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Electronic Arts redevient-il l'empire du mal pour les joueurs ?

La spirale de la loose.

Cela ne pouvait durer. Je vous racontais en mai 2015 la lente chute de l'éditeur de jeu vidéo Electronic Arts (ici pour les retardataires). Je terminais mon article par une bouffée d'espoir. Depuis, l'entreprise a rebatî sa santé financière en enchainant les succès commerciaux et surtout en réalisant une belle transition stratégique, occupant mieux que ses concurrents occidentaux le marché du jeu vidéo mobile. En deux ans et demi, l'éditeur a entrepris un virage médiatique qui l'a ramené sur le podium. Soutien aux studios dits indépendants, domination totale avec FIFA, retour en Force avec Star Wars, originalité avec Battlefield 1... L'éditeur est de nouveau un acteur majeur de son industrie, inondant les rayons tout au long de l'année aux côtés d'Ubisoft et Activision-Blizzard

Toutefois, le bilan est moins rose au niveau de la communication et de l'artistique. La licence Mass Effect ? Le dernier épisode est une catastrophe industrielle. Les relances de Need for Speed et NBA Live ? De cuisants échecs. Le retour de Mirror's Edge ? Un cadeau empoisonné pour les développeurs. La gestion de la licence Titanfall, dont la date de sortie de l'épisode 2 ? Une monumentale erreur. Les chiffres de ventes et surtout les révenus complémentaires tirés par les principaux succès (FIFA en tête) ne doivent pas cacher cette capacité récurrente qu'a l'éditeur à se tromper. En atteste la liste impressionnante de polémiques l'entourant depuis trois ans.

Quand Titanfall sort en 2014, EA pense avoir le nouveau Call of Duty entre les mains. L'absence d'un mode histoire solo va faire très mal au jeu. Même erreur quelques mois plus tard en 2015 avec Star Wars Battlefront, LE jeu qui devait tout casser. Il s'est bien sûr très bien vendu, mais cela est dû à l'effet Star Wars. Les inombrables critiques sur la politique commerciale des DLC du jeu, qui ont divisé la communauté en deux (ceux qui ont le jeu de base et "les riches qui payent 120 euros") ont minoré le potentiel commercial du titre. Avec Battlefield 1 en 2016, le troisième FPS (et une sorte de jumeau à Battlefront) du lot, EA s'offre une nouvelle polémique très violente en décidant de ne pas inclure les soldats français et russes dans le jeu de base.

On pourrait penser que Star Wars Battlefront II, sorti il y a peu, corrigeait le tir. En effet, on a un mode solo avec une histoire à grand renfort de cinématique et les DLC ont disparu au profit des microtransactions. Cela veut dire que tout le monde a accès au même jeu, mais certains peuvent payer pour avoir des options en plus (pas des modes de jeu ou terrain de jeu exclusifs). Problème, tout cela cache un système en défaveur du joueur qui aura soit le choix de dépenser son argent sans aucune visibilité ni assurance d'obtenir ce qu'il désire, soit (fait peu mis en avant) le droit d'affronter des adversaires impossibles à battre (le fameux pay-to-win).

En un seul jeu, EA a réuni le pire des free-to-play, qui plus est pour un soft déjà vendu à prix fort (70€). Dans un mouvement inédit similaire à l'affaire Weinstein, les réseaux sociaux obtiennent une étonnante victoire avec un coup de pression de Disney sur l'éditeur pour ne pas mettre en danger la sortie imminente du film Star Wars VIII. EA recule, temporairement, mais le mal est fait. Ne soyons pas naïfs, ce n'est qu'une retraite stratégique le temps de vendre pendant les fêtes le jeu pour ensuite (ré)activer ce système monétaire. Les joueurs font aussi reculer l'éditeur sur Need for Speed, tout aussi porté sur une mécanique d'évolution plombée par l'argent, et commencent à porter le fer sur FIFA, le trésor d'Electronic Arts. C'est ce jeu qui a popularisé en occident les micro-transactions dans les AAA avec le mode de jeu Ultimate Team (achat au hasard de cartes pour obtenir des personnages). La polémique récente autour d'un autre jeu Star Wars annulé démontre l'urgence de la situation. D'abord présenté comme une volonté de réduire les jeux à scénario pour privilégier le multijoueur plus lucratif, ce choix a ensuite été défendu par une enquête d'un journaliste qui a dévoilé une production désatreuse, faisant apparaître la chose comme un décision nécessaire pour éviter un flop annoncé. Sauf que le directeur financier de l'éditeur vient de confirmer que tout était au final question de revenus générés quant a il réaffirmé que les joueurs n'étaient plus intéressés par les jeux classiques à histoire (The Witcher 3 ou GTA V rigolent bien).

Si EA reste assis sur une mine d'or avec Madden et FIFA qui ont parfaitement réussi à s'implanter sur les supports mobiles, il ne peut plus ignorer la réaction des joueurs, ne serait-ce qu'en analysant les désastreuses ventes de Star Wars Battlefront II en première semaine. Il y aura toujours des consommateurs prêts à payer, ne serait-ce parce que l'éditeur s'adresse au grand public (parents qui achètent sans connaître la banane, joueurs inconscients ou qui ne vont jamais arriver aussi loin dans un jeu, fans prêts à mettre toutes leurs économies dans ces titres en payant le prix max). Toutefois, le marché actuel, ultra-concurrentiel, nécessite des investissements aussi importants que dans le cinéma. Le modèle du jeu-service (l'achat du jeu n'est que la première d'une série de dépenses étalées sur plusieurs années) force l'éditeur a fidéliser son public. Dans ces conditions, une mauvaise réputation est inenvisageable sur le long-terme. La force d'Electronic Arts ? Une concurrence trop faible ou un monopole sur ses vaches à lait. Cela ne sera pas le cas pour sa prochaine licence originale, celle de Bioware, qui s'annonce déjà comme un jeu-service à la Destiny. Bonne chance pour obtenir la confiance des joueurs.

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