Le genre du RPG à connu de nombreuses ramifications depuis sa création et quand il s’agit de parler du Dungeon Crawler, une licence à su s’imposer comme une référence sur les consoles portables : Etrian Odyssey. Restant encore assez méconnue en dehors de l’archipel nippon, comment donc aborder la série des Etrian Odyssey ?
Si l’on prend son nom original un peu plus parlant, à savoir Sekaiju no Meikyû (世界樹の迷宮), que l’on peut traduire par « Le Labyrinthe d’Yggdrasil », Etrian Odyssey annonce la couleur rien qu'avec le nom : des labyrinthes maquillés sous la forme de donjons que votre équipe, dirigée en vue à la première personne, doit explorer. Rattaché au genre du Dungeon Crawler, Etrian Odyssey nous propose donc d’arpenter des donjons en quête de monstres et de trésors.
S’il est difficile de trouver une documentation complète sur comment est née la série, c’est à ATLUS que l’on doit la création et / ou l’édition de la licence. Pour ceux à qui le nom d'ATLUS ne dit rien, il s'agit de la maison mère de la série des Shin Megami Tensei ainsi que ses licences dérivées (Persona, notamment), également éditrice des jeux Vanillaware. À ce propos, Jack Frost, démon récurrent des Shin Megami Tensei, leur sert de mascotte. De toutes ces merveilles vidéoludiques, Etrian Odyssey est donc une autre licence rejoignant le catalogue de l’éditeur : des jeux dans le plus pur esprit RPG, avec un challenge et un contenu conséquent.
Le jeu est né de l’esprit de Kazuya Niinô, créateur de la série des Trauma Center, qui étaient les surgeon simulator très sérieux et parfois bien difficiles et ce depuis 2005. Après ce projet, l’idée derrière Etrian Odyssey était de proposer une aventure exigeante sur console portable, basée sur des jeux fondateurs tels que la série des Wizardry et Tales Of The Unknown : Volume I, The Bard’s Tale, paru en 1985 sur de nombreuses consoles et micro-ordinateurs. Créer à partir de zéro un dungeon crawler inspiré des « vieux » RPG et leur difficulté corsée en répondant aux contraintes techniques de la Nintendo DS est loin d’être une chose aisée.
Pour créer ce jeu, deux grands noms ont été invités : tout d’abord, sur l’aspect graphique, Yuji Himukai, qui sera plus tard illustrateur pour Vanillaware (sur le jeu Kumatanchi), mais dont le travail sera principalement reconnu sur les Etrian Odyssey. Ensuite, sur l’aspect sonore, Yuzo Koshiro. Autant dire qu’inviter le compositeur de la bande-son des Streets Of Rage, Actraiser, Shenmue ou 7th Dragon promettait déjà des sonorités de qualité, l’intéressé n’hésitant pas à mélanger les styles musicaux dans l’ensemble de son travail, que je vous invite d'ailleurs à écouter. C’est sur ces bases que le jeu fut conçu et le tout chapeauté par le studio Lancarse ou ATLUS eux-mêmes, qui ont tous deux travaillé de manière alternée sur les épisodes de la série. Et le 18 Janvier 2007, Etrian Odyssey est arrivé au Japon, en recevant un magnifique accueil critique.
La naissance d’une légende
Le succès du premier volet d’Etrian Odyssey ne provient pas seulement des grands noms qui ont travaillé dessus, mais surtout du jeu en lui même. Le soft nous mettait à la tête d’une guilde d’aventuriers personnalisable, fraîchement arrivée dans la cité d'Etria. On pouvait choisir notre propre nom de guilde, mais également nos personnages, disposant d’un éventail de classes différentes et de compétences liées. Bien sûr, ces classes répondent aux poncifs de l’Heroic Fantasy (Guerrier, Archer, Sorceleur..) avec une subtilité : les personnages, au maximum de 5 par groupe, doivent être répartis selon leur position, en avant du groupe ou en arrière. Il est suggéré de placer les Protecteurs (classe pouvant défendre le groupe au bouclier) et les Guerriers en première ligne et laisser les classes de support à l’arrière.
Une fois votre équipe créée, votre exploration peut enfin commencer. Une fois que la ville présente ses fonctions (auberge, magasins,…), le cauchemar peut commencer. Rassurez-vous, le jeu n’est pas injuste dès le début, mais potentiellement fourbe. Car si la charte graphique de l’ensemble du jeu est magnifique dans tous ses éléments, le premier donjon (appelé Stratum chez les habitués de la licence) paraît tout coloré et innocent avec ses couleurs verdoyantes et forestières, les ennemis le seront beaucoup moins.
Certes, les petits ennemis du début comme les taupes et les scarabées vous donneront quelques égratignures. Puis, après quelques gains d’expérience et quelques bleus, vous pourrez vous enfoncer un peu plus dans le donjon en explorant l’étage suivant. Et c’est ainsi que le jeu prend toute sa profondeur, avec des systèmes de résistance / faiblesse élémentale, des attaques pouvant attaquer un des deux rangs ou les deux à la fois (aussi bien vous que l’ennemi), des skills répartis dans un arbre de compétence très complet propre à chaque classe, une transition jour / nuit, et surtout les F.O.E.
Comme l’acronyme le laisse suggérer, les F.O.E ne sont pas là pour boire le thé, mais pour vous voir trépasser. D’un niveau bien plus élevé que les ennemis standard du donjon, vous devrez d’abord les éviter, sous peine de voir votre équipe mourir. Rajoutez à ça la possibilité de renforts ennemis en plein combat (y compris d’autres F.O.E) et une sauvegarde entièrement manuelle et Etrian Odyssey semble déjà moins accueillant qu’il n’y paraît. Et là, je n’ai pas encore traité des boss, ou, après une grosse raclée, rentrer en ville en urgence pour soigner son équipe contre quelques pièces d'or à des prix qui augmentent progressivement. Je suis là pour vous faire découvrir, pas pour vous en dégoûter. Quoique.
Et quitte à ne pas vous prendre par la main, l’écran tactile est pleinement mis à contribution pour dessiner la carte du donjon, et placer les points d’intérêt rencontrés. Utile pour tracer les rondes des F.O.E, les passages secrets et autres surprises qui viendront aider ou pimenter votre aventure. La difficulté, la charte graphique et sonore, ainsi que la rejouabilité du jeu avec les nombreuses classes proposées, ont permis à Etrian Odyssey d’obtenir une certaine popularité, qui touche un public d’initiés et plutôt aguerri, mais qui n’a pas refroidi ATLUS pour une suite, basée sur les mêmes mécaniques.
« Qui aime bien châtie bien » - Proverbe BDSM
Devant l’accueil critique d’Etrian Odyssey, ATLUS décide de donner une suite, nommée Etrian Odyssey II : Heroes Of Laagard. Basé sur les mêmes mécaniques de gameplay, ce nouvel épisode propose 12 classes qui sont soit des mises à jour des classes du premier volet, soit de nouvelles classes, avec l’introduction de la classe « Beast » (littéralement un animal sauvage se battant à nos côtés), le « Gunner » (utilisant des fusils à poudre et autres armes), et le War Magus. Quelques améliorations minimes ont été apportées au système de carte, mais la licence reste globalement sur ses bases, en proposant un nouvel univers, et de nouveaux personnages. Sorti le 21 Février 2008, Etrian Odyssey II ne fut pas édité en Europe, tout comme sa suite, Etrian Odyssey III.
Pour Etrian Odyssey III : The Drowned City, ATLUS part sur un thème plus maritime et propose désormais de la navigation maritime, marchant également avec un système de carte sur l’écran tactile. Les classes disponibles ont également bénéficié d’une remise à jour dans leur thème, avec l’introduction du Noble, Moine, Hoplite, Ninja, et du Corsaire. Sorti en Avril 2010 au Japon, Etrian Odyssey III n’a pas vu le jour en Europe.
C’est dès Etrian Odyssey IV que s’amorce la grande mise à jour de la série, notamment grâce à la Nintendo 3DS, qui permet une meilleure qualité sonore et l’utilisation de modèles 3D pour les ennemis. Ainsi, c’est en 2013 que sort Etrian Odyssey IV : Legends Of The Titan, le premier épisode à voir le jour sur 3DS. En reprenant la base de la série, Etrian Odyssey IV propose une mappemonde à explorer en plus des donjons, avec une mise à jour et l’ajout de classes provenant parfois de versions remaniées des épisodes précédents. Paru en Juillet 2012, il bénéficia également d’une sortie française en 2013.
Devant l’accueil très chaleureux d’Etrian Odyssey IV, et l’amélioration graphique proposée par ce nouveau hardware, ATLUS décide de faire un remake des deux premiers Etrian Odyssey. Etrian Odyssey Untold : The Millenium Girl et Etrian Odyssey Untold II : The Fafnir Knight, sortis respectivement en 2013 et 2015, proposent un mode classic proche de l’expérience d’époque et un mode story avec une trame narrative inédite, des personnages pré-tirés, des cinématiques et des dialogues doublés. Ces deux épisodes sont d’ailleurs agrémentés des améliorations visuelles fournies avec Etrian Odyssey IV, ainsi que la possibilité de passer de la bande son d’origine à la bande son remasterisée.
« Les châtaignes ? J'adore ça »
Après Etrian Odyssey IV et les deux remakes Untold, la série s’est offert des incursions en dehors du dungeon crawler habituel. Notons par exemple Persona Q : Shadow Of the Labyrinth qui réunit les personnages de Persona 3 et Persona 4 dans un dungeon crawler se jouant comme Etrian Odyssey, avec ses F.O.E, labyrinthes à map manuelle, un groupe de combat avec un rang avant et arrière, tout en ajoutant le système d’invocation des Persona et les mécanismes inhérents au spin-off de Shin Megami Tensei. Un jeu très coloré, mignon, qui mélange l’univers lycéen des RPG de Sony avec le chara design et la jouabilité du Dungeon Crawler. Ce jeu peut constituer, d'ailleurs, une bonne portée d'entrée au style de jeu d'Etrian Odyssey.
Dans un autre registre, Etrian Mystery Dungeon amène l’univers et les classes d’Etrian Odyssey (en faisant un best-of des classes, des musiques et du bestiaire des quatre épisodes) dans l’univers de Shiren the Wanderer (et des Donjon Mystère) en dirigeant une équipe de quatre membres dans des donjons générés aléatoirement. Le jeu mélange avec brio l’univers des deux licences, tout en gardant la difficulté des Etrian Odyssey avec un nouveau mécanisme de F.O.E et de forts qui se rajoutent à la formule de la licence de Spike Chunsoft.
Récemment, Etrian Odyssey vient de connaître un nouvel épisode chiffré inédit, appelé Etrian Odyssey V : End Of the Long Myth. Au programme des nouveautés, un système de races avec leur classes liées, des dialogues doublés fournis de base et de la personnalisation des sprites de nos personnages. Toujours avec des archétypes de classes remaniés pour ce nouveau monde, Etrian Odyssey V est disponible depuis Août 2016 au Japon et est actuellement en attente d’une sortie en dehors de ses frontières.
« Vous savez, la souffrance, c'est ma grande passion »
Avec un peu plus d’1 million de jeux de la licence vendus mondialement, comment expliquer le succès, certes de niche, de la série Etrian Odyssey ? Tout d’abord, le challenge. Le jeu n’est pas injuste, mais exigeant. Chaque classe possède son utilité, un arbre de compétence complet qui permet de nombreux builds de personnages, afin de varier les approches face aux boss. Et chaque stratum remanie complètement le bestiaire pour surprendre le joueur.
Ensuite, l’aspect visuel. Etrian Odyssey se veut un hommage aux jeux d’époque et aux jeux de rôle, mais ne tourne pas dans l’hommage fainéant. Le jeu est beau, coloré, adorable, et le chara design des personnages fait un peu chibi, mais est faussement adorable étant donné la difficulté du jeu.
Enfin, la durée de vie. Tout dépend bien sûr de votre rythme de jeu et de votre équipe, mais ne vous y trompez pas : Etrian Odyssey ne se finit pas en 30 heures. Il se finit en bien plus d'heures, le temps d'augmenter les caractéristiques de votre équipe et encore, si cette dernière tient la route. Choisir les bonnes classes est primordial, tout comme les skills, dont la remise à zéro de l'arbre de compétences vous coûtera des niveaux. Après, libre à vous de jouer une équipe avec deux Protecteurs (Tank et attire l'ennemi), ou une équipe de Bardes (octroient des bonus et malus). Le jeu vous interdit pas de faire une équipe délirante ou grosbill. Il vous attendra juste au tournant pour vous mettre une claque sur le museau.
Après, la saga n'a pas vraiment d'ordre chronologique, tout comme Shin Megami Tensei que j'affectionne particulièrement. Vous pouvez jouer au quatrième volet puis commencer un épisode plus vieux, les histoires ne sont pas liées. Quoi qu'il en soit, j'ai pas parlé des scénarios, que j'ai volontairement occultés pour l'article...mais ils vous réservent également de bonnes surprises.
Si vous cherchez un bon RPG, aussi addictif qu'exigeant, qui vous promet des séquences de farming ponctuées d'exploration, essayez les Etrian Odyssey. D'ailleurs, ATLUS solde ses jeux sur l'eShop, Untold et Etrian Odyssey IV sont proposés à 9,99€ l'unité. Sachant que les jeux en boîte d'ATLUS sont pas simples à trouver, je ne peux que vous conseiller de sauter dessus à ce prix : vous en aurez pour votre argent (et pour vos nerfs). Etrian Odyssey propose dans chacun de ses épisodes une expérience finement programmée dans ses moindres détails, et mérite amplement plus de visibilité malgré son genre peu tourné vers le grand public et son exclusivité aux consoles portables de Nintendo.
P.S : Petit bonus pour mon premier article ici, la F.O.E song. Créée par des fans d'Etrian Odyssey, elle résume bien la fourberie de ces ennemis coriaces.
Nedry
Le 01 décembre 2016 à 21:28Très bon article, ça me donne envie de m'y mettre. Maintenant reste à savoir par lequel commencer.