Culte au Japon depuis plusieurs décennies, méconnue en Occident qui l'a découverte sur le tard, la saga Gundam passionne autant qu'elle questionne. Éclairage sur ses origines.
À l'origine, Mobile Suit Gundam est une série d'animation japonaise réalisée par Yoshiyuki Tomino en 1979. La série se démarque à son époque pour sa représentation d'une science-fiction mettant en scène un robot conçu comme une simple machine de combat, centrant plutôt son histoire sur ses personnages. Gundam instaure en effet une nouvelle tendance dans l'animation japonaise : le « robot réaliste » ; à l'opposé du « Robot Géant » à la Goldorak.
Bien que révolutionnaire dans son traitement de l'histoire, Mobile Suit Gundam est un échec durant sa diffusion japonaise et s'arrête brutalement au bout de 43 épisodes. Les principaux reproches qui sont faits à la série sont que son animation et ses graphismes sont très moyens, même pour l'époque. Mais plus encore, le concept ne semble pas séduire le public, plus adepte du robot super puissant et du space opera – univers de batailles de vaisseaux gigantesques dans l'espace - de Leiji Matsumoto, dont une des ses œuvres les plus connues, Albator 78 est diffusée un an avant Mobile Suit Gundam.
Pourtant, le studio d'animation Sunrise ne lâche pas l'affaire et propose en 1981 une trilogie de films d'animation reprenant la série d'origine. Le succès dans les salles japonaises est immédiat et pousse Tomino à proposer une suite en série télévisée : Mobile Suit Zeta Gundam. Le phénomène Gundam est lancé, pour le meilleur comme le pire.
Yoshiyuki Tomino, un réalisateur culte
Avant de réaliser Mobile Suit Gundam, Tomino était déjà un réalisateur confirmé dans l'animation japonaise. Il a notamment fait ses débuts sur la série d'animation de Osamu Tezuka, Astro Boy en 1964. Dans les années 70, il travaille sur un certains nombre de séries comme Space Battleship Yamato. En 1975, il réalise sa première série de robot géant : Yûsha Raideen suivi deux ans plus tard par Super Machine Zambot 3.
C'est à cette époque qu'il commence à travailler sur un nouveau concept autour de la science-fiction robotique : le robot dit réaliste. Ce qui ne l'empêche pas de continuer à travailler sur le Super Robot avec Space Runaway Ideon, série culte notamment pour Hideaki Anno, créateur d'Evangelion. La mainmise de Sunrise sur la licence Gundam l'empêchera de développer son œuvre comme il l'entend malgré son retour sur la saga à plusieurs reprises, dernièrement sur Gundam Reconquista in G.
Pour autant, le concept de Robot Réaliste va devenir très populaire et même inverser la tendance dans les années 90. Là où avant l'essentiel des animes de Robot étaient de type Super Robot, aujourd'hui les séries de science-fiction proposent des univers influencés par le succès de Gundam.
« Anime Ja Nai » Ce n'est pas un anime
Mobile Suit Gundam prend place en 0079 du Calendrier Universel et nous raconte la guerre entre le Duché de Zeon, revendiquant l'indépendance des colonies spatiales et le Gouvernement Fédéral qui les contrôle depuis la planète Terre. En effet, après le premier pas de l'Homme sur la Lune, les humains ont créé des colonies dans l'espace, bouleversant l'ordre mondial. Très vite, des tensions sont nées entre les Earthnoïdes (humains vivant sur terre) et les Spacenoïdes (humains vivant dans l'espace), faisant émerger la volonté d'indépendance des colonies par rapport à la Terre.
L'histoire de la série débute lorsque les forces de Zeon découvrent que la Fédération travaille sur la conception d'une nouvelle machine de guerre surpuissante : le Gundam. Une escouade dirigée par Char Aznable est envoyée sur une colonie civile où le robot est construit en secret, provoquant de nombreux morts et la destruction de la colonie. Les forces de Zeon sont cependant mises en échec par le Gundam piloté par un jeune adolescent : Amuro Ray. Le jeune homme et les civils rescapés se retrouvent sur le vaisseau militaire le White Base où ils vont devoir survivre aux attaques répétées de Char Aznable.
Le contexte de l'histoire rappelle, sur beaucoup de points, celui de la Seconde Guerre Mondiale. Le Duché de Zeon, mené par Gihren Zabi est une allégorie d'Hitler et du Nazisme. En effet, le Duché reprend une idéologie d'indépendance des colonies développée par Zeon Zum Deikun, père de Char Aznable qui fut assassiné peu de temps après avoir proclamé la rupture entre les colonies et la Fédération. Cependant, Gihren et la famille Zabi optent pour une manière bien plus extrême dans leur prise de pouvoir, mais aussi leur vision de race supérieure pour les Spacenoïdes.
Du passage de l'adolescence à l'âge adulte
Au-delà du conflit marqué par l'éthique et le concept d'évolution de la race humaine, la série nous fait suivre l'aventure de l'équipage du White Base, vaisseau fédéral engagé en pleine guerre contre Zeon en étant continuellement poursuivi par Char Aznable. Ce dernier s'impose assez vite comme le principal adversaire du Gundam de la Fédération et son pilote, Amuro Ray. L'adolescent de 16 ans se révèle particulièrement doué pour piloter le Mobile Suit, devenant très vite le Démon Blanc sur le champ de bataille.
Mais notre jeune héros fait aussi preuve d'impulsivité et vit très mal d'être utilisé à des fins militaires, d'autant plus qu'on apprend que son père Tem Ray est le constructeur du Gundam. Face à un père obnubilé par les performances de sa création et une mère qu'il a dû quitter jeune pour aller vivre sur les colonies, Amuro se retrouve assez vite sans repères et tisse peu à peu des liens avec l'équipage du White Base. Les nombreuses batailles, son affrontement perpétuel avec Char et les traumatismes de la guerre le feront progressivement mûrir.
En effet, Amuro devient un atout majeur pour l'équipage du White Base grâce à ses capacités exceptionnelles pour piloter le Gundam. Il devient, aux yeux du monde entier, le premier Newtype, un être qui a transcendé l'être humain par ses capacités intellectuelles et sa compréhension du monde. Ce qui a pour conséquence, à la fin de la Guerre d'Un An, de le rendre dangereux pour la Fédération. Pourtant, il n'est pas le seul...
Mobile Suit Zeta Gundam, une suite pour confirmer
Fort du succès de Mobile Suit Gundam au cinéma, Sunrise commande auprès de Tomino une nouvelle série Gundam. 3 ans après la sortie de la trilogie, Mobile Suit Zeta Gundam débarque sur les écrans de télévision japonais en mars 1985. À l'inverse de son aînée, la série remporte rapidement le succès grâce à son scénario mature et ses personnages travaillés.
En effet, la série se déroule 7 ans après les événements de Mobile Suit Gundam et nous fait retrouver les protagonistes de la première série désormais adultes. Cependant, la série impose un nouveau héros à la place d'Amuro, désormais vétéran. Kamille Bidan est ce jeune garçon surdoué souffrant de l'absence de ses parents et des moqueries envers sa personne pour s'engager – involontairement ? - auprès de l'AEUG, une organisation s'opposant aux Titans, une branche militaire du Gouvernement Fédéral.
Les polarités se retrouvent inversées dans Zeta Gundam où cette fois-ci, la Fédération est le principal adversaire de l'AEUG. Les Titans ont en effet des buts bien plus noirs, notamment la prise du pouvoir de la Fédération en imposant une sorte de dictature. Un de leurs faits d'armes sera l'utilisation d'armes bactériologiques pour détruire la vie sur des colonies civiles. L'AEUG, avec ses moyens technologiques développés, prend très vite de l'importance en s'attirant autant d'ennemis que d'amis...
Croire au signe de Zeta : des personnages complexes et forts
Le succès de Zeta Gundam s'explique en partie par sa trame scénaristique complexe mais menée par des protagonistes aux motivations diverses. Évidemment, on n'évite pas le manichéisme propre aux séries de ce genre, à savoir que l'AEUG représente clairement notre groupe de héros ; mais à l'instar de Char Aznable dans Mobile Suit Gundam, on découvre assez vite l'absurdité des affrontements où la notion de bien et de mal n'existe que par le fait d'être dans un camp ou un autre.
Kamille, le héros de Zeta Gundam se révèle aussi beaucoup plus complexe dans son comportement qu'Amuro. Alors qu'il avait rejoint l'AEUG simplement à cause d’une crise d'adolescence existentielle, ce sont de nouveau ses capacités de pilote qui vont en faire un élément essentiel pour l'AEUG. Il est aussi le premier héros de la saga à concevoir de lui-même son propre modèle de Gundam : Le Zeta qui devient un symbole.
En retrouvant les anciens de Mobile Suit Gundam, la série se pose ainsi comme une évolution logique de son public : proposer une histoire où ceux-ci sont acteurs d'une certaine manière, sans être mis au premier plan. En effet, on aurait pu croire qu'avec le retour d'Amuro, Kamille perdrait sa place de héros. Au final, chaque personnage gagne une nouvelle place et on est, quelque part, ému de les retrouver des années plus tard, adultes et assagis.
Déraillement et prise de conscience d'un phénomène
Le succès de Zeta Gundam a vite monté à la tête de Sunrise qui commande, quelques semaines avant la fin de la diffusion de la série, une suite. En effet, moins d'un mois après la fin de Zeta Gundam est diffusée sa suite directe : Mobile Suit Double Zeta Gundam. Non dirigée par Tomino, la série tranche avec sa préquelle en proposant une histoire beaucoup plus légère avec des personnages jeunes et un peu foufous dans leur tête pour prendre la relève.
Double Zeta Gundam remporte un gros succès au Japon mais oblige Tomino à reprendre les rênes de sa saga durant la deuxième moitié de la série. En effet, il obtient à la même époque la possibilité de faire un film d'animation destiné à conclure la saga. En 1988 sort dans les salles japonaises le film Char Contre-Attaque qui conclut l'histoire de Char et Amuro. À ce moment-là, Tomino pense en avoir fini avec Gundam.
Pourtant, Sunrise voit bien là qu'elle a une licence culte qu'elle peut exploiter au maximum, délaissant même Tomino, son créateur originel dans le cycle de production. Il est écarté pour sa vision très pessimiste de son œuvre. Sunrise s'allie avec Bandai au début des années 90 pour créer de nouvelles séries se déroulant dans des univers alternatifs. Le phénomène Gundam est lancé pour ne jamais s'arrêter.
L'Universal Century, un univers gigantesque à part
Pour autant, l'univers d'origine de la saga n'est pas complètement abandonné et continue d'être exploité à travers des séries plus ambitieuses destinées essentiellement aux vieux fans de Gundam plus qu'aux novices qui la découvrent via les nouvelles séries plus commerciales. Pour le néophyte, il est difficile de découvrir les premières séries de la saga originale qui souffre de son âge avancé et de ses graphismes vieillots.
Certaines séries d'OAV (Vidéo d'animation originale) se révèlent pourtant particulièrement intéressantes, pouvant se voir indépendamment du reste de la saga. C'est le cas de Gundam 0080 : War in the pocket sorti en 1989. Cette mini série de 6 épisodes raconte une histoire se déroulant pendant la Guerre d'Un An du point de vue d'un enfant. Beaucoup plus cruelle et réaliste, la série rappelle l'horreur de la guerre et ses conséquences à l'échelle humaine.
Dernièrement, une série de 4 épisodes appelée Gundam The Origin fut réalisée sur la base du manga du même nom, basée sur les chapitres racontant les origines de Char Aznable publié en France chez Pika. Ce dernier édite également le manga École du Ciel, qui se déroule dans le même univers.
Bien que vieille, la saga Gundam continue encore de passionner les foules et de maintenir sa popularité sur sa série d'origine avec un nombre conséquent d'oeuvres dérivées en manga, romans ou tout simplement séries d'animation.