Hokuto, bafouant l’honneur et les préceptes de son école. tout en massacrant de nombreux innocents. Par-dessus le marché, il osera aussi capturer l’objet des désirs de Kenshirô. Le personnage principal devra trouver un équilibre entre la volonté de se venger et l’amour de son frère, et sera grandement affecté par les conséquences de son choix.
LE POST-APOCALYPTIQUE, C’EST PROLIFIQUE
Le manga paraît quatre ans après la sortie de Mad Max, en 1979. L’univers du film, ainsi que celui de sa suite Mad Max 2 : The Road Warrior, a été une grande source d’inspiration pour Hokuto no Ken. Les terres désolées, la violence omniprésente, le sentiment de vengeance du héros et même les vêtements en sont autant d’illustrations. Buronson et Tetsuo Hara ont alors suivi un créneau porteur qui s’est illustré à travers de nombreux médias. Leur création est un des tout premiers mangas du genre, aux côtés de Akira, réalisé par Katsuhiro Otomo.
La science-fiction se dévoile sous son plus beau jour lorsqu’on se risque à imaginer ce qui se passerait si une guerre nucléaire éclatait. Le post-apocalyptique comprend une part substantielle d’imagination mais ses racines sont puisées dans des réalités passées. En quelque sorte, un futur probable. L’humanité résisterait-elle à la disparition de la civilisation telle qu’on la connaît ? Cette idée provient certainement de l’horreur qu’ont inspirée les deux guerres mondiales et le développement toujours plus rapide de la technologie militaire, dont l’exemple le plus parfait est le traumatisme de Hiroshima et Nagasaki. Post-apocalyptique rime parfois avec incidents bactériologiques et maladies qui ont transformé l’humanité en terribles mutants ou zombies. Pas de bombardement atomique dans ce cas-là, mais exit la vie pépère quand même. Il existe une myriade d’œuvres qui traitent de ce thème. Je suis une légende, roman de Richard Matheson paru en 1954, et adapté plusieurs fois au cinéma, est une de celles-là. Ou, plus proche de nous, le comics ou la série The Walking Dead.
Le point commun entre les zombies et la foudre de l’atome, c’est la nécessité de survivre dans un monde sans pitié. On se plaît à suivre les protagonistes afin de voir s’ils parviennent à rester en vie, alors que tout semble jouer contre eux. Et la manière de le faire importe : basculeront-ils dans la sauvagerie ou conserveront-ils leurs valeurs intactes ? Les dilemmes moraux sont là pour ça ! Après tout, peut-être que la solitude is the new swag. Le public semble plébisciter l’introspection et un certain recentrage sur les interactions humaines les plus élémentaires entre survivants, ainsi qu’entre l’être humain et son environnement. Et Hokuto no Ken réussit très bien cela en y incorporant la baston. Il s’agit d’une des créations qui nous rappelle malheureusement que l’homme est un loup pour l’homme…
UNE LICENCE QUI SE REVEILLE
Aucun média n’est épargné par la vague du « post-apo ». C’est même un véritable tsunami, tant la création est abondante en la matière, épaulée par le puissant vecteur de diffusion qu’est le marketing. Hokuto no Ken a eu droit à toute une palette de produits dérivés. Parmi les goodies, on retrouve les t-shirts de chez Uniqlo et même des figurines escamotables avec plusieurs positions, mimant à la perfection l’implosion d’un corps. Il y a eu aussi de nombreux animés mais la licence reste toutefois une source inépuisable de spin-offs papiers.
Dès 2001, le dessinateur du manga lance Fist of The Blue Sky, une série prequel se déroulant en 1935, en pleine occupation japonaise de Shangai. Une époque riche car c'était aussi celle des concessions internationales de la ville. On y découvre le prédécesseur de Ken et une cité rongée par les rivalités. Puis dès 2006 plusieurs spin-offs directs au manga originel sont publiés sous l'appelation Hokuto Gaiden. Divers artistes vont pouvoir développer cet univers culte en mettant en avant les personnages suivants dans six histoires dédiées : Raoh, Yuria, Rei, Toki, Jagi et Jyuza. D'autres projets sont parodiques, comme Hokuto no Ken: Ichigo Aji qui est une parodie sportive ou la comédie DD Fist of the North Star.
Malgré son âge, Ken n’est pas mort, et fera toujours partie des héros d’antan que nous avons longtemps adulés et que nous nous remémorons avec nostalgie, au même niveau que le mythique et légendaire Sangoku. « KEN ! SURVIVANT DE L’ENFER ! KEN ! SOUVENT CROISE LE FER ! KEN ! DANS LE CHAOS DES ESPRITS, KEN ! CONTRE LES FOUS LES BANDITS ! HÉROS DU FUTUR IL FAIT RESPECTER LA LOI, IL EST L’HÉRITIER DES PLUS GRANDS MAÎTRES CHINOIS ! IL N’A QU’UN SEUL BUT IL N’A QU’UN SEUL IDÉAL, COMBATTRE ET DÉTRUIRE LES FORCES DU MAL ! »
Dreadfox
Le 06 janvier 2016 à 11:05-Dans 7 secondes tu seras mort ! -Non pitié, 7 secondes c'est pas assez donne m'en 2 de plus ! AAAAARGH ! -L'Oiseau du Vent, Shu, plus connu sous le nom de Shu... -L'attaque de la Grande Ours est d'une puissance incalculable...Moi même j'ai des difficultés pour la calculer. L'anime en VO doit être vraiment bien, mais je trouve que la VF l'a sublimé (dans un sens innatendu, mais en un sens quand même^^) https://www.youtube.com/watch?v=w2jfBEgtc88
Farid
Le 07 janvier 2016 à 18:22Dreadfox rien que le début de ta vidéo m'a tué :D
LeBleu
Le 09 janvier 2016 à 01:03Excellente cette vidéo en effet ! Merci d'avoir partagé :) La VF de Ken est un monument, on aime ou on aime pas ! Personnellement, je trouve que ça a un certain charme, un petit côté kitsch.