Oeuvre culte de la littérature fantasy jeunesse et contemporaine du Seigneur des Anneaux, Le monde de Narnia est une saga culte.
Le monde de Narnia est une œuvre en 7 tomes de Clive Staples Lewis, plus connu sous ses initiales C.S Lewis. La série est publiée entre 1950 et 1956 et devient rapidement un monument de la littérature fantasy jeunesse puisqu'elle est aujourd'hui traduite dans une quarantaine de langues et a dépassé les 100 millions d'exemplaires vendus dans le monde.
La saga a bénéficié dans les années 2000 d'un retour en force avec l'adaptation au cinéma de 3 tomes de la série et d'une logique réédition des romans. Tout comme Le Seigneur des Anneaux de J.R.R Tolkien, Le Monde de Narnia est devenu une œuvre fondatrice dans la littérature jeunesse et fantasy. Les deux auteurs étaient d'ailleurs amis et faisaient partie du même cercle d'auteurs à l'Université d'Oxford en Angleterre. C'est par ailleurs durant les séminaires du groupe qu'ils ont donné naissance à leurs univers respectifs.
Pour le confort de lecture, nous suivrons la version chronologique de l'histoire de Narnia et non pas celle de la parution originale.
Une mythologie formidable où les enfants sont héros
La particularité du Monde de Narnia est la mise en scène d'enfants et jeunes adolescents comme héros. Les adultes sont peu présents et quand ils le sont, ils jouent le rôle d'antagonistes comme la Sorcière Blanche dans Le lion, la sorcière blanche et l'armoire magique ou le Roi Miraz dans Le Prince Caspian. L'enfance est idéalisée comme une force pour combattre le mal, symbolisé par l'âge adulte. Lewis met en scène une vision assez manichéenne des affrontements qui interroge sur l'importance de préserver son âme d'enfant.
Le rapport à l'enfance est renforcé par la présente d'animaux et de créatures mythologiques avec lesquelles chacun des héros va forger une amitié indéfectible. C'est par exemple ce couple de castors que les enfants Pevensie rencontrent au début du Lion, la sorcière blanche et l'armoire magique et avec lesquels ils vont traverser de nombreuses épreuves pour rencontrer le mythique Aslan...
Les animaux sont d'ailleurs capables de parler la langue des humains, chose qui renforce l'importance de l'enfance dans l'histoire. Après tout, les animaux parlants sont empruntés à la jeunesse et à la faculté de l'enfant à comprendre le monde qui l'entoure et ses différences. Ce principe permet aussi au lecteur de s'attacher beaucoup plus aux personnages et de construire son imaginaire autour de créatures mystiques.
Les petits Pevensie, itinéraire de l'enfance à l'âge adulte
Héros de 3 tomes sur les 7 qui composent la saga et faisant une apparition dans Le cheval et son écuyer ainsi que dans La dernière bataille, les enfants Pevensie sont 4 : Peter, le grand frère, Susan, la fille aînée et Edmund et Lucy qui vont plonger dans le Monde de Narnia de manière plutôt cocasse. Alors qu'ils jouent ensemble à cache-cache dans la demeure de Monsieur Kirke, Lucy découvre une pièce avec une armoire. Elle s'y cache avant d'en découvrir le passage pour un monde fabuleux...
Le monde de Narnia est enneigé depuis plus de 100 ans à cause de la Sorcière Blanche qui a plongé le monde dans une spirale glacière sans fin. Elle mène une dictature sévère et tentera de tuer les enfants Pevensie qui sont au cœur d'une prophétie où ils devront délivrer Narnia de l'hiver éternel. Edmund se fait ensorceler par la Sorcière Blanche, menant Peter, Susan et Lucy dans une course contre la mort pour sauver leur frère.
Confronté à leurs peurs et à leurs échecs, la fratrie Pevensie en sort grandie et plus soudée que jamais. Lucy et Edmund devront d'ailleurs composer ensemble durant L'Odyssée du passeur d'aurore pour gérer leur cousin Eustache qui découvre, catastrophé, Narnia. Mais lui aussi en sort grandi de sa visite dans ce monde et y retourne, cette fois-ci en héros dans La Dernière bataille.
De la création d'un monde à son héritage
Narnia est un monde qui évolue tout au long de la saga. Le temps s'y écoule bien différemment que dans la vie réelle. Les enfants Pevensie en font les frais lors de leur retour à Narnia dans la trame du Le Prince Caspian. Leur monde est ravagé par un autre peuple qui a pris l'ascendant sur la féérie. Les créatures magiques se cachent, les animaux perdent progressivement la capacité de parler, comme cet ours qui attaque Lucy alors qu'elle essaie de lui parler.
Difficile de ne pas penser à la destruction que l'homme engendre par sa quête de pouvoir, sa volonté d'asseoir son autorité sur d'autres peuples, au détriment de leurs cultures et traditions. C.S Lewis brosse, à travers le Roi Miraz, roi des Telmarins, une image des hommes adultes cruels et sans pitié, écrasant toute créature leur faisant opposition. À l'inverse, Caspian, ce prince déchu, réussit, grâce à sa jeunesse, à reconquérir le cœur des Narniens. Il représente l'opposition totale avec le monde adulte froid et autoritaire envers la magie de Narnia en laquelle il croit, aidé par les Pevensie.
Aslan, figure de la création et de l'imaginaire
Personnage énigmatique de l'oeuvre, Aslan a la particularité d’être situé au centre de l'intrigue tout en jouant davantage un rôle de messager quasi divin que réellement un rôle d'importance dans le scénario. Si Aslan sert la cause de nos héros, il est aussi, comme le dit le faune Tumnus : « une bête non apprivoisée ». Aslan n'agit donc jamais directement, attendant souvent la fin pour intervenir, souvent avec des paroles pleines de sagesse.
Il n'est finalement la figure centrale que dans Le lion, la sorcière blanche et l'armoire magique, même si son identité reste un mystère pendant une partie du roman. Qui est Aslan ? À quoi ressemble-t-il ? Tous les Narniens se réfèrent à lui comme un être majestueux mais aussi mystérieux. Il faut dire, il a laissé, à plusieurs reprises, son monde sombrer : la Sorcière Blanche a plongé Narnia dans un hiver de 100 ans et les Telmarins se sont emparés des terres dès qu'ils en ont eu l'occasion. Point d'Aslan pour sauver son peuple.
Cette absence révèle aussi que le monde doit changer par et pour ses propres habitants et non pas par la présence divine d'un être. Aslan essaie, à sa manière, de se cantonner à son rôle de créateur, de ne pas enfreindre les règles d'un rôle qui le dépasserait. Il maintient cependant son existence chimérique dans l'esprit des Narniens qui l'ont connu, devenant un mythe pour les générations futures.
La controverse de l'influence chrétienne
Si la saga est devenue rapidement culte auprès du jeune public, C.S Lewis est confronté assez vite à des critiques de son œuvre. Converti sur le tard au Christianisme en 1931, l'influence de la religion sur l'univers et les personnages de Narnia est rapidement mise en cause. En premier lieu, la représentation très biblique d’Aslan, ce lion doré créateur de Narnia. Le personnage subit d'ailleurs une résurrection controversée après sa mise à mort violente par la Sorcière Blanche.
Aslan revêt d'un caractère divin, comme son lien indéfectible avec Lucy Pevensie. Lors du retour des enfants dans Le Prince Caspian, Lucy se sent guidée par le lion tout au long de l'aventure, au grand dam des autres qui n'ont visiblement pas ce même lien. Peter en souffrira d'ailleurs à plusieurs reprises, en proie à ses propres doutes et échecs. Ce lien, s'apparentant à une croyance, ne fait que renforcer la présence d'Aslan comme une sorte de Dieu tout puissant.
En second lieu, la prophétie autour des enfants Pevensie relève d'un caractère religieux. Les enfants sont appelés fils d'Adam et filles d'Eve, rappelant l'origine du monde selon la Bible. Enfin, le pardon est au centre de l'histoire avec la trahison d'Edmund et ses conséquences. Le personnage suit d'ailleurs une longue expiation qui trouve sa conclusion dans Le Prince Caspian où il domine ses peurs d'enfant pour devenir un adulte responsable. Edmund trouve même les réponses pour guider son frère aîné dans la tourmente d'une réponse d'Aslan...
Narnia, sexiste ? Le personnage de Susan
La seconde grande controverse autour de la saga est son sexisme envers le personnage de Susan. Des auteurs célèbres ont même critiqué assez férocement l'évolution du personnage tout au long de la saga. J.K Rowling et Philip Pullman relèvent le changement abrupt de Susan, perdue dans le monde de Narnia et où son existence est finalement réduite, à la fin de la saga, à celle d'une « fille superficielle, s'intéressant plus à ses maquillages, à ses vêtements ou à faire la fête ».
Cependant, on se rend compte que Susan est dès le début de l'histoire assez effrayée par le monde imaginaire de Narnia, émettant des doutes et des a priori sur l'univers qu'elle vient de découvrir. Elle est aussi celle qui le plus de recul face aux évènements et au monde qui l'entoure. C'est finalement elle qui souffre le plus de cet univers qui laisse place à l'imaginaire de l'enfance plutôt que la réalité d'un monde d'adulte.
Plus qu'un sexiste avéré, Susan est simplement la représentation de cette transition entre le monde de l'enfance baigné par l'imaginaire à celui des adultes. Si certains le voient comme une forme de sexisme ou de refus de grandir, que dire de Peter, le frère aîné qui retourne à Narnia à la fin ? Il fallait bien une exception qui confirme la règle à cet univers.
Le revival de la saga au cinéma
Le succès de Harry Potter et du Le Seigneur des Anneaux au cinéma au début des années 2000 pousse Disney à s'intéresser au Monde de Narnia pour en faire une adaptation. Andrew Adamson, à qui on doit le film d'animation Shrek, se retrouve à la réalisation. Disney choisi d'adapter Le Lion, la Sorcière Blanche et l'Armoire Magique comme premier d'une trilogie. Le film sort pour Noël 2005 et est un énorme succès. La magie est présente dès les premières minutes avec la bande sonore signée Harry Gregson-Williams, dont les musiques ont été entendues en 2015 sur le film Seul sur Mars.
Fort du succès de l'adaptation, le second film adaptant Le Prince Caspian sort en 2008. On y retrouve Ben Barnes dans le rôle de Caspian et Peter Dinklage dans le rôle du nain Trompillon. Le film est malheureusement un échec commercial pour Disney qui décide de ne pas rempiler pour un troisième opus. Andrew Adamson se tourne alors vers la 20th Century Fox qui accepte de produire le film.
L'Odyssée du passeur d'aurore sort en 2010 mais remporte beaucoup moins d'adhésion que le précédent film. Il permet cependant de découvrir Will Poulter dans le rôle d’Eustache, cousin des Pevensie. L'acteur a depuis fait du chemin puisqu’il a été à l'affiche en 2016 dans The Revenant avec Leonardo DiCaprio.
Une adaptation inachevée de l'univers
Depuis, la probabilité d'adapter les autres tomes de Narnia semble s'approcher du néant, contrairement à Harry Potter dont l'intégralité de la saga littéraire est sortie sur grand écran. Cependant, il est vrai que Le Monde de Narnia reste difficile à adapter avec des tomes où les histoires assez décousues ne se suivent pas totalement en dehors des tomes adaptés.
L'autre problème posé par les adaptations est que celles-ci mettent en scène des enfants qui grandissent peu entre chaque aventure. Le souci s'est particulièrement posé avec L'Odyssée du passeur d'aurore où les acteurs de Lucy et Edmund étaient déjà grands. Et sans Disney à la production et la Fox dont les ambitions sont ailleurs, la saga reste à l'heure actuelle inachevée au cinéma. Il y a cependant des bruits de couloir concernant l’adaptation du tome Le fauteuil d’argent. Aucun casting et date de sortie a été encore annoncés.
Une œuvre culte de la littérature enfantine
Le Monde de Narnia est devenu une œuvre culte de la littérature enfantine par son univers empreint de magie, de créatures parlantes et d'enfants sauveurs du monde. Elle symbolise l'enfance dans toute sa force et son innocence. C'est surtout une œuvre qui réussit à transcender la tradition du pèlerinage d'un héros vers une quête, mais d'un univers de sa création jusqu'à sa fin.
L'univers n'a cessé d'évoluer, on est triste de quitter les héros qu'on a rencontrés durant notre lecture, avec qui on a appris et grandi durant leurs aventures. Mais aussi, on se rend compte que l'univers aurait pu être encore plus gigantesque avec des thèmes et des continents non explorés. On aurait presque tendance à dire que C.S Lewis aurait pu aller bien plus loin dans l'exploration du monde qu'il a créé. D'autres diront qu'il faut bien une fin à l'histoire...
La fin d'ailleurs reste mitigée avec une interprétation très religieuse qui déstabilise autant qu'elle pose question sur l'aventure que l'on a vécue comme lecteur. Si C.S Lewis a toujours revendiqué l'influence du Christianisme, on comprend ses limites mêlées à un univers fantasy ouvert à tous les enfants du monde.
Le Monde de Narnia est une saga extraordinaire à découvrir. L'enfance est reine de ce monde et on en sort conquis de sa magie. Un hymne à l'enfance et aux rêves.
susan 4
Le 01 novembre 2017 à 19:10super le film