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Buzz : le retour d'Astérix par de nouveaux artistes

Astérix est une icône de la bande dessinée française. Plus qu'une œuvre d'art, c'est désormais une franchise culturelle, avec des produits dérivés à foison, des enjeux colossaux à chaque sortie d'un nouvel opus en librairie et un casting homérique pour chaque nouvelle adaptation au cinéma. A l'occasion de la sortie du nouvel album de la série, Astérix chez les Pictes, premier d'une nouvelle équipe créative, retour sur les enjeux entourant cette BD.

Article initialement publié en octobre 2013 dans le magazine Pop Fixion #1

Astérix est une œuvre fondatrice de la bande dessinée française publiée pour la première fois en octobre 1959 dans le premier numéro du magazine Pilote. Si le scénariste René Goscinny nous a quitté en 1977, son compère dessinateur Albert Uderzo a poursuivi leur œuvre en publiant 8 albums en solo depuis 30 ans. Avec plus de 350 millions d'albums vendus, la série est un succès mondial. Le « petit gaulois » a été traduit dans 107 langues, dont certaines régionales. L’Allemagne en est folle. Il a son propre parc d'attraction, une monnaie à son effigie et il régale les ventes aux enchères lors de ses rares apparitions. Une grande partie du casting de la série, à commencer par Obélix, Idéfix et Panomarix, est rentré à ses cotés au panthéon des héros de fiction français. 

Astérix, c'est une série lue par les grands-parents, parents et enfants. L'histoire est simple mais truffée d'humour et de références élaborées. La fin est toujours heureuse, les personnages sont récurrents et l'on voyage à travers le monde de l'Antiquité pour découvrir de nouvelles cultures. Entre Vercingétorix et Astérix, c'est à qui représente le mieux la Gaule dans l'imaginaire collectif. Au rayon des adaptions au cinéma, on note 8 films d'animation ayant tous dépassé le million d'entrées au box office français. Coté film live, c'est la folie avec Mission Cléopâtre qui est le 4e succès français de tous les temps au box office. Les autres opus ont eux aussi réuni un public large (entre 3,8 et 8,9 millions de spectateurs) mais les critiques n'ont pas été tendres, voire assassines. 

Une franchise en péril 

La frontière est effet mince entre le génie et la catastrophe. Astérix est une œuvre difficile a adapter en film live pour une raison simple : ses gags. L'univers des gaulois a toujours été présenté comme une douce uchronie surfant sur les modes actuelles : jeux de mots pour les noms, caméos de stars, parallèle avec la mode et la technologie actuelle... Si Alain Chabat a su, avec Mission Cléopâtre, capter cette atmosphère si particulière en y insufflant sa propre folie, les autres films ont souvent tapé à coté. Sans donner notre avis sur leur qualité, le nombre d'entrées des deux derniers films n'ont pas permis pas de rentabiliser les investissement colossaux, qu'ils soient financiers ou artistiques. L'adhésion populaire est moindre, pour ne pas dire inexistante (entrées mécaniques dû à la curiosité). Combien de scènes sont devenus cultes, comparées aux BD ou au second film ? 

Toutefois, juger de la santé de la franchise uniquement sur ses films serait malveillant. A une ère où les jeux vidéos s'apprêtent à dominer l'industrie culturelle, les adaptations de l'univers d'Astérix laissent insensible les fans. C'est un phénomène courant dans cette industrie mais il déplorable de ne pas voir émerger un jeu de qualité avec un matériel de base aussi riche. Pire, la BD ne fait plus recette. Le Ciel lui tombe sur la tête, paru en 2005, est le dernier vrai album de la saga, le 34e étant un album anniversaire. Avec 3,2 millions d'albums mis en circulation en France, c'est plus que le 35e qui vient de sortir (2 millions). Pourquoi ? Car l'album est un échec critique et public, n'ayant pas réussi à vendre les 8 millions d'albums imprimés à cette occasion. A titre de comparaison, le nouvel album vise un public de 5 millions d'acheteurs dans le monde. 

Le plus triste dans l'affaire, c'est qu'Uderzo a enfin pris un virage moderne, cassant de nombreux codes de la série. Critiqué pour ses albums en solo, il a souhaité prendre un risque qui n'a pas payé avec quelques polémiques à la clé, notamment sur le manga. Or, c'est ce qu'attendait une partie du public : voir Astérix se réinventer pour ne pas avoir l'impression de lire la même histoire transposée dans un nouveau pays. Ce sentiment n'est pas partagé par tous les fans, mais est-ce pour autant une raison de revenir aux bases de la série en proposer un 35e album plus consensuel ? Non, mais c'est le choix effectué par les nouveaux auteurs pour retrouver le succès. 

La survie de la franchise

Il fallait bien passer un jour le flambeau à de nouveaux artistes et c'est chose faite avec le 35e album. En 2008, Uderzo a annoncé la fin des aventures du gaulois, prenant lui même sa retraite artistique. Malheureusement pour lui, la fille de Goscinny, Anne, n'a pas souhaité mettre un terme à la série. Codétentrice des droits, elle a travaillé avec Uderzo sous la direction de la maison d'édition Hachette qui a racheté Albert René en 2011 pour trouver des remplaçants. Hormis Tintin dont Hergé n'a pas souhaité voir ses aventures se poursuivent après sa mort, toutes les autres stars de l'industrie ont connu de nouveaux parents après la disparition de leurs créateurs : Lucky Luke, Les Schtroumpfs, Boule et Bill, Le Marsupilami... Uderzo semble n'avoir donné son aval qu'à une seule condition : proposer une continuité artistique pour ne plus dépayser les lecteurs. Il ne fallait pas voir de différence avec les autres albums de la série. L'avantage dans cette situation, c'est d'avoir encore Uderzo comme superviseur. Le dessinateur s'est ainsi impliqué dans la production de cet album, validant chaque case et illustrant même Obélix sur la couverture. Qui sont donc les nouveaux artistes qui ont osé relever ce défi? 

Le choix des héritiers

Il ne faut pas croire que le choix s'est fait au hasard, sur un coup de cœur pour un duo bien défini. Au contraire, c'est un véritable casting secret qui a été entrepris il y a 3 ans. Voici ce que révèle le journal le Monde sur ce processus. Au départ, Frédéric Mébarki aurait été désigné comme le remplaçant d'Uderzo. Cet artiste est le responsable des visuels des produits dérivés, encreur officiel de l'artiste et, en somme, sa doublure parfaite. Reste a trouver le bon scénariste. Une courte liste a été établie. Les prétendants ont signé des clauses de confidentialité et il a été demandé à chacun de fournir un script sur l'histoire du 35ème album. Anne Goscinny aurait eu une préférence pour le dessinateur Jul alors qu'Uderzo penchait pour le script de Jean-Luc Ferri qui envoyait les gaulois en Écosse. C'est ce dernier qui a remporté le poste. Après une relecture de tous les albums, il s'est attaqué à l'écriture du 35e en s'efforçant de se fondre dans le moule de Goscinny. Mébarki a ensuite dessiné ensuite l'album sous la tutelle d'Uderzo mais, malheureusement, le résultat n'était pas satisfaisant. Le sujet est sensible pour les différents intervenants et nous n'avons pas pour objectif de critiquer des événements dont nous ignorons la teneur. Ce qui est sûr, c'est que l'artiste a quitté l'aventure et un nouveau concours a été organisé, pour trouver un dessinateur cette fois. Sur un scénario de Ferri, il fallait réaliser deux planches dans le style Astérix et c'est Didier Conrad qui a été sélectionné.

Nouvelle équipe créative

Résumons : au scénario, Jean-Yves Ferri (RETOUR A LA TERRE et DE GAULLE A LA PLAGE). Aux dessins, Didier Conrad (LES INNOMMABLES, BOB MARONE et RAJ). Le premier est passé par Fluide Glacial alors que le second a secoué le Journal de Spirou avec son anticonformisme. Les deux artistes sont reconnus pour leur talent, mais encore faut-il proposer un album dans la droite lignée des meilleurs Astérix. Imiter l'écriture de Goscinny est compliqué comme l'explique Ferri : "Astérix est une forme de bande dessinée dotée d'un déroulé et d'un tempo qui n'existent plus. Il faut à la fois qu'il y ait du rythme, avec une 'chute' à la fin de chaque page, mais aussi une intrigue qui ne soit pas trop complexe, afin que la caricature puisse avoir libre cours. Les pitchs de Goscinny tiennent généralement en deux mots. Prenez Astérix en Corse : Astérix et Obélix ramènent l'otage à son village, il y a des batailles avec les Romains, un banquet à la fin, etc. Chemin faisant, Goscinny décline tout ce qu'on peut balancer comme concepts sur la Corse sans que ce soit jamais téléphoné. Tout cela compose un drôle de cocktail à l'arrivée où se mêlent des gags parfois très cérébraux et un déroulé enfantin qui fait que le lecteur n'est jamais perdu." 

Il faut aussi faire retrouver l'ambiance des anciens albums : « Ce qu'on m'a demandé de faire, c'est de la bande dessinée des années 1970, laquelle n'a plus rien à voir avec ce qui se fait désormais. Les codes ont évolué. Vous pouvez très bien aujourd'hui, par exemple, dessiner un personnage en gros plan qui va se lancer dans un monologue de trois pages, ce qui était impensable autrefois. Toute la difficulté de l'exercice, dans le cas présent, tient au fait qu'on n'est plus dans les années 1970, mais qu'il faut que cela fasse moderne malgré tout." (Le Monde, 13/08/2013). Quant à copier le trait d'Uderzo, ce n'est pas une mince affaire. Nombre de rayures du pantalon d'Obélix, pupille d'Astérix, alignement des protagonistes à la place de la perspective... Avec un délai de production millimétré de 9 mois pour proposer une imitation parfaite d'Astérix, c'est pour le moins stressant. Il faut accepter les remarques et refaire son dessin. Uderzo a même créé certains personnages secondaires, romains et pictes. Heureusement, le défi a été relevé.

Un album classique 

8 ans d'attente, 2 millions d'exemplaires mis en circulation et de nouveaux artistes aux commandes, le choix de ne prendre aucun risque est au final logique. Il y a néanmoins plusieurs surprises dans la droite lignée de la saga : références au cinéma (Hibernatus et Vincent Cassel), hommage à Oumpah-Pah (création de Goscinny et Uderzo), jeu de mot autour du terme Mac... On est bien dans un album d'Astérix et l'impression de découvrir un vieil album perdu de la série est flagrant. Six jours après sa sortie, les réimpressions du 35e album ont été lancées. Les critiques sont bonnes et l'accueil du public est chaleureux. C'est un succès, mais ce n'est que la première étape dans la reconquête de la Gaule par Astérix. Prochain rendez-vous : le film d'animation 3D réalisé par Alexandre Astier (Kameloot). Le Domaine des Dieux est prévu pour le 26 novembre 2014. Quant au prochain album, l'histoire sera cette fois confinée au village pour mettre l'accent sur la critique sociale, comme dans Le Devin ou la Zizanie. En attendant, à vous de faire votre propre avis sur les nouvelles aventures d'Astérix et Obélix.

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