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Interview : Stan Silas

Stan Silas est un auteur français de bande-dessinnée que nous avons rencontré à l'occasion de la Comédie du Livre à Montpellier en juin 2014. Carrière, influences, organisation de son travail, ce fut l'occasion de découvrir ce talentueux artiste.

Article inédit.

Stan silas est né en 1977 et a publié sa première BD en 2011 chez Makaka Editions, un petit éditeur français. Stan est un auteur de la génération internet : il a commencé à faire de la BD sur un blog comme beaucoup de personnes aujourd’hui. Bien qu’au départ dessiner fut un loisir qui occupait son temps libre à côté d’un boulot principal, il décida d’en faire son métier après sa rencontre avec le chômage. Son style de dessin très expressif emprunte certains codes graphiques du Manga et utilise les coups de crayons avec simplicité. Les couleurs ont aussi une place de choix dans ses univers et tendent à prendre une place de plus en plus importante dans son travail. 

Jusqu’à présent, les thématiques qu'il a abordé ont toujours été assez sombres, voir glauques (meurtres, récits d’horreurs, pervers…), mais tout cela est écrit de manière à créer des récits toujours emprunt d’humour. Sa série La Vie de Norman comporte 4 tomes et un hors série. Elle raconte les péripéties d’un petit garçon aux tendances de Serial Killer. Cette saga reprend les codes de films d’horreurs pour mieux les détourner et elle conserve un ton léger malgré les quelques litres de sangs aperçus au fil des pages. L’humour de la série doit avant tout à sa galerie de personnage, Norman en tête, Madame Plébère, une institutrice fêtarde qui ne fait pas ce métier par vocation, ou encore Sylvaine, une camarade marginale accompagnée de son chat Pompom. 

Sylvaine a ainsi eu le droit à son propre spin-off nommé Sylvaine itinéraire d’une enfant pauvre, un récit beaucoup plus difficile que la série mère, avec un road trip aux allures de cauchemard. Bien que non comique, le récit conserve toutefois un certains humour noir et absurde. La nouvelle série de Stan Silas, Biguden, est un tout nouvel univers alliant arts martiaux japonais et sablés bretons. L’histoire d’une fille japonaise qui s’échoue sur une plage bretonne, ce qui entraîne un sérieux choc des cultures. Un pitch osé qui révèle un histoire encore plus surprenante, teintée de mysticisme breton et d'affaires de familles.

Bonjour Stan silas, vous êtes un auteur encore peu connu du public, assez jeune, est ce que vous pouvez nous présenter votre parcours, ce que vous avez déjà fait et comment vous en êtes arrivé à faire de la bande dessinée. 

En fait, il y a quelques années de ça j’ai ouvert un blog, vraiment personnel pour apprendre à dessiner. Je faisais une planche par semaine et c’était déjà Norman à l’époque. Donc une planche par semaine, j’ai fait ça pendant un an, un éditeur m’a repéré pendant ce temps-là, il m’a contacté pour faire un album et je lui ai dit non parce que j’avais un « vrai travail », informaticien, j’étais technicien informatique. Et puis, 2 ans après, j’ai eu la chance de me retrouver au chômage et donc je l’ai recontacté en lui demandant si ça lui plaisait toujours de faire de la bande dessinée avec moi, et puis voilà, mon premier album est sorti il y a 3 ans et demi.

Vous avez démarrez Norman en 2011, et 6 albums sont sortis depuis cette date, comment est-ce que vous expliquez ce rythme effréné, qui est difficile à tenir, non ?

C’est pour cela que j’avais dit non à l’éditeur au départ, parce que je sais que ça prend beaucoup de temps de faire de la bande dessinée et que j’aurai pas réussi à le faire à côté de mon travail. Donc, à partir du temps où je m’y suis mis, je m’y suis vraiment mis et donc je dessine tous les jours et je sors un album tous les 6 mois. Pour Norman en tout cas c’était un tous les 6 mois. 

Un album tous les 6 mois, comment faites vous pour vous organisez ?

Le scénario c’est le plus gros du temps, sur 6 mois je passe plus 2 mois sur le scénario, et la mise en page de toutes mes pages. Une fois que ça c’est fait, je commence à faire mes dessins. Le crayonné prend environ 2 mois et le reste du temps je colorie. En gros c’est 2 mois / 2 mois / 2 mois, et c’est un peu plus de temps pour le scénario et un peu moins pour la couleur.

En terme d’ordinateur/papier, qu’est ce que vous faites ?

Alors les 2 premiers mois c’est quasiment que sur papier sauf quand j’écris les dialogues, ou là je le fais sur l’ordinateur/pc. Ensuite pour Norman l’encrage je le fais sur les grandes planches avec ce système là (crayon bleu et crayon noir), et ensuite je scanne et la couleur je fais sur photoshop. Alors ça a changé maintenant sur la nouvelle série je fais tout à l’ordinateur, crayonné… J’ai acheté une tablette qui permet de faire tout directement, une tablette numérique. 

Et donc ce nouveau projet avec une Bigoudène, ça a un nom ? 

BIGUDEN, c’est en japonais. Donc j’ai changé de style j’ai mis plus de temps, je devais mettre 8 à 9 mois pour le finir, c’est un peu plus travaillé niveau dessin et le scénario aussi. Je travaille sur une série de trois tomes parce qu’il faut anticiper les tomes suivants niveau scénario, quand j’écrivais le premier c'était un nouveau challenge. 

Un personnage phare à l’heure actuelle, un enfant qui a tendance a aimé les meurtres, d’où vient la passion pour l’horreur et ce genre là en particulier ? 

Ben en fait c’est vrai qu’avant la bd je suis surtout fan de films d’horreurs, depuis tout le temps, donc la bd m’a permis de faire des allusions, des clins d’œil ,à tous les films que j’ai bien aimé, les vieux films des années 70 et même les plus récents. Tout le long des albums, c’était un peu… la blague servait le scénario. Tiens dans cet album là il faut que je fasse allusion, à tel film…

Quelles sont vos œuvres un peu fondatrices dans ce genre là, dans les films d’horreurs ? 

Mes préférés, ça va être les vieux films : Massacre à la tronçonneuse, Vendredi 13, Halloween, tous les slashers comme ça que j’aimais bien. En plus récent, La Colline à des Yeux, des choses comme ça, c’est surtout les vieux films anciens, c’est vrai que j’aime bien les clins d’oeils aux films qui m’ont fait peur à l’époque. Maintenant je suis un peu plus dur à effrayer, mais ça n’empêche que je regarde encore beaucoup de films, beaucoup de navets, parce que dans ce genre là, il y a beaucoup de navets. 

Aujourd’hui, quels sont tes derniers coups de cœurs dans ce genre là ? 

Niveau lecture, pas grands chose. Pour les films, le dernier que j’ai vraiment bien aimé… en fait maintenant ça se noie un peu yen a pas beaucoup qui sont sortis du lot récemment… Il y a Hôtel Inferno qui était un peu particulier mais je le conseille à personne, c’est très bizarre. Il était différent donc c’est pour ça que je m’en souviens, parce que c’est difficile d’innover dans le milieu.

Parlons des Vacances de Sylvaine, où vous avez tenté une approche différente avec un récit chargé émotionnellement. Est-ce que vous êtes plus à l’aise dans l’écriture de récits plus légers comme Norman, ou plus glauque, difficile comme Sylvaine ?

J’ai trouvé plus facile à écrire Sylvaine, car plus naturel. Norman c’est plus un travail technique de faire rire et c’est difficile de faire rire, il faut que les dialogues tombent pile là où il faut, il y a une sorte de précision qui est pas simple et que je maitrise pas encore complètement d’ailleurs. J’aimerai bien que ça devienne une écriture naturelle, mais ce n’est pas le cas. Sylvaine, c’était beaucoup plus naturel parce que j’avais le temps d’avoir des temps morts, c’était plus un truc sentimental, je ne sais pas comment dire, c’était plus facile à écrire pour moi. L’humour demande plus de précision que les sentiments, en tout cas en ce qui me concerne, c’est plus naturel de faire Sylvaine. Alors ça ne veut pas dire que je pense aux horreurs qu’il y a dans Sylvaine en permanence. (Rires) 

Nous rappelons bien sûr aux lecteurs que ce sont des histoires de fictions. 

Mais ça fait longtemps que cette histoire existait dans ma tête, donc c’est peut-être aussi pour ça que c’était facile pour moi.

Vous avez un style de dessin numérique (ça se débat), est ce que vous pensez que c’est une technique qui va devenir la norme ? 

Tu dis ça par rapport aux couleurs ? 

Oui, on ressent beaucoup le côté numérique, ce qui n’est pas un défaut. 

Et d’ailleurs le prochain ça va peut-être se ressentir encore d’avantage.

Donc, est-ce que vous pensez que c‘est quelque chose qui va devenir la norme, et est ce que c’est quelque chose qui vous intéresse plus que le papier ? 

Moi j’aime bien l’informatique, c’est une outil que je maitrise. Je n’ai jamais fait d’études d’art donc je suis incapable de manier des pinceaux ou des choses comme ça. C’est vrai que si Photoshop n’avait pas existé, je n’aurai pas fait de bande dessinée, et c’est un outil que j’aime bien. Après, est-ce que ça va être la norme, pour moi c’est possible, mais heureusement pas pour les autres, parce que en ce qui me concerne je préfère lire des bd pas numérique, je ne suis pas spécialement fan de mon style, mais c’est en tout cas là où je m’en sors le mieux… Il y a "contrôle-z" et ça c’est génial, ya pas ça sur papier ! 

Notre magazine s’appelle Pop Fixion, puisqu’on parle des univers populaires et de fiction, quels sont pour vous les 2 œuvres de fictions de références, que vous conseillez, qui vous ont marqué ?

En jeu vidéo, c’est Mario de toute façon, même si je n’aime plus du tout Nintendo je dois dire que c’est ce qui m’a marqué. Mario Galaxy et les derniers sont très très bons, mais non, mais qu’est ce qu’ils sont devenus c’est une horreur, c’est le couteau dans l’âme que je vous dis ça (Rires). En film, le dernier gros coup de cœur, ça remonte à quelques années, c’est la Colline a des Yeux d’Alexandre Aja. En livre je suis en train de commencer Game of Thrones, il est temps. En BD je ne lis pas beaucoup de BD en fait, j’ai lu un truc pas mal récemment, ah si j’aime bien le label 619 (chez Ankama), ce sont surtout des courtes histoires (comme Doggybags), c’est sympa. 

Doggybags, ça pourrait très bien se marier à votre style d’ailleurs. 

Ah, j’adorerai avoir un style un peu plus trashouille, c’est vrai que ça serait sympa !

LA VIE DE NORMAN et SYLVAINE sont disponible aux éditions MAKAKA, BIGUDEN a été publié par EP MEDIA. Vous pouvez suivre Stan Silas sur son blog.

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