La pop culture est une sorte de mythologie avec ses icônes incontournables. Et aujourd’hui, on va s’intéresser à l’une d’elles qui ne veut pas se faire oublier. Voyons ensemble Sherlock.
Histoire d’être complet, il est bon de rappeler qui est Sherlock Holmes. À l’origine, ce personnage a été créé par le romancier Sir Arthur Conan Doyle qui en fait le personnage principal de ses romans et de sa vie en général. En 1887, Doyle écrit en effet L’étude en rouge qui aura pour personnage principal un détective privé dont l’intelligence et le sens de déduction sont sans égal. Séduisant le public, l’enquêteur verra ses aventures narrées dans plus de 4 romans et 56 nouvelles, ce qui lui conférera un statut de personnage culte et fera de lui l’archétype du « détective privé ».
Cette célébrité ne sera pas un bienfait pour son créateur d’ailleurs, puisqu’il fut condamné à n’écrire que les aventures de son héros toute sa vie, même quand il tentera de le faire mourir dans la nouvelle Le dernier problème. Même après sa mort, d’autres écrivains reprendront le personnage pour continuer ses aventures. Évidemment, avec un tel succès, les aventures de Holmes ont été déclinées dans beaucoup de formats : plus de 200 films au fil des années et des dizaines voire des centaines de séries de nationalités différentes, qu’elles soient françaises, anglaises, américaines ou russes.
Retour dans son Londres natal
Dans la seconde moitié des années 2000, le détective revient sur les écrans. On voit émerger d’une série de films avec en vedette le duo Robert Downey Jr et Jude Law, ainsi qu'Elementary, une série américaine qui adapte très librement les écrits de Doyle avec Watson qui devient une femme et la ville New york au lieu de Londres et qui ont eu un bon succès. Mais la télé anglaise décide de reprendre ses droits sur le personnage et propose une nouvelle série télé sobrement appelée Sherlock.
Celle-ci se veut être une transposition des écrits de Doyle à notre époque en les réactualisant avec les thèmes et les technologies de notre époque et en proposant un format… particulier puisque les saisons sont proposées en 3 épisodes d'une heure et demie, ce qui lui confère un aspect bizarroïde, donnant plus l'impression de mater 3 petits films qu'une vraie série.
Elle nous plonge donc dans un Londres à notre époque et nous fait rencontrer le docteur militaire John Watson qui va faire la rencontre, alors qu’il cherche un colocataire, d’un certain Sherlock Holmes, un individu doté d’une intelligence remarquable et d’un sens de l’observation incroyable mais aussi d’une indécrottable arrogance et d’un manque total de sens commun pour les relations humaines. « Consultant en déduction », Sherlock s’avère être une espèce de drogué aux mystères et va se lancer dans une véritable croisade contre l’ennui en résolvant divers cas étranges ou tordus.
Vieux pot, excellente soupe
On ne va pas se mentir, La série Sherlock est vite devenue culte auprès des amateurs de séries et du public en général. Comment cela a-t-il pu se faire ? Plusieurs pistes sont à explorer pour cela.
Pour commencer, il y a le statut de Gatiss et Moffat, les deux créateurs de la série qui sont en charge de l’autre phénomène télévisuel anglais qu’ils ont contribué à rendre culte auprès du public, à savoir Doctor Who (Si vous ne connaissez pas cette série, je vous invite à consulter cet article). Et ici, les deux scénaristes ont pondu un travail assez impressionnant en insufflant au script une grande fidélité à l’œuvre d’origine tout en la complétant en même temps avec leurs propres idées et en restant dans le bon.
Il n’y a aucune digression, aucun fan service qui tente de faire plaisir aux adeptes des écrits de Doyle. On a affaire à un produit clairement fait pour tout le monde. Et ça marche incroyablement bien ! Les affaires sont extrêmement rythmées et le tout n’est jamais ennuyeux une seule seconde.
Pas de chapeau, pas de pipe, juste la mauvaise humeur et un nouvel entourage
L’autre tour de force de cette adaptation, c’est d’avoir fait des choix sur les personnages et d’avoir à la fois rétablit certaines vérités mal perçues par le public et à la fois de leur avoir mis un coup de neuf bienvenu, à commencer en premier par le personnage de Holmes…
Si je vous dis Sherlock Holmes, en général, il a des chances que vous me sortiez le stéréotype du gentil héros bien sous tous rapports. Sauf que ce n’est pas le cas du tout du personnage des origines, à savoir un homme arrogant, prétentieux, qui ne peut s’empêcher de relever les défauts des autres (notamment le fait de pas arriver à penser aussi vite que lui), qui est dans l’incapacité d’avoir une vie sociale normale et est accro au drogues. Dans cette série, on tombe en plein dedans avec un homme qui a une addiction incontrôlable pour le tabac (dans ses bons jours), qui ne peut s’empêcher de provoquer les gens, qui est sensible à la flatterie et qui résout plus les enquêtes pour lui-même que pour faire respecter la loi.
On peut aussi citer le personnage de Watson qui renoue ici avec ses origines : un homme d’action qui va, avec ces propres qualités, contrebalancer les compétences de son partenaire. Un personnage qui va s’avérer bien plus intéressant que ce qu’il était devenu : le porte-manteau de Holmes car celui-ci distribuait les tatanes aux méchants.
Et enfin, on a droit à une déconstruction et révision du méchant le plus connu des enquêtes, à savoir Moriarty. Du modèle de personnage sombre et sérieux (et très très très méchant), on a droit ici à un psychopathe à moitié fou et instable qui semble avoir du mal à contrôler correctement ses émotions et en prime, se perd dans des blagues d’étudiant puéril qui renforcent le côté chaotique du personnage. La série ne se contente également de faire dans la simple mode de la nemesis et offre des méchants variés et permet à la série de se renouveler constamment pour ne pas laisser le spectateur en manque de révélations et de surprises. Le reste du casting reste aussi bien géré, même si on serait moins attentif, vu la relative popularité des personnages mineurs dans les écrits de Doyle.
Bilbo le hobbit et Smaug le dragon mènent l’enquête
Pour terminer, il est bon de préciser que la série ne pourrait pas tourner sans un casting de choix. Pour le personnage principal, on a eu droit à la base à un acteur de théâtre relativement peu connu à l’époque, un certain Benedict Cumberbatch. Et soyons franc, ce dernier semble avoir eu des entretiens avec son personnage pour pouvoir lui correspondre au mieux. Avec son physique particulier qui tranche avec le stéréotype habituel des acteurs qu’on voit d’ordinaire et sa voix grave qui impose le respect en une fraction de seconde. Il ressort direct du lot et nous apparaît tout de suite sympathique alors qu’il est bien occupé à envoyer des piques à tout son entourage comme un parfait « trou du cul ».
Son partenaire n’est pas en reste, puisque c’est Martin Freeman, acteur inconnu à l’époque et dont la popularité soudaine lui a ni plus ni moins permis d’incarner le maître cambrioleur dans les trois volets du Hobbit (dans laquelle on retrouve aussi Cumberbatch qui double le dragon Smaug), qui va incarner le garde-fou du détective. Et sa performance n’a pas à rougir de celle de son partenaire, puisqu’il s’impose tout autant à l’écran que celui-ci. Sans trop aller dans les détails, le casting en général est d’un excellent niveau.
Que dire au final sur Sherlock ? On aurait pu croire qu’au fil des années, une histoire aussi classique que celle de Doyle aurait pu lasser. Mais il n’en est rien. Avec une parfaite alchimie entre modernité et tradition, c'est une excellente série qu’il convient de voir, qu’on veuille découvrir ou redécouvrir les aventures du détective londonien.