L'opération reconquête commence mal. Marvel tourne la page Axel Alonso (2011-2017) en le remplaçant ces jours-ci par C.B. Cebulski.

L'objectif est de relancer l'entreprise en endiguant la fuite de ses artistes grâce à un nouveau boss justement connu pour avoir recruté de nombreuses stars en devenir. Si Alonso paye une fin de mandant contestée, il ne faut pas oublier l'énorme succès Marvel NOW! qui s'est conclu en apothéose avec Secret Wars. Depuis, Marvel n'arrive pas à générer des nouveautés faisant l'unanimité et se repose sur des séries dirigées par des scénaristes depuis des années (Spider-Man, Thor) ou des créations originales qui ont déjà plusieurs relaunchs au compteur. La concurrence est exacerbée du côté de DC Comics, qui semble avoir mesurer l'echec du New 52 et parvient à proposer des histoires plus excitantes pour les fans. Les ventes semblent avoir forcé la main à Marvel mais le coup de grâce est intervenu avec le séisme que représente le départ de Bendis, même si celui-ci n'était plus un leader. 

C.B. Cebulski, cela semble un bon choix. Un gars sûr qui travail pour Marvel depuis 15 ans, avec un réseau étoffé, qui était jusqu'à maintenant détaché en Chine pour collaborer avec Disney. Un éditeur-en-chef qui mesure les nouveaux défis (numérique, multimédia, nouveaux marchés). Le bonus : c'est un personnage public, bien plus qu'Alonso qui était surtout un éditeur alors que Cebulski, c'est l'image du fanboy, du lecteur de comics présent tous les mercredi dans son comic-shop, du gars accessible en conventions. Le plan parfait pour initier une nouvelle communication et rassurer les fans.

Le 17 novembre, le scoop est révélé par Bleeding Cool. Malheureusement, Marvel n'a même pas le temps d'officialiser la chose qu'une énorme polémique éclate 10 jours plus tard. L'histoire est simple mais explosive dans une Amérique traversée par la crise Weinstein et les problèmes "raciaux" : C.B. Cebulski a publié pendant les années 2000 des comics en tant que scénariste sous un nom d'emprunt d'origine japonaise. Là, comme ça, vous allez peut-être ne pas comprendre le problème. Ok, un nom d'emprunt, c'est fréquent dans l'Histoire de l'édition, même les plus grands l'ont fait. Qui plus est, Cebulski était à l'époque éditeur et il ne voulait peut-être pas voir certains fans tout mélanger. Enfin, on peut considérer que ce choix est un hommage à la culture japonaise quant on connait l'amour que porte cet homme à celle-ci (il a été de ceux qui ont lancé les mangas Marvel). 

Vous connaissez les USA. Ce pays ultra-communautaire ne rigole pas avec ce qu'on appelle l'appropriation culturelle. Cette année, on a déjà vécu un gros débat public sur la possibilité pour un individu "à la peau blanche" ou aux origines "occidentales" d'écrire sur la culture afro-américaine. Avec l'affaire Cebulski, c'est toute l'histoire entre les USA et le Japon après-guerre qui refait surface. Pour rappel, les américains ont façonné la reconstruction du pays, changeant considérablement les mentalités au détriment d'une culture millénaire. La question est simple : pourquoi Marvel a caché cela à l'époque ? Surtout, pourquoi faire croire qu'un artiste japonais (ou d'origine) a écrit des comics alors que c'était un américain ? Il y avait une rumeur sur le sujet mais des collègues de Cebulski ont affirmé à la presse avoir rencontré le fameux Akira Yoshida, donnant du crédit à cette mascarade. Le scandale oppose l'amour d'un homme pour une culture et la nécessité de défendre la visibilité d'individus d'origines asiatiques aux USA. 

Les réseaux sociaux s'enflamment avec #ActualAsianComicWriters, un hashtag qui met en avant des exemples d'artistes d'origines asiatiques ayant une réelle existence. Dès lors, Marvel a beau tout faire pour défendre son nouveau visage médiatique, le mal est fait. Tout le capital sympathie de Cebulski s'est envolé, effaçant la période d'immunité liée au début d'un nouvel éditeur-en-chef. Marvel voulait sortir la tête de l'eau et se retrouve au coeur d'une nouvelle polémique. Quand ça veux pas...