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Don Rosa : le génie derrière Picsou

Qui ne connaît pas Balthazar Picsou, le canard le plus riche du monde (oui, oui, c’est prouvé dans ses aventures !) et l’oncle de Donald Duck ?

Propulsé au rang de star grâce à la série animée La Bande à Picsou (dès 1987), le personnage fut créé en 1947 par le dessinateur et scénariste Carl Barks (retenez bien son nom, c’est une sommité chez les fans de l’univers des canards de Disney). Il apparaît donc pour la première fois dans l’histoire Noël sur le Mont Ours dans laquelle il va tester son neveu Donald et ses petits-neveux Riri, Fifi et Loulou. En VO, Balthazar Picsou est appelé Scrooge McDuck, une référence évidente au personnage avare et glacial de Charles Dickens, Ebenezer Scrooge. L’on entend également dans son nom ses origines écossaises. Bien que très riche, Picsou n’est pas un oisif, il adore l’aventure, surtout s’il peut dénicher un trésor exceptionnel au bout du chemin. C’est la raison pour laquelle il embarquera très régulièrement ses neveux avec lui, au grand dam de Donald, seulement payé trente cents de l’heure (un gag récurrent) mais au grand plaisir de Riri, Fifi et Loulou, castors juniors, avides de connaissances et de découvertes. Non seulement Barks donna naissance au personnage, mais il sema également de nombreux indices du passé de Picsou, il dessinera la carte de Donaldville (Duckburg en anglais) et imaginera une histoire pour cette cité du Calisota (État fictif des États-Unis).

Qui est Don Rosa ?

Keno Don Rosa est un auteur et dessinateur de bandes-dessinées américain. S’il était destiné à reprendre l’entreprise familiale, sa passion pour le dessin le sortira de ce chemin tout tracé, bien qu’il sache pertinemment qu’il ne gagnera jamais sa vie ainsi. D’abord illustrateur dans des fanzines, Don Rosa n’a jamais pris de cours de dessin. C’est sans doute pourquoi il est si humble et si critique vis à vis de son travail. Son enfance fut bercée par les bandes-dessinées de Barks et il se prend d’affection autant pour l’auteur que pour Picsou et l’univers des canards. Cependant, depuis les années 70, le public ne lit presque plus de BD. Disney décide de déléguer le travail d’édition à Gladstone. Gladstone (nom américain de Gontran Bonheur), c’est une petite maison d’édition créée par des fans de Disney. Sans trop y croire, Don Rosa propose donc une histoire inédite de Picsou à Gladstone. Intitulée Le Fils du Soleil, ce récit oppose Picsou à son éternel rival Gripsou dans une chasse au trésor à travers le Pérou. Le style Don Rosa apparaît dès le début et Gladstone, séduit, publie la BD en 1987.

Revers et succès

Hélas, la carrière de Don Rosa n’est pas sans obstacles. En effet, il travaille deux ans pour Gladstone avant que Disney ne décide de récupérer les licences cédées à la petite maison d’édition. Suite à un différend avec l’entreprise, Don Rosa met un terme à son contrat. Sans emploi, il traverse donc une mauvaise passe pendant un an avant de travailler pour Egmont, une compagnie scandinave qui distribue les BD Disney dans plusieurs pays d’Europe. C’est là qu’il apprend la grande popularité de l’univers des canards (et surtout les récits de Barks) sur le vieux continent, bien plus qu’aux USA ! Les oeuvres de Don Rosa accèdent peu à peu au statut de cultes. C’est alors que l’auteur publie le récit qui le propulsera au rang de “scénariste populaire”, La Jeunesse de Picsou. Avec cette histoire en douze chapitres, Don Rosa prouve qu’il est le digne successeur de Barks. Aujourd’hui, suite à un décollement de rétine, et toujours à cause de différends avec Disney, Don Rosa ne dessine plus. On lui doit cependant plus de cent cinquante récits de Picsou.

La Jeunesse de Picsou

Récit en douze chapitres initiaux (des histoires plus récentes se sont ensuite intercalées entre ces chapitres), La Jeunesse de Picsou relate soixante-dix ans de la vie de Balthazar Picsou, de son enfance en Écosse à sa rencontre avec Donald, Riri, Fifi et Loulou en 1947. Don Rosa, comme à son habitude, se nourrit des indices de Barks pour tisser une épopée sans fausse note, pleine de maturité pour un personnage destiné au jeune public. Il ira même jusqu’à traiter de sujets aussi graves que la mort, l’isolement et le rejet des autres. On peut également consulter l’arbre généalogique de la famille Duck, réalisé par Don Rosa en personne. Cette série lui a d’ailleurs valu un Will Eisner Awards (prix de la bande-dessinée) dans la catégorie “meilleure histoire à suivre”.

Le style “Don Rosa”

Visuellement parlant, son style est foisonnant, riche en détails, en ombres et surtout en gags. En effet, très souvent, alors que les héros parlent au premier plan, de nombreux gags se déroulent en arrière plan, dans une seule case ou même plusieurs. Ses traits sont fins et il n’a pas son pareil pour représenter les regards des canards, des détails qui vous feront hurler de rire ! De plus, fidèle à son maître Carl Barks, Don Rosa insére dans presque tous ses récits l’acronyme D.U.C.K (Dedicated to Uncle Carl from Keno), un signe qui déplait beaucoup aux éditeurs mais que les fans adorent dénicher. D’ailleurs, Don Rosa se plaît à faire de très nombreuses références à l’œuvre magistrale de Barks, que ce soit à travers des personnages, des reliques ramenées par Picsou dans des récits précédents ou des gags récurrents.

Scénaristiquement, Don Rosa avoue préférer les grandes histoires (qui s’étalent parfois sur trente pages !) plutôt que les gags courts. Pour donner un style réaliste à ses récits, il n’hésite pas à faire des très longues recherches (à la bibliothèque ou auprès d’experts car internet n’en est alors qu’à ses balbutiements) sur l’histoire d’un pays, les rites d’une culture, le décor d’un temple, etc. Toutes les dates ou les noms célèbres qu’ils citent sont justes. Tous les procédés scientifiques qu’il explique sont crédibles. Tout cela offre une véritable maturité à ses scénarios, dignes d’Indiana Jones. De son propre aveu, Don Rosa aime à situer ses récits dans les années 50 afin de les inscrire dans la continuité scénaristique de Barks. Bien sûr, il utilise également des repères pour les lecteurs les plus attentifs qui voudraient lire ses histoires dans l’ordre chronologique. En effet, il fait souvent référence à une chasse au trésor passée. Enfin, soulignons qu’en grand fan de cinéma, ses planches sont truffées de citations ou de scènes qui rappellent les plus grandes heures du cinéma. Par exemple, dans le chapitre douze de La Jeunesse de Picsou, la BD s’ouvre sur une planche hommage à Citizen Kane, d’Orson Welles.

La Grande épopée de Picsou

Si vous souhaitez vous faire votre propre idée sur cet auteur que j’adore, je vous conseille de vous procurer au plus vite l’intégrale de Don Rosa parue chez Glénat entre 2012 et 2014. Non seulement les sept volumes contiennent environ trois-cents pages, leurs tranches forment un dessin et sont munis d’un signet en tissu très pratique pour ne pas perdre sa page, mais en plus, les récits ont été retravaillés par Don Rosa lui-même (certains dessins, voire des dialogues avaient été modifiés) et le scénariste nous raconte même, entre chaque récit, la genèse de telle ou telle histoire et des anecdotes qui s’y rattachent. Un vrai objet de collection !

Mes préférées

Pour finir, s’il fallait lire seulement cinq histoires du grand maître, je vous conseillerai La Jeunesse de Picsou, bien sûr (oui, les douze chapitres forment une seule grosse histoire… Comment ça, je triche ?), Le Dissoutou (de la SF qui tire vers le “blockbuster”), Les Gardiens de la Bibliothèque Perdue (du vrai bon récit historique et d’aventures), Le Trésor des Dix Avatars (voyage spirituel en Inde) et Les Cartes perdues de Christophe Colomb (découvrez qui est “propriétaire de l’Amérique du Nord” dans ce récit engagé). Vous avez désormais toutes les clés pour apprécier Don Rosa !

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