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Game of Zones : quand la NBA s’anime

Ou comment un site sportif influent s’est lancé dans la production de contenu viral.

À l’ère des réseaux sociaux, des vidéos virales et des sites web aussi puissants que les médias classiques, ce qui fait le buzz peut venir de nulle part. Parfois, une vidéo cartonne en montrant un chat qui tombe bêtement ou un bébé riant bizarrement. Il y a aussi les habituelles chroniques face à une caméra ou les émissions web plus évoluées avec de véritables plateaux.

Le public trouve tout et n’importe quoi sur Youtube et compagnie, il faut donc constamment dénicher une idée plus originale que les autres pour se démarquer sciemment avec du contenu exclusif et marquant.

Que se passe-t-il si on mélange la NBA, Game of Thrones et une comédie animée ? Une websérie nommée Game Of Zones qui a déchaîné les rires parmi la communauté de fans de basket. Retour sur un phénomène au cœur des tendances actuelles, ou comment un site web influent a donné naissance à une œuvre originale à partir d’une parodie.

Basket x Westeros

Le concept de Game of Zones est simplissime : parodier Game of Thrones en utilisant l’actualité de la très populaire NBA. Les auteurs reprennent ainsi des scènes et des dialogues cultes de la série télévisée de HBO en remplaçant les personnages par des stars du basket américain. Les rivalités entre les maisons sont alors celles entre les franchises. Les meilleurs joueurs se voient ainsi attribuer les rôles clés du monde de Westeros. Le rire est alors double : si vous connaissez uniquement la NBA, les échanges sont savoureux ; si vous connaissez la série et la NBA, les parallèles sont délicieux.

Il faut dire que la répartition des forces dans cette ligue de basket fait drôlement penser à celui d’un royaume médiéval. Quand débute la diffusion de Game of Zones, soit à la fin de la saison 2013-2014, le basketteur Lebron James est le maître de la ligue, l’équivalent du roi, c’est le meilleur joueur en activité. Face à lui, une armée de vieillards, car ils ont dépassé les 35 ans (l’équipe San Antonio Spurs), qui ont perdu une finale l’année précédente mais filent tout droit pour une revanche, espérant le faire tomber de son trône. Le parallèle est tout trouvé avec les Marcheurs Blancs de Westeros, venu massacrer l’humanité. Les autres équipes sont autant de maisons qui cherchent à prendre le pouvoir.

Qui est qui ?

Rétrospectivement, la première scène de la série montre deux jeunes stars qui vont, dans les années et donc saisons suivantes, jouer un rôle immense dans la ligue. Comme dans la série, les seconds voire troisièmes rôles sont amenés à jouer à terme les premiers pour pailler les morts, tout comme en NBA les jeunes remplacent les joueurs en déclin ou à la retraite. Les auteurs nous présentent Kevin Love (futur coéquipier de Lebron James) racontant la difficulté d’aller en playoff (c’est à dire avoir le pouvoir) à Stephen Curry, futur double MVP (meilleur joueur de la ligue) et futur double champion.

La scène suivante entre les Lannister/Miami Heat, avec Lebron qui s’interroge face au déclin de son équipe (et la montée en puissance de la concurrence) est prophétique : les Spurs vont en effet gagner la finale quelques semaines après la diffusion de l’épisode. Pire, Lebron retournera chez lui, à Cleveland, pour rester compétitif et donner un premier titre à sa ville.

On voit ensuite Derrick Rose se poser des questions sur santé (parallèle avec Bran Stark) et Carlos Boozer, le boulet de son équipe à l’époque, en mode Hodor ; les Los Angeles Lakers passent pour les Frey qui entubent tout le monde avec leurs échanges de joueurs ; et pour finir, les deux stars de l’équipe du Thunder avec un Russel Westbrook apeuré en pensant à sa confrontation avec les Spurs, une équipe supérieure à l’époque.

Un évolution parallèle

Je ne vais pas résumer ici chaque épisode. Sachez juste que les plus grosses stars de la ligue ont droit à leur scène et qu’au fil des saisons, entre leur évolution, leurs mésaventures ou nouvelles équipes, on retrouve ces héros d’un monde qui semble familier. Les blagues sont marrantes et justes, entre running gags appréciés des fans et constats lucides sur la ligue.

La montée en puissance des Warriors symbolise celle de la série. Les Rockets de James Harden, les Cavaliers de Lebron qui change d’équipe entre temps, les péripéties de Kevin Durant, les Sixers, Paul George, Westbrook, les jeunes Wolves….

Avec des épisodes d’environ 4 minutes, les auteurs ne peuvent que survoler les intrigues de la ligue (la NBA se veut aussi bien un sport qu’un show). L’avènement de la quatrième saison permet, avec 8 épisodes, de faire enfin un tour complet des forces en présence. En outre, le fait que la série soit diffusée à la fin de la saison permet de revenir sur les événements marquants de l’année écoulée.

Proposée en mai et juin, c'est-à-dire quand plus de la moitié de la ligue est déjà en vacances (après la phase régulière de 6 mois, les meilleures équipes s’affrontent dans un format de coupe, les playoffs, lors de séries de 4 à 7 matchs), la série redynamise la communauté NBA alors que les matchs sont moins nombreux. Le choix de la date est très malin. Pendant la saison régulière, les sites spécialisés sont abreuvés de news en tout genre et résultats sportifs. En mai et surtout en juin, c’est le désert avec un match par jour, voir tous les deux jours lors des finales. Il faut abreuver ces monstres à publications et le site web Bleach Report a très bien compris comment se démarquer.

Un succès impressionnant

Le premier épisode, diffusé en mai 2014, rassemble aujourd’hui sur Youtube plus de 6 millions de vues. La vidéo ayant été diffusée sur toutes les plateformes possibles, c’est énorme pour un court-métrage animé par de relatifs inconnus (nous y reviendrons juste après). La deuxième vidéo, publiée en juin 2014, cumule 2,8 millions de vues. Pour la deuxième saison qui propose 3 épisodes, c’est une moyenne de 2,3 millions de vues sur Youtube, sans parler de tous les commentaires, tweets et articles parus sur le sujet entre mai et juin 2015.

La série s’offre à l’occasion de cette saison 2 des scènes bonus liées au légendaire Michael Jordan. La saison 3 est aussi en 3 épisodes. Débutant plus tôt, en avril 2016, elle rassemble tout d’abord 2,4 et 2,3 millions de dollars, avant de chuter à 1,5 millions. Est-ce l’effet des finales de cette année là, au déroulement historique, phagocytant toute l’actualité ?

Enfin, la dernière saison en date s’offre tout d’abord un trailer, puis 8 épisodes qui, comme une série télévisée, débutent avec une audience forte de 1,8 millions de vues, puis chutent un peu au dessus du million avant de remonter vers les 1,8 millions pour la fin. Notons que ces vues sont amenées à monter d’ici la saison 5. Si la présence d’un trailer est notable, c’est que la production de la série a grandement évolué entre-temps.

Plus qu’un délire

La diffusion de Sports Friends par Yahoo en 2014 attire l’attention de Bleach Report. Le Vice-Président responsable de la marque Bleacher Report (site web qui appartient au géant des médias Turner, propriétaire entre autre de CNN, c’est une filiale de Time Warner) rencontre les frères Adam et Craig Malamut, créateurs de Sports Friends. Le but est de proposer une série animée sur le sport pour ce site culturel qui se veut une référence pour les millennials, la cible de tous les publicitaires aujourd’hui (les moins de 35 ans environ).

La NBA est choisie au profit de la NFL pour son côté international. En effet, les stars du basket viennent par exemple en France chaque été pour des tournées promotionnelles. Un spot publicitaire d'Adidas met en avant James Harden avec d’autres stars. Le but est de toucher un public mondial. On voit bien l’écart de popularité entre les deux ligues avec Gridiron Heights, un autre show de Bleach Report, certes moins bien animé, qui vivote autour des 327 000 vues sur Youtube.

Suite au succès de Game Of Zones, le site lance plusieurs productions, dont The Sports Gods par les frères Malamut. Aujourd’hui, c’est toute une division animée de plus de 10 personnes qui est chargée de promouvoir la marque Bleach Report par le biais de ces séries. 6 semaines sont nécessaires pour produire un épisode, ce qui demande une équipe professionnelle pour produire des saisons complètes.

Les stars de la NBA sont fans, même si le show se moque d’eux. Après le premier titre de champion en 2015, le coach des Warriors a même demandé aux auteurs un épisode spéciae sur sa team pour que ses stars ne prennent pas trop le melon, mais aussi renforcer la cohésion d’équipe.

De nombreuses références sur le monde de la NBA sont glissées dans les décors des épisodes qui ne sont plus uniquement une parodie de Game of Thrones. Désormais, la série s’inspire de nombreuses autres œuvres médiévales ou d’autres parodies du genre. Mais la fin de la saison 4 symbolise parfaitement le lien unissant les deux univers, avec LaVar Ball, le très médiatique père d’un joueur débutant dans la ligue, qui prend la place de Daenarys. Game over.

En 4 ans, Bleach Report a su augmenter sa popularité en parodiant Game of Thrones, son oeuvre devenant à son tour un phénomène de société. Le plus dur est désormais de transformer l’essai avec d’autres séries

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