11 mois et une semaine après ses débuts sur Netflix, Daredevil est revenu pour une deuxième saison dans la droite lignée de la première. Mais est-ce réellement le cas?
Retrouvez l'analyse de la première saison ici.
On le sait aujourd'hui, mais avril 2015 a été un mois charnière pour Marvel, qui a tenté le pari d'adapter ses personnages via une nouvelle formule moins familiale sur la plateforme Netflix. Alors que le cinéma était devenu un véritable moyen d'assoir sa popularité auprès du grand public sans jamais faillir, Avengers Age of Ultron en sera la preuve le même mois, il faut reconnaître que Marvel devint de plus en plus entaché par son rachat Disneyen auprès d'une frange du public. Marvel Studios avait choisi une direction cinématographique riche en humour, acteurs charismatiques et scènes d'action qui plaisent aux rétines mais de plus en plus, certains spectateurs trouvaient ce schéma lassant et fade d'un point de vue artistique.
L'adaptation de certains héros Marvel en séries TV était donc du pain béni pour satisfaire ce public fatigué des films et convaincre toujours plus de personnes que les personnages de comics peuvent être dignes d'interêt. Vint donc Daredevil saison 1 et ses 13 épisodes diffusés en même temps dans plusieurs pays, avec ses mafias, ses combats violents, ses blessures nombreuses et ses méchants sans concessions. Il faut le reconnaître, avec cette série, une brèche a été ouverte concernant les adapatations super héroïques: meurtres, sang, thématiques adultes, tout cela est envisageable, d'autant plus que cela est bien réalisé. Le succès aidant, on met en avant le fameux plan associant Marvel et Netflix : 4 séries individuelles sur Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage et Iron Fist qui mèneront à une série commune The Defenders. Les castings de Jessica Jones et Luke Cage arrivent rapidement, on nous promet ce côté sombre et violent pour Jessica Jones, et logiquement une saison 2 est rapidement annoncée pour Daredevil même si le plan de départ pour les séries Netflix semble maintenant modifiable en fonction des résultats.
Une nouvelle saison implique de nouveaux fils conducteurs proposés aux spectateurs, s'il ne s'agit pas de faire un sypnosis détaillé, il est important de comprendre ce qui a été proposé dans cette nouvelle production, d'analyser ses liens avec les premières saisons et les nouveautés qu'elle apporte pour Daredevil et Marvel en général.
L'histoire
Qu'on se le dise, la saison 1 de Daredevil avait marqué les esprits de par la présence d'un méchant intéressant, surprenant et torturé : Wilson Fisk. Si la fin de la saison laissait la possibilité d'une réaparition du personnage, il faut s'accorder sur le fait que son arc narratif était parfaitement conclu avec sa chute physique et morale effectuée dans un face à face final avec Daredevil.
On démarre donc une nouvelle aventure sans réellement savoir vers quoi on va aller, si bien entendu on est hermétique à toute annonce faite dans les différents médias pendant la production de la série. Matthew Murdock est devenu Daredevil, Fisk regarde inllassablement le mur de sa cellule et toutes les relations connues de Matt semblent vouloir poursuivre leur rôle. C'est au final des actes très quelconques qui vont servir de prétexte pour démarrer la saison 2, des criminels meurent, différents gangs font leurs affaires et Daredevil enquête là dessus. Finies les histoires de complots mafieux, de grands pontes qui dirigent dans l'ombre, non, le Démon de Hell's Kitchen fait face à la criminalité désorganisée ordinaire. Malheureusement pour lui, son quartier est d'autant plus violent et ça, le Diable Aveugle s'en rendra compte très rapidement de manière physique.
Cette gangraine va donc être le terrain propice pour introduire un personnage Marvel important : Le Punisher. Un ancien soldat qui, après un drame, décide de dézinguer à tout va de nombreux criminels à coups de fusils d'assaut et de crocs de boucher. Comme dans les comics, ce personnage servira d'échelle de moralité pour Daredevil qui observe, sans pouvoir agir réellement, des actes atroces commis au nom du bien. Un joli prétexte qui permettra aussi de mettre en scène le duo Foggy Nelson/Matt Murdock, car si Daredevil arrive difficilement à combattre le Punisher, son côté diurne et légal peut trouver des éléments qui l'aideront à bannir des rues ce justicier tueur.
La série va donc mettre en avant le travail du cabinet d'avocats, pendant un bon nombre d'épisodes, aidé par Karen Page qui continue de vouloir trouver des réponses contre balles et fusillades. On a ainsi le droit à des difficultés idéologiques pour Daredevil face aux agissements du Punisher, mais aussi à des problèmes financiers et juridiques pour Murdock qui va s'opposer au procureur de la ville. C'est donc dans ce tourbillon négatif qu'apparaît le mystérieux personnage d'Elektra, ancien amour torturé de Matt et surtout femme qui garde bien des secrets.
Ces éléments mis en place, on suit donc un peu une descente aux enfers pour Daredevil et pour Matt qui ne sait plus quelle partie de sa personnalité doit gérer les évènements importants de sa vie sentimentale, le travail juridique et les deux compères sanglants que sont le Punisher et Elektra.
Réalisation et narration
Le succès critique de Daredevil était venu grâce à une maîtrise artistique importante liée au travail de Drew Goddard et Steven S Knight. L'équipe entre la saison 1 et 2 ne change guère, ce qui implique une direction artistique fidèle à ce qui a été fait précédemment.
Pour ce qui est de la narration, cette nouvelle saison reprend les bases de la première mais en les accentuant. Ainsi, les tous premiers épisodes laissent planer un mystère sur le nouveau juticier tueur en ville, comme avec Fisk à l'époque, et vont rapidement développer toute une trame autour de l'arrêt des exactions punitives de Frank Castle. Il est l'élément de construction principal du récit, puis se fera remplacer par Elektra vers la moitié de la saison. En ce sens on peut considérer qu'il y a une segmentation assez évidente, même si les intrigues se croiseront.
Le rythme continue quant à lui d'être assez posé, on avance dans l'ordre, étapes par étapes grâce aux actions de Daredevil, Matt Murdock ou même Karen. La période de temps reste courte avec une histoire se déroulant sur quelques jours et les transitions entre épisodes généralement sont inexistantes pour reprendre directement là où a eu lieu la coupure. On pourra néanmoins reprocher une longueur concernant la résolution de l'intrigue du Punisher qui ne fait pas entrer en jeu assez d'éléments secondaires par rapport à la très chère Elektra.
La réalisation, quant à elle, continue son travail. Difficile de passer après les scènes chocs de bastons au cours de la saison une où les chorégraphies et la mise en scène étaient remarquables. Vous avez dit couloir ? C'est donc semblable dans la saison deux avec quelques nouvelles tentatives comme avec l'utilisation de ralentis plus prononcés pour mettre en avant l'utilisation des sens par Daredevil. Outre ces quelques petits effets graphiques, il faut noter que la saison 2 est bien plus démonstrative, la violence y est plus visible, les blessurres infligées par les coups et le armes sont affichées en premier plan. Si certains y voient de la surenchère pour coller à un public toujours plus friand de "gore light" et d'images dites adultes, on peut aussi aisément expliquer ce choix visuel par le récit devant être raconté. Le Punisher est violent, Elektra n'hésite pas à tuer et Daredevil ne sort pas la tête de l'eau, quoi de plus normal que d'accentuer ces états de fait d'un point de vue graphique. Le ton est donné dès la fusillade irlandaise du premier épisode, un tuerie démonstrative et explicative du contenu de la saison.
La mythologie Marvel
Le premier grand défi de cette nouvelle saison était d'arriver à adapter, enfin diraient certains, sur écran les personnages du Punisher et d'Elektra. S'il paraît difficile de désapprouver les choix faits pour Frank Castle, il est déjà plus compliqué d'être certain que la meilleure voie ait été choisie pour Elektra. Il est par contre important de retenir que tout comme dans la saison 1 qui voyait naître le vrai Daredevil au bout de 13 épisodes, on voit ici la naissance des réels Punisher et Elektra à la toute fin de la saison 2.
Jon Bernthal incarne très bien le personnage bourru et monocentré du Punisher, c'est une personne totalement brisée tout au long de sa vie qui va s'édicter des règles de vie violentes pour compenser ses malheurs. Bien que totalement répréhensibles, ses actes restent guidés par une morale, ce que Karen percevra tout le long des épisodes. C'est un bon combatant au corps à corps, il n'a pas peur de se blesser et utilise tout moyen lui permettant d'atteindre rapidement ou non ses objectifs. On comprendra néanmoins que, tout au long de la série, la dichotomie Frank Castle/Punisher tendra vers une disparition de l'homme remplacé dans une apparition finale par son avatar squelettique. Frank a perdu là où Matt continue tant bien que mal d'exister malgré Daredevil.
Elodie Young a eu la lourde tâche d'endosser le rôle particulier d'Elektra. Soyons honnête, son interprétation est bonne dans le sens où on voit bien qu'elle a su suivre les directions données par les scénaristes. Elle joue une femme aux différentes facettes, pouvant à la fois tuer avec délectation et abandonner ce côté obscur pour un amour sans obligations avec Matt. Le personnage Netflix a ainsi un grain de folie important, et c'est principalement ce qui pourrait laisser perplexe les amateurs de comics. Si ce côté barré la rend imprévisible, il faut admettre qu'elle peut faire penser parfois plus à un Tueur amusé type Deadpool qu'un assassin réfléchi. Là encore on voit la construction du personnage tout au long de la série et on voit bien qu'Elektra se rapproche de plus en plus d'une personne tuant facilement et dont la frontière bien/mal sera très floue.
Pour conclure avec cette adaptation de l'univers Marvel, il faut parler inévitablement de la Main qui est en fait la réelle menace de la saison et du futur de Daredevil. Comme supposé pendant la saison 1, se sont bien les Yakuzas qui sont liés à cette organisation criminelle et mystique. Les Ninjas sont enfin montrés et sont bien des guerriers imperceptibles même pour Daredevil. On comprend de plus que c'est une organisation millénaire qui a su dompter la mort, une information cruciale pour le futur de certains personnages même si le sujet reste peu montré à l'écran pour ne pas s'aventurer trop vers des territoires peu réalistes.
La mythologie Daredevil
Il n'est pas si facile de construire tout un environnement qui fonctionne autour d'un personnage, et pourtant cette deuxième saison nous confirme tous les efforts faits d'écriture à ce niveau.
Bien entendu, Karen Page et Foggy Nelson sont essentiels et forment une certaine trinité avec Matt Murdock, un trio tellement indispensable qu'il apparaît dans tous les épisodes de la série. Les relations de Foggy et Karen avec Matt vont donc être au coeur du sujet et parasités par la vie de Daredvil. Ils apporteront de plus des éléments décisifs dans l'intrigue du Punisher, preuve une fois de plus que l'on ne suit pas que les actions salvatrices du héros Daredevil dans la série.
Il y a ensuite toute une ribambelle de personnages secondaires qui se voient de nouveau mis en avant, voire même deviennent essentiels. Mitchell Ellison et le Sergent Brett Mahoney vont ainsi apparaître régulièrement comme des points de repère de cette vie new-yorkaise qui essaient de s'insérer dans ces problématiques super-héroïques. Ils sont au final la représentation de ce peuple qui essaie de trouver le meilleur moyen de combattre la pourriture du quartier avec cynisme ou bon sens.
D'autres personnages démontrent une importance inattendue. Melvin, l'ancien fabricant de costumes de Fisk est devenu l'allié de Daredevil et lui fournit tout son équipement, jusqu'à la fameuse canne téléscopique. Claire l'infirmière continue malgré elle d'être impliquée dans toutes ces aventures et sera même cette fois-ci bien plus impliquée dans la violence venant du Punisher et de la Main. Des étapes qui la font aller gentiment vers un probable nouvel avatar connu des amateurs : L'infirmière de nuit. Enfin, Stick, le mentor de Daredevil fait un retour inattendu. Si la saison 1 laissait présager qu'il était aux ordres d'une organisation mystérieuse, il faut reconnaître qu'il devient ici crucial dans la relation qui unit Daredevil à Elektra. Scott Glenn reste épatant dans le rôle de ce vieil aveugle bien plus savant et puissant qu'il ne le laisse paraître. On regrettera néanmoins de ne pas en savoir plus concrètement sur son organisation, bien que ses objectifs soient définis.
Enfin, là aussi de manière surprenante se sont les méchants de la première saison qui reviennent montrer signe de vie à leur façon. Fisk a droit à ses scènes et montre qu'il est bien le Caïd intelligent que l'on connaît, sa force n'étant pas en reste comme le vivra douloureusement Matt Murdock. Nobu, le Yakuza est de retour, la Main oblige, et Madame Gao, cette dirigeante chinoise du trafic de drogue qui avait fait le lien avec le projet Iron Fist, est toujours présente. La présence de ces personnages montre bien au final que Daredevil n'a pas franchement réussi à débarasser du crime le quartier de Hell's Kitchen, et que ses actions ne sont peut être pas forcément des bénédictions.
L'univers partagé
Tout comme la première saison, les nouveaux épisodes restent assez pauvres en connexions avec l'univers cinématographique. Il est toujours évoqué les êtres "hors normes", les évènements du film Avengers à New York toujours affichés dans le bureau de Ben Urich mais rien de plus. L'univers des séries se développe un peu plus grâce au personnage de Claire qui évoque sa rencontre avec Jessica Jones. C'est d'ailleurs autour de cette deuxième série que va se faire le plus gros lien avec l'apparition de l'avocate Jeri Hogarth, qui semble avoir dépassé sa rencontre avec KillGrave.
Le reste est ensuite rempli de pistes pour le futur de la série ou de l'univers Netflix. Le côté mystique de la Main, qui a commencé à être développé, permet clairement de préparer le terrain au personnage d'Iron Fist qui aura besoin de ces rituels et dons inexpliqués pour être crédible. Elektra et le Punisher sont clairement construits comme des personnages qui réapparaitront, comment est par contre une question à laquelle il est difficile de répondre. Si on imagine facilement le Punisher croiser la route d'un héros à cause d'une affaire commune, en particulier par rapport à une nouvelle enquête dont le seul indice est présent sur un CD au contenu obscur, Il est clair qu'Elektra ne pourra être qu'un enjeu d'une prochaine intrigue centrée sur son nouveau rôle d'élément majeur de la Main. Tout comme Fisk, qui montre parfaitement qu'il pourrait devenir l'ennemi urbain de New York et donc de tous les héros qui y vivent.
La seule réelle énigme est en fait l'ambition de la Main et celle de Stick. On n'a pas de réelles explications sur ce qu'ils veulent, des trous géants sont vus mais pourquoi faire ? Stick et son organisation sont-ils réellement du bon côté et sont-ils réellement importants ? On pourrait se demander tout cela et il est certain que ces réponses n'arriveront pas tout de suite.
La deuxième saison de Daredevil montre à nouveau que la série à des bases solides et que son univers est bien développé. Plus sombre de par son traitement de la déchéance morale et physique du combo Daredevil/Matt, il faut aussi saluer l'apparition du Punisher. Elektra et la Main permettent d'introduire l'univers Marvel à des horizons plus mystiques. Reste à voir si ces ajouts vont être biens traités après les quelques changements opérés sur la dangereuse amoureuse de Matt.