Les séries animées sont souvent associées à un style enfantin pourtant certaines de ces séries se veulent matures. Rick and Morty fait-elle partie de cette catégorie-là ?
Quand on pense à une série animée, on ne s’attend pas forcément à un show d’une grande qualité visuelle et réflexive. Dans l’inconscient collectif, une série animée est synonyme de quelque chose de léger voire, au pire des cas, enfantin. Pourtant, un certain nombre de séries ont réussi à passer outre la vision biaisée de ce type de série, pour créer et développer un univers unique, des personnages forts tout en ayant un fond de réflexion destiné non pas aux enfants mais bien aux adultes avec des thématiques beaucoup plus sérieuses. Cela crée alors un décalage entre le média d’origine, à savoir le dessin animé qui est visuellement différent de la fiction normale (coloré, personnages aux traits amusants, la musique etc.), et le propos qui est développé dans la série. C’est dans cette mouvance des séries animées pour adultes qui se veulent plus matures (telles que Gravity Falls, Archer ou Borse Horse Jackman), que l’on a vu débarquer Rick and Morty sur la chaîne câblée Adult Swim. Créée par Dan Harmon, qui est entre autres le créateur de l’excellente série Community, et par Justin Rolland, la série se pose avant tout comme une série de science-fiction humoristique avec deux aventuriers, un grand-père et son petit-fils qui vont vivre des aventures extraordinaires dans l’espace, des univers parallèles, rencontrant des aliens et des monstres hauts en couleurs.
Une série qui parodie la pop-culture
Le pitch de la série est lui aussi assez simple. Rick est un génie scientifique qui a récemment repris contact avec sa fille, Betty mais aussi avec la famille qu’elle a fondée avec son mari Jeff et leurs deux enfants : Morty et Beth. Rick étant tombé dans l’alcoolisme depuis des années à cause de son engagement dans de nombreux projets, que l’on découvrira au fur et à mesure de la série, il n’a jamais réellement connu sa famille et il décide de se racheter en venant vivre chez sa fille. Il va cependant nouer un lien très fort avec son petit-fils, Morty, qu’il entraine dans des aventures aussi incroyables que farfelues.
En apparence, la série est une série humoristique animée tout ce qu’il y a de plus classique. Elle utilise une galerie de personnages tous autant caricaturaux les uns que les autres. Prenons d’abord le duo de protagonistes de la série, eh bien ce sont directement des parodies du duo classique de la science-fiction des années 80, à savoir Doc et Marty de Retour vers le Futur. C’est une volonté des créateurs, qui n’a jamais été cachée puisque c’est de ce postulat qu’est partie l’idée de la série, de parodier ce duo iconique des films des années 80 et de les réadapter de manière satirique et acerbe, le tout au travers des concepts scientifiques les plus connus. Ainsi, la série se contente dans sa première saison de faire des parodies et des reprises des idées issues des 80’s comme par exemple le troisième épisode de la saison 1, appelé « Anatomy Park » qui reprend tous les codes visuels et scénaristiques du film Jurassic Park (mais aussi de Chérie j’ai rétréci les gosses) sauf, qu’à la différence du film, c’est bien Morty qui est plongé dans le domaine subatomique d’un SDF où le docteur Blum, un anticorps, a fondé son propre parc d’attraction en utilisant chaque partie du corps comme une attraction (on trouve aussi bien pirates des pancréas que rate mountain)… Au-delà du délire totalement assumé du scénario, l’épisode est un moyen de rendre hommage à la culture populaire dans son ensemble et c’est ce que fait la série tout au long de ses épisodes. On enchaîne ainsi les épisodes pour voir que les éléments vont alors être réinventés et c’est un véritable plaisir de parcourir la série afin d’essayer de capter l’ensemble des petites références dissimulées dans les dialogues, que ce soit envers l’univers geek ou bien encore envers le milieu de l’entertainement américain en général.
L’intérêt de la série réside aussi dans son caractère comique qui est très bien travaillé. On peut le voir au travers des références décrites précédemment mais aussi avec des dialogues extrêmement bien écrits où les personnages ont tous un sens de la répartie assez développé, mais aussi des tics de langage, qui renforcent le côté humain des personnages, et le comique. Par exemple, Morty se met à bégayer dès qu’il en situation de stress ou encore Rick qui peut se mettre à boire sa liqueur et roter l’instant d’après même dans des situations graves… Les situations absurdes et burlesques sont aussi des facteurs importants du ressort comique de la série. D’autres éléments comme le rythme des épisodes qui est très rapide (les épisodes font seulement 20 min) arrivent à créer une dynamique de récit qui ne laisse pas respirer le spectateur, sans créer de temps morts avec de l’exposition inutile tout en laissant le temps aux personnages d’être développés à chaque épisode.
Des thématiques matures et diverses
Au-delà de l’idée de base assez simple, on voit que les auteurs veulent brasser des thématiques relativement adultes et assez mélancoliques : la famille, les regrets, les liens familiaux, l’achèvement au travail, les disputes conjugales etc. Le nombre de thèmes abordés est assez incroyable et il serait difficile d’en faire une liste exhaustive. Cependant, là où la première saison accumule les parodies et les clins d’œil, elle développe une vraie réflexion philosophique et métaphysique dans sa deuxième saison …On touche ainsi à la véritable force de la série qui est, selon moi, son intérêt philosophique sur des sujets que nous vivons ou que nous sommes amenés à vivre. Ici, il s’agit de présenter les pistes de réflexion lancées par la série au travers d’une liste d’exemples issus des épisodes de la série mais ne se basant que sur mes propres souvenirs et sur l’impact que cela a eu sur moi. Comme nous sommes dans une série de science-fiction, on retrouve un concept qui est cher à ce domaine : le multivers et les univers parallèles. C’est un point récurrent dans la série et ce dès la première saison avec l’épisode 8 qui voit Rick inventer une télécommande reliée à toutes les chaînes du multivers, permettant à la famille Smith de zapper sur des chaînes avec des émissions qui n’existent même pas dans notre propre réalité ! Ce concept est poussé à l’extrême lorsque dans un épisode de la saison 1, un produit mis en place par Rick détruit le monde dans lequel ils vivent, tuant toute la population en les transformant en monstres répugnants. Les deux compères décident alors d’aller dans une réalité alternative quasiment identique à la leur sauf que dans celle-ci, les deux Rick et Morty meurent dans un accident scientifique (ridicule soit dit en passant) … On va alors assister à une scène surréaliste : Rick et Morty vont alors prendre la place de leurs doubles alternatifs et vont enterrer le cadavre de leurs doubles dans le jardin familial… Cet exemple est pour moi assez explicite car il introduit parfaitement deux des thématiques redondantes de la série à savoir, la peur de la mort et l’identité. En effet, comment être unique et vivre à fond sa propre existence si l’on sait que de l’autre côté d’une barrière d’espace -temps, se trouvent des gens quasiment identiques à nous avec une vie qui est aussi fortement semblable ? Comment se distinguer de la masse de « soi » qui existe dans le multivers ? Comment ne pas ressentir une sensation d’inutilité en pensant à cela ?
Un autre épisode qui pousse à fond ce problème métaphysique, est un épisode de la saison 2 dans lequel Rick et Morty partent pour une aventure dans l’espace. Sauf qu’entre temps, Jerry, le père de Morty s’est incrusté dans le vaisseau de Rick. Ni une ni deux, les deux aventuriers placent Jerry dasn un établissement spécialisé qui se trouve en fait être une garderie galactique uniquement composée … de Jerry issus de mondes parallèles. Il va ainsi être confronté à des Jerry différents de lui comme par exemple un gang de Jerry mais il va aussi rencontrer des Jerry qui possèdent les mêmes caractéristiques que lui dans sa propre réalité : difficultés dans son couple, problème de communication avec ses enfants, manque d’ambition dans son travail (Jerry se rêve souvent en tant que star) etc. D’ailleurs le seul aspect que tous les Jerry ont en commun sans exception, est l’amour inconsidéré qu’ils portent à leurs femmes, Beth. Il y a ainsi un vrai cynisme qui est apporté par la série, au travers du concept de réalités parallèles, sur l’identité de l’individu, sur le sens que lui-même accorde à sa propre vie. Il y a aussi un épisode où Rick laisse à la famille Smith un appareil qui scanne et montre toutes les vies de leurs doubles alternatifs et ce qu’ils auraient réussi s’ils n’avaient pas fait tel ou tel choix. Beth constate ainsi que si elle n’’était pas tombée enceinte et avait dû se marier avec Jerry elle serait devenue une femme d’affaire indépendante et importante…
Une véritable réflexion métaphysique
L’autre thématique assez centrale de la série est celle de notre rapport à la vie et à la mort. Toute cette idée est exprimée au travers du personnage de Rick qui est un personnage triste, mélancolique et surtout nihiliste ? Tout ce qu’il a vu, tout ce qu’il a vécu, ont forgé la personne qu’il est actuellement c’est-à-dire quelqu’un de talentueux mais d’incroyablement morose. Un épisode en particulier vient appuyer ce point. Dans l’un des épisodes de la saison 2, Rick en à marre d’être vieux et transfère alors sa conscience dans un corps de lui-même plus jeune. Très vite, le jeune Rick qui se fait appelé Tiny Rick prend un caractère différent du vrai Rick, surnommé Old Rick, et commence à s’émanciper des choix et des convictions de Old Rick. Tiny Rick va même jusqu’à reprocher à Old Rick d’avoir gâché sa propre vie, que de toute façon il est trop tard pour lui et que rien ne pourra rattraper les erreurs passées qu’il a commises, en particulier le fait d’avoir été éloigné de sa famille, ou encore ses déceptions amoureuses.
La relation entre Rick et Morty est aussi un enjeu de la série puisqu’un épisode entier y est consacré et y explique pourquoi Rick entraine spécifiquement son petit-fils dans ses aventures, et je vous laisse la surprise de la découverte. On comprend vite que si Rick entraine Morty c’est qu’il y a une bonne raison, et ce n’est pas par simple plaisir de retrouver son petit-fils. Mais très vite, cette situation va évoluer, Rick passant alors d’un personnage triste et inhumain, à un être chamboulé par ses expériences et qui tente de se racheter un honneur au travers de la vie de son petit-fils Morty. Rick est ainsi un personnage torturé par son passé mais aussi par sa peur de l’avenir qui se profile et il tente tout pour essayer d’échapper à cette peur qu’il juge irrationnelle mais qui est bien humaine, à savoir celle de la mort. Quant à Morty, il est aussi très bien développé. Son caractère est aux antipodes de Rick : il est jeune, il est candide et a une confiance aveugle en tout ce qui l’entoure. Il ne sait pas ce que l’avenir lui réserve aussi et enfin, il est lui aussi à la recherche de sa propre identité étant donné qu’il est en plein dans l’adolescence. Dans un épisode, Morty joue à un jeu sur une station orbitale, sauf que dans ce jeu il joue à la « vie ». Il se retrouve alors plongé dans une réalité virtuelle ou il possède sa propre identité, sa propre histoire, de nouveaux amis, une nouvelle famille etc. En à peine 10 min de jeu, Morty « joue » à vivre la vie d’un homme jusqu’à ses 55 ans et finalement par mourir en tombant d’un tabouret alors qu’il a survécu à un cancer avant … À la mort de sa vie virtuelle, Morty retombe dans sa véritable réalité et est extrêmement perturbé car il avait réussi à réaliser tout ce qu’il désire en secret dans son inconscient. Et vous savez ce que dit Rick à Morty lorsqu’il finit sa partie ? « C’est une bonne partie tu as vécu 55 ans c’est beaucoup, tu devrais être fier ! »
Vous l’aurez compris, Rick et Morty est un must have pour moi. Je pense que c’est une série que tout le monde devrait voir aussi bien pour son humour visuel et référencé mais aussi pour les multiples niveaux de lecture qu’offrent la série sur notre existence et notre condition d’humain dans un environnement, à savoir notre propre univers, que nous ne connaissons au final pas du tout. J’ai ici volontairement décidé de plus me centrer sur les pistes de lecture de la série que sur son aspect comique, et j’espère que cela vous a donné envie de voir la série !