Il était une époque bénie où les sérivores se massaient chaque samedi soir devant leur télévision pour regarder leurs shows préférés. C'était la Trilogie du Samedi.
Longtemps, la chaîne de télévision française M6 avait pour surnom "la petite chaîne qui monte". Entendez par là une chaîne ambitieuse qui cherchait à innover. C'était aussi la chaîne des jeunes, avant qu'elle ne devienne celle des ménagères obsédées par la cuisine, le coaching et le relooking. La Trilogie du Samedi, c'est une case de la grille qui succède aux Samedis Fantastiques. Un concept simple adapté de la chaîne américaine NBC à qui M6 achètait de nombreux programmes : diffuser des séries fantastiques toute la soirée du samedi pour un public jeune. 1997 à 2007, 10 ans de bonheur pour (en majorité) les ados qui s'en foutait à l'époque que les épisodes ne soit pas toujours diffusés dans l'ordre ou que l'on ait parfois deux épisodes au lieu de trois. Pourquoi ?
Parce que M6 effectuait alors une contreprogrammation révolutionnaire. Dès 20h50, on allumait la télévision et on découvrait les nouveaux épisodes de ses séries TV préférées tout au long de la soirée. Enfin, soirée ou plutôt nuit vu qu'on en avait jusqu'à 2h du matin vers la fin. Un bon gros bloc de programmes survitamminés. Retour sur un phénomène qui s'est depuis propagé à toutes les chaînes.
Un catalogue impressionnant
La Trilogie du Samedi, c'était un simple jingle annonçant le début de diffusion des séries chaque samedi soir. On parle ici d'épisodes inédits, pas de ces tonnes de rediffusions insipides. Le programme était vraiment incroyable avec grossomodo cinq types de séries proposées.
Tout d'abord, les récits de l'impossible, vous savez, ces mystères qui vont vous faire frémir jusqu'au bout de la nuit. C'est là l'origine de la Trilogie du Samedi, qui succède aux Samedi Fantastiques diffusant ces shows envoutants. À tout seigneur tout honneur : X-Files. Série culte, ce programme est un succès massif de la grille de M6. 208 épisodes (sans compter la nouvelle saison en 2016) où les agents spéciaux du FBI Mulder et Scully s'attaquent à des affaires non résolues car liées au paranormal. Conspirations, rumeurs et extra-terrestres, c'est une enquête où tous les coups sont permis. Les fans multiplient les théories alors que les héros avancent à l'aveugle.
Pour surfer sur ce succès, M6 achète d'autres séries du même genre : Au-delà du réel (qui sonne comme le sous-titre de X-Files), Dark Skies L'Impossible Vérité et surtout Roswell dès 2001 qui, pour le coup, met les pieds dans le plat en suivant directement des aliens vivant discrètement sur Terre. Il y a aussi Burning Zone Menance Imminente, typiquement le genre de séries diffusées pour pallier le manque d'inédits des cadors.
Qui dit mystère dit spécialistes. Profiler est présente dès 1997 dans la Trilogie. Bien avant des séries comme Le Mentalist, elle met en avant un consultant aidant la police à résoudre ses enquêtes. On pense aussi à Dead Zone (suite à un coma, le héros a des visions) et Medium (l'héroïne communique avec les morts). Il y avait aussi de l'action : Le Caméleon (un génie qui fuit une fondation secrète pour vivre comme un justicier), FX (combattre le crime grâce à des effets spéciaux), John Doe (le coup de l'amnésique qui sait tout sans savoir pourquoi), Numb3rs (un autre génie qui aide la police) et The Sentinel (un soldat aux sens surdéveloppés).
Des séries qui cartonnent
Forcément, avec tant de séries, chaque spectateur avait ses préférences. En programmant une diffusion par bloc de trois épisodes, la chaîne s'imposait un roulement entre les shows. Il fallait aussi satisfaire différents publics. Les Contes de la Cryptes, c'était l'horreur avec une anthologie bluffante pour l'époque. Buffy, c'est la pépite, une série incroyable qui avait fidélisé une énorme fanbase autour d'une ado chasseuse de vampires. Quant à Charmed, avouez-le, le casting de belles dames ne laissait pas indifférent les ados que nous étions. L'histoire de trois sorcières utilisant un grimoire pour repousser les forces du mal depuis leur manoir.
Côté science-fiction, le taulier, c'était bien sûr Stargate SG1. Plus de 10 saisons auxquelles il faut ajouter les spin-off. Les aventures de soldats explorants différentes planètes de notre galaxie grâce à la Porte des Etoiles. Malheureusement, cette série est symbolique du parcours de la Trilogie du Samedi. Enorme audience à ses débuts, elle ne pourra même pas voir ses derniers épisodes diffusés! M6 a coupé la fin, comme un prémice des pratiques actuelles détestables où les chaînes ne respectent plus les spectateurs. N'oublions pas Dark Angel (James Cameron fait de la télévision) ou la sympathique mais courte Jericho.
Pour finir, comment ne pas rendre hommage aux séries super-héroïques. Il y a bien sûr Smallville qui raconte l'adolescence de Superman. C'est mielleux, ça n'ose pas sortir le costume mais ça cartonnait. Avec Mutant X, on lorgne clairement du côté des X-Men. Enfin, Les 4400 qui est une sorte des Revenants avant l'heure.
Un rituel pour une génération
Comment expliquer un tel succès quand on voit aujourd'hui le désintérêt du public pour les programmations des chaînes télévisées françaises ? A l'époque, il n'y avait pas de piratage. Tout au plus des cassettes VHS, et encore. De plus, le public était extrement dépendant de la version française. Les jeunes n'avaient pas encore pris l'habitude des versions sous-titrées qui permettaient à la base de ne pas attendre la VF, le doublage prennant toujours un certains temps.
Un autre facteur important, encore une fois lié à l'absence d'internet (ou sa lente diffusion), c'est le fait qu'on ne disposait pas d'informations à gogo sur ses séries préférées. Il fallait lire les magazines pour ados pour connaître les maigres infos sur la saison à venir. On était donc dépendant du diffuseur qui pouvait programmer comme il voulait les séries par manque d'information du public. Désormais, les sérivores découvrent en même temps que les décideurs de l'industrie les nouvelles séries. On sait bien que diffuser la saison 1 de Flash en même temps que la saison 2 d'Arrow, c'est une connerie absolue par exemple.
Qui était la cible ? Le jeune qui ne sortait pas ou, à l'inverse, les amis qui se retrouvaient pour regarder ensemble leur série fétiche. M6 était alors la chaîne des jeunes qui ont leur propre prime time. On avait le droit à de la science-fiction et du fantastique à une heure normale, le samedi soir nous permettant de nous coucher tard. C'est la véritable explosion des séries TV en France. Non pas que le phénomène soit inconnu, bien au contraire. Juste qu'il n'y avait plus une seule série mais des dizaines qui se relayaient tout au long de l'année. Le plus important, au final, c'était d'entendre le générique culte de la Trilogie du Samedi. Le reste n'était que plaisir...
X-Files, Stargate, Buffy, trois séries qui ont marqué les années 90 et fait de la Trilogie du Samedi un incontournable. Et vous, que faisiez-vous le samedi soir ?
Lynks
Le 11 mars 2016 à 18:12Super article, la réception de la télé de mes parents à l'époque me privait de M6. Mais c'est un bloc qui m'a toujours fasciné, même sans avoir grandi avec, il a quelque chose de mythique. "les décideurs de l'industrie les nouvelles séries" -> "les décideurs de l'industrie des nouvelles séries" non ?
Elesia
Le 12 mars 2016 à 08:31C'est toute mon enfance et adolescence ! Je me rappelle tellement de Buffy et Charmed parce que avec les copines on était toutes à fond dedans. D'ailleurs des années plus tard j'ai acheté toutes les saisons de Buffy, comme un hommage à une des séries cultes de ma jeunesse^^. Smallville c'était chouette aussi ! Le générique était trop bien j'avais même acheté le single !
Elesia
Le 12 mars 2016 à 08:37Et je double-post mais faut aussi rendre hommage au fait que toutes ces séries "pour ados" ont lancé un phénomène qui ne désempli pas de nos jours. A cette époque, si ça aussi bien marché, c'est qu'il n'y avait pas d'autres programmes qui touchaient aussi bien les collégiens, lycéens, étudiants et jeunes adultes. Je pense à Buffy et Smallville mais on voyait les protagonistes grandir au fur et à mesure des saisons et on pouvait donc facilement s'y identifier. Et puis leur vie était vachement plus cool que la notre^^
Sora
Le 13 mars 2016 à 12:09Tu as parfaitement retranscrit ce que je ressentais ! Je m'y suis mis assez tard car moi aussi, mes parents étaient assez strictes en matière de séries quand j'étais gamin. Ceci dit, lorsque j'ai commencé à suivre la TdS, je ne pouvais plus m'arrêter. C'est vrai que je cherchai la moindre info dans les magazines et que internet a révolutionner cela. D'ailleurs, on ne parlait pas en "saisons" mais en "nouveaux épisodes". On ne savait même pas si une série était reconduite ou non. Dommage que les chaînes de télé prennent les spectateurs pour des crétins aujourd'hui. Elles auraient tout à gagner à ne pas faire n'importe quoi !