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Please save my earth, passé et présent mêlés

Voici l’histoire de sept jeunes gens qui rêvent de leur vie antérieure. Celle-ci les hante jusqu’à empiéter sur leur présent.

Réincarnations, connu aussi sous le titre de Please Save My Earth chez nous, ou encore de Boku no chikyû wo mamotte en japonais, est un manga de Saki Hiwatari, publié entre 1987 et 1994 dans le magazine Hana to Yume. Il est l’oeuvre majeure de la mangaka et retrace la vie de sept jeunes gens pris dans les méandres des souvenirs de leur vie antérieure. Alors plongeons-nous dans cette fable onirique, écologique et douce amère.

Comment l’histoire a commencé

Dans ce manga, nous découvrons Alice, fraîchement arrivée dans la capitale japonaise. Timide et réservée, la jeune fille peine à se faire de nouveaux amis. Elle souffre de ne se voir entourée que de béton au lieu de sa chère Nature avec laquelle elle entretient un lien privilégié. Elle a un petit voisin, Rin, qui la persécute et qu’elle craint beaucoup. Suite à un accident survenu alors qu’elle le gardait, l’enfant reste plusieurs jours dans le coma. À son réveil, il change du tout au tout, semblant être devenu une toute autre personne…

Dans l’intervalle, deux camarades d’école d’Alice, Issei et Jinpachi, se rendent compte peu à peu qu’ils se souviennent avoir vécu une vie antérieure. Le plus étrange est qu’ils n’étaient pas de ce monde mais des extraterrestres pas plus grands que notre main venus étudier la Terre depuis une minuscule base sur la Lune.

Ils vont se mettre à rechercher les autres membres de l’équipage qui composait cette expédition afin de mettre la lumière sur toute leur histoire. Mais peut-être aurait-il fallu laisser le passé au passé.

Un manga plus mature qu’il n’y paraît

Quand on parle de shôjo, on a en général une image plutôt légère et insouciante en tête. Je ne dis pas que c’est le cas pour tous les mangas, mais on retrouve souvent les schémas classiques avec des préoccupations plutôt orientées sur les histoires de coeurs et relations adolescentes de personnages encore dans l’insouciance de la jeunesse.

Quand on commence à lire ces pages, on se dit que ça va être une énième histoire sur les lycéens et leurs hésitations sentimentales prises dans la tourmente de la puberté. Mais plus on avance et plus on y trouve une double facette plus mature avec ces anciennes vies d’adultes. Le fait que les héros ont une vie antérieure de personnes plus âgées, donc plus expérimentées, apporte une dimension plus mûre et permet de voir quelque chose de plus abouti.

Leurs préoccupations sont bien sûr d’ordre amoureux, mais on ressent une maturité qui entre en conflit avec leur adolescence qui les perturbe et leur joue des tours. Ils affrontent des souvenirs de la guerre, de problèmes écologiques, de séparation avec leurs parents, de désespoir, tout simplement. Tout cela s’imbrique tellement avec leurs personnalités respectives, qu’ils ne savent plus trop qui, de leur ancienne personnalité ou de l’actuelle, dirige leur vie.

Des thèmes graves

Ce manga a aussi des tonnes de messages à nous faire passer. Il y en a bien sûr un sur l’écologie, qui est au centre de l’histoire à travers les personnages d’Alice et Mokuren et leurs affinités avec la nature. Cette nature qui nous entoure et est la base de notre vie.

Mais il y a aussi la folie de la guerre, qui arrache des enfants à leurs parents, les force à grandir plus vite qu’ils ne devraient pour perdre leur innocence à un âge où ils devraient jouer encore à cache-cache.

L’acceptation de soi, mais d’autrui également, est aussi un message fort. Il faut savoir passer outre ses complexes et ses préjugés personnels pour avancer et se permettre de vivre mieux. Plus facile à dire qu’à faire, nous sommes d’accord, mais avec un regard neuf, il est parfois plus simple de trouver sa voie. Et lorsque l’on rencontre une personne différente de soi, il faut savoir faire fi de ses idées préconçues, ainsi que de ses préjugés, et tenter de voir au-delà des apparences.

L’amour par delà les années, par delà la mort

Ainsi, tous nos protagonistes reviennent-ils avec leur passé en filigrane que nous découvrons par fragments dans le manga. Il est livré au travers de flashbacks, de rêves que font nos protagonistes ainsi que des récits qu’ils en font entre eux. L'amour y prend d'ailleurs une place prépondérante.

Quand des adolescents, et encore plus un jeune garçon, se retrouvent avec des souvenirs d’adultes, cela peut mener à certains traumatismes. Les personnalités se mêlent et s’emmêlent, laissant ces jeunes gens bien démunis face à ces fortes émotions qu’ils sont encore trop immatures pour comprendre, trop jeunes pour assumer. La folie peut même parfois les ronger, ils ne savent plus à quel saint se vouer, perdus dans cet enchevêtrement d’émotions à la fois étranges et fascinantes.

Par exemple, Rin est très perturbé par son ancienne vie et semble avoir perdu de son innocence polissonne. Il est devenu calculateur, en retrait et met en place un mystérieux plan au centre duquel repose la Tour de Tokyo et les mots de passe de sécurité de ses anciens camarades. Que veut-il faire ? Pourquoi ? C’est l’un des fils rouges de l’histoire.

Gare à ce que l’on souhaite

L’envie, la concupiscence, la haine ou la colère peuvent mener loin. C’est ce que ces 7 protagonistes ont expérimenté. À l’agonie, sur le point d’être emportés par la terrible maladie qui les a rongés, ils ont chacun souhaité quelque chose et l’ont obtenu une fois réincarnés sur Terre.

Le désespoir mène parfois à bien des drames. Ainsi, par exemple, l’amoureuse rejetée a souhaité être plus proche de celui qu’elle aimait sans retour en devenant du même sexe que lui. Mais peut-on aller à l’encontre du destin et de ce que l’on est ? Peut-être, peut-être pas, je ne vais pas tout vous raconter non plus, sinon où serait le plaisir ?

Intemporel ?

Peut-être pas. Car si je la découvre toujours avec un plaisir non feint, je peux comprendre que ceux qui ouvrent les pages de cette oeuvre pour la première fois peuvent se retrouver rebutés par le dessin qui a quelque peu vieilli. En outre, il était déjà à la base plutôt naïf et enfantin, bourré d’imperfections qui font qu’il faut s’accrocher pour se mettre dedans.

Mais je pense qu’une fois l’obstacle artistique passé, on peut parfaitement passer un très bon moment en compagnie de Jinpachi-Gyokuran, Issei-Enju et les autres.  D’autant plus que le dessin s’améliore au fur et à mesure, comme dans nombre de mangas. Les traits deviennent plus précis, plus fins, les visages plus nets. Car c’est bien connu, c’est en forgeant qu’on devient forgeron.

Une suite plus ancrée dans le réel

Comme si elle avait du mal à se détacher de ses personnages, Saki Hiwatari a écrit une suite nommée en France Embraced by the moonlight, Réincarnations II édité par Tonkam. Celle-ci met en scène Ren, le fils de protagonistes (je vais éviter de spoiler), ainsi que Kachiko, la fille de Mikuro, un terrien doté de pouvoirs télékinésiques qui a joué un rôle dans la précédente histoire. N’ayant pas lu le manga, je ne peux que vous mettre l’histoire, mais pas mon avis.

Là, on suit plutôt les aventures des enfants, même si on voit apparaître de temps en temps Shion et Mokuren, deux membres importants de l’équipage extraterrestre et que les parents de Ren ont encore leurs pouvoirs. Et c’est ce qui pose d’ailleurs problème au jeune garçon, car il a raconté à l’école que ses parents ont des dons spéciaux. De là, il se fait surnommer “Ren le menteur” et refuse d’y retourner. Mais à la suite d’un accident, il va rencontrer des fantômes, qu’il considère comme ses anges gardiens. Curieux de savoir qu’il ils sont, il va mener son enquête. Le truc, c’est qu’il s’agit de Mokuren et Shion...

Les images prennent vie

Des OAV (Original Video Animation, pas une série, plus des épisodes spéciaux) en 6 épisodes sont parus et nous font apprécier un dessin moins naïf que pour le manga. C’est d’ailleurs souvent le cas, le chara-design s’améliore en général avec le passage à l’image. Nous découvrons le plaisir de voir les personnages qui nous ont émus se mouvoir et prendre la parole. Si c’est plus compact, normal ce sont des OAV donc sur peu d’épisodes, nous découvrons le passé des personnages d’une manière plus directe au travers d’un long flashback du point de vue de Shion, le personnage le plus énigmatique de la série.

Le tout est mené par des musiques signées par la géniale Akino Arai (Les Chroniques de la guerre de Lodoss, Macross Plus) que je trouve absolument envoûtantes. Oui, oui il y a un peu de synthétiseur, certes, mais elles donnent une petite touche OVNI qui apporte la sensation que ces jeunes ne sont pas tout à fait de notre monde.

En outre, un film de deux heures nommé Boku no Chikyû wo mamotte : Alice kara Rin-kun e (littéralement : Protège ma Planète, d’Alice à Rin) est sorti. Là, c’est Alice qui se souvient des éléments clés de l’OAV et nous résume un peu la série alors qu’elle va à la rencontre de Rin. Ne l’ayant pas vu, je ne peux vous garantir la qualité de l’oeuvre.

Grave, mais aussi doux, ce manga est un véritable petit plaisir à lire, une fois passés les dessins du début, un peu naïfs. Si vous avez envie de vous plonger dans une magnifique histoire d’amour, je vous conseille ce manga, vous ne serez pas déçus.

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