Depuis 9 ans, Loki, superstar des comics et désormais du cinéma, cherche sa place dans l'univers Marvel. Longtemps symbole de l'archétype du super-vilain, il est ces dernières années en perpétuelle évolution, sa sexualité étant au centre de toutes les attentions.
Avant, tout était si simple. Loki est le demi-frère maléfique de Thor. Loki est le roi des mensonges. Loki est celui qui a réuni sans le faire exprès les Avengers. Loki est toujours dans les mauvais coups avec d'autres super-vilains. Parfois, Loki est aussi plus complexe, voir un peu noble et carrément moins manichéen. Après tout, c'est un dieu, il en a les attributs, notamment la beauté, mais aussi l'ego surdimensionné. Toutefois, dans le monde longtemps policé des comics, Loki était cantonné à un statut, celui de Némésis du fils d'Odin. Fin de l'histoire, son rôle est immuable car efficace.
Ainsi, le choix de Loki comme premier adversaire des Avengers au cinéma était judicieux. La prestation de Tom Hiddlestone donne du coffre au personnage, tout en malice et murmures, car il faut toujours se méfier des grandes tirades spectaculaires du maître des illusions. Pourtant, dans les comics, les auteurs ont fait le tour de la question, semblant même se heurter au début des années 2000 à un mur narratif : comment réinventer le personnage ? Comment le rendre aussi terrible que ces nouveaux super-vilains charismatiques ? C'est simple : il faudra écarter Loki assez longtemps de la scène pour ensuite le faire revenir transformé. Et pas qu'un peu, vu qu'il aura changé de sexe entre temps !
2004 : la fin de son histoire
En 2004, l'univers Marvel est pour une fois véritablement secoué par une une révolution après des années 90 terribles pour ses finances. Au début de cette fin de siècle, les ventes étaient gargantuesques. À la fin de celle-ci, l'entreprise frôlait la faillite. Dès 2000, la lancement de la gamme Ultimate Marvel permet de redonner une certaine fraîcheur au catalogue. Petit à petit, les premiers films Marvel rapportent du cash alors que de nouveaux auteurs se voient confier des personnages avec carte blanche pour les revitaliser. Morisson secoue la franchise X-Men comme jamais et Bendis prouve une nouvelle fois que les comics sont matures avec Daredevil. C'est d'ailleurs lui qui se voit confier le destin des Avengers en 2004. Le scénariste va transfigurer l'équipe en créant en 2005 les New Avengers, intégrant enfin au groupe Spider-Man et Wolverine. Mais avant, il faut détruire cette famille pour mieux la reconstruire.
Outre le pétage de plomb de la Sorcière Rouge, qui fait comme victimes Hawkeye et Vision, deux Vengeurs émérites, c'est Thor qui est désigné comme la cible des éditeurs. Le personnage sort d'une longue et assez bonne saga qui l'a vu, dans un futur alternatif, prendre le pouvoir sur Terre suite à la mort d'Odin. Pour se débarrasser du dieu nordique, c'est tout simplement le Ragnarok, célèbre mythe apocalyptique asgardien, qui est invoqué. En 5 épisodes, tout y passe et la guerre est terrible entre les forces de Loki et celles de Thor. Captain America et Iron Man sont rapidement renvoyés sur Terre pour être sauvés de ce massacre qui ne laisse aucun survivant, pas même le fils d'Odin qui décide courageusement de briser le cycle de renaissance de son peuple. Comme un défi métaphysique digne du 4ème mur, il refuse de perpétuer le cycle asgardien et condamne son peuple à l'oubli pour ne plus être les jouets de puissances supérieures.
C'est un classique dans la vie, mais aussi les comics : quand le désir a disparu, il faut le réveiller. Cela passe donc par une bonne mort du personnage pour le mettre au frigo et le ressortir des années plus tard, quand l'attente est énorme. Marvel ne peut toutefois pas rester longtemps sans son éphèbe blond, et Civil War est une forme de préliminaires pour tester l'envie des fans de revoir l'Odinson. Le cyborg créé par Reed Richards et Iron Man fait des dégâts, mais réveille aussi la curiosité des fans et rappelle qu'un des membres de la Trinité Marvel est toujours absent. La mort de Captain America sert alors de relais entre les deux personnages et Thor revient à la vie en se demandant ce qui a mené ses amis à de telles folies en son absence. Bien sûr, sa fidélité envers les siens le pousse tout d'abord à sortir Asgard de sa torpeur, mais ce n'est pas si simple que cela.
2007 : retour avec des seins
C'est con, mais avec Loki, on ne s'est jamais trop posé la question de sa sexualité. Son frère Thor est un jeune mâle blanc hétérosexuel, chose parfaite pour le public WASP des années 60 qui ne veut pas que ses enfants s'identifient à une figure « déviante » selon eux. C'est un dieu puissant et respecté, il est normal qu'il multiplie les conquêtes. Mais son frère, qui n'est même pas un Asgardien de sang mais un troll et dieu du mensonge, doit avoir des goûts bizarres, non ? La fiction a, de tous temps, opposé deux personnages en inversant leurs caractéristiques. Ce troll de Loki doit donc sûrement copuler avec des êtres bizarres (n'allons même pas penser à des actes homosexuels, allons, des enfants lisent ces histoires!). Pas besoin de rentrer dans les détails, vous l'aurez compris tout seul, c'est suggéré entre les pages, ou bien dans l'imaginaire collectif tout du moins, Loki fait ce que bon lui semble.
Fort heureusement, progressivement, la société bien pensante américaine a découvert que certaines icônes gay étaient aussi celles du grand public. La frontière est devenue floue et petit à petit, dans la fiction, certains héros anciens ou d'autres nouvellement créés ont assumé une sexualité différente. Les mentalités ont évolué, enfin, pas toutes, mais tant-pis pour les intolérants. Au milieu de tout cela, notre bon vieux Loki fait son retour en 2007, en même temps donc que son frère blondinet revenu d'entre les morts. L'énorme surprise qui passe très bien, surtout avec les magnifiques dessins du français Olivier Coipel, c'est que Loki est devenu, pardonnez l'expression, une putain de bonasse ! Visage démoniaque, corps voluptueux, postures lascives, LA nouvelle déesse n'a rien à envier à Ms Marvel (époque blonde et gros seins) ou Wonder Woman. Oui, Loki est désormais une femme. Cela n'est même pas une transgression à la mythologie, certaines histoires racontant la transformation féminine de ce dieu, voir carrément son insémination par un animal mâle, c'est dire.
Loki 2.0
Ce qui est super, c'est que rapidement, on s'en fout que Loki ait un vagin a la place d'un gourdin, ce qui compte, c'est que le personnage épouse totalement le mythe du serpent biblique, de cette femme diabolique qui va faire chuter l'homme dans sa quête. Alors que Thor cherche désespérément le moyen de ramener à la vie tous les Asgardiens, Loki s'arrange pour lui mettre des bâtons dans les roues en cachant nombre d'entre eux. D'ailleurs, réflexion faite, Loki n'a jamais joué sur son physique pour affronter les héros. C'est sa malice, ses mensonges, sa magie qui a toujours fait des dégâts. L'idée est donc excellente, car Loki embrasse pleinement sa nature en devenant une tentation aussi bien mentale (l’attrait du mensonge) que physique pour les nobles héros.
Le problème, c'est que le scénariste JMS, concepteur du projet, va rapidement quitter la série pour des raisons indépendantes et ne pourra pas développer jusqu'au bout son idée. Le vilain sera ensuite rattrapé par les événements en cours dans l'univers Marvel, qui donnent le contrôle du monde en secret aux méchants. Loki fera partie de la Cabale montée par Norman Osborn, nouveau protecteur des USA et de l'humanité. Malgré ce statut de dirigeant invisible du monde, le frère de Thor va poursuivre son travail de sape contre les siens et utiliser la folie d'Osborn pour frapper durement Asgard. Manque de pot, il trouvera la mort lors du Siège de la cité qu'il a lui même orchestré. Game Over, Loki avec des nichons a vécu et s'est bien défendu. Le cycle brisé par le Ragnarok a permis une réelle renaissance du personnage, appréciée du public et de la critique. La suite des ses aventures prouvent que les auteurs ont désormais la liberté de proposer d'autres expériences toute aussi prenantes.
2010 : renaissance enfantine
Peu de temps après, quand Matt Fraction arrive après aux commandes de la série Thor, il utilise la bonté d'âme de son héros pour faire revenir Loki. En effet, le dieu du tonnerre se languit de son frère et ne peut se résoudre à son absence. Toutefois, le scénariste surprend à son tour les fans en donnant cette fois un corps d'enfant au second fils d'Odin. Mieux, il le rend amnésique, ou plutôt part du principe que c'est une version pure du personnage qui est apparue. En effet, si Loki adulte est la pire des saloperies, comme tous les enfants, il fut une époque où il n'était pas si méchant, non ? Allez savoir, certains psy vous diront que tout se joue à l'enfance...
Justement, quand Kierron Gillen se voit très vite confier cette « création », il s'intéresse à cette incertitude : est-ce que Loki est intrinsèquement mauvais (un effet de ses gènes de troll) ou est-ce la vie qui l'a rendu ainsi ? Marvel publie alors sûrement une des meilleures séries de ce nouveau siècle, Journey Into Mystery, au passage titre d'origine des aventures de Thor, où Loki est la tête d'affiche. Alors que son frère est empêtré dans divers problèmes qui mèneront jusqu'à une guerre entre Asgard et le frère oublié d'Odin, le jeune Loki se lance dans une folle quête onirique, mystérieuse et terriblement excitante. Le personnage est toujours malicieux mais cherche désormais à prouver à tous qu'il n'est pas méchant comme sa version adulte.
Loki peut-il être un super-héros ? Thor se prend d'affection pour lui et l'amour fraternel est de retour, mais en dehors de cela, personne ne lui fait confiance ou même ne comprend son plan avant la fin de l'histoire. Ainsi, le garçon va sauver le monde en rassemblant une équipe inédite, mais son héroïsme a un double prix : sa vie et son innocence. En effet, conseillé depuis sa renaissance par une sorte de sauvegarde de l'ancien Loki, pleine d'expérience et de connaissances, l'enfant est trahi par cet être maléfique qui souhaite faire renaître un Loki classique super-vilain. Ce Kid Loki tire sa révérence au profit de cette version maléfique qui lui vole son corps, non sans prophétiser avant sa disparation l'incapacité de son successeur à dissimuler son crime.
2013 : ado et héros
On aurait alors pu s'attendre à cette époque à un retour du bon vieux Loki super-vilain et adulte, mais Marvel apprécie cette aventure et tout le buzz autour. Le réseau social Tumblr était à l'époque devenu un repaire à fans de Loki, bien avant le film Avengers en 2012. L'éditeur fait donc durer la chose, ce qui est habituel en amour, et ne se presse pas, proposant désormais une version adolescente du personnage, ne le désignant pas clairement comme un méchant, car c'est bien connu, les héros sont les plus populaires. L'expérience n'est pas longue mais elle est étonnante, car le lecteur ne sait pas s'il a réellement affaire à un vilain ou une version intermédiaire du personnage, en transition entre les deux statuts.
Si le personnage s'associe à d'autres adolescents pour reformer les Young Avengers, ce nouveau Loki cherche toujours la rédemption. Il semble même contrôler sa part maléfique et affiche une plus grande confiance en lui-même. En attestent ses relations sociales. Le personnage n'est plus malicieux mais fourbe. Il manipule encore ses alliés, mais cette fois sans trop se préoccuper de leurs sentiments, chose primordiale au final pour la version enfant. C'est d'ailleurs cette partie enfant, toujours vivante quelque part en Loki, qui lui fait comprendre qu'il ne peut abandonner ces héros. Le personnage va donc jouer le jeu du groupe le temps de leur courte aventure (15 épisodes exceptionnels), et apparaît même comme un agent double du super-vilain de la série. Il a en fait planifié la catastrophe en cours pour regagner ses pouvoirs perdus à sa réincarnation. Mais, tourmenté par la culpabilité d'avoir sacrifié sa version enfant, il parvient à sauver le monde, non sans grandir physiquement grâce aux pouvoirs de Wiccan.
Kieron Gillen poursuit son travail sur le personnage en formant une équipe complètement folle. Associée à Jamie McKelvie, il propose un titre très pop qui explose les murs narratifs et génère plusieurs niveaux de lectures. Une bande de jeunes presque tous homosexuels ou bisexuels, avec Loki confirmant que l'identité sexuelle (se définir LGBT ou non) ne le concerne pas, sa vision de la chose étant différente car seul compte l'acte sexuel pour lui, pas le partenaire. Il quitte à la fin l'équipe pour le bien de celle-ci, même s'il se sait capable de se faire accepter, et cherche son propre chemin, entre sa nature de super-vilain et cette envie de ne pas oublier la version héroïque de lui-même. Si le personnage déclare entre les lignes qu'il n'a pas besoin de faire de coming-out, son parcours est une métaphore de la recherche d'identité sexuelle de jeunes (ou moins jeunes) homosexuels.
2014 : un jeune homme ambigu
On retrouve un peu plus tard Loki qui poursuit son long chemin vers un retour à son statu-quo classique. Il est désormais un jeune homme sexy et, soyons franc, assez ambigu dans son image. Les couvertures de la série multiplient les poses lascives, romantiques ou carrément masochistes, avec à un moment une chaîne en or... Chacun ses goûts, je préfère l'argent. Loki est toujours pour ses fans une icône de la pop culture web, aussi bien sa version comics que son alter-ego acteur. Les enjeux autour de lui ne sont plus les mêmes et le personnage a enfin sa propre série mensuelle à son nom. Désormais agent secret pour le compte des femmes dirigeant Asgard (un vrai pied de nez au macho Odin), le jeune homme désire se faire payer en voyant effacer les crimes commis par le Loki originel. Ses nouveaux exploits remplaceront donc ses anciennes légendes noires et il pourra enfin s'intégrer parmi les siens.
Pendant ce temps-là, son frère va vivre la pire époque de sa vie, se voyant dépossédé de sa virilité, pardon, de son marteau, lors d'Original Sin. Ensuite, quand le crossover Axis frappe l'univers Marvel, les vilains deviennent temporairement des super-héros et inversement. Grâce à sa magie, Loki a un rôle majeur à jouer, il peut être un héros au yeux de tous. Toutefois, sa position est là aussi ambigüe : s'il est du côté des gentils, c'est qu'il était méchant avant que la formule ne frappe le monde, non ? Or rien ne laissait penser qu'il était vraiment redevenu un vilain au début de la série. Certes, en tant qu'agent secret, il dupe tout son monde, mais rien n'est clair, et le personnage cherche surtout à se montrer digne d'Asgard.
Quand le destin s'acharne
De plus, le jeune homme se sait manipulé par King Loki, une version adulte venue du futur qui veut s’assurer que le jeune homme suive l'avenir précis qu'il a en tête, afin de protéger son futur maléfique. Loki lutte contre ce destin, mais son père Odin lui jette à la figure la froide vérité : il n'est pas assez humble pour être un super-héros. L'ego, le mal qui a toujours rongé Loki, est ce qui fera de lui ce roi qui détruira Midgard. Il parvient toutefois à finalement utiliser le marteau de Thor, se montrant enfin digne de son rang et de sa famille, pour stopper le dieu du tonnerre qui est temporairement un super-vilain.
Problème, tout disparaît quand la situation est rétablie à la fin d'Axis, alors que les deux frères sont en plein combat sur la Lune. Pire, la bonne action de Loki est oubliée et le terrible crime commis contre sa version enfant refait surface, faisant du Loki actuel un être indigne du statut de super-héros. Il ne peut donc lutter contre son destin car il est déjà un criminel. Son acte héroïque pour lequel il a tant travaillé depuis sa réincarnation en enfant a été perverti par ce meurtre. Loki est damné, c'est le crime qui ne peut être oublié, contre soi-même qui plus est, contre sa propre âme. Il a bien essayé de corriger ce crime, ce vol de corps, mais l'âme de la victime le tourmente, elle ne sera pas oubliée. Il a beau tout faire pour changer, grandir, mentir aux autres et à lui-même, il reste ce dieu du mensonge. Brisé, il est publiquement dénoncé par Thor quand se dernier apprend de la bouche de Loki même son crime.
Le destin s'acharne
Google images regorge de montages, « preuves » ou dessins de fans s'épanchant sur la relation supposée gay entre les deux fils d'Odin. Al Ewing, scénariste de la série Loki, confirme la bisexualité du personnage sur Tumblr, mais cela disparaît rapidement, parait-il à cause de Marvel. Dans les pages des comics, Loki se transforme à nouveau au besoin en femme, mais l'éditeur semble empêcher toute clarification alors que sa version ciné est ouvertement androgyne. Le flou artistique avantage Marvel car il ne clive pas le public, et l'éditeur ne veut pas trop que les artistes affirment clairement, par des actes notamment, l'identité sexuelle de cette nouvelle icône. Le changement de sexe se veut alors plus une ruse qu'une manifestation de l'identité du personnage.
Revenons aux deux Loki. Celui du futur a tout fait pour changer en vieillissant, mais les Asgardiens ne l'ont vu que comme le dieu des mensonges, même si cela n'est pas le mal en soit. Il s'est finalement déchaîné et est redevenu un salopard. Pour lui, c'est donc normal que sa version jeune devienne un super-vilain, car toute cette folle histoire d'identité, depuis sa première réincarnation en femme, n'est qu'une illusion, un outil. Ainsi, le Loki femme, au passage redevenu homme, tué par Sentry/Void, n'a pas choisi de mourir. Son successeur, le Loki enfant, n'a lui aussi pas choisi sa fin mais a laissé un autre héritage, une marque différente sur ce monde, car il est resté lui-même jusqu'à la fin. L'usurpateur, le Loki qui le conseillait et qui a volé son corps, celui qui ne parvient pas à redevenir vilain de par son sentiment de culpabilité, mais qui n'arrive pas à être pleinement un super-héros, celui-là même qui doit achever ce voyage pour faire renaître le Loki classique, comment va-t-il finir ?
De la beauté de la complexité
Loki avait deux choix. Accepter sa place dans le monde, celle du dieu des mensonges, de super-vilain, ou lutter pour être un héros. Cela fait écho à la lutte des hommes et des femmes pour défendre leur identité sexuelle. Il est souvent plus facile de nier son homosexualité, même si cela vous déchire de l'intérieur. De manière surprenante, ce Loki accepte sa nature, celle de dieu des mensonges. Toutefois, posons-nous une question : qu'est-ce qu'un mensonge ? C'est une histoire. Peut importe qu'elle soit vraie ou fausse, c'est celui qui la raconte qui l'écrit, lui donne vie. Loki est maître de son destin, parce qu'il peut mentir à tous, il peut écrire sa propre histoire. Ce héros s’appuie alors sur des vérités (ses amis, son amour pour son frère) qui lui conviennent pour accepter sa nature, c'est à dire son rôle de dieu des mensonges, donc de vilain, mais en racontant de nouveaux mensonges, donc de nouvelles histoires. En résumé, sa nature immuable ne l'empêche pas de choisir une nouvelle voie tant qu'il reste un menteur invétéré. Rien ne le force à mentir pour faire du mal.
Loki devient alors le dieu des histoires, un synonyme au final des mensonges. C'est un nouveau Loki. Son premier acte est de redevenir femme. Pendant ce temps-là, le Loki du futur, alors que Secret Wars se déclenche, lance un nouveau Ragnarok. Le nouveau Loki s'interpose, en ne cherchant pas à se faire aimer, car il n'a pas besoin de l'amour de tous, seulement de ses proches. De plus, il ne choisit pas de camp car il ne joue plus à ce jeu de pouvoir entre dieux et héros. Il laisse donc la bataille reprendre, car ce qui compte pour lui désormais, c'est l'historie qui en résulte, celle qu'il pourra raconter. Il fait d'ailleurs un parallèle avec les mythes des dieux, qui ne sont que des histoires contées par des peuples qui ne comprenaient pas leur nature. Des mensonges propagés pour rassurer les gens et rendre logiques ces phénomènes.
Or, comment rendre logique la nature complexe d'un être comme Loki ? Homme ou Femme ? Hétérosexuel ou Homosexuel ? Héros ou vilain ? Dieu ou troll ? La vie est-elle aussi simple ? Non, car chaque histoire est plus complexe qu'il n'y paraît. Y croire, c'est le principe de la magie, ce qui la rend vivante. On croit en un mensonge, ce qui le rend vrai. Loki sera le dernier conteur de son temps, avant la renaissance post-Secret Wars. Loki ne sait pas ce qu'il va devenir à ce moment-là, car la vie fait que l'on change, lui y compris. Et cela ne le dérange pas, il accepte cette incertitude.
2016 : le retour du super-vilain mature ?
Une fois Secret Wars terminé, l'univers Marvel renait. Alors que Jason Aaron poursuit son magnifique run sur Thor, jonglant entre la version féminine et celle qui est indigne du marteau, l'auteur met enfin la main sur Loki. La situation est tendue car le vilain Malekith rassemble de plus en plus d'alliés pour préparer sa guerre contre Asgard. Je ne vais pas trop m'étendre sur le sujet pour ne pas spoiler les lecteurs VF, mais on sait déjà en France en lisant les revues Panini Comics que Loki a rejoint le camp des vilains, s'attachant notamment a prouver à son autre père, son géniteur, qu'il est digne des trolls. Redevenu dieu des mensonges, il est désormais aussi prince de Jotunheim, le royaume glacé des trolls.
Toutefois, les motivations du personnage restent ambigües. Il conserve son regard mélancolique ainsi qu'un sourire moins diabolique et plus sexy qu'autre chose, comme s'il aidait les vilains à contre cœur. Son visage est celui de Tom Hiddleston, afin d'attirer les spectateurs, mais cela renforce la vision d'un Loki ambigu. Il montre ainsi de la compassion à la mort d'un dragon dont le sang est exploité par ses alliés de Roxxon. De plus, s'il leur fourni des outils et astuces pour devenir plus forts, il demande en échange...un temple. Est-ce que cela signifie que Loki a retrouver un ego et l'appétit qui va avec ? En tout cas, les prières lui manquent. Que cherche-t-il ? Quel est son plan final ?
L'avenir nous dira si le personnage est vraiment redevenu vilain et s'il a achevé son long voyage initié plus d'une décennie auparavant. Sa rencontre avec le Thor féminin s'est mal déroulé. Il a proposé une alliance pour mettre fin à la guerre, elle a refusé alors qu'il s'oppose aux conseils de toutes ses versions antérieures qui le poussent à vraiment se comporter en méchant. Thor rejette son aide car elle se méfie de lui. En apparence, elle a raison, mais on sent bien que Loki joue un jeu sur le long terme. Attendez, on avait dit finis les jeux, non ? Apparemment pas quand c'est Loki qui est aux commandes. Après tout, c'est son histoire et il la raconte très bien. Que ce soit Loki troll, du futur, enfant, ado, vilain, monstre, peu importe, sa nature est la même et c'est un être complexe, comme nous tous.
Le parcours de Loki depuis une décennie est fascinant. Si certains fans conservateurs n'aiment pas voir leurs personnages fétichent évoluer, il y a des cas où cela est salutaire. Loki n'a jamais été aussi intéressant que quand il est ambigu, et cela n'est pas prêt de s'arrêter.
ZAK
Le 26 septembre 2016 à 09:42Super article.
Farid
Le 26 septembre 2016 à 18:50Merci Zak ! Tu es un lecteur de comics ?
BOH
Le 27 septembre 2016 à 12:02Article très intéressant et très bien rédigé !
Farid
Le 27 septembre 2016 à 19:30Merci BOH !