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Tokyo Ghoul : les cannibales ont la côte

Tokyo Ghoul est devenu un véritable phénomène depuis son adaptation en animé en 2013. Entre scènes gores et ambiance psychologique, retour sur un manga devenu culte.

Manga seinen de Sui Ishida, Tokyo Ghoul, c'est l'histoire de Ken Kaneki, un jeune étudiant à la fac lambda. Plutôt timide et pas forcément à l'aise dans ses baskets quand il s'agit d'aborder une fille, il se plonge dans ses livres et particulièrement ceux de son auteur préféré : Sen Takatsuki. Et un beau jour, il finit par taper dans l’œil d'une jeune fille tout aussi passionnée par les livres. Mais cette dernière, du nom de Rize Kamishiro, est en réalité une goule. Et une goule, ça mange des humains.

Par un concours de circonstances étranges, alors que notre héros est sur le point de mourir après les blessures infligées par sa très charmante petite amie, Rize est soudainement tuée après qu'une masse de blocs de marbres qui traînaient sur une échelle lui tombent sur la tête et la réduise en purée. Condamné à mourir, Ken est sauvé par un médecin du nom de Kano qui décide, contre toute attente, d'utiliser les organes de Rize et de les transplanter sur notre jeune homme. Commence alors une vie cauchemardesque pour notre héros.  

Salade de gésiers humains, ça vous dit en entrée ?

De premier abord, on s'imagine que Tokyo Ghoul est encore un de ces manga gores où l'auteur déverse tous ses fantasmes de psychopathe. Pourtant, c'est très loin d'être le cas. Le manga est loin d'être soft niveau violence avec moults intestins qui pendouillent et corps décomposés. Cependant, les premiers tomes nous laissent surtout explorer les dilemmes de Ken face à son état : devenu une goule à l'œil écarlate, à savoir qu'il n'est plus vraiment humain, ni totalement une goule, il se rend compte assez vite qu'il ne peut plus se nourrir normalement.

L'auteur aborde cette partie délicate en donnant à voir les pires tournants pour le héros : déguster un bon hamburger dans un fast-food ? Impossible. Ces bons petits gâteaux pleins de chocolat ? Impossible again. La seule chose que les goules peuvent ingurgiter sans tracas, c'est le café. Mais autant dire que la vie devient rapidement un calvaire pour Ken qui ne peut donc plus fréquenter ses amis humains tant il ne peut plus goûter à la nourriture humaine. Pire encore, affamée, on le voit courir dans une rue salivant face à un plat succulent...qui se révèle être un corps dévoré par une autre goule. Oui, il y a des goûters plus charmants.

Condamné à se nourrir de nourriture humaine, Ken va trouver du réconfort auprès d'un salon de café appelé L'Antique. Tenue par une goule, celle-ci va lui offrir un job à temps partiel ainsi que des réponses sur sa condition, le monde des goules et le fait qu'il va devoir accepter de manger de la chair humaine sous peine de devenir fou et tuer quelqu'un involontairement. Oui, ça calme tout de suite. En effet, après à un accident, il manque de dévorer son meilleur ami, mettant en scène un véritable drame, évité de justesse par l’intervention de Touka, jeune goule travaillant à L'Antique.

Non vraiment, ce tartare de foie d'humain ne vous convient pas ?

Mais voilà, la nouvelle vie de Ken est parsemée d’embûches : déjà, le fait qu'il soit une goule à l'œil écarlate en fait un être particulièrement exceptionnel. Le roi des goules en serait une aussi. Mais surtout, au fil de l'aventure, Ken va tenter d'en apprendre plus sur Rize Kamishiro grâce à qui il est encore en vie. Et il ne se fera pas que des amis dans cette quête.

Déjà, parce que face à lui, un groupe de policiers appelé le CCG traque et extermine les goules dans l'optique de sauvegarder la race humaine. Et autant dire qu'ils ne font pas dans la dentelle et éliminent n'importe quelle goule, même les plus inoffensives comme les enfants. Si pour le lecteur, la lutte du groupe anti-criminel est honorable, l'auteur prend le parti de ne faire de son univers un monde ni tout blanc, ni tout gris.

Les goules ont aussi des familles, des enfants à élever et ne doivent leur condition qu'à leur existence, sans la vouloir réellement. Beaucoup ne cherchent qu'à vivre une vie normale. Du côté des policiers, certains, traumatisés par la mort de leurs proches par des goules, deviennent des meurtriers sanguinaires. Mais ce sont aussi des parents, des enfants. L’une des scènes du manga particulièrement forte est lorsque Touka élimine un inspecteur et qu’elle découvre, par la même occasion, que cet homme était marié.

Cette ambiguïté entre deux mondes qui se déchirent est solidement amenée dans chacun des camps avec des arguments qui ne permettent pas au lecteur de prendre parti. Mais il faut quand même relativiser : le monde des goules reste le plus dangereux, notamment avec l'existence d'une organisation dont l'objectif est d'exterminer la race humaine : L'arbre d'Aogiri. L'organisation devient la principale source de conflits du manga, cette dernière étant aussi sur la même piste que Ken : Rize Kamishiro.

Autant dire que notre héros est dans la mouise et qu'il va petit à petit prendre conscience de ses capacités comme goule, aidé par ses amis. C'est surtout après avoir été torturé qu'il va prendre conscience ce qu'implique sa nature de goule, et plus précisément de ce qu'il peut en faire. Il ne faut pas oublier que Ken est au départ un garçon normal, réservé et pas spécialement bavard. Son évolution fait place à un jeune homme de plus en plus sûr de lui, glacial au possible face à ses ennemis mais aussi terriblement touchant envers ceux qu'il veut protéger.

Alors, en reprenez-vous un peu ?

Si je ne parle que du manga, c'est parce que le dessin animé a médiocrement échoué dans sa tentative d'adapter l'histoire et c'est en grande partie dû au massacre opéré sur les personnages. Parce que Tokyo Ghoul, c'est avant tout des personnages forts aux personnalités très complexes. Prenons un personnage devenu une bouse misérable dans l'anime : Ayato Kirishima, le frère de Touka. Il est réduit au rôle du dark-émo-gothique et adolescent en pleine crise d'ado dans l'anime alors que dans le manga, au-delà de son rôle de « petit con », il se révèle dans les derniers tomes être un personnage bien plus profond et humain qu'il se prétend être.

L’autre défaut qui fait tort à l’adaptation animée c’est la censure abusive : écrans noirs et flou d’image sur des éléments « choquants » qui disparaissent de la version DVD/BR sont des éléments qui ont, à mon sens, pas mal gâché le confort de visionnage puisque l’anime était distribué en simulcast sur Wakanim TV.

Autant vous dire que je vous conseille largement de privilégier le manga, plus sombre et mature mais aussi beaucoup plus profond au niveau du scénario. Le dessin de l’auteur vaut aussi le coup d’œil avec des affrontements dynamiques et une représentation graphique de la folie particulièrement exceptionnelle.

Plus que le scénario, c'est réellement les personnages qui donnent vie à l'univers et permettent de donner un goût bien amer pour le lecteur, à voir que chaque être, humain ou goule, a des raisons suffisamment légitimes pour se battre. Cette guerre n'est au final pas tant l'exposition voulue par l'auteur, mais plutôt son envie de raconter des personnages aux prises avec des situations qui dépassent leur propre race.

Tokyo Ghoul ne renouvelle pas le genre mais propose une histoire intéressante et aux développements assez inattendus. Les 14 tomes du manga sont édité par Glénat en France et les deux premières saisons de l’anime sont disponibles chez Wakanim TV. La suite Tokyo Ghoul : Re vient d’être lancée chez nous.

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