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Les Origin Stories des super-héros au cinéma : le mal du siècle ?

Depuis les premières adaptation de comics au cinéma, l'Origin Story représente la manière la plus simple de transposer les super-héros au cinéma. Mais qu'ils soient cinéphiles ou fans de comics, que peuvent bien en penser le spectateurs ?

Lorsqu'il s'agit d'adapter un comics au cinéma, la grande difficulté pour les studios est de choisir l'angle scénaristique permettant de propulser nos héros en collants sur grand écran. Entre vulgarisation d'un personnage pas forcément connu du grand public et volonté de plaire aux fans, la solution de facilité est, au moins dans un premier temps, de conter ses origines. Ce type de film porte un nom : les Origin Stories. Plongeons-nous dans ces longs métrages sources de débats et parfois de frustration pour les spectateurs.

LE JEU DES 10 000 ERREURS DU FAN DE COMICS

On l'oublie trop souvent mais le comics, dans sa version papier, tient quasiment du marché de niche. Si le fan a l'impression que tout le monde connaît les personnages qu'il affectionne tant, la réalité est tout à fait différente. Demandez à votre mère si elle connaît Doctor Strange, et vous constaterez que les super-héros ne font pas encore partie de la culture populaire à grande échelle.

De ce fait, lorsqu'une Origin Story sort sur les écrans, les attentes et les réactions du fan de comics sont bien souvent diamétralement opposées à celles du spectateur Lambda. En effet, le fan de comics connait par coeur les origines de ses héros. Il les a lues, relues, découvertes d'une autre manière à l'occasion des relaunchs, reboots ou réécritures de ces dernières. Bref ses niveaux d'exigence et de connaissance sont assez élevés.

Lorsque notre fan se rend dans une salle obscure, il est forcément pris en tenaille entre l'enthousiasme de voir son héros prendre vie et l'espoir que les origines mises en images correspondent en tous points à celles décrites sur papier. Le visionnage d'un film devient alors bien souvent un jeu des 10 000 erreurs grandeur nature. Prenons quelques exemples concrets.

ORIGINES ET DÉCEPTIONS

Wolverine Origins est le parfait exemple de la source de frustration pour le fan que je suis. En me rendant au multiplexe pour le découvrir, j'avais l'envie de découvrir une version cinématographique de la série relatant la jeunesse du mutant griffu. Au final cette partie de l'histoire dure à peine 10 minutes dans le film. Première frustration !

Ensuite le reste du film, en faisant abstraction de ses nombreux défauts, représente une trahison totale : rien ne colle. Des raisons ayant conduit à l'injection de l'adamantium, jusqu'aux motivations du personnage en passant par les personnages secondaires (dont la version la plus WTF de Deadpool), tout est bancal et au final, en tant que fan, je ne retrouve aucun des éléments qui me font aimer le personnage. Bref ma première réaction fut : quel gâchis.

Autre exemple, bien plus glorieux cette fois : Batman Begins. Oui le film est cool, oui la mise en image est efficace. Mais que fait donc Ra's Al Ghul là dedans, pourquoi le Batman, qui dans mon imaginaire est un exemple de vertu, devient-il un petit con pathétique, peu réfléchi et guidé par la colère et la vengeance ? Au final même si pour moi le film est réussi, les origines ne sont pas respectées.

LES SCÉNARIOS : ENTRE RESPECT ET LOURDEURS

Au milieu de tous ces films, il en est un respectant parfaitement l'oeuvre d'origine, il s'agit de Deadpool. Il s'agit bien d'une Origin Story et pourtant, le film ne déçoit pas pour la simple raison que les origines du personnage sont présentées de manière décalée, sous forme de flashback, et qu'elles n'empêchent pas l'intrigue du film d'avancer mais représentent le support de cette dernière.

Doctor Strange, sorti récemment, fonctionne bien également. Le film nous présente le parcours qui mènera le personnage de son état d'humain à celui de sorcier. Là c'est une pure Origin Story qui fonctionne car chaque étape est logique et superbement illustrée et parce qu'elle aboutit à un climax : l'apparition du personnage dans sa forme finale. Le film n'est toutefois pas sans défaut et le fan pourra toujours exprimer sa frustration de ne découvrir le plein potentiel du Docteur qu'à la toute fin du film.

C'est d'ailleurs l'autre critique que l'on peut généralement faire à ce type de film : la lenteur de la progression. On découvre bien souvent la genèse du personnage pendant 1h30 et profite de ses pouvoirs exceptionnels pendant les dernières minutes. L'exemple le plus frappant est la dernière version des Fantastic Four qui, en plus d'être une boucherie totale, est d'une lourdeur et d'un ennui total de par sa construction. En bref, les Origin Stories sont pour les fans une source de frustration due finalement à un trop plein d'attentes.

UN POINT D'ENTREE IDÉAL POUR LE PROFANE

Comme nous l'avons constaté précédemment, les comics ne sont pas unanimement connus. La plupart des spectateurs d'adaptations ne connaissent rien ou pas grand chose des personnages apparaissant à l'écran. Partant de là, on peut se dire que l'Origin Story est le format idéal pour ce type de public. La réponse est oui car la grande force des comics est de pousser le lecteur à s'identitifer au personnage. En choisissant le récit de ses origines les réalisateurs permettent aux spectateurs de rentrer dans l'univers du héros, de découvrir son background, de mieux comprendre ses motivations et au final de l'apprécier.

Si l'on prend le premier Iron Man, par exemple, le contrat est rempli. Un spectateur ne connaissant rien du Vengeur doré en rentrant dans la salle, en ressort en connaissant parfaitement sa psychologie, ses motivations, les personnages secondaires l'entourant et pourra ainsi aborder les suites sereinement en se disant qu'il n'est pas nécessaire de lire les BDs pour tout comprendre. Alors bien sûr, certains clins d'oeil ou easter eggs seront au mieux invisibles au pire incompréhensibles, mais s'agissant bien généralement de fan service cela n'est pas gênant.

UN MAL NÉCESSAIRE ?

Restons sur le point de vue du cinéphile et oublions un instant le caractère "adaptation de comics" des Origin Stories et posons-nous une simple question : sont elles bien nécessaires ? Depuis l'arrivée des films d'action dans les années 60, aucun personnage de franchises connues n'a eu besoin d'un opus présentant ses origines pour être aimé du public. Lors de la sortie de Dr No, les spectateurs de l'époque ont-ils eu besoin de connaître son histoire pour adhérer au personnage de James Bond ? Les origines de l'espion 007 sont restées pendant longtemps complètement mises de côté jusqu'à Casino Royal, même s'il ne s'agit pas réellement d'une Origin Story.

Avons-nous eu besoin de connaître la jeunesse d'Indiana Jones pour suivre ses aventures ? Idem pour Jack Ryan (le héros notamment de Jeux de guerre) , Ethan Hunt (le leader des équipes Mission Impossible version cinéma) et bien d'autres. Les réalisateurs et scénaristes n'ont jamais ressenti le besoin de conter les origines d'un héros avant de le projeter dans ses aventures.

Depuis leur création, les films ont toujours fonctionné sur un principe : projettons le spectateur dans un univers qui existe avec des personnages qui existent, seules les circonstances du film sont importantes et pas ce qu'il s'est passé avant. En matière d'adaptations de comics au cinéma, certains films respectent ce postulat : Watchmen ne prend pas le temps de nous expliquer (du moins pour la majorité) comment les personnages ont acquis leurs pouvoirs, il ne le fait que si c'est important pour le film et non comme une figure imposée. Les Guardiens de la Galaxie, même s'il nous conte la genèse de l'équipe, ne perd pas de temps à expliquer les origines des personnages. Le Batman de Burton suit également ce schéma à l'exception près que les origines du chevalier noir sont connues au delà du cercle fermé des lecteurs du comics.

Finalement, le format Origin Story est une solution de facilité qui oublie bien souvent que les spectateurs ne sont pas complètement neuneus et qu'ils peuvent tout à fait adhérer à un univers si ce dernier est posé convenablement. En faisant cela, les films gagnent en efficacité en plongeant le public dans l'action et en faisant l'économie des 1h30 parfois pénibles de présentation des différents intervevants.

LE CAS PARTICULIER DES REBOOTS

Le reboot est une pratique largement répandue dans l'univers des comics, ayant pour but de reprendre une histoire à son commencement. Elle s'est, depuis une dizaine d'années, répandue dans les adaptations au cinéma, chaque réalisateur souhaitant donner sa version du héros. Mais quel effet sur le spectateur ?

On ne va pas se mentir, les reboots passent relativement bien sur papier mais sont bien souvent frustrants au cinéma. Qu'est-ce qui pourrait bien motiver un spectateur lambda à payer sa place pour voir un film lui présentant un histoire qu'il connaît déjà ? Premier exemple : Spider-Man. Après la trilogie originelle la franchise a été relancée en reprenant les origines du héros. Le tisseur est désormais rentré dans les moeurs, tout le monde connaît son histoire alors quel intérêt ?

Pire encore, le Superman de Man Of Steel. Le héros au grand S est connu partout dans le monde, les premiers films en ont fait une icône de la pop culture exploitée en dessins animés, séries télé et autres adaptations sur écran. Tout le monde sait qu'il vient de Krypton, qu'il est allergique à la kryptonite, qu'il est amoureux de Loïs Lane, alors pour Zack Snyder a-t-il jugé utile de nous relater une nouvelle fois cette histoire usée jusqu'à la moële si ce n'est pour nous imposer sa VISION du héros ? Idem pour les Quatre Fantastiques, qui ont au moins le mérite de modifier les origines des personnages, mais qui n'ont pas réussi leur reboot tout simplement parce que ce n'était pas nécessaire.

Les exemples sont nombreux et ne peuvent aboutir qu'à instaurer de la lassitude chez le public. Marvel Studios semble avoir enfin compris la leçon en projettant Spider-Man dans l'univers des Avengers et en écartant la piste de l'xième version des origines du tisseur dans le futur film Homecoming. DC en a pris conscience également en ayant intégré Batman à l'univers de Man of Steel sans retour en arrière possible.

En conclusion, on peut dire que l'Origin Story, même si elle représente un point d'entrée idéal pour le néophyte, est bien souvent une source de débats, de frustrations et qu'à de rares exceptions près elle ne convainc pas grand monde. Homecoming chez Marvel et Justice League chez DC donnent l'impression que les studios sont bien décidés à corriger le tir. Dans le futur espérons juste que ces derniers feront enfin confiance à l'intelligence des spectateurs et cesseront d'aller à la facilité. Mais ça, c'est une autre histoire...

2 commentaires

  1. Sora
    Le 08 novembre 2016 à 18:16

    En effet, il y a quelques Origines Story qui relèvent du ras-le-bol (Batman/ Spider-Man/ Superman). Cela dit, c'est là qu'on peut s'en amuser, je trouve. J'ai beaucoup aimé ce qu'à fait DC avec BvS : inclure un résumé rapide et bien fichu des évènements importants de la vie de Bruce Wayne, jusqu'au combat entre Superman et Zod. Après, y'a des origines dont on se fout un peu... Wolverine, ce qui importe c'est à partir du moment où on lui a injecté l'adamantium. Et encore, c'est du vu et revu. Doctor Strange était excellent parce que peu connu. Et pour Deadpool, ils nous ont pas emmerdé avec ça, ce qui est très appréciable !

  2. Flo
    Le 09 novembre 2016 à 15:08

    Ils nous re-re-re-remontrent pourtant la mort des Wayne, in extenso, dans DoJ. Et ce n'était pas utile...

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