Classique parmi les classiques, l’épique saga de Naruto continue à faire parler d’elle dans une nouvelle série pleine de promesses.
On connait les chiffres qui se cachent derrière l’une des sagas les plus populaires de l’histoire du manga. Leader des ventes en France pendant 10 ans, 200 millions d’exemplaires vendus dans le monde, 65 jeux vidéo, 227 personnages pour 72 tomes. Ça calme. Mais une page s’est tournée et place aujourd’hui à la nouvelle génération des ninjas de Konoha. Des nouvelles têtes, des nouvelles aventures et une nouvelle équipe aux commandes. Naruto n’est pas mort, loin s’en faut.
[Cet article contient des spoils, à parcourir avec prudence]
La passation de pouvoir
Pour beaucoup d’entre nous, le monde s’est arrêté de tourner quelques secondes, le 10 Novembre 2014, lorsque le Weekly Shōnen Jump publiait le dernier chapitre de Naruto. La nouvelle ne fût une surprise pour personne. Et pour cause, un an auparavant, ce cher Kishimoto avait annoncé que l’histoire du ninja blond et du démon-renard touchait à sa fin. Nous ne vexerons personne en disant qu’à ce moment-là, on sentait bien que les choses commençaient à sentir le sapin: raccourcis scénaristiques foireux, arcs narratifs interminables, rebondissements fades, fan-service. Sans parler du petit burn-out de Kishimoto, il était temps que le manga touche à sa fin. D’autant que l’auteur commençait lui-même à se lasser de son personnage et de son histoire.
Concluant son histoire sur l’entrée en scène d’une nouvelle génération de ninjas, le manga se termine avec une certaine rapidité. Le rideau tombe lourdement sur les attentes fiévreuses du public et il faudra attendre un peu plus d’un an pour que soit confirmée la sortie d’un one-shot publié par Kishimoto (Naruto Gaiden, comprenez spin-off), ainsi que la suite de Naruto baptisée « Boruto: Naruto Next Generations ». Deux pour le prix d’un. De quoi combler les fervents, les dubitatifs, les enthousiastes… Et pour reprendre le flambeau, il ne s’agit ni plus ni moins qu’un des premiers assistants recrutés par « Kishimoto-sensei » : Mikio Ikemoto, à qui l’on doit d’ailleurs l’un des couples les plus emblématiques du manga : Zabuza, le démon et Haku, le garçon androgyne. À l’écriture, cependant, c’est toujours Ukyō Kodachi qui tiendra les rênes.
Kishimoto : sensei un jour, sensei toujours
Or, tout en confiant son œuvre à une nouvelle équipe, Kishimoto continuera de superviser l’évolution. Dans quelles mesures ? Impossible de le savoir pour le moment. Néanmoins, il s’agit là d’une bonne nouvelle. En effet, beaucoup de notre génération furent traumatisés par l’affaire Dragon Ball GT et l’abandon de la série par Akira Toriyama. Et trolling à part, on a vu les résultats, n’est-ce pas ? Non, ici la passation se fait dans la douceur, dans la continuité et la disruption comme le prouve la différence du trait entre les deux mangakas. Sasuke, Sakura, Gaara, Naruto et bien d’autres personnages sont au premier coup d’œil presque méconnaissables. Les cadrages et plans des cases ont évolué, exit le « fish-eye » qui a fait la particularité de Kishimoto à ses débuts. Et s’il faut prévoir bien des évolutions à long terme, on ne peut ignorer la différence de forme entre Naruto et Boruto.
Ceci étant, on peut comprendre la volonté du créateur de confier sa créature à un autre, après 15 ans de travail acharné. En sachant qu’un mangaka bosse environ 14-15 heures par jour, se pose peinard le dimanche et peut espérer deux semaines de vacances par an, il était plus que temps et nous allons voir pourquoi.
Un manga tout en nuances
On connaît tous la petite histoire de Naruto. En bon shônen nekketsu (manga pour garçon mettant l’accent sur des valeurs de courage, de force et de persévérance), c’est le récit d’un petit garçon qui va sauver le monde, se faire pote avec les pires et tenter de se rabibocher avec son meilleur ami névrosé et dépressif. Comme Dragon Ball et Dragon Ball Z, il y a eu Naruto et Naruto Shippuden (Toriyama étant, de l’aveu de Kishimoto, l’une de ses influences les plus importantes), l’enfant devient adolescent. D’apprentissages en batailles, il gagne en maturité et se confronte aussi bien à des questionnements philosophiques (guerre/paix, amitié/famille, amour/haine) qu’à des grands durs plein de pouvoirs et de rancœur. Des grands durs qui, bien sûr, s’avèrent être au fond de bons gars comme vous et moi, l’instinct du tueur en plus.
C’est peut-être ce qui a toujours fait partie de l’ADN de Naruto, cette ambivalence permanente entre bon et mauvais, gentil et méchant. On a pu le constater dès le premier adversaire : Mizuki, jusqu’à Madara ou à la princesse Kaguya, en passant par Pain ou Orochimaru. Les choses ne sont jamais noires ou blanches et c’est précisément ce qui a souvent été reproché à Naruto. Son manque d’efficacité. Sa pesanteur. Trop de débats d’idées pour si peu de bonnes bastons bien nerveuses.
La relève est-elle assurée ?
Bref. L’histoire de Naruto se termine dans les meilleurs termes. Le rideau se relève sur l’histoire de la génération suivante. Naruto, comme tous ceux de sa génération, est devenu parent de deux enfants : Himawari et Boruto. Himawari, la petite cadette timide et souriante, ressemble comme deux gouttes de saké à sa mère timide et souriante. Boruto ressemble lui à son père avec simplement, un trait en moins sur les joues. Et s’il n’avait pas le même look, on ne verrait à peine la différence.
Pour ce dernier, l’absence d’un père trop occupé à être le chef du village de Konoha (le Hokage) est une source de souffrance et de rancœur. Une rancœur, teintée de solitude, qui le pousse à tricher pour attirer le regard de son père. La triche est vite débusquée par celui qui devient son sensei : Sasuke et son papa, alors que de nouveaux ennemis font leur apparition. Bastons et boules de feu prennent la suite. Nous n’en dirons pas plus. Mais ça commence fort…
La passation de jutsus
Et pour cause, il n’y a pas grand-chose d’autre à raconter (9 chapitres au compteur pour le moment) et aussi pour éviter de vous gâcher définitivement le plaisir de découvrir cette suite. Car du plaisir, on en trouve nécessairement avec Boruto. L’histoire a pris un coup de jeune des plus revitalisants qui réanime l’histoire et les personnages avec un traitement de l’image beaucoup plus nerveux, plus vif. L’action reprend sa place. Les mouvements sont fluidifiés. Les combats, plus intenses.
Pourtant, on sent bien qu’Ikemoto et sa bande vont dans une direction narrative similaire à celle prise par Kishimoto il y a 15 ans. Le poids des générations précédentes, la question de l’héritage, de sa transmission, les liens qui unissent les êtres humains…Des questions d’ores et déjà soulevées et qui s’avèrent être l’un des points noirs de Boruto, prenant soudain les traits d’un étrange reboot. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, nous diraient certains. Encore que...
Tabula Rasa
Il faut noter quelques faits qui vont nécessairement marquer l’histoire de Boruto : la petite (c’est un euphémisme) prolepse avec laquelle débute le manga, à savoir : la mort de Naruto. Une prolepse des plus intelligentes, qui joue avec les nerfs du lecteur sans vraiment le dire. Et tout en amenant une urgence dans le récit, elle promet un tabula rasa complet.
On notera aussi la remise en question (fugace) de la place du ninja dans le monde. Une introspection qui tend à éloigner le lecteur des réflexions existentialistes qu’il a connues pour revenir à quelque chose de plus hardcore en quelque sorte. « Ninja un jour, ninja toujours » et non plus « ninja-canaille qui veut aimer tout le monde et hésite à foutre des beignes». Enfin, force est de constater la nervosité des scènes de combats renforcée par le trait d’Ikemoto apportant un genre de clarté et de netteté aux affrontements.
Largement attendu au tournant, Boruto décontenance. Le manga, dans le fond comme dans la forme, ne laisse pas indifférent et c’est peut-être pour le mieux. Il n’est jamais très bon de rester dans sa zone de confort trop longtemps et voir ainsi les lignes bouger dans le petit monde de Konoha ne peut que mettre du wasabi (ndlr : la rédaction se désolidarise du sens de l’humour douteux de l’auteur) dans la vie de l’amateur. Une affaire à suivre, en somme, dattebayo !
Captain Raziel
Le 03 mars 2017 à 13:16Bon article ! Sympa. J'ai pas encore finis Naruto, il me reste 1 tome à lire mais je connais déjà la fin, sans les détails. Boruto m'intéresse un peu, j'aime la démarche de "une nouvelle génération prend le relais" avec tout ce que ça implique. Cependant, j'ai commencé Naruto au collège, je devais avoir 12 ans. Aujourd'hui, j'en ai 25. Je me sens pas de commencer un nouveau manga avec des gamins comme héros. Je comprends que Boruto ait une cible marketing qui influe l’œuvre mais du coup, je ne peux pas cautionner.