Astérix, une série mythique, fierté Française qui existe maintenant depuis 56 ans. Un succès international qui s’est exporté en plus de 107 langues avec à la clé une longue série de 35 albums et au moins 330 millions d’exemplaires vendus !
Si l’on devait tenter une comparaison audacieuse, on pourrait dire que le petit gaulois est plus important que Madonna, qui n’a vendu qu’environ 300 millions d’albums de musique, ce qui permet de comprendre l’ampleur du phénomène. Aujourd’hui Astérix, Obélix, Panoramix et leurs autres comparses sont des personnages patrimoniaux. Ils ont marqué l’histoire d’un média, marqué l’histoire culturelle d'un pays. Pour autant, ces personnages connaissent encore de nouvelles aventures aujourd’hui. Il est donc important de se demander si ces fiers gaulois vivent de leurs gloires passées ou bien continuent de séduire un large public, y compris les jeunes du 21ème siècle. La vie d’Astérix a été marquée par trois grands évènements : sa naissance, la mort d’un de ses créateurs et sa renaissance auprès de nouveaux auteurs.
La naissance
C’est le 29 octobre 1959 que les premières planches d’Astérix ont été publiées dans le magazine Pilote sous l’égide de ses deux pères, René Goscinny et Albert Uderzo. Albert, c'est le dessinateur, un rêveur, un amoureux du dessin depuis son plus jeune âge. Astérix sera sa trace pour l’Histoire, comme Mickey avec Walt Disney pour qui il porte une grande admiration. René, c'est le scénariste, le faiseur de mots, celui qui donna toute la gouaille à ces irréductibles gaulois. Ces deux compères, aussi inséparables qu’Astérix et Obélix, créèrent un univers profondément ancré dans la culture Française, ses régions et ses traditions diverses, mais aussi ouvert sur le reste du monde avec tous les voyages qu’effectueront nos deux héros. L’univers graphique est reconnaissable : des lignes rondes et un trait chaleureux avec du volume, tandis que le récit est toujours parsemé de jeux de langage et d’expressions à visée humoristique.
La mort d'un créateur
Le 5 novembre 1977, René Goscinny meurt lors d’un test d’effort physique, un drame qui scella le destin de la série. C’est à partir de ce jour qu’Uderzo s’occupa seul de l’intégralité des albums, soit le scénario et les dessins. Beaucoup diront que cette disparition brutale fut le début de la fin pour le petit héros à moustache. Le trait d’Uderzo est toujours là bien sûr, mais l’esprit de Goscinny s’en est allé. Chacun sera maître de son jugement, mais il faut reconnaître que les albums qui ont fait dates sont tous signés Goscinny. L’histoire solitaire d’Uderzo s’arrêta après l’album Le ciel lui tombe sur la tête en 2005, très largement critiqué par les critiques et les lecteurs, mais qui pourtant se voulait comme un hommage moderne à tous les personnages et styles populaires de la bande dessinée.
La renaissance dessinée
En 2013, Uderzo lève ses crayons pour transmettre le destin de son héros à deux nouveaux conteurs : Jean Yves Ferri et Didier Conrad. Ce passage de flambeau paraissait essentiel au vu de la perte d’intérêt qu’avait le public pour les derniers albums d’Astérix. Il fallait arriver à captiver à nouveau les lecteurs, les tous premiers bien sûr ceux qui ont connu Pilote et Goscinny, mais aussi leurs enfants qui ont grandi avec l’héritage de leurs parents et surtout d’autres lecteurs comme les jeunes d’aujourd’hui du haut de leurs dix ans, ce que faisait le magazine Pilote à l’époque. La question était de savoir si ce renouveau allait fonctionner, et surtout si l’esprit d’Astérix serait toujours présent.
Globalement, ce fut un succès. Les jeux de mots sont toujours bien présents tout en ajoutant de la modernité en lien avec les nouvelles technologies. Il y a des références musicales, pas des plus modernes, mais le procédé est plutôt inédit pour la série. Un Obélix assez naïf reste la clé comique pour le plus jeune âge mais le tout conserve une certaine poésie. Les ventes furent au rendez-vous et le succès médiatique a été à la hauteur des attentes. Un joli nouveau départ pour une série au début d’un nouveau cycle. Pourtant, il n’est pas dit qu’Astérix chez les Pictes est un album fonctionnant très bien au niveau des jeunes lecteurs, ce renouveau étant largement soutenu par la nostalgie des fans de longue haleine.
Bien sûr, les enfants ont lu cet album, mais au final l'oeuvre proposée reste dans l’ADN d’Astérix, ce qui est peut être insuffisant pour réellement créer une nouvelle génération de lecteurs dans un secteur jeunesse très concurrentiel qui est dominé par les mangas et les super-héros. Il y a aujourd'hui de nouveaux best-sellers qui ont donné naissance aux icônes des jeunes français, avec des oeuvres qui touchent un public éclectique. Par exemple, Les Légendaires et ses 3 millions de tomes vendus en dix ans, ou encore Seuls, une série qui place de jeunes enfants au cœur d’une histoire de disparition profondément adulte.
La renaissance animée
2014 marque une nouvelle tentative de séduction pour Astérix auprès d’un large public avec le film Astérix et le Domaine des Dieux. À l’inverse des précédents films d’animations basés sur ce personnage, il est en image 3D. De plus, l'un de ses co-réalisateur est un artiste reconnu pour avoir un univers très tranché : Alexandre Astier. Le choix de l’animation 3D pour ce film n'est pas lié au hasard. En effet, l’évolution technique a enfin permis d’obtenir un rendu suffisamment crédible et proche en terme de volumes par rapport à la bande dessinée, selon Uderzo en tout cas (Disney, Pixar et Dreamworks sont déjà passés par là depuis 10 ans).
Ce film d'animation est un succès avec près de 3 000 000 d’entrées, ce qui est bien mieux que les précédents opus, et même proche du résultat du dernier film live Astérix. Se positionnant clairement comme un divertissement familial, cet Astérix a tenté de faire venir le jeune public amateur de films d’animation tout en s'assurant une base importante de parents amateurs de la BD. Un objectif rempli puisque le film a fait presque aussi bien que Dragons 2, et a dépassé de très loin le score de Lego The Movie en France, les deux cartons de l'année.
Peut-être que ce modèle, plus ancré dans la réalité de ce qui touche la jeunesse aujourd’hui, est destiné à perdurer et sera le levier permettant de faire vivre encore longtemps ces personnages. Toutefois, une chose est importante à analyser : Astérix et le Domaine des Dieux est-il un vrai film Astérix ? Une question pertinente quand on voit ce qui a été fait par Alexandre Astier : références historiques et politiques (notre cher Grand Charles), références à la pop culture actuelle (vous avez dit Gandalf et Hulk ?), blagues d’humoristes (Kaamelot et Elie Semoun, vous êtes là ?)… Autant d’éléments n’étant pas spécialement originaires de l'univers d’Astérix insufflé par l'esprit Goscinny. Une modernité appréciable, mais placé sous la cape de Monsieur Astier. Bien sûr, les indispensables Gaulois sont là : le village, les bagarres, le barde, Idéfix… Mais tout cela à un goût différent de ce à quoi nous ont habitué les albums.
Le film est une réussite, mais peut-être s’éloigne-t-il trop des fondamentaux de la série. Pire, il ne s’adresse pas spécialement à un nouveau public, ces fameux jeunes de l’an 2000 (le coeur du public du magazine Pilote). Et oui, aujourd’hui, le public à séduire est celui né entre 2000 et 2006, mais se sentent-ils réellement concernés par des références issues d'une série-télé médiévale des années 2000, par une saga cinématographique heroic fantasy des années 2000, par une célèbre citation du premier président de la cinquième république ? Pas sûr…Car oui aujourd’hui il faut être conscient qu’un petit moustachu franco français, ayant comme seul pouvoir une potion magique, n’est pas forcément la chose qui fait le plus rêver les enfants.
Les icones d’aujourd’hui sont souvent mondialisées et ont su s’adapter en se modernisant, alors qu’elles sont parfois aussi vieilles qu’Astérix. Pourquoi Spider-Man et Naruto sont-ils si populaires chez les jeunes ? Comment un personnage crée dans les années 60 et un héros japonisant ont-ils pu percer leur esprit ? Une modernité, une remise à zéro constante, une narration bien plus active et visuelle, une ouverture sur la culture mondiale peut être plus importante qu’un simple gaulois. Des questions que les futurs auteurs d’Astérix et Obélix devront traiter s’ils ne veulent pas que ces personnages restent des monuments figés de notre culture.