Oeuvre marquante des années 90 dans la japanimation, Ghost In The Shell a généré un déferlement de critiques avec la production d’une adaptation cinéma, ce qui a éclipsé l’événement en lui-même.
Quand Hollywood s'empare d'un phénomène venu du Japon pour proposer une adaptation « grand format », le pire est à craindre. L'exemple Dragon Ball trotte encore dans toutes les têtes. Un film insipide, une adaptation débile et un échec cuisant. De quoi refroidir les ardeurs des producteurs américains ? Sûrement pas. À une ère où la majorité des blockbusters ne sont que des remakes, reboots et suites d'une trilogie, l'industrie cherche du sang neuf tout en évitant les trop gros paris.
Rien de mieux que de se reposer sur une licence encore inexploitée possédant déjà sa base de fans à même de générer le sacro-saint buzz. Les animes japonais sont donc une mine d'or. Leornado Di Caprio rêve de produire une version américaine d'Akira et James Cameron ne jure que par Gunnm. Avec Ghost In The Shell, c'est la team de Steven Spielberg qui officie à travers DreamWorks Pictures et Paramount. Le public visé est avant tout américain, avec une équipe de production occidentale, ce qui pose problème mais, avant d'entamer ce débat, prenons le temps de revenir sur le succès du manga Ghost In The Shell.
DU MANGA A L'ANIME
En 1989, Masamune Shirow publie dans le Weekly Young Magazine de la Kodansha le manga Ghost In The Shell. C'est le magazine où ont été, sont et seront proposés notamment Akira, Initial D et xxxHOLIC. Il vise donc un public mature avec des œuvres seinen cultes. Shirow a déjà acquis une certaine réputation en publiant dès 1985 Appleseed, une autre œuvre marquante du genre cyberpunk. Plus shonen que seinen, Appleseed se fait surtout un nom dans le milieu de l'animation japonaise, en pleine ébullition pendant les années 1980. Après un OAV sorti en 1988, la licence va exploser avec trois films diffusés en 2004, 2007 et 2017.
Le manga Ghost In The Shell est assez court et ne dure qu'un seul tome, publié en 1991 au Japon et 1996 en France. Ce qui va vraiment lancer cet univers, c'est là encore l'animation. Nous sommes en 1995 et le studio Production I.G. existe depuis 8 ans. Excroissance du célèbre studio Tatsunoko (Speed Racer et Gatchaman), cette entreprise se fait petit à petit un nom dans le milieu, jusqu'à travailler sur le film d'animation de la célèbre licence Patlabor.
Le studio entre alors en contact avec le réalisateur de ce film, Mamoru Oshii. Le partenariat amène à la production du film d'animation Ghost In The Shell qui devient rapidement un succès mondial. La licence a désormais deux pères : Shirow pour le manga et Oshii pour l'animé, qui développe tellement les thèmes traités de cet univers qu'on ne peut ignorer son apport. C'est là que le bordel commence, typique des productions japonaises, avec une ribambelle d’œuvres et de noms qui portent à confusion.
UNE ORGIE D'OEUVRES
D'un côté, les films qui sont très axés sur la philosophie cyberpunk. Oshii sort en 2004 une suite nommée Ghost In The Shell 2 : Innocence, puis 4 ans plus tard une version 2.0 de son premier film. Entre temps, une série d'animation fait son apparition. Dirigée par Kenji Kamiyama sous la supervision d'Oshii, les deux saisons de Ghost In The Shell : Stand Alone Complex font de Production I.G. une place forte de l'animation japonaise. Le ton diffère un peu et surtout, la diffusion peut porter à confusion avec des histoires plus ou moins indépendantes et des arcs répartis d'une manière non conventionnelle entre différents épisodes.
Sortent ensuite deux OAV (épisodes spéciaux, on peut dire que ce sont des téléfilms) en 2005 et 2006 qui remontent les deux saisons de Stand Alone Complex. Projets artistiques ou commerciaux ? Passons, tout en notant que Kamiyama a désormais le contrôle de la franchise vu qu'il dirige tous ces projets, et notamment, toujours en 2006, Ghost In The Shell SAC Solid State Society, un film qui se veut une suite à la série, sans lendemain malheureusement. Il y a bien sûr des jeux vidéo et des romans qui viennent compléter l'univers, sans oublier les mangas qui servent de spin-off centrés sur certains personnages. Pour l'instant, c'est encore assez clair mais la licence va être plus ou moins être rebootée.
UNE LICENCE COMPLIQUEE
Dès 2013, une préquelle, qui n'hésite pas à réinventer cet univers en le modernisant, fait son apparition sous le nom de Ghost In The Shell : Arise. Le projet est tout d'abord constitué de 5 films de 50 minutes chacun. L'histoire est située en 2027, là où le premier film Ghost In The Shell débutait en 2029 et la première série animée en 2030. Le design des personnages change, tout comme les doubleurs, démontrant la volonté de repartir sur une nouvelle base. C'est le duo Kazuchika Kise (réalisation) et Tow Ubukata (scénario), des employés de Production I.G., qui reprend en main la licence.
Pour bien tout compliquer et se faire plus d'argent, une série télévisée animée nommée Ghost In The Shell : Arise Alternative Architecture reprend les 5 films en modifiant des éléments avec du contenu inédit. Bref, on entretient la licence en suçant jusqu'à la moelle les fans. Vient alors Ghost In The Shell : The New Movie, une suite à Arise, soit le dernier projet en date côté japonais. Il vise un nouveau public passé à côté d'un univers culte pour les fans de japanim et de cyberpunk. Celui-ci a traversé les frontières, mais reste encore inconnu du grand public occidental. Justement, c'est aux USA que se prépare une ambitieuse adaptation qui va se fracasser sur les piques des fans désirant un certain respect de la licence, mais aussi de la représentation du genre humain dans l'art.
UNE ADAPTATION RISQUEE
Il faut bien comprendre que Ghost In The Shell est une œuvre complexe qui traite avant tout de l'âme humaine et du sort de l'humanité. Ce sont des sujets au cœur du mouvement cyberpunk, qui mélange science-fiction et philosophie en proposant une possible futur assez sombre où la technologie modifie en profondeur nos vies. Alors que nous sommes en pleine révolution internet et mobile depuis une décennie, cette œuvre peut apporter aux spectateurs une certaine réflexion sur la place de l'individu dans la société, tout en proposant une bonne dose d'action. DreamWorks joue gros en adaptant un anime. Cela peut être un nouvel échec cuisant, preuve du désintérêt du grand public (les non geeks) envers les œuvres japonaises. Cela peut aussi être un succès, ouvrant la voie vers une flopée d'adaptations.
Pour sécuriser son projet, le studio se tourne logiquement vers des valeurs sûrs. Le principal producteur est Avi Arad, l'homme derrière les premiers films Marvel au début des années 2000. Il a révolutionné Hollywood. Pour la réalisation, c'est Rupert Sanders. Actuellement en disgrâce suite à sa relation adultère avec Kristen Stewart, l'artiste reste tout de même sur un superbe succès, Blanche-Neige et le Chasseur, une modernisation axée action du conte. Sa capacité à traiter avec respect le matériel d'origine tout en y apportant d'intéressantes variations en font un candidat crédible pour une adaptation de Ghost In The Shell.
Reste le casting. Outre une belle brochette d'acteurs (on peut citer Michael Pitt vu dans Boardwalk Empire ou Juliette Binoche qu'on ne présente plus), le film s'appuie sur Scarlett Johansson pour incarner l'héroïne. Forte de son rôle de Black Widow dans les films Marvel, l'actrice est ultra bankable en ce moment. Elle est choisi en 2014 après l'énorme succès de Lucy, dernier film en date de Luc Besson où elle incarne déjà le rôle principal, celui d'une femme aux capacités extraordinaires. Elle a prouvé qu'elle était capable de porter à elle seule un gros film d'action, chose pas toujours crédible pour les producteurs américains qui sont frileux à l'idée d'avoir une femme dans le rôle principal. Scarlett Johansson est associée à Takeshi Kitano, un monstre sacré du cinéma japonais (acteur et réalisateur). Avec un gros budget et une énorme campagne marketing, la production semble sur les rails.
DES DOUTES LEGITIMES
L'avantage avec ce film live, c'est qu'il va refonder l'univers Ghost In The Shell en Occident, en mettant de côté la partie animation, pour s'adresser à un nouveau public. Il sera peut-être fidèle, ou pas, mais les trailers ne sont pas aussi inquiétants que ceux naguère de Dragon Ball. On espère avant tout avoir un bon film et si possible dans un second temps une belle adaptation. Néanmoins, on ne peut s'empêcher de garder un goût amère dans la bouche en pensant à ce projet.
Hollywood est actuellement au cœur d'une tempête médiatique centrée sur le concept du whitewashing. Pour résumer à l'extrême la situation, on accuse de nombreuses productions de choisir des acteurs à la peau blanche pour incarner des personnages d'origines diverses, notamment asiatiques. Les cas récents du film Docteur Strange et la série Netflix Iron Fist, deux œuvres Marvel, soit la plus grosse licence du moment, sont assez symboliques de la tension dans l'industrie. Ce sont toutefois deux exemples bien différents. Pour le film, un vieux maître asiatique est remplacé par une femme blanche moins âgée. Pour la série télévisée, on critique plus le faite que l'oeuvre n'ai pas été modernisée et conserve un héros blanc qui obtient un savoir martial ancestral venu d'Asie.
On change ce qui arrange car c'est bien connu, le public américain n'aime pas ce qui ne le concerne pas. Les films en version originale ne marchent pas et il faut toujours un personnage américain ou occidental au centre du scénario pour qu'il s'identifie. L'action se passe presque toujours aux USA, car le monde tourne autour de ce pays. En soi, dans une œuvre américaine, cela ne dérange pas que tout soit identifié à cette culture. Mais quand on achète les droits d'une œuvre étrangère pour la plier à sa vision du monde, cela hérisse forcément les poils des fans et des amateurs d'art.
L'ART EST UNE PRISE DE RISQUE
A l'époque de Dragon Ball, on avait déjà eu du mal à voir Sangoku incarné par un jeune acteur caucasien. Soyons objectifs, il s'agit là d'un alien, donc on peut accepter que sa représentation ne soit pas forcément identique au manga, même si l'argument est faible. Pour Ghost In The Shell, si l'acteur Kitano sert de caution japonaise, c'est bien le rôle de Scarlett Johansson qui pose de problème. Elle incarne l'héroïne au centre de l'univers : le major Motoko Kusanagi. De par son nom, il ne peut y avoir aucune méprise sur l'origine asiatique du personnage. Dès lors, on comprend mieux que dans le trailer du film américain, c'est sous le simple nom de « The Major » que le personnage de Johansson est dénommé.
On élimine l'aspect asiatique alors que des actrices “typées” sont disponibles. Outre le fait que ce nom porte une double référence, au créateur de l'univers et à une légende japonaise, il n'est qu'un des nombreux aspects d'une histoire se déroulant au Japon. Le personnage est japonais. De multiples éléments de cet univers sont liées à la culture de ce pays et aux soubresauts de sa société dans les années 80. En conservant le décor japonais tout en y ajoutant une actrice américaine, on a l'impression de revenir à l'après-guerre où les USA occupaient le Japon et imposaient leur loi.
En effet, là où le film Le Dernier Samouraï utilise la figure de l'étranger pour faire découvrir la culture japonaise au spectateur, ici, on remplace simplement une tête d'affiche pour attirer, ou ne pas faire fuir, un certain public raciste ou tout du moins incapable de s'identifier à quelqu'un qui ne lui ressemble pas. Le réalisateur a beau clamer que Scarlett Johansson a une carrière teintée de cyberpunk qui justifie sa présence (par exemple son rôle dans Her où elle joue une intelligence artificielle), la pilule ne passe pas. De plus, l’actrice elle même cristallise aussi de nombreuses critiques, entre jeu stéréotypé et attitude méprisable dans les médias et aux avant-premières.
Au Japon, on s'en fout de cette polémique parce qu'on est habitué à ce manque de respect venu d’Hollywood. On se dit aussi que l'adaptation va simplifier à l’extrême l'univers original et n'a donc aucun intérêt pour ceux qui connaissent déjà l'oeuvre. Les fans attendent les prochains projets animés de la licence et laisse le film américain vivre son existence dans son coin. L'indifférence, le meilleur moyen de lutter contre une injustice ? Oui, à condition que l'extrême inverse ne se produise pas. Dans l'adaptation live de La Belle et la Bête de Disney, la présence de plusieurs acteurs à la couleur de peau noire n'en est pas moins tout aussi ridicule pour une histoire située dans la France de la Renaissance. En conclusion, quitte à ne pas respecter une oeuvre ou une situation, autant créer un univers original dénuée de toute considération historique et ethnique.
Si vous ne connaissez pas l'univers Ghost In The Shell, le film pourrait être une belle présentation, probablement simplifiée et dénuée de ses éléments les plus iconoclastes, mais fort d'une réalisation et d'effets spéciaux de qualité. Du succès de ce film dépend en partie l'avenir des adaptations d'animes japonais.
Dreadfox
Le 30 mars 2017 à 16:00Globalement le film est nul. Visuellement ça décroche la rétine Certains plans, repris ou inventés, sont de toute beauté Ils trollent la polémique du whitewashing avec intelligence Mais le scénar est hyper prévisible Les scènes d'action ne sont pas mémorables La bataille finale est risible La scène du bateau massacrée La philosophie est présente... ....MAIS SI PEU, ELLE DISPARAIT COMPLETEMENT VERS LES DEUX TIERS La musique inexistante Le méchant en carton Un hommage sincère mais une mauvaise adaptation Un blockbuster original mais un mauvais film On va dire que ça se tentait, dommage d'avoir raté
Dreadfox
Le 30 mars 2017 à 16:05Faut pas se leurrer, ils ont pris Scarlett avant tout pour le côté bankable. Mais si les japonais eux-mêmes s'en battent littéralement les couilles du whitewashing, y'a t-il toujours un souci? Bien sûr qu'une actrice asiatique aurait été mieux dans le rôle, cependant le film a justement l'intelligence d'aborder la question du whitewashing sous un angle innatendu, et de le critiquer au final. S'en est presque un troll de la polémique à ce niveau là, et c'est plutôt bien joué. En parlant de la polémique Iron Fist^^ Les gens reprochent à un acteur blond aux yeux bleus américain d'incarner un...blond aux yeux bleus américain? L'intérêt du spitch de base d'Iron Fist est justement qu'un personnage occidental découvre la culture asiatique, et ici ça marche bien. Et sans déconner, ça n'aurait pas été très con qu'un sino-américain se crashe en avion en Chine?^^ Payes ton dépaysement XD On peut me dire qu'on pourrait changer les origines du perso, sauf que les gens gueuleraient tout autant si on faisait ça...