Le petit dernier de l'Univers Cinématographique Marvel, Doctor Strange, s'apprête à voir le jour sur nos écrans et comme à ma mauvaise habitude, pour chaque nouveau film de super-héros, je n'ai pu garder mes yeux loin des spoilers.
Pour commencer je me suis intéressée au casting : Benedict Cumberbatch (la série Sherlock, Imitation Game, Star Trek Into The Darkness), Tilda Swinton (Only Lovers Left Alive) ou encore Rachel McAdams (Passion, Sherlock Holmes, Southpaw) pour ne citer qu'eux, des noms connus. Ensuite, j'ai regardé qui se trouvait aux commandes de ce tout nouveau projet, qui se voit confier l'adaptation d'un univers très particulier de la maison des idées : j'ai nommé Scott Derrickson.
Je ne sais pas pour vous, mais son nom ne m'est pas inconnu et pourtant je suis incapable de citer seulement un film de la filmographie de cet homme. N'aimant pas les mystères, je m'arme de mon deerstalker et ma loupe, et me voilà partie pour mener mon enquête.
AU DÉPART UN JEUNE SCÉNARISTE ...
Né aux États-Unis en 1977, Scott Derrickson est élevé au sein d'une famille cinéphile et c'est tout naturellement qu'il oriente ses études vers cet univers et celui de la télévision. En 1996, il obtient une maîtrise en production cinéma à l'Université de la Californie du Sud. Également fervent chrétien, il étudie par la suite la communication et la théologie et est diplômé en Lettres à la Biola University.
C'est à l'Université de Californie qu'il réalise son premier court-métrage : Love In Ruins en 1995, adaptation du roman épistolaire Tactique du Diable (The Screwtape Letters en version originale) de l'auteur britannique C.S. Lewis, racontant l'histoire d'un diable qui observe la nature d'un homme soumis à différentes tentations ainsi que son progrès dans ses croyances chrétiennes. Derrickson reçoit plusieurs récompenses pour ce film qu'il a également écrit et produit. Mais malgré l'obtention de son diplôme et un CV déjà très bon pour son jeune âge, il n'arrive pas à percer comme réalisateur.
N'abandonnant pas son rêve, il utilise le deuxième de ses talents pour entrer dans l'univers du 7ème Art : l'écriture. Et c'est très vite qu'il se retrouve comme scénariste de Urban Legend 2 : coup de grâce et dans la foulée de Hellraiser 5 : Inferno ou encore Dracula 2001 (même si son nom n'apparaît pas dans le générique du film) sortis en 2000. Tous se trouvent dans les registres du thriller et de l'horreur, mêlant meurtre, enquête et faits ou personnages surnaturels. C'est alors avec ses débuts dans l'écriture de scénarios que Scott Derrickson oriente sa carrière vers un genre particulier : le cinéma d'horreur.
… DEVENU MAÎTRE DE L'ÉPOUVANTE ...
C'est en 2004 que notre homme reçoit une proposition qui lui permet enfin de se faire un nom : réaliser son premier film d'horreur destiné au grand écran. Notre jeune réalisateur prend la proposition très au sérieux, se documentant beaucoup pour coller parfaitement aux attentes des fans du genre. Il se base sur un fait divers et l'histoire d'une Allemande dans les années 70, il complète ses recherches et son scénario par l'étude d'ouvrages comme La vérité sur l'exorcisme d'Anneliese Michel et des vidéos sur les possessions démoniaques. Il écrit ainsi l'histoire d'une jeune étudiante persuadée d'être harcelée par des forces démoniaques et qui va chercher de l'aide auprès du prêtre de sa paroisse, jusqu’à mourir dans des circonstances inexplicables. Il réalise là L'Exorcisme d'Emily Rose. Ce film voit le jour en 2005 et est considéré, encore aujourd'hui, comme un chef d’œuvre du registre de l'épouvante. C'est ainsi que Scott Derrickson se fait un nom dans le milieu.
Il présente ensuite Le Jour où la Terre s'arrêta en 2008 avec Keanu Reeves (Neo dans Matrix et vu dernièrement dans John Wick), remake du film du même nom de Robert Wise (réalisateur et monteur américain dont la carrière a commencé pendant la seconde guerre mondiale pour lequel on peut ne citer de sa très grande filmographie que West Side Story ou encore Star Trek, le film de 1979). Le film parle d'extraterrestres arrivant sur Terre et porteurs d'un message de paix tout en y incluant des messages religieux. Se voulant être une critique politique, notamment sur le patriotisme américain, il inclut des images de personnalités politiques réelles comme Angela Merkel, Vladimir Poutine et même le pape Benoît XVI. Le film recevra un accueil très mitigé lors de sa sortie et des critiques très négatives.
Suite à ça, Derrickson prend du recul avec la réalisation, pour revenir quatre ans plus tard et s'imposer cette fois-ci avec Sinister en 2012. Une réalisation avec Ethan Hawke (Bienvenue à Gattaca, Les Sept Mercenaires) et Vincent d'Onofrio (le Caïd dans la série Marvel de Netflix Daredevil) racontant l'histoire d'un écrivain et sa famille qui emménagent dans une maison où, quelques années auparavant, une famille entière a été assassinée. Puis il enchaîne avec Delivre-Nous du Mal en 2014, où à New York, un policier, Eric Bana (Lucky You, Star Trek de 2009 ou encore Bruce Banner dans le premier film Hulk datant de 2003), est poursuivi par un démon qui a pris possession d'un marine durant une intervention en Irak.
Scott Derrickson est aujourd'hui considéré comme un des maîtres du genre horrifique. Comment expliquer alors ce « don » pour nous parler de l'exorcisme et nous donner autant de frissons dans une salle sombre ? Derrickson l'explique par ses croyances. Membre de l’Église Presbytérienne, il appuie ses films sur ses connaissances de la théologie, mêlant ainsi ses idées religieuses à ses scénarios. On peut alors se demander si notre homme est capable de changer de registre ou s'il ne peut se cantonner qu'aux histoires qui font peur, associées toujours à la religion ? Et à cette question, Marvel a sa réponse.
… CHOISI PAR MARVEL POUR SON GRAND PROJET
En réalité, Scott Derrickson ne doit pas son talent qu'à ses croyances. Sa réussite est aussi due à son travail plus que sérieux. Le réalisateur aime s'investir à 100% du début jusqu'à la fin de son projet et entreprend de nombreuses recherches pour combler ses lacunes. On le retrouve d'ailleurs toujours derrière le scénario, même en binôme, de ses films et apparaît aussi dans les noms de la production. Et c'est ce que Marvel a vu.
La maison des idées a le projet fou d'adapter l'Univers du Docteur Strange, qui va ouvrir le Marvel Cinematic Universe au monde de la magie, du spirituel et détruire ainsi les codes scientifiques mis en place depuis le premier opus d'Iron Man en 2008, qui donnait toujours une explication rationnelle au fait présenté à l'écran (désolé Tony, mais un autre scientifique à barbe vient pour te voler la vedette). Pour cela, il leur fallait un homme capable de s'éloigner des films de super-héros déjà produits. Cherchant ainsi à créer la même surprise (et évidemment le succès) que pour Les Gardiens de la Galaxie en 2014.
Derrickson l'a bien compris, Kevin Feige (le directeur et grand producteur de Marvel Studio) vient de lui remettre les clefs du projet, et avec il entend bien imposer sa vision du héros et ainsi le différencier de tous ceux que l'on connaît déjà si bien. Le Dr Stephen Strange est son héros favori de chez Marvel. Mais surtout, il retrouve dans le monde de ce personnage les mêmes points essentiels que ses films d'épouvante : un homme cartésien, qui va devoir pour avancer et s'en sortir, ouvrir son esprit à un univers singulier, plein de phénomènes étranges, atypiques et surnaturels. S'ouvrir au monde de la magie et ainsi devenir ''le maître des arts mystiques''.
Et comme il l'avoue lors d'une interview accordée au magazine français L’Écran Fantastique (Hors Série n°21), il ressent un très grand plaisir d'être à la tête de cet énorme projet, avec même la sensation, d'être un privilégié de pouvoir transposer l'univers de notre Docteur/Magicien préféré au cinéma. Il faut cependant rappeler que le Dr Stephen Strange est un personnage secondaire dans les comics, n'étant bien souvent mis en avant et appelé par d'autres super-héros que lorsque ceux-ci se voient perdus face à des ennemis à la puissance « magique » qu'ils ne peuvent combattre seuls. Scott Derrickson espère satisfaire les fans du héros et pourquoi pas, attirer un nouveau public dans les salles obscures, un public d'habitude plus enclin aux films d'horreur et d'épouvante. Mais également mettre plus en avant ce magicien, au costume toujours aussi vintage, et relancer ainsi ses publications et ses apparitions dans les pages des comics Marvel.
En choisissant Benedict Cumberbatch, qui s'est fait connaître du plus grand nombre en jouant le grand détective Sherlock Holmes dans la série du même nom depuis 2010, pour incarner le grand sorcier Stephen Strange, Scott Derrickson a déjà su satisfaire une grande partie des fans et a continué à nous convaincre avec la diffusion des premières images et bandes annonces du film. Avec ces lieux étranges, le mélange des sciences, du surnaturel et d'un monde magique, il nous promet de nous emmener à la découverte d'une autre facette de l'Univers Marvel et casser les codes mis en place. Reste à savoir si le passage des pages de comics au grand écran sera réussi. Réponse dans vos salles ce mercredi 26 Octobre.