Pop Fixion

Le jeu vidéo japonais contre-attaque !

Longtemps considéré comme le pays du jeu vidéo, le Japon s’est fait distancer depuis une décennie sur la scène mondiale. Fort heureusement, les dernières productions nipponnes sont en train de réparer cette erreur.

Il y a des signes qui ne trompent pas. Fifa qui écrase Winning Eleven, Skyrim et The Witcher 3 qui s’imposent comme les références du RPG, la PS4 lancée au Japon après le reste du monde… Depuis la fin de la PS2, la production vidéoludique japonaise ne fait plus rêver les gamers occidentaux. Quant aux joueurs nippons, ils se sont déportés en masse vers le jeu mobile, faisant de la 3DS la dernière console pesant réellement sur la production des éditeurs historiques. Conséquence, une entreprise comme Konami, pilier du secteur, abandonne presque toutes ses séries pour se focaliser sur les smartphones.

Si l’Occident commence enfin sa mue vers un marché du jeu mobile plus mature, il n’a pas oublié pour autant les bonnes vielles consoles de salon. La PS4 est un énorme succès avec presque 50 millions d’exemplaires vendues dans le monde et le jeu vidéo sur PC semble ne s’être jamais aussi bien porté. Si les grosses productions occidentales alignent les chiffres record pendant que leurs équivalents japonais se font tout simplement moins nombreux, paradoxalement, une multitude de petits jeux nippons ou de licences jamais traduits chez nous ont été récemment mis à notre disposition.

Un contexte favorable

Cette tendance de fond s’explique, outre la dématérialisation, par un relatif désintérêt croissant, au sein de la communauté des gamers et surtout au niveau des médias, envers les grosses sorties annuelles occidentales. On ne s’excite plus autant qu’avant sur les principales licences de l’industrie car elles ont du mal à se renouveler, que ce soit Call of Duty ou Uncharted. Blizzard ou Rockstar ont toujours le feu sacré, mais ce ne sont pas eux qui inondent le marché de productions médiocres ou incapables de franchir le pallier qui les séparent des chefs d’œuvres. Logiquement, le public cherche de nouvelles sensations, comme la réalité virtuelle ou l’e-sport avec League of Legends, mais ce phénomène n’est pas nouveau. Alors, que reste-t-il pour s’enflammer et se précipiter dans les boutiques ? Le jeu vidéo japonais bien sûr !

Si certains sont restés fidèles à la production nippone, la grande majorité des joueurs redécouvrent depuis quelques mois ce type de production. Il y a un an, Dark Souls 3 et Fire Emblem Fates, dans deux genres bien distincts, rappelaient déjà la capacité des japonais à produire des œuvres atypiques, comme un aperçu de ce qui allait nous tomber sur la gueule. En effet, depuis le dernier trimestre 2016, tous les gros éditeurs se sont ligués pour vous faire retomber amoureux du jeu vidéo japonais, avec un planning démentiel jusqu’à fin 2017, voire 2018.

La puissance du J-RPG

Débutons ce tour de la production japonaise par un grand classique, le J-RPG, avec ses vénérables représentants du studio Square Enix. Juste avant Noël, Final Fantasy XV a inondé les rayons des boutiques spécialisées. Impossible aussi de consulter un site média sans voir apparaître un article sur le sujet. Si la qualité du jeu est pour le moins contestable, il faut reconnaître que l’éditeur est toujours capable d’attirer sur lui les projecteurs de toute l’industrie. La licence reste adulée chez nous et ne se limite pas à ses épisodes canoniques. Ainsi, outre le très polémique FFXV, Square Enix a sorti fin 2016 World of Final Fantasy sur PS4 et Vita, un jeu où l’on retrouve tous les personnages emblématiques des différents épisodes de la saga FF. L’éditeur prépare aussi pour juin, juste après l’E3, une très attendue extension pour Final Fantasy XIV, un des rares MMORPG payants qui ont fidélisé une importante communauté. Enfin, je pourrais aussi évoquer le remake de FFVII, mais il ne faut rien attendre avant…2020 ? Restons sérieux.

L’autre licence phare de l’éditeur, c’est bien sûr la saga Dragon Quest. Là aussi, tout s’est accéléré ces derniers temps. Dragon Quest Heroes II débarque ce mois-ci après un premier épisode bien accueilli fin 2015. L’univers DQ en mode Musô (le genre Dynasty Warriors), il fallait y penser. Même constat pour Dragon Quest Builders, le Minecraft de l’éditeur qui offre une dose d’aventure non négligeable depuis fin 2016. Enfin, le plat de résistance, j’ai nommé Dragon Quest XI. C’est probablement la sortie la plus attendue au Japon actuellement. En France, à l’exception du très particulier MMORPG Dragon Quest X, la saga a enfin fait son trou. Nous avons eu récemment accès aux remakes des épisodes VII et VIII grâce à la 3DS, élargissant la base de joueurs intéressés par la franchise. Avec deux versions bien différentes (old-school pour la portable de Nintendo et moderne pour la PS4), Dragon Quest XI s’annonce comme un grand moment de jeu vidéo pour la fin d’année au Japon et on espère 2018 chez nous.

Ces deux licences dominent le marché, mais il y a de la résistance chez Atlus et Bandai Namco. Le premier édite la série Persona, spin-off devenu plus célèbre que sa série mère Shin Megami Tensei. Persona 5 a déjà éclipsé au Japon Final Fantasy XV et sort ces jours-ci en France. D’après tous les spécialistes du genre, c’est une tuerie, aussi bien au niveau visuel et narratif que du gameplay. C’est le genre de jeu qui peut faire acheter une PS4. Ce n’est pas le cas de Tales of Berseria, sorti dans l’indifférence chez nous, mais c’est toujours bien de saluer le nouvel épisode d’une série populaire, surtout quand il essaye de renouveler la formule.

Innover pour avancer

Ce renouvellement est nécessaire pour de nombreuses licences de moins en moins populaires ou au parcours éditorial chaotique. Le cas de Resident Evil 7 est exemplaire. Culte dans son genre horreur, elle a progressivement évolué à partir du 4ème opus, bien plus orienté action, jusqu’à proposer avec le 6ème épisode un jeu bourrée d’action, à la sauce blockbuster hollywoodien. Si les ventes n’ont jamais été aussi importantes, la fanbase n’a pas pardonné à Capcom ce dévoiement du concept initial, celui d’une maison qui fait flipper le joueur. L’éditeur a entendu le message et pris un énorme risque en opérant un retour aux sources pour l’épisode 7, chose qui a surpris plus d’un après une campagne marketing énigmatique.

On espère que le même accueil sera réservé à Valkyria Revolution, bien que cette licence suive un chemin inverse. En effet, après un épisode PS3 qui bouleversait lui aussi les codes de sa série (Valkyria Profile), la licence a émigré vers la PS Vita. Le retour sur une console de salon s’accompagne d’un gameplay bien plus orienté action en temps réel. Il y a une certaine attente autour du titre, mais elle est incomparable à l’excitation qui entoure Tekken 7. Nouvel épisode d’une série débutée sur la première Playstation, il espère surfer sur le retour en grâce du VS Fighting initié par Street Fighter IV, autre grosse sortie japonaise. Si SF V a un peu refroidi le milieu de la baston, KOF 14 montre qu’il y a toujours une place pour ces jeux dans nos rayons.

En parlant de genre, celui de la chasse aux monstres est assez particulier. Alors que la saga Monster Hunter de Capcom s’obstine à vivre sur 3DS et Vita, l’éditeur Tecmo a tenté sa chance sur PS4 avec Toukiden 2, suite d’un jeu qui proposait de chasser des démons à la place des grosses bêtes. Cela peut être une bonne alternative pour les possesseurs de PS4. Ceux-ci peuvent aussi craquer pour la saga Yakuza, une sorte de GTA japonais aux mécaniques assez rigides, typiques de la production nipponne. L’ambiance folle dégagée par ces jeux parvient toutefois à oublier le retard technique. La série est elle aussi en pleine effervescence, avec les épisodes 0, 6 et le remake du 1 qui sont proposés à la chaîne au Japon, puis quelques années plus tard chez nous. On est donc en plein boom Yakuza.

Au coeur de l'originalité

Passons maintenant à de vieux projets, de véritables jeux de niche, qui symbolisent le renouveau du pouvoir d’attraction des jeux japonais. En décembre, The Last Guardian marquait le retour d’un monstre sacré de l’industrie, monsieur Fumito Ueda, concepteur d’Ico et Shadow of The Colossus. La personnalisation des créateurs et assez rare dans le milieu du jeu vidéo, ce qui démontre le succès d’un artiste. Si le jeu en question était techniquement en retard d’une décennie, l’expérience qu’il propose se démarque de tout ce qui se fait ailleurs. C’est cette recherche d’originalité qui guide le public.

NieR Automata est un très bon exemple. C’est la suite indirecte d’un obscur jeu PS3/Xbox 360 qui était lui-même le spin-off d’une saga qui n’est pas grand public, Drakengard. La donne qui change tout, c’est l’arrivée du studio Platinum Games (Bayonetta, Vainquish) à la production. Rare acteur du marché japonais a encore faire rêver les occidentaux, ce studio a apporté son savoir-faire en matière d’action. Là encore, techniquement, le jeu est dépassé par les grosses productions occidentales. Ce n’est pas grave car ce n’est pas ce que recherchent les joueurs intéressés par ces œuvres. Le gameplay, le scénario, l’expérience vécue, tels sont les critères qui prédominent chez eux.

Nioh personnifie ce long et tortueux parcours vécu par le jeu vidéo japonais. En 2004, la Team Ninja séduit le public avec Ninja Gaiden, œuvre exigeante. Le lancement peu de temps après de la production de Nioh, basé sur un script d’une légende du cinéma japonais, va connaître moult-péripéties. Annoncé il y a 10 ans, alors que le déclin projetait son ombre sur les studios nippons, ce jeu a été oublié de tous, en bonne arlésienne qu’il fut, avant que sa production ne soit rebootée pour s’inspirer du nouveau maître étalon, Dark Souls. Gaiden et Souls, deux séries qui prônent une difficulté extrême. Nioh n’a pas peur de revenir vers des mécaniques plus anciennes, typiques de l’âge d’or du jeu vidéo japonais, tout en s’ouvrant à certaines tendances actuelles. C’est bien connu, on s’adapte pour survivre. Un mantra que semble appliquer un mastodonte nippon : Nintendo.

Le roi est en danger

Il y a 10 ans, le constructeur explosait tous les records avec la Wii. 5 ans plus tard, il se trompait lourdement en jouant l’évolution, et non la révolution, avec la Wii U. En face, Sony et Microsoft proposent des consoles sans personnalité, mais assez puissantes pour se plier aux besoins des développeurs (enfin, c’est tout un débat qui n’a pas sa place ici). Bref, Nintendo a failli connaître le sort de Sega qui a perdu son statut de constructeur avec l’échec Dreamcast, ne relevant la tête que récemment. C’est ce que pensait une grande partie du public jusqu’à la sortie de la Switch, qui démarre très bien sa carrière. Toutefois, les fans du jeu vidéo à la japonaise ont très bien vécu ces dernières années sous l’égide de Nintendo et cela grâce à la dernière Gameboy en date, la 3DS. La console portable a accueilli bon nombre de J-RPG de qualité et reste un basion des productions nipponnes.

Le meilleur exemple ? Pokemon Soleil et Lune, l’épisode 2016, celui qui s’est le mieux vendu. Certes, le phénomène Pokemon GO est passé par là, mais la base de fans reste importante et ce ne sont pas les hipsters qui redécouvrent le jeu vidéo grâce aux mobiles qui ont acheté une 3DS. Si Nintendo se lance enfin sur iOS et Android, il n’oublie pas pour autant ses consoles. Pour Fire Emblem, licence revenue sur le devant de la scène grâce à ses deux derniers opus, on a certes le droit à un jeu mobile mais aussi et surtout à trois jeux console.

Et que dire de Zelda Breath of The Wild ? Attendu, espéré, redouté pour lui aussi oser bouleverser sa formule, il a conquis le monde. On ne parle que de lui et il récolte tous les prix et notes maximales disponibles. C’est le parfait outil pour lancer une nouvelle console, même si le jeu est aussi disponible sur la Wii U en fin de vie. Charge à Super Mario Odyssey de s’imposer comme la vrai exclusivité de la Switch, qui plus est à Noël, après avoir vu des remakes ou fausses suites le précéder (Mario Kart et Splatoon, deux grosses licences).

Avant de vous laisser la tête plein de jeux japonais, n’oublions pas Ni no Kuni 2, le projet de Level 5 (Yokai Watch n’a visiblement pas cartonné en Occident), Shenmue 3, une production hautement symbolique et bien sûr Kingdom Hearts, que ce soit ses remakes HD ou son 3ème opus, attendu depuis 11 ans, annoncé il y a 4 et probablement terminé dans 3. La fusion entre Final Fantasy et Disney, entre Japon et Occident.

J’espère vous avoir convaincu que le jeu vidéo japonais vit un nouvel âge d’or depuis un an. Tout n’est pas parfait mais l’originalité est bien présente, avec une qualité globale en hausse. Ces derniers mois sont fous et le succès de ces jeux, pas toujours prévu, va obligatoirement déclencher la production de nouveaux opus ou mieux, de nouvelles licences. En prenant en compte un marché du PC aussi fort, on se croirait revenu en plein 90’s !

1 commentaire

  1. Nedry
    Le 02 avril 2017 à 21:44

    Petite précision : Valkyrie Profile et Valkyria Revolution n'ont aucun lien, ce sont deux séries de jeux très différentes, en fait Valkyria Revolution peut-être vu comme une suite/spin-off à la série Valkyria Chronicles. De plus Valkyrie Profile est développé par Tri-Ace et Valkyria Chronicles (que je recommande chaudement) par SEGA. Sinon ça fait vraiment plaisir tous ces bons jeux !

Sur le même thême

Pop Fixion

A propos de Pop Fixion

Pop Fixion est un magazine proposant des articles sur la Pop Culture et ses médias : comics, mangas, BD, jeux vidéo, films, animation, séries tv et romans.

Informations complémentaires

Vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent conformément à l'article 34 de la loi "Informatique et Libertés" du 6 janvier 1978. Vous pouvez à tout moment demander que vos contributions à ce site soient supprimées.