Pop Fixion

Mad Max, une saga qui se réinvente totalement à chaque film

L'année 2015 au cinéma est riche en blockbusters, notamment en terme de remakes et suites plus ou moins fidèles de sagas typiques des années 80. Qui se souvient avec précision de Mad Max ? Une saga mythique qui change à chaque fois les règles de son univers.

Un petit sondage informel autour de vous confirmera la chose : Mad Max, c'est un nom évocateur d'une ambiance post-apocalyptique typique des années 80. Pour faire simple, c'était culte, kitch et cool. Une hype de dingue portée par le look intemporel d'un jeune Mel Gibson époustouflant. Mad Max, c'est avant tout un petit film d'anticipation australien tourné avec un budget riquiqui dans la campagne de ce pays perdu au bout du monde. Réalisé par George Miller, ce film va devenir incroyablement rentable en rapportant plus de 100 millions de dollars dans le monde, un chiffre incroyable en 1979. Si la dystopie est un genre tombé en désuétude, la saga Mad Max a eu le temps de fortement inspirer une ribembelle de films comme les nanars de Kevin Costner (The Postman et Waterworld), Robocop (pour sa violence), Escape from New York (le monde est foutu), The Book of Eli et Terminator Renaissance (pour l'apparence de leurs univers)... Comment expliquer qu'une saga aussi célèbre, ayant profondément marqué l'imaginaire collectif, reste aussi flou dans nos mémoires ? C'est que l'on confond souvent les différents volets, chacun ayant déconstruit et reconstruit l'univers de Max pour ne conserver que l'image d'un guerrier solitaire.

ORANGE MECANIQUE SUR LA ROUTE

Visionner aujourd'hui le premier film de la saga est une expérience surprenante. Dans le fond, cet univers n'est clairement pas un dystopie, c'est à dire un monde qui a mal tourné. Si une simple phrase affichée à l'écran au début du film précise que l'histoire se déroule quelques années dans le futur, rien ne l'atteste à l'écran. Aucun costume, aucune référence à l'Histoire, c'est comme si le scénario se déroulait dans un bled paumé de nos jours (en 1979 bien sûr). On suit un policier de la route, Max, qui a causé la mort du membre d'un gang, les Aigles de la Route. Ses amis vont donc vouloir se venger. L'histoire est simpliste et confronte des policiers à des motards. Il y a très peu d'action et on prend le temps d'assister à la vie somme toute normale de Max, qui prend le café le matin avec son pantalon en cuir et son t-shirt moulant alors que son gamin s'amuse avec ses jouets. On est très loin de l'univers désertique des épisodes suivants, c'est même très vert et on a quelques scènes en forêt.

On a parfois l'impression d'assister à un mélange entre les comics Judge Dredd et le film Orange Mécanique (1971). Le premier pour l'aspect policier (mention spéciale au personnage nommé Gorille), le second pour le comportement des criminels. Ces derniers sont tout au plus des clodos allumés du cerveau qui ne respectent rien. La vrai violence est psychologique, avec une scène de viol suggérée et des vilains qui ne respectent pas vraiment de logique particulière, ce qui permet d'entretenir un suspens morbide. Sinon, la mort de la famille de Max est un peu décevante visuellement, petit budget oblige, mais l’interprétation de Mel Gibson hypnotise le spectateur qui jubile de voir son Interceptor rattraper cette bande d'enfoirés. La fin est extrêmement rapide et laisse un goût amer car on aurait aimé en voir plus. Un premier film sympathique sans pour autant révolutionner le genre.   

LA GUERRE DU PETROLE

Deux ans plus tard sort en salles le second film de la saga. Rallongé de 10 minutes, il n'est plus interdit aux moins de 12 ans, mais possède tout de même un avertissement pour les moins de 10 ans. Le budget a été multiplié par dix et on est clairement dans la catégorie des blockbusters. Les codes sont déjà là : rajout d'un personnage secondaire comique, d'un gamin mystérieux, blagues autour de la mort de certains personnages, de belles femmes.... Le look des personnages change aussi radicalement. Du côté des gentils, on est en plein années 80 avec ces tenus de ski qui attestent que c'est bien le futur ! Pour les vilains, on est à mi-chemin entre le catch et le sadomasochisme. Il y a du cuir à gogo, des cheveux punks et des sous-entendu gays. La violence est cette fois clairement montrée. Scène de viol explicite, torture, on comprend que le gang dirigé par un leader charismatique ne va laisser aucune chance aux héros. Max s'implique uniquement pour son profit personnel, c'est typique du western, la base de ce film. Le héros débarque au beau milieu d'un problème qu'il va résoudre avec autant de violence que les vilains.

Le manga Ken Le Survivant, dont la publication a débuté deux ans plus tard, s'inspire énormément de cet univers. Carton au box-office, ce film s'attache à attirer un nouveau public tout en justifiant la mutation de ce monde pour les spectateurs du premier film. Ainsi, l'introduction fait appel à des images d'archives pour nous raconter une apocalypse nucléaire basée sur la guerre du pétrole. La première scène montre que cette ressource est devenu centrale, et tout le film tourne autour de l'assaut d'un puits de pétrole. C'est ce film qui a imposé l'ambiance post-apocalypse de la saga, alors que le premier est surtout une succession de courses-poursuites. Ce retcon du background s'illustre aussi à travers le titre du film. Ce n'est pas Mad Max mais The Road Warrior. Nul besoin donc d'avoir vu le premier film pour le public qui a entendu parler de cette petite production australienne. Cependant, le réalisateur conserve le personnage de Max en suggérant plus ou moins que le premier film se déroulait avant l'apocalypse. Max a bel et bien perdu sa famille et vit seul depuis, ayant beaucoup de mal à s'attacher, notamment avec les enfants. Manque de pot, c'est le sujet du troisième opus.  

UNE NOUVELLE CIVILISATION

Si le second film intégrait le cercle des blockbusters, en définissant même certains codes, ce n'est rien comparé au troisième. Là, franchement, on part dans du grand n'importe quoi. C'est toujours George Miller à la réalisation avec Mel Gibson encore dans le rôle de Max. La première scène du film nous montre un Max très classe avec ces cheveux longs, son pancho et sa bande de chameaux, mais on revient très vite à son look cuir. Cependant, ses tempes sont grisées, ce qui prouve que les trois films partagent une certaine continuité. Max vieillit et ce monde se reconstruit après l'apocalypse. On découvre désormais une ville ayant ses propres codes, mais comment dire ? On perd tout ce qui faisait le charme de la licence.

Déjà, la musique pop est omniprésente, Tina Turner oblige. Nous sommes en 1985 et on assiste à tout ce qui est mauvais dans un blockbuster. La violence a disparu pour que le film soit tout public, les enfants étant clairement la cible. Ce sont eux les stars du film et la construction même de l'univers se base là-dessus. Le pétrole est remplacé par du caca (car c'est drôle) géré par un nain. On perd toute la partie route et voiture, car les enfants ne peuvent bien sûr conduire et donc s'identifier. Un train prend donc cette place en fin de film. C'est un spectacle digne du cirque, une ambiance grandiloquente et non une violence crue qui glace le sang des spectateur par son réalisme. On a mal pour Max qui se retrouve au milieu de ces gosses sans savoir quoi en faire. La saga évolue dans la mauvaise direction mais conserve le principe d'aventures indépendantes.

LE RETOUR DES PUNKS

Après ce troisième film vivement critiqué par les adultes, mais apprécié par les enfants, Mel Gibson passe à autre chose. En effet, en 1986, c'est le début de l'Arme Fatale, l'autre grande saga de l'acteur. De son coté, le réalisateur George Miller réalise Les Sorcières d'Eastwick avec Jack Nicholson en 1987, puis Lorenzo avec Nick Nolte. Le second est un échec, tout comme Babe 2 en 1998, qui est pour le coup un méga flop aux USA. Le réalisateur retrouve un succès en 2006 avec Happy Feet et sa suite en 2011, mais il ne pense qu'au retour du Max qui a été repoussé dès les années 90 puis oublié. Mel Gibson est un temps attaché aux rumeurs alors qu'un script semble être prêt dès 2003. On passe d'abandon en abandon, soit à cause du décor envisagé, soit à cause de choix artistiques. Finalement, c'est Tom Hardy qui reprend le rôle alors qu'on lui adjoint Charlize Theron qui prend une place (trop ?) importante dans le scénario. La sortie du film est plusieurs fois repoussé mais ce projet long à concrétiser arrive enfin en salle en 2015. Tom Hardy a même signé pour quatre films, dont un second déjà en chantier. Avec un budget de 100 millions de dollars, Miller s'est clairement fait plaisir pour son retour dans cet univers. Ce qui va suivre n'est que mon humble avis.

Les premiers films étaient un peu innocents dans leur construction, comme si Miller défrichait un genre à lui tout seul. Trente ans plus tard, au lieu de profiter de tout ce qui a été fait depuis et de son recul sur sa propre saga, il nous livre un film encore imparfait, comme les précédents. Ce qui est franchement appréciable, c'est le retour à un univers mature, où la violence est explicite. C'est très beau et remplit d'excellentes idées, notamment toutes ces références au monde actuel mais aussi aux précédents Mad Max (comme le délire autour du V8). La route est de retour et cette fois l'eau remplace le pétrole comme ressource primordiale. Mieux : les enfants sont mis de côté, mais ils sont remplacé par une morale féministe qui est omniprésente. Furiosa (Charlize Theron) seule suffisait pour nous montrer que les femmes sont toutes aussi capables que les hommes de survivre dans ce monde. Non, il fallait nous placer quatre top-modèles inutiles, puis une bande de vielles femmes. Quant au scénario, il n'est qu'une répétition ininterrompue de la même scène. C'est alors à chacun d'accrocher ou non au rythme proposé, chaque scène étant plus ou moins appréciées selon les spectateurs. La hype était énorme et le contrat est rempli, on a un vrai Mad Max, mais comme dans tout Mad Max, le scénario est imparfait et certains choix superflus (que penser des scènes en accéléré ???). Dans le fond, le jeu vidéo produit pour la sortie du film est peut être le meilleur compromis : s'amuser comme on veut dans un univers incroyable.  

Le monde de Mad Max est encore bien vivant et il est tout aussi fou que dans nos souvenirs. Gageons que les années à venir vont faire naître de nouvelles histoires (jeu vidéo, comics, prochains films) qui seront à la hauteur de ce mythe.

Aucun commentaire

Tags

Sur le même thême

Pop Fixion

A propos de Pop Fixion

Pop Fixion est un magazine proposant des articles sur la Pop Culture et ses médias : comics, mangas, BD, jeux vidéo, films, animation, séries tv et romans.

Informations complémentaires

Vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent conformément à l'article 34 de la loi "Informatique et Libertés" du 6 janvier 1978. Vous pouvez à tout moment demander que vos contributions à ce site soient supprimées.