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BLAME!, une autre vision du manga

À l’occasion de la sortie sur Netflix du film d’animation BLAME!, retour sur une oeuvre proposant un univers envoûtant, mystérieux et original.

Avec BLAME!, il ne faut pas chercher d’explications. Tel son héros qui traverse son monde sans poser de questions, le lecteur comprend rapidement qu’il faut savourer le voyage sans espérer trop de révélations. En effet, Tsutomu Nihei est avant tout un dessinateur extrêmement talentueux. Ses planches ravissent le regard et semblent à l’étroit dans le format classique du manga. 

Souci du détail, cohérence malgré la relative absence d’explications, design des personnages très réussi, le style du mangaka a progressé au fil des années en conservant cet attrait si particulier. Tel une onomatopée, BLAME! se veut une explosion visuelle qui attaque le lecteur en plein visage. Dès lors, on s’en fout du scénario car ce qui compte, c’est l’idée de mise en scène qu’aura eue l’artiste pour la prochaine page.

Avènement d'une série atypique

Tout commence en 1995. Tsutomu Nihei publie cette année-là sa première oeuvre, un one-shot nommé BLAME!. L’artiste doit ensuite attendre 1998 pour que ce manga devienne une série régulière. De juin 1998 à septembre 2003, ce mangaka va officier dans le magazine Monthly Afternoon (L'Habitant de l'infini, Vinland Saga, Ah! My Goddess, Mushishi) de l’éditeur japonais Kodansha. Le titre fait au total 10 volumes reliés qui sont disponibles en France chez Glénat.

Nihei acquiert à cette occasion une belle réputation et lance sa carrière qui, vingt ans plus tard, est pour le moins respectable. Outre la multitude de one-shots liés à BLAME!, l’auteur propose une série courte, Biomega (6 tomes entre 2004 et 2009) et une série plus longue nommée Knights of Sidonia (terminée en 2015, avec quinze tome publiés toujours par Glénat).

Après des études d’architecture, dont l’influence se ressent sur chacune de ses pages, Nihei se plonge dès 1998 pendant six ans dans le voyage de Killy, son héros au charisme inexistant. Ce personnage résonne comme une volonté de ne pas s’impliquer dans le développement des habitants de ce monde. En effet, c’est le décor qui prime avant toute chose. Personne ne doit faire de l’ombre à ce qui reste l’attrait principal du titre et chaque rencontre, même si elle offre une bonne dose d’action, ne fait que ralentir le héros dans son exploration.

Plus qu'une histoire, une ambiance

Dans BLAME!, on suit les pérégrinations d’un homme (est-il humain d’ailleurs ?) armé d’un pistolet à la puissance démesurée. C’est la seule chose qui le protège de la cohorte de monstres qui habitent ce lieu non défini. Cyborgs, mutants, humains ou monstres, la situation est floue. On ne sait pas si c’est le futur, ni si c’est la Terre. On ne sait pas pourquoi l’endroit où se déroule l’histoire est dans cet état. On sait juste que la quête du héros implique un terminal et un individu particulier. Le reste, ce n’est que péripéties dans un décor magistral, une fresque digne des meilleures oeuvres de science-fiction.

Je me rends bien compte, en écrivant ces lignes, qu’aucun mot ne me semble digne de décrire la puissance artistique dégagée par les planches proposées par Nihei. BLAME! est une balade atypique, avec une fin déterminée, où l’objectif est d’accompagner Killy comme un passager sur le siège arrière d’une voiture. On profite des obstacles sur la route, on scrute chaque détail et se met à échafauder des théories farfelues. Si dans Biomega, dont on ne sait pas si l’univers est connecté à celui de BLAME!, les enjeux sont bien plus clairs, ici, tout est question de non-dits, de rencontres furtives, de relations incomplètes.

Nihei améliorera dans ses oeuvres suivantes ses scénarios, mais même moi, qui lis avant tout un manga pour son histoire, ne suis pas gêné par cette couche de mystère qui entoure cette oeuvre. On se satisfait des miettes laissées par l’auteur qui font office de scénario car on se prend à admirer et analyser les dessins comme un tableau de grand maître.

Une fois un tome refermé, on accuse le coup, groggy, puis on se plonge dans le suivant. Cette qualité visuelle pourrait être sublimée par une adaptation animée où la musique et la mise en scène donnerait du coffre à cet univers. Malheureusement, l’oeuvre n’a jusqu’à maintenant pas été bien traitée sur les écrans.

Des adaptations perfectibles ?

Avant le film Netflix diffusé ce mois-ci, il y a eu plusieurs tentatives d’adaptations. Je parle de tentatives car ces projets font plus penser à des pilotes ou à des incursions dans l’univers de BLAME! qu’à des adaptations complètes. Ainsi, en 2003, le studio Groupe TAC propose ce qu’on appelle Blame! : The Original Net Animation, une série courte de 6 épisodes de 6 minutes. Avec une animation traditionnelle en 2D, l’oeuvre joue à fond le côté cryptique, la musique barrée, des couleurs vives et des voix particulières.

En 2007, c’est le célèbre studio Production IG qui s’y colle avec 2 épisodes de 4 minutes chacun. Personnellement, je trouve le résultat raté avec une utilisation de la 3D (pas celle des lunettes) pour donner vie à cet univers. C’est à mon sens une faute de goût car je trouve que les japonais maîtrisent mal cette technologie, notamment pour la représentation des personnages. Cependant, BLAME! est avant tout une oeuvre née dans l’esprit d’un architecte, il y a donc une certaine logique à retrouver une certaine faiblesse pour cette partie de l'adaptation. Néanmoins, le projet suivant ne peut que me conforter dans le fait que la 3D ne doit pas être jugée “nécessaire car moderne”. Ainsi, du premier projet de film d’animation BLAME!, fort heureusement avorté, reste un trailer immonde.

En 2014, le studio Polygon Pictures (Transformers: Prime, Star Wars: The Clone Wars, Tron: Uprising, Ghost in the Shell 2: Innocence) diffuse dans le monde entier sur Netflix l’adaptation de Knights of Sidonia. La plateforme de streaming cherche à élargir son audience et fait la promotion active de cette oeuvre à l’international. Après ce succès, le studio va plus loin en s’emparant d’un manga culte et en le confiant à Hiroyuki Seshita (Aijin et Knights of Sidonia, le film Godzilla: Monster Planet sur Netflix). C’est une nouvelle chance pour BLAME! de rencontrer un public plus large, en espérant que ce ne soit pas la dernière avant de tomber dans l’oubli.

Je dois vous avouer que la du film BLAME! par Netflix me laisse sceptique. J’espère donc que le résultat final saura me convaincre et je ne peux que vous encourager à découvrir le manga.

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