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Stranger Things la petite perle des années 80... mais en 2016

Retour vers le Futur, les Goonies, les Gremlins, E.T.... Ces films sortis dans les années 80 ont inspiré, par leur ambiance, le carton de l'été : Stranger Things.

Stranger Things est une série de Science-Fiction, teintée de Fantastique et parfois horrifique, disponible depuis juillet 2016 sur le service de vidéo à la demande Netflix. La première saison se compose de 8 épisodes, d'environ 50 minutes.

Elle est la création de Matt et Ross Duffer, déjà au scénario de Hidden, un film d'horreur de 2015 avec Aleksander Skarsgård, et de quatre épisodes de Wayard Pines, la série à mystères de la Fox. S'il est assez difficile de résumer la première saison sans spoiler, voici tout de même une petite mise en bouche : en 1983, à Hawkins, dans l'Indiana, la vie d'un groupe de gamins est bouleversée lorsque leur meilleur ami disparaît subitement. Si la mère de ce dernier s'attend au pire, personne, en revanche, ne peut se douter de ce qui se trame dans l'ombre...

Bienvenue à Hawkins

Selon le propre aveu des showruners dans une interview réalisée pour Rolling Stones, Stranger Things fut d'abord rejetée par un grand nombre de networks (de 15 à 20 fois) avant d'atterrir sur Netflix, qui offrit aux Frères Duffer une liberté totale. Les autres groupes avaient même osé demander aux Duffer de se concentrer sur les enfants et d'adoucir le ton de la série ou de faire du shérif de la ville un enquêteur du paranormal.

Or, ils ont eu un sacré instinct pour ne pas suivre les sirènes de la facilité. En effet, le succès de la série fut presque immédiat, puisqu'au bout d'un mois seulement les audiences atteignirent 14 millions de vues d'après Symphony Advanced Media. C'est ainsi la troisième série la plus regardée sur Netflix (derrière le relaunch de La Fête à la Maison et la saison 4 de Orange is the New Black) et, sur Internet, il se murmure même que le show est désormais autant regardé que Game of Thrones, ce qui n'est pas rien !

Il ne peut pas s'agir d'un effet de curiosité car les spectateurs donnent généralement des avis très positifs (76/100 sur Metacritic, par exemple). Ils reconnaissent le souci du détail qui nous replonge dans les années 80. Certes, l'ambiance est sombre, parfois dérangeante, mais il est difficile de ne pas se prendre au jeu tant les acteurs sont bons et l'intrigue passionnante sans se révéler trop complexe pour une introduction. Le big boss de Netflix, Reed Hasting, a déclaré à propos d'une éventuelle deuxième saison, qu'il « faudrait être idiot pour ne pas la faire ». Affaire à suivre, donc...

Des personnages archétypaux...

Disons le tout net : les personnages ne révolutionnent guère le monde des séries, mais ils sont suffisamment efficaces et intéressants pour que l'on s'attache à eux. En effet, les « héros » de Stranger Things sont, pour la plupart, des gens ordinaires de la ville d'Hawkins, bien qu'ils répondent à un certain nombre de modèles archétypaux, directement issus de la culture populaire (romans ou œuvres cinématographiques).

Le groupe de gamins nous évoque immédiatement la bande des Goonies, le film culte de Richard Donner, aussi réalisateur de Superman : Le Film sorti en 1985. Par leur courage, leur chance éhontée et leur humour potache, ils incarnent une légèreté évidente dans la série, des innocents perdus dans un monde sombre. Finn est le héros courageux et généreux ; Dustin, au physique imparfait tel « Choco » (Jeff Cohen) dans Les Goonies, compense un manque de confiance en lui-même par son humour ; Lucas est le plus malin, il est doué pour construire des choses, concevoir des plans, etc. Will est le McGuffin de la série, c'est-à-dire que c'est lui qui déclenche la « quête » lorsqu'il vient à disparaître dès le début du premier épisode.

Joyce et Karen représentent toutes deux la figure de la mère. L'une est mariée, a trois enfants, et semble provenir tout droit des années 50, bien qu'elle semble commander dans son foyer; l'autre est une maman qui ne perd jamais de vue son objectif, retrouver son fils Will, bien que les scénaristes ne nient pas sa sexualité puisqu'elle est peu à peu séduite par le policier. Celui-ci représente d'ailleurs la figure du père, bien qu'il ne soit pas directement lié aux enfants. Il est ce flic bourru et taciturne, cet homme sceptique toutefois bon et rassurant qui acceptera peu à peu l'existence d'un monde extraordinaire. Eleven est l'enfant qui possède des dons hors du commun mais qui craint les adultes à cause de son passé. Elle devra donc apprendre à concilier son humanité et ses pouvoirs pour s'accomplir pleinement.

...Beaucoup de personnages

Toujours dans les personnages clés, nous retrouvons également les adolescents en mal de popularité, qui ne pensent qu'au sexe et à faire la fête, mais surtout la jeune fille qui, en réalité, ne s'intéresse pas à tout ça. Elle est attirée par le « type bizarre » que personne ne regarde vraiment. Ce dernier est présent dans de nombreux univers de fiction. Il est souvent brillant, généreux et courageux, le spectateur s'identifie plus facilement à lui car il est « impopulaire ».

Enfin, bien sûr, on retrouve la grande figure du méchant, ici le « savant fou », une figure classique de la fiction (Le cabinet du Dr Caligari, de Robert Wiene, 1920 ou encore le Dr Frankenstein, de Mary Shelley). Certes il peut être doté de bonnes intentions (Doc dans Retour vers le Futur) mais aussi de mauvaises (ennemis de James Bond). Quoi qu’il en soit, ce personnage se prend presque toujours pour Dieu et joue avec des forces qui le dépassent. Si, dans Stranger Things, le professeur n'est pas fou, il est en revanche froid et distant.

Concernant les personnages secondaires, nous faisons également connaissance avec l'archétype du rival, une figure très présente dans les films des années 80/ 90. Celle-ci sert d'obstacle puisque, pour parvenir à progresser dans l'intrigue, les héros doivent le surmonter. C'est aussi souvent une figure de violence qui rappelle au spectateur que le monde n'est pas tranquille (cf le rival dans Edward aux Mains d'Argent). L'on retrouve aussi l'archétype de l'enseignant, assez proche du scientifique mais qui est bon et apprend beaucoup au personnage principal. Il sert de mentor. Dans la série, c'est le professeur de sciences qui remplit ce rôle de guide et qui conseillera les enfants au fil des épisodes.

Le Casting

L'un des éléments phares de ce casting est, bien entendu, Winona Ryder, révélée dans Beetlejuice (Tim Burton, 1988) et qui a rencontré son succès grâce à Edward aux mains d'argent (1990, Tim Burton). Elle signe ici son retour puisqu'il faut bien l'avouer, on l'avait un peu perdue de vue ! Le rôle du flic va à David Harbour, dont la carrière est bien plus récente. On l'a notamment vu dans Quantum of Solace, Green Hornet ou la série Pan Am. Autre visage connu des sérivores, celui de Cara Buono, qui joue la mère de Finn, et qui est passée dans la série New York 911.

L'ennemi de l'histoire prend les traits de Matthew Modine, une autre vedette des années 80 que l'on a pu voir dans Full Metal Jacket ou, plus récemment, dans The Dark Knight. Soulignons également que les enfants sont d'illustres inconnus, ce qui est souvent le cas des productions qui mettent en avant des gamins.

Une ambiance

Depuis la fin de Lost, les « séries à mystères » se font rares. Il y a bien eu des tentatives comme Flashforward mais elles ont lamentablement échoué. Twin Peaks et Lost restent donc les deux grosses références de ce genre pas si simple. Or, Stranger Things est bien plus proche de la série de David Lynch que de celle d'Abrams. On est même, il faut l'avouer, dans une sorte de « roman » de Stephen King, avec un microcosme, une société ordinaire qui voit surgir dans son monde de l'extraordinaire. En fait, si les thèmes se rapprochent de la Science-Fiction, le concept de départ est purement fantastique, au sens premier du terme : du surnaturel qui intervient subitement dans le quotidien. On pourrait même avancer que nous nous trouvons dans une version adoucie de H.P. Lovecraft. En effet, dans les romans de ce dernier, des créatures surgissent souvent des profondeurs, des créatures que nul homme ne peut s'imaginer. Dans Stranger Things, c'est assez proche puisque des monstres s'échappent du Monde de l'Envers (Upside Down en VO).

Concernant l'intrigue des enfants, on peut clairement parler de quête. Ils sont à la recherche d'un « objet » perdu, leur ami Will. Et, au fur et à mesure, leur aventure se transforme en quête initiatique, les gamins vont devoir apprendre, grandir, souffrir pour pouvoir progresser. On oublie souvent le côté scientifique de la SF, et Stranger Things nous le rappelle fréquemment avec une intrigue scientifico-fictionnelle mise en place dès le pilote mais également différentes expériences, mises en avant par le professeur de sciences du collège. L'ambiance de la série est sombre, il faut le souligner. Le thème du générique, joué au synthétiseur qui évoque immédiatement les années 80 (sortie du Yamaha DX7, utilisé par de nombreux artistes à cette époque), nous plonge dans une sorte d'anxiété. Le titre au néon se montre, plutôt sobre, sur un fond noir. Pas de visage des acteurs. On est immergé dans la fiction.

Chaque épisode se nomme « Chapitre » et il faut préciser que la première saison se suffit à elle-même, bien que les dernières minutes du dernier épisode ouvrent quelques possibilités d'intrigues pour la deuxième saison. Toutefois, on ne se sent pas pris au piège par un cliffhanger haletant, ce qui est appréciable de temps en temps. Dans Stranger Things, on a donc un mélange de genres, une série hybride, du drame, de la comédie, du fantastique, de la SF et même de l'horreur. À tel point que Netflix s'est amusé à piéger les jeunes acteurs de la série lors d'une interview. En effet, elle leur a fait croire que les objets dans la pièce se mettaient à bouger tous seuls et que les lumières clignotaient mystérieusement...

Les références

Les showruners ont fait des trois garçons des geeks des années 80, des gamins passionnés de nouvelles technologies, adeptes des sciences et fans de tout ce qui touche à la culture populaire. C'est donc presque légitime de retrouver dans cette série un concentré de références aux eighties ! Par exemple, les gamins sont férus de Jeux de Rôles et plus précisément d'un monument du genre, Donjons et Dragons. Ils finiront même par nommer la créature du Monde de l'Envers Demogorgon, comme le Prince des Démons du jeu. Bien sûr, en tant que geeks, les garçons lisent des comics puisqu'ils se comparent à différents X-Men. D'ailleurs les pouvoirs de Eleven sont très proches de ceux de Jean Grey. Autre référence ultime de la culture populaire, la saga Star Wars (Le Retour du Jedi est sorti en 1983, année durant laquelle se déroulent les événements de la série) est évoquée à plusieurs reprises pendant les épisodes. En effet, Finn montre à Eleven une figurine de Yoda, Mike possède une réplique du Faucon Millénium et ce dernier se remémorera même la trahison de Lando Calrissian dans l'un des derniers épisodes. Les placements de produits des années 80 sont également légion durant les huit épisodes de cette première saison. On apercevra ainsi des Pringles, des bonbons PEZ, et même une publicité pour du Coca Cola (qui scande « Coke is it ») directement reprise... de E.T.

De plus, les frères Duffer ont truffé leurs plans de références aux films des années 80. Il serait fastidieux de constituer une liste exhaustive ici, d'autant que de nombreuses vidéos ont été faites sur le sujet, que je vous invite à aller voir ! La plus frappante, pour moi, c'est la scène de la poursuite qui a lieu vers la fin de la série. Des camions du gouvernement s'élancent derrière les quatre héros (les garçons et Eleven) montés sur des vélos. Chaque plan est presque calqué sur E.T. de Steven Spielberg (sorti en 1982), on s'attend même à ce que les vélos décollent... mais je ne vous en dévoilerai pas plus pour cette scène afin de conserver votre surprise ! De nombreuses scènes et de nombreux thèmes sont ainsi fortement inspirés de films de science-fiction et d'aventure de l'époque. Nous pouvons citer, dans le désordre, Alien (de Ridley Scott, 1979), Les Goonies (de Richard Donner, 1985), Poltergeist (de Tom Hooper, 1982) ou encore The Shining (Stanley Kubrick, 1980). Bien sûr, je le répète, les références à la pop culture sont si nombreuses que je ne les citerai pas toutes. Un dernier petit clin d'œil : l'affiche de Stranger Things évoque le style des posters des années 80, notamment Star Wars et Indiana Jones.

Pourquoi s'inspirer des années 80 ?

Au-delà du fait que les jeunes téléspectateurs de l'époque sont désormais les trentenaires et quarantenaires d'aujourd'hui, il faut reconnaître que les années 80 sont un vivier à bonnes idées. Hollywood n'avait pas sombré dans la mode des reboots, des remakes à outrance (même s'il y en avait quelques-uns, comme Scarface de Brian de Palma, 1983, adapté d'un film de 1932). Les projets qui voyaient le jour étaient originaux. Il existait des films familiaux, bien sûr, comme Star Wars, Indiana Jones, Robocop, Ghostbusters ou encore Retour vers le Futur, mais aussi des films de genres un peu plus complexes tels Alien, Terminator ou Blade Runner.

Toutefois, ces films, devenus cultes pour toute une génération, appartiennent au cinéma populaire, c'est-à-dire qu'il a séduit une large gamme de spectateurs tout en offrant des intrigues extraordinaires. Peut-on parler de blockbusters ? Oui, sûrement pour certains d'entre eux, mais ces films ne bénéficiaient pas du formidable outil de communication qu'est Internet où se déchaînent les passions pour le meilleur et pour le pire.

Ces films ont toutefois franchi la barrière du temps et restent, aujourd'hui, des références, tout comme leurs réalisateurs (Steven Spielberg, John Carpenter, George Lucas, Robert Zemeckis, Joe Dante, David Lynch et bien d'autres). Finalement, la plupart des remakes d'aujourd'hui sont issus des années 80 et 90 (autre vivier de films cultes comme Jumanji ou Jurassic Park) car ils ont nourri la culture populaire par leurs acteurs désormais célèbres (Bruce Willis, Harrison Ford, Sigourney Weaver, Bill Murray, Robin Williams, etc.) et surtout par leurs concepts forts et originaux.

Que vous soyez né dans les années 80 ou non, ce petit bijou signé Netflix est un must-see. Certes, il joue sur la nostalgie mais pas uniquement. Cette série n'est pas une simple copie conforme, elle a sa propre identité, elle possède des personnages attachants, drôles, émouvants, parfois troublants. Nul doute que Stranger Things saura vous séduire !

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