Une attente énorme depuis des mois, une annonce en plusieurs étapes et pourtant on se demande toujours ce que va donner la Switch.
Switch c'est mignon comme nom, n'est ce pas? Un prononciation sympa comme si on disait une onomatopée, un mot universel qui se comprend partout et un concept qui se cache derrière ces six lettres. Quand on y pense, c'est bien plus vendeur que les noms précédents, Wii ou WiiU, qui étaient vraiment tirés par les cheveux. Surtout quand on pense à la pauvre WiiU qui devait rassembler et reconnecter Nintendo avec les joueurs expérimentés, un nom qui ne l'a pas servie du tout.
La Switch était surtout celle qu'on se plaisait à appeler la Nintendo NX, le nom de code qui existait depuis son annonce en mars 2015. Elle est pourtant bien réelle depuis quelques mois et encore plus depuis sa véritable présentation sur Internet en direct dans le monde entier le 13 janvier 2017.
Un doux rêve pour de nombreuses personnes, qui s'imaginaient leur propre Nintendo sans réellement voir ce qui était en train de se préparer. Une désillusion s'empare de certains alors que la console n'a pas encore de vraie vie commerciale. Des réactions probablement trop émotionnelles qui nous poussent à parler de cette Nintendo Switch, pour comprendre ce qu'elle est, ce qu'elle pourrait être et ce qu'elle sera potentiellement.
Switch aka le syndrome de la tortue
S'il y a une chose primordiale dont il faut parler dans un premier temps, c'est bien le concept de la Switch. Comme à son habitude depuis que la société fabrique des consoles, et particulièrement depuis une dizaine d'années avec la Wii, Nintendo propose une console de salon qui se veut innovante sur l'expérience de jeu et les possibilités de gameplay. La Wii avait apporté l'utilisation des mouvements pour jouer, la WiiU le tactile et le deuxième écran pour permettre un jeu asymétrique qui affiche des informations différentes selon les écrans, sans chercher à proposer des graphismes poussés.
La Nintendo Switch, elle, veut mettre en avant la portabilité, bien qu'elle ait d'autres innovations de gameplay. C'est à dire qu'elle s'affiche comme la première console de salon qui peut être déplacée partout et qui, grâce à son côté "tablette", peut être utilisée partout et donc sans salon. Dit comme cela, on peut trouver ce concept étrange et c'est un enjeu réel pour Nintendo qui doit à chaque fois être pédagogue auprès des consommateurs pour expliquer l'utilité de ces innovations. Et la WiiU ça ils avaient pas su faire chez Nintendo.
Ainsi, la Switch est une tortue car elle va pouvoir déplacer tous ses composants et ses jeux partout avec elles, même ses manettes : les Joycons. Si l'on peut bien entendu brancher un élément à son téléviseur, le Dock, qui fait office de relais pour le côté "salon", la console est en réalité la tablette, puisque c'est elle qui contient toutes les technologies pour fonctionner. On passe donc d'un modèle fixé à côté de la télé à un modèle portatif qui peut être utilisé partout grâce à l'écran de la tablette mais aussi sur n'importe quel grand écran pour plus de confort.
Nintendo propose ainsi un véritable changement de fond : pouvoir jouer partout à des jeux console de salon qui sont biens plus évolués d'un point de vue graphique, gameplay, storytelling que la plupart sur consoles portables. Une évolution qui peut paraître peu significative mais qui n'était pas forcément bien envisageable d'un point de vue technique.
Deux manettes, sept manières de les utiliser
Vous n'êtes pas spécialement emballés par ce côté tablette ? Qu'à cela ne tienne, la Switch possède bien d'autres caractéristiques qui passent pourtant bien plus inaperçues. On l'a dit, pour pouvoir être 100% portable il fallait faire en sorte que les manettes restent liées à la console. La switch possède ainsi deux Joycons qui vont venir se clipser sur les côtés gauche et droit de la tablette. Deux tous petits objets, 10cm de long et 3,5 de large, pourtant riches en caractéristiques.
D'un point de vue général, il reprennent l'idée du combo Wiimote/Nunchuk de la Wii, une manette dans chaque main, ce qui permet d'avoir toutes les combinaisons de touches existantes sur une manette classique. On retrouve ainsi les quatre gâchettes L et R, des boutons + et -, deux joysticks, 4 boutons de direction et 4 boutons ABXY. Jusque là rien de nouveau sous le soleil.
Il y en a ensuite quelques uns plus spécifiques, le bouton home permettant d'accéder aux menus, le bouton de partage vidéo qui, semble-t-il, est devenu essentiel dans notre monde de réseaux sociaux, mais aussi deux boutons S par Joycon, sortes de mini gâchettes situées sur la tranche.
Toutes ces petites choses sur lesquelles ont peut appuyer permettent d'avoir de nombreuses configurations de jeu : les Joycons reliés à la Switch ou un autre support, les deux Joycons dans les mains en mode pointeur, le Joycon gauche ou droit en mode mini manette. Quatre possibilités donc. Il en existe trois de plus, puisque Nintendo, par soucis de sécurité et de confort, fournit des dragonnes qui se clipsent sur les Joycons, permettant d'augmenter leur largeur et d'apporter de vraies touches à la place des deux boutons S. Vous pouvez donc utiliser la configuration pointeur ou manette horizontale de ces Joycons avec ces dragonnes légèrement technologiques.
Un tout petit concentré de technologie
Pour continuer de parler de ces Joycons, il faut mettre en évidence que ces manettes possèdent de réelles nouveautés, preuve qu'on fait face à une nouvelle console bien réfléchie.
La première chose, c'est le système de détection de mouvement qui est enfin à la hauteur de notre imagination. Si cette innovation existe depuis la Wii, on savait qu'elle ne permettait pas réellement de réaliser des mouvements crédibles. Aujourd'hui, après des années d'utilisation, cette technologie est aboutie et Nintendo essaye de le montrer avec une toute nouvelle licence nommée Arms.
Deuxième chose et pas des moindres, un tout nouveau système de vibrations. Bon ok, vous êtes en train de vous dire que les vibrations dans les jeux vidéos c'est pas très utile et que pour votre téléphone, ça consomme en plus énormément de batterie. C'est effectivement la pensée populaire que Nintendo veut faire oublier avec la précision des vibrations présentes dans ses Joycons. Ainsi on peut les percevoir se déplacer dans la manette, avoir des niveaux de puissance différente, permettant de simuler, pourquoi pas, différents objets. Ce ne sera peut être pas aussi rafraîchissant que les glaçons dans un verre utilisés par Nintendo, mais quand on y réfléchit c'est une solution supplémentaire pour construire des gameplay plus inventifs.
Dans la même veine, les Joycons embarquent un lecteur NFC au niveau d'un stick pour pouvoir lire les fameux Amiibo, mais aussi une caméra infrarouge pouvant percevoir les distances et les formes. D'après Nintendo ce lecteur peut très bien détecter vos mains jouant à Pierre-Feuille-Ciseaux. Une petite innovation qui, là aussi, pourrait être utilisée de belle manière par certains développeurs, mais encore faut-il en avoir l'envie.
Des cartouches c'est sûr, des jeux peut-être...
Avec l'arrivée d'une nouvelle console, outre le côté nouvelles technologies embarquées par la bête, ce sont bien entendu les jeux qui intéressent les potentiels acheteurs. Sauf phénomène exceptionnel, la Wii avait réussi ce pari, c'est bien ce à quoi on joue qui fait vendre des consoles et non pas comment on y joue.
La Nintendo Switch sortira le 3 mars, et il est tout à fait notable qu'à l'instant de son apparition au grand public, les jeux qui l'accompagneront seront rares. Une petite dizaine de titres, il semblerait. Deux jeux made in Nintendo et le reste provenant d'autres éditeurs mais sans être très ambitieux. Le titre fédérateur au lancement sera Zelda Breath of the wild, un jeu qui sortira en même temps sur WiiU, certes, mais qui, jusqu'à présent, s'avère être à haut potentiel grâce à une direction artistique assez impressionnante.
Viennent ensuite des party games, des jeux pour plaire à tous et créer des expériences multijoueurs conviviales. C'est le fameux 1, 2 Switch qui essaye de conquérir le terrain du jeu "démo" après Wii sports et Nintendoland. Il est là pour démontrer toutes les capacités de cette nouvelle console et en particulier de ses manettes. Les vibrations ultra précises, les différentes configurations, tout cela y passe. Le problème de vouloir être l'exemple de ce qui est maintenant possible, est que très souvent le jeu est rempli de beaucoup de vide, notamment d'un point de vue artistique. Et 1, 2 Switch semble en ce sens bien pauvre.
Pour ce qui est du reste, le lancement, et même les mois qui vont suivre, semblent bien tristes et il va être difficile de développer une ludothèque très attirante. On se demande même comment Nintendo a pu décider de ne pas être franchement proactif concernant la production de jeux, qui reste pour beaucoup de joueurs un volet essentiel. Des jeux en téléchargement, un nouveau Bomberman, Just Dance, Tetris... Les premières semaines occupées par les éditeurs tiers manquent clairement de grosses sorties.
Nintendo essaye de rattraper un peu tout ça avec une version réchauffée de Mario kart 8, qui sort un bon mois après la console, une nouvelle licence de boxe prenant en compte les caractéristiques des Joycons et un nouvel opus de la très bonne franchise Splatoon. Des jeux qui, même s'ils ne sont pas au top de l'innovation, possèdent un capital sympathie important et qui peuvent séduire des joueurs. Des titres qui sont prêts et auraient mérité d'être présents dès le premier jour afin d’avoir une base de titres qualitatifs pour encourager les premiers acheteurs et inciter les autres clients potentiels.
Les éditeurs tiers semblent quant à eux assez frileux, sauf projets secrets, tout ce qui est annoncé arrive assez tard dans l'année et ces jeux sont des remakes où des portages. Voir Skyrim, NBA 2K ou Fifa sur Switch montre que de très grandes licences peuvent exister sur la plateforme, mais cela reste assez peu courageux. Et peut-être que la vie de cette Switch sera déjà compliquée quand le prochain Mario, qui semble prometteur, arrivera pendant les fêtes de Noël.
Car, si choisir un support cartouche pour les jeux est une décision intelligente, du fait de sa praticité et aussi de ses temps de chargements extrêmement réduits, il aurait peut-être fallu sortir bien plus de ces cartouches pleines de jeux rapidement pour ne pas risquer de voir les ventes de la console rester faibles.
La switch, c'est une philosophie
Avec toutes ces informations techniques, ces études minutieuses des planning de lancement et ces aperçus de jeu, on pourrait oublier qu'il se cache une véritable philosophie derrière la Switch. Une pensée de fond qu'on ne retrouve pas toujours de manière si marquée chez les constructeurs concurrents.
Nintendo veut que la Switch soit une console de salon portable, avec tout ce que cela implique. En tout cas, c'est là dessus qu'ils communiquent et les desseins suggérés par certains sont pour le moment bien difficile à confirmer. La branche console portable est elle vouée à disparaître ? La Switch est-elle la première étape d'une stratégie globale visant à unifier les plateformes Nintendo ? Tout cela est aujourd'hui assez hypothétique.
Quel est l'objectif affiché de Nintendo alors ? Eh bien c'est de pouvoir créer une véritable expérience de jeu partout et surtout avec tout le monde. Philosophie propre à la firme nippone, ce côté rassembleur est accru avec la Switch. On le sent bien en voyant les différentes étapes de la promotion, les gens se regroupent autour de la console, la partagent, dans le salon, en soirée, ou au beau milieu d'un parc.
La Switch aimerait être au coeur de toutes les activités sociales, la possibilité de connecter huit consoles est un moyen d'y arriver. Tout comme la paire de Joycons accompagnant toujours la Switch. Le jeu à deux est ainsi possible partout.
La Switch veut recréer l'envie de jouer sans les contraintes. Un joueur devrait ainsi pouvoir jouer n'importe quand et avec la personne qu'il veut. Alors bien sûr, cela peut paraître légèrement utopique, car il faut avoir envie de se déplacer un peu partout avec un objet qui coûte quelques centaines d'euros, mais bon c'est ce qu'on fait avec les smartphones. La mobilité pourrait être aussi limitée par des contraintes de batteries : 3, 4 ou 5h de jeu est-ce suffisant pour avoir une réelle transportabilité de la console ? On peut se le demander, mais là aussi ne sommes-nous pas une génération habituée à ce problème avec nos téléphones qu'on recharge constamment?
En fait, la Switch est une réelle proposition, qui ne trouvera peut-être pas écho auprès du public. Non pas parce qu'il n'est pas capable de s'adapter à ces caractéristiques mais bien parce qu'il n'envisage peut-être pas d'utiliser une console de jeu élaborée comme cela. Un cap reste à passer, peut-être la Switch le permettra-t-elle.
ADN 100% Nintendo
Revenons à l'essentiel, la Switch est une console de jeu made in Nintendo. Il est important de prendre un peu de recul pour constater que ce projet est dans la pure continuité de toutes les réalisations de la société depuis des années. Une parenté qui a pourtant a du mal à être comprise par un certains nombre de personnes qui s'attendent à découvrir un nouveau modèle.
D'un point de vue conceptuel, la bête est ainsi pétrie de nombreuses idées apparues au cours des générations précédentes.La transportabilité d'une console de salon est une vieille marotte, puisque la Gamecube avait essayé de proposer cela grâce à son format compact et sa poignée intégrée. Oui, une poignée ça peut paraître très éloigné de la Switch mais pourtant c'est révélateur des obsessions de Nintendo. La Gamecube datant de 2002.
Nintendo est en pointe aussi pour développer de nouvelles solutions de gameplay, particulièrement depuis la période Wii qui fût un énorme succès. Ainsi, retrouver une importance si grande des fonctions gyroscopiques via les Joycons est tout à fait logique. Il en est de même avec le format de la Switch, un écran associé à des commandes en format panoramique, qui n'aurait jamais pu voir le jour sans l'essai de la WiiU, qui était un premier pas vers la transportabilité des jeux salons.
Là encore, cette notion centrale de gameplay innovant est étroitement lié aux capacités techniques qui ne sont toujours pas mises en avant. Comme toutes ses consoles depuis une dizaine d'années, Nintendo ne cherche pas à entrer frontalement en concurrence avec Sony et Microsoft. Tant que la console ne sera pas démontée pour comprendre ce qu'a donné le partenariat exclusif avec Nvidia, il sera difficile d'établir un jugement définitif sur ses performances. Mais il est clair que cette console HD ne surprendra personne par des performances graphiques extravagantes, tout simplement car elle ne le peut pas et qu'elle ne veut pas le faire surtout. Une erreur peut-être, mais une ligne directrice qui ne varie pas pour Nintendo.
Argent trop cher, la Switch n'a pas de prix
Il en est de même pour le prix. On le sait, Nintendo veut vendre des consoles et gagner de l'argent tout en proposant un prix de lancement accessible. La Wii avait été lancée à 250€, la WiiU aux alentours de 300€ et la Switch en Europe sera à 329€, une conversion probablement excessive du prix américain à 299$. Les précédentes consoles étaient dépassées techniquement, ce qui est moins le cas de la Switch et elle possède en plus de nombreux accessoires dans son pack de lancement, ce qui peut justifier cette augmentation de prix. Et surtout, il faut garder à l'esprit que dans les mêmes situations Sony et Microsoft lancent leur consoles entre 400 et 600€ depuis des années, sans jeu, là aussi comme Nintendo. Une donnée qu'il faudrait ne pas oublier.
Il en est de même pour le prix des Joycons ou des accessoires, qui sont similaires à ceux des manettes concurrentes. Un pack de deux Joycons sera vendu environ 90€ soit deux manettes pour 45€ alors ques les manettes XboxOne et PS4 sont aux alentours de 50-60€. Et pour que la mise en perspective soit utile, il faut bien entendu admettre que les Joycons sont de vraies manettes qui font partie de l'experience Switch, vouloir jouer avec une manette classique est un contre sens qui doit être assumé pour ceux qui se plaignent d'un éventuel coup supplémentaire.
Admettre, c'est peut-être un mot difficile pour beaucoup de joueurs et d'observateurs qui traitent différemment Nintendo des autres firmes. En effet, de nombreuses critiques ou désillusions se font sentir suite à la découverte de la Switch. Pourtant, il n'y a rien qui ne soit pas cohérent dans cette Switch avec les idéaux de Nintendo développés depuis des années. L'étonnement ne devrait pas être de la partie quand on y réfléchit, la déception ne provient que d'un imaginaire, d'un idéal qui s'est construit autour de la marque alors qu’elle cherche pas à les rendre réels.
La Switch est au final une promesse faite par Nintendo. La société continue d'exprimer le fait qu'elle se donnera corps et âme dans le développement d'expérience de jeu en innovant constamment. C'est une promesse, car elle veut mettre en place un nouveau mode de consommation vidéoludique. Mais c'est aussi et avant tout un réel pari, car la console et son constructeur restent sur leur voie solitaire et risquée. Ses choix sont parfois difficiles à expliquer et le consensus n'est clairement pas de la partie. Mais peut-être est-ce un mal nécessaire pour l'ensemble de l'industrie.